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Terre des Éléments

Suyvel

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Tout ce qui a été posté par Suyvel

  1. Sayanel, le temps de récupération de 6h des hermésistes est un faux avantage... Si on croulait sous les ressources disponibles pour faire nos recettes, oui, ce serait conséquent comme atout. Mais c'est très loin d'être le cas! Prenons l'exemple de l'huile à métaux: on peut la faire toutes les 6 heures... mais il faut 48h pour avoir assez de PP pour récolter les ressources et faire la recette! Alors comme avantage, ça fait léger. :s Certaines des recettes d'outillage des hermésistes ont été conçues (je pense) pour rééquilibrer un peu les choses. Les hermésistes n'avançaient pas dans le jeu. Il faut dire que les potions sont peu rentables en XP. Clairement, l'outillage a été plus que bienvenu chez les hermésistes.
  2. * profite de ce que Tigrrr dessine Elfe pour le croquer à son tour * Et voilà! Un pitit dessin au crayon. De toute façon il n'y a qu'avec un crayon que j'arrive à dessiner... ^^
  3. Que s'est-il passé ? Mais que s'est-il passé ? Allongée au sol, estourbie, Suyvel luttait pour retrouver ses esprits. L'instant d'avant, elle était sur le point de mettre fin à ce combat, de façon brutale, d'ailleurs. La boule de feu allait engloutir la guerrière, et alors Elfe avait fait un grand geste dans le vide, comme une ultime bravade, la sphère de flammes avait contre toute attente violemment changé de cap, et puis... plus rien. Par tous les démons, que s'est-il passé ? Suyvel avait la sensation d'avoir pris un battant de porte en pleine tête et d'être partie à la renverse. Le problème était qu'elle n'avait rien vu venir. Et maintenant, tout ce qu'elle voyait, c'était une multitude de points lumineux qui dansaient devant ses yeux. Lorsqu'elle parvint enfin à les en chasser, ce fut pour découvrir Elfe qui se dressait devant elle, son arme dirigée vers le visage de la drow. Suyvel examina la situation avec circonspection. Ce n'était pas ce qui était censé arriver... Doux euphémisme. La situation était maintenant hors de contrôle et ses perspectives d'avenir, franchement compromises. Pour tout dire, son futur semblait désormais se résumer à cette masse d'armes qui emplissait son champ de vision. Ce fut alors qu'elle eut l'intuition de ce qui s'était produit. « Ton arme... C'est elle qui t'a sauvée ? » Elle se rappelait avoir vu la masse d'armes dessiner une faible lueur devant Elfe au moment de sa dernière attaque. L'indice était certes mince, mais pour une magicienne, il était révélateur du déploiement d'une puissance magique. Suyvel répondit elle-même à sa propre question. « Non... c'est la magie qui t'a sauvée. » La drow apprécia l'ironie de la situation. Elle avait voulu démontrer la supériorité du mage sur le guerrier et Elfe s'en était sortie en recourant à la magie. Double ironie : la guerrière qui en appelait à la magie et la magicienne qui était battue avec ses propres armes. Elfe mit fin à ces réflexions d'une courte phrase. « On en reste là ? » Suyvel fixa la main que la guerrière lui tendait. í€ vrai dire, la question ne se posait guère. Elle n'était pas en position de soutenir un nouvel assaut, surtout de cette force. Et Elfe avait volontairement écarté son arme de son visage, ce qui la détendit un peu. Aussi ne tarda-t-elle pas à se saisir de la main tendue, de façon vaguement hésitante, avec un sourire un peu penaud. Une fois sur ses pieds, elle constata avec contrariété l'étendue des dégâts sur sa tenue. Sur son côté gauche, ses vêtements étaient couverts de boue. L'inconvénient de tomber au sol dans les marais. Elle leva les yeux sur Elfe et s'aperçut que la guerrière, de ce point de vue, n'avait pas grand-chose à lui envier. Les geysers provoqués par la magicienne l'avaient mouchetée de saletés diverses des pieds à la tête. Et comme Elfe avait eu la mauvaise idée de se passer les mains sur le visage, elle y avait involontairement dessiné des sillons boueux, pareils à des peintures de guerre. Sauf qu'il y avait mieux à faire en la matière. Etrange tableau d'un artiste improbable. Les regards des deux femmes se croisèrent. Elfe souriait, manifestement à cause du spectacle qu'offrait la magicienne. En dépit de son agacement, Suyvel pouffa. Ce fut communicatif. Cinq secondes plus tard, elles riaient franchement toutes les deux. Un moment de camaraderie naissante et bruyante qui fut interrompu par un grand silence. Les geysers répandaient leur souffle de gaz délétères sur toute la clairière sans discontinuer, depuis que la magicienne les avait créés, ce qui générait un fort bruit de fond... et voilà que tous s'éteignaient en un instant. Elfe interrogea Suyvel du coin de l'œil. Celle-ci lui rendit un regard rempli d'incompréhension. Elle n'avait rien fait pour tarir les colonnes de gaz. Les geysers expulsèrent un violent nuage avant de se taire de nouveau. Puis ils reprirent leur activité, mais de façon irrégulière. Les geysers hoquetaient, toussaient. Suyvel eut soudainement l'intuition d'un danger. Elle saisit le bras d'Elfe pour l'entraîner vers l'issue de la clairière. « Venez ! Il ne faut pas rester ici ! » Un pressentiment avéré mais un peu tardif. Sous leurs pieds, le sol de la clairière s'affaissa d'un bon mètre, sans prévenir, créant une vaste dépression qui se mit à drainer l'eau des environs. Puis un gouffre circulaire s'ouvrit au centre de la cuvette. Un véritable vortex se forma autour, avalant l'eau et la boue... et aspirant les deux femmes qui essayaient de se dépêtrer de ce bourbier mouvant. Elles tentèrent bien de s'accrocher à ce qui leur tombait sous la main, mais même la végétation était déracinée, arrachée par la force d'aspiration centrale. Suyvel chercha à se saisir de son fouet pour accrocher quelque point d'ancrage plus lointain mais n'y parvint même pas. Bon gré, mal gré, elles durent suivre le mouvement général. Ce qui les amena fatalement jusqu'au tourbillon, qui les dévora, hurlantes de détresse, et les engloutit dans les entrailles puantes de la terre. Elles churent dans des ténèbres indéterminées.
  4. Pour Oscar, vois cela avec lui... il te plaît, le bellâtre? Remarque, je suis sûre que ça va coller entre vous ! Et Oscar est un grand séducteur qui s'ignore...
  5. Tapate, je t'ai envoyé une carte postale pour ton Annie-verre-sert. Ne sois pas trop pressée de la recevoir, je l'ai confiée à ton cousin Oscar Gros... ^^
  6. « Tu crois cela ? Vraiment ? » Suyvel fronça les sourcils. Cette teigne de guerrière n'avait pas l'air décidée à capituler. Ne pouvait-elle pas admettre l'évidence ? Fallait-elle donc que la magicienne la tue pour qu'elle reconnaisse sa défaite ? « Ce n'est pas ton petit tour de foire qui va avoir raison de moi, je te le garantis. » Les lèvres de Suyvel se pincèrent. Un tour de foire ? Ma boule de feu ? Quelle petite sotte ! La guerrière n'avait pas l'air de réaliser l'étendue des dégâts que pouvait occasionner un sortilège pareil. Et ses mots pour le moins désobligeants aiguillonnaient l'amour-propre de la magicienne. « Lance-la donc, ton étincelle ridicule ! » Là, c'était sûr : Elfe cherchait les mots qui blessaient. Suyvel commençait à envisager sérieusement de lui offrir la démonstration de la puissance de son "˜étincelle'. La leçon serait certainement édifiante, mais il lui en cuirait... c'était le cas de le dire ! En fait, il était peu probable qu'elle soit encore en vie pour en tirer quelque profit. L'ultime leçon, en somme : savoir tirer sa révérence en beauté, et partir tout feu tout flamme. Suyvel se départit d'un sourire mauvais. « Sinon c'est moi qui vais en finir avec toi ! » Et aussitôt, Elfe se précipita sur elle. Suyvel n'en revenait pas ! La guerrière avait quinze mètres à parcourir avant de l'atteindre. Qu'espérait-elle ? Que croyait-elle ? La prendre de court ? Que la drow resterait sans réaction ? Son sort était actif, elle n'avait plus qu'à lancer sa boule de feu, ce qu'elle pouvait faire en une demi-seconde. Et Elfe n'était même plus en position pour se défendre. C'était de l'inconscience. Pire : de la folie furieuse. En générant ce sort, Suyvel ne pensait pas devoir l'utiliser pour de bon. Mais le contrôle de la situation était en train de lui échapper. Et remontée comme elle l'était, Elfe serait maintenant sourde à tout appel à la raison. Que pouvait-elle faire ? Elle se retrouvait prisonnière de la situation. Une situation "“ ô ironie "“ qu'elle avait déclenchée elle-même. Il n'était plus temps de faire appel à un autre sort. Quant à la fuite, elle ne la mènerait nulle part. De toute manière, sa fierté se rebellait à cette idée. Une sœur de faction, altruiste et bienveillante, aurait pu penser à une autre alternative : opposer la non-violence à la charge de la guerrière, pour la ramener à de meilleurs sentiments et la dissuader. Quitte à la laisser la frapper. Quitte à en mourir s'il fallait en arriver là. Suyvel n'était pas de cette trempe. Elle n'était pas altruiste. Elle n'était pas bienveillante. Un environnement comme Menzoberranzan, d'où elle venait, ne donnait pas naissance à de tels individus. La drow était une survivante avant tout. Sans cela, elle ne serait plus là aujourd'hui. S'il fallait tuer pour survivre, elle en était capable. Et elle le faisait sans sourciller. De fait, se sentant instinctivement en danger, Suyvel agit par réflexe. Son bras se tendit sans qu'elle y pense réellement et son poignet se plia pour donner l'impulsion nécessaire à l'envol du projectile flamboyant. Telle une bête fauve, la boule de feu bondit à la rencontre de sa proie, dans un bruit qui évoquait un rugissement de joie.
  7. Joyeux anniversaire à notre co-régente! * envoie Gyu chercher une autre jarre de carottes-salades *
  8. Suyvel était confiante. Elfe ne parvenait toujours pas à l'approcher. Et elle faisait pleuvoir les attaques sur la guerrière. Des attaques certes faibles, mais qui ne risquaient pas d'épuiser ses réserves de mana. Elle pouvait continuer ainsi toute la nuit s'il le fallait. Elle savait que sa stratégie serait payante. Et puis elle perdit sa cible. Suyvel s'était éloignée en courant de la guerrière, comme après chacune de ses attaques, et lorsqu'elle se retourna, voilà qu'elle n'était plus là. Surprise, la magicienne hésita, fouillant la clairière du regard. En vain. Pas de trace d'Elfe. Pressentant que cela était anormal, Suyvel choisit de bouger, et fila se dissimuler derrière un autre geyser. Discrètement, elle jeta un coup d'œil alentour. Toujours rien. Elle n'a pas fui le combat, tout de même ? La drow réalisa qu'elle avait négligé cette possibilité. Elle en vint rapidement à penser que c'était peu probable. La clairière était assez vaste, Suyvel aurait eu le temps de voir Elfe s'éloigner, en dépit des geysers. Alors elle se cache ? L'elfe noire songea soudainement que la guerrière avait pu éprouver le besoin de souffler. Si ses forces commençaient à lui faire défaut, la situation devenait intéressante. Tactiquement, c'était une opportunité à exploiter, ou du moins devait-elle faire en sorte de ne pas lui laisser la possibilité de récupérer. Bien sûr, pour cela, il fallait qu'elle lui remette la main dessus, et rapidement. Suyvel réfléchit un instant à la meilleure façon de procéder, puis lança un sortilège d'un type entièrement différent de ceux dont elle avait déjà usé jusqu'alors. Puis elle avança prudemment, silencieusement, les sens en éveil, vérifiant et fouillant chaque angle de vue qui lui était occulté par les colonnes de gaz. Comme elle ne voyait pas sa proie, elle continua à progresser. Alors qu'elle passait entre deux geysers rapprochés, elle jeta un regard sur sa gauche... et entendit des bruits de pas rapides sur sa droite ! Elle pivota vivement pour faire face et vit la guerrière toute proche d'elle qui la chargeait. Embuscade ! La drow réalisa soudain qu'elle n'avait pas cru la guerrière capable de recourir à ce type de procédé. Et elle s'était mise dans une position délicate. Elle voulut incanter mais il était déjà trop tard. Son geste se transforma en tentative d'autoprotection lorsque la masse d'armes s'abattit sur elle. Et la traversa de part en part. La silhouette de Suyvel se brouilla, s'altéra, puis elle fut bientôt dissoute dans les ténèbres, laissant une guerrière médusée et sans adversaire. De fait, la drow ne s'était jamais tenue devant elle. Il s'était agi d'un leurre. Une tactique drow éprouvée s'il en était. Combinée à l'obscurité et à la gêne visuelle des geysers, la supercherie était presque indétectable. Quinze mètres plus loin, la drow souriait. Elle n'avait pas perdu une miette de la scène qui venait de se jouer. La représentation d'elle-même qu'elle avait créée par magie avait parfaitement accompli son travail. Bon, en déplaçant cette illusion en avant d'elle -même, Suyvel avait pensé pousser Elfe à bouger, la forcer à changer de cachette et donc à se dévoiler. Au lieu de cela, elle l'avait envoyée dans un piège inattendu. Peu importait. Le résultat était là : Elfe était à nouveau dans son champ de vision et, comble de bonheur, elle lui tournait le dos. í€ cette vue, les mots lui montèrent aux lèvres sans même qu'elle y pense réellement. Ceux d'une incantation offensive très différente des projectiles lumineux qu'elle avait utilisés durant ce combat. Le murmure de sa voix s'éleva dans l'air calme de la nuit. Douces sonorités appelant une grande violence. Derrière son esprit, sa voix intérieure exultait. « Cette fois, tu la tiens ! C'est le moment ! Déchaîne toute ta puissance ! » C'était précisément ce que Suyvel était en train de faire. Lorsque l'incantation prit fin, une boule de feu naquit au creux de sa paume. « Frappe-la ! Terrasse-la ! Tue-la ! » Suyvel leva la main. La sphère flamboyait, éclairant la scène d'une lueur dantesque. Elfe ne pouvait manquer de la voir mais il était trop tard. Bien trop tard. « Et sacrifie-la à Lloth ! La Reine Araignée appréciera que tu détruises une de celles qu'elle abhorre tant. C'est une magnifique occasion de rentrer à nouveau dans ses bonnes grâces. » Suyvel suspendit son geste. Rentrer dans ses bonnes grâces ? De cela, il n'avait jamais été question. La drow avait abandonné le culte de la Reine Araignée en même temps que ses semblables et sa cité. Et maintenant, c'était à Eolia qu'elle adressait ses prières. Elle ne l'avait jamais regretté. Et de toute manière elle n'avait pas l'intention de revenir en arrière. Emergeant de ses pensées, Suyvel croisa le regard d'Elfe qui s'était retournée. Lentement, elle abaissa la main. Les flammes s'y tordaient furieusement, comme frustrées que la magicienne leur refuse la proie promise. Les deux adversaires se toisèrent sans un mot. Finalement, ce fut la magicienne qui rompit ce silence tendu. « Si j'avais lancé cette boule de feu, tu serais morte. » Dans son esprit, elle entendit sa voix intérieure hurler de rage. Mais elle semblait s'éloigner, s'affaiblir. Suyvel put l'ignorer aisément. « Tu as perdu. » Un implacable verdict. Adressé aussi bien à Elfe qu'à celle qui avait guidé ses actes.
  9. Niveau 10! Voici les derniers élixirs amplificateurs et bien sûr les ciseaux diamantins. Testés et recommandés par tous les bons herboristes.
  10. Pas de chance, Odriistfen. C'est rageant. Bien vu, Salaha. Yazrain est bien Aqueux, je vois que tu veilles sur tes compatriotes. ^^ Comme j'ai fini le récit juste à temps, je n'ai pas eu le temps de vraiment me relire, il doit rester des coquilles... J'ai réalisé mon erreur en publiant le récit - c'est pour cela que les dialogues de Yazrain sont en bleu, comme ceux de Tapate - mais je n'ai pas vu "l'Aéride" qui traînait. Et comme le sujet est maintenant verrouillé, pas question de corriger quoi que ce soit. Pardon Yazrain. Et merci, Anthariel. Très contente si l'histoire t'a plu.
  11. Ouf, juste à temps... ^^ J'ai cru que je n'allais jamais finir ce récit. Vu la longueur, j'ai préféré le diviser en quatre messages distincts. Quelques remerciements au passage... ... à Gyu, qui m'a fait confiance les yeux fermés... ... à Yazrain, qui a bien voulu participer... (oui oui, on se voit plus tard, je n'oublie pas) ^^ ... et à Tapate, qui a bien voulu me laisser écrire le passage où elle apparaît. D'ailleurs, faire du Tapate sans Tapate, c'est pas simple... enfin, j'ai écrit sous son bienveillant contrôle quand même. Encore merci à notre bien aimée co-régente. Pour les suites possibles à ce récit dans le jeu, j'envisage deux pistes: - une animation possible: rebâtir le monolithe de transport. Les elfes s'en chargeraient (PNJ autour du portail) mais les orques viendraient les en empêcher. Les joueurs du côté des elfes auraient éventuellement à apporter des ressources nécessaires à la reconstruction, à soigner les elfes pour éviter les pertes (qui pourraient ralentir la reconstruction) et à écarter les orques. Les joueurs favorables aux orques devraient tuer les elfes et détruire le portail. - par la suite, un portail plus petit pourrait être bâti, qui donnerait donc accès à la base orque depuis la forêt. Il serait envisageable de donner une limitation à ce portail, du genre fournir un item pour le faire fonctionner, à chaque fois qu'on veut l'emprunter (un parchemin de sort, une ressource particulière, etc.) Pour rire un peu, quelques chiffres... Cette histoire comporte: - 11.200 mots - 54.000 caractères (espaces non compris) - 65.000 avec les espaces. Ca doit être pour ça que j'ai mal aux doigts. Voilà. En espérant que vous avez eu autant de plaisir à lire ce récit que j'en ai eu à l'écrire...
  12. Acte 3 "“ De l'art de vendre ses salades Une fois rendu à la lisière de la forêt, Beliondel fit demi-tour, laissant ses visiteurs prendre seuls le chemin du retour. Il les avait aimablement escortés plus loin que prévu initialement. Gyu et Suyvel prirent congé de lui et continuèrent vers Melrath Zorac. Le jeune magicien profita de ce qu'ils étaient enfin seuls pour demander à l'elfe noire : « Vous m'aviez demandé de vous accompagner juste pour vous servir de témoin de moralité auprès des elfes... ? » Suyvel le regarda avec malice. « Mais non, voyons. Enfin... disons que j'avais envisagé que tu puisses me rendre ce service. Mais si ça peut te rassurer, je dois pouvoir trouver d'autres raisons qui m'ont poussée à t'emmener... en cherchant bien. » Gyu prit un air vexé et ronchonna tout le reste du trajet. « Et où allons-nous, au juste ? - A la caserne. Nous devons retrouver les soldats qui ont pris le cristal du portail. Enfin, surtout le cristal, à vrai dire. Mais pour chercher des gardes, la caserne me semble un point de départ tout indiqué. » Ils y arrivèrent bientôt. Suyvel demanda à être reçue par un officier de la caserne. Il lui fut répondu que tous étaient très occupés, car une des co-régentes allait venir incessamment pour une inspection. « Une des régentes ? interrogea Suyvel. Laquelle ? Shorion ou Tapate ? - Dame Tapate, je vous prie, fit le soldat d'un air pincé. - Fort bien. Donc, pourriez-vous dire à Dame Tapate que Suyvel lui demande audience ? - Soit, ce sera fait. » Brusquement très songeuse, Suyvel finit par se tourner vers Gyu. « Dis-moi, tu voulais te rendre utile, je crois ? » Le regard de Gyu s'alluma. « Vous avez une mission à me confier... ? - Oui, et de la plus haute importance, je dirais. - A votre service, fit Gyu, rayonnant de bonheur. - J'aurais besoin d'une chose vitale... » Et elle lui expliqua de quoi elle avait besoin. Gyu en resta interdit. « Mais... que voulez-vous faire de cela... ? - Pas le temps de t'expliquer. Trouve-moi cela, d'accord ? - Ce n'est pas un travail digne d'un magicien, s'offusqua le jeune homme. - Et si je trouvais une punition digne d'un magicien pour te motiver... ? - Je suis déjà en route ! » De fait, Gyu s'éloignait en toute hâte. Les idées de punition, ce n'était pas ce qui manquait à Suyvel, Gyu le savait fort bien. Des idées que personne n'avait envie de connaître. Un garde finit par venir trouver Suyvel, et l'emmena dans la salle des officiers. Assise sur un vaste fauteuil dans le quel elle semblait un peu perdue, Tapate l'attendait. Le garde annonça la visiteuse de façon très cérémonieuse. « Suyvel Ayflesh, magicienne d'Aéris, reçoit audience auprès de notre régente ! » Tapate s'agita sur son siège et lui adressa des grands coucous de la main, tout en faisant signe à Suyvel d'approcher. « On m'a dit que z'avais pas le droit de descendre du fauteuil. Ze crois que les gardes veulent zouer à chat perché. Et ils m'ont dit que tu demandais aux danses. Moi, ze veux bien danser avec toi, mais ze dois te dire que z'y connais pas grand-chose... » Suyvel hésita un instant et se demanda si elle devait expliquer à Tapate le concept d'audience. Elle estima rapidement le temps et l'énergie nerveuse que cela lui prendrait, et choisit aussitôt une autre alternative. « Ce n'est pas grave, Tapate. Je ne suis pas douée non plus en danse. Et puis je voulais te demander autre chose. - Ah, ben z'aime autant, en fait... C'est quoi ? - Tu connais les elfes sylvains ? - Les zèles fossiles ? Ils sont vingt ? - Heu... si tu veux. Je parle des habitants de la forêt. Les oreilles pointues, fit-elle en tirant sur les siennes, dans un effort pour être comprise. - Oh voui, les Zoreilles ! Bien sûr. - Ils voudraient te demander une chose. - Un truc rigolo ? De faire le poirier ? Ze sais qu'ils z'aiment bien les arbres... - Heu... pourquoi pas ? Cela leur ferait peut-être plaisir, après tout... Mais ce qu'ils voudraient vraiment, c'est un cristal sélénite, qui leur appartient, et que des gardes de Melrath Zorac leur ont pris. - C'est un cristal ou c'est les mites ? Ils ne savent pas, les Zoreilles... ? » A ce point de la conversation, Suyvel ne savait plus trop non plus. Mais elle remarqua l'expression de l'officier qui se tenait près de Tapate, et sut que lui avait parfaitement compris de quoi il s'agissait. D'ailleurs, il se pencha vers la régente pour lui murmurer quelques paroles à l'oreille. « Thé-endort me dit que c'est du but-un-deux-guerre, mais ze vois pas ce que c'est, fit Tapate en se grattant l'antenne. - C'est comme un joli caillou gris-bleu, expliqua Suyvel. - Ils veulent des cailloux ? Ce n'est pas un problème, il y en a plein les chemins, par ici. - Oui mais ils ne veulent pas n'importe quel caillou : ils veulent le leur. - Mais comment on va retrouver le leur parmi tous les autres ? Ca va être trop long de tous les ramasser. - Sans doute... mais si vous demandiez au capitaine Theandor, je suis sûre qu'il aurait une idée précise de l'endroit où chercher. » L'officier s'offusqua de la remarque et partit dans un long monologue par lequel il justifiait que toute prise en temps de guerre était légitime. Dans le même temps, un garde vint apporter un message à Suyvel. Apparemment, servir sous les ordres de Tapate avait familiarisé Theandor avec le vocabulaire très particulier de la régente, car il parvint à s'en faire entendre. Tant et si bien que Tapate annonça à Suyvel : « Tu diras aux Zoreilles que ze suis désolée, mais mes gardes veulent garder. Heu... oui, ça c'est normal. Ils veulent aussi garder ce qu'ils ont trouvé. Le caillou. Mais si les Zoreilles en veulent d'autres, c'est d'accord. - Alors peut-être puis-je suggérer autre chose... un échange ? Mon disciple est dehors avec un cadeau des el... des Zoreilles. Pouvons-nous le faire entrer ? - Gyu est là ? Ben voui, pourquoi qu'il reste dehors ? La porte est fermée ? » Le jeune magicien fit péniblement son entrée, vacillant sous le poids d'une énorme jarre ventrue qu'il tenait à bout de bras, par les anses. Ahanant sous le fardeau, il vint le poser avec soulagement devant Suyvel. Celle-ci annonça : « Tapate, les Zoreilles t'offrent ce cadeau en espérant que tu veuilles bien leur rendre leur caillou. » La régente détailla la jarre d'un œil curieux. « C'est quoi donc ? » Suyvel fit signe à Gyu. Ce dernier ouvrit le couvercle qui scellait le récipient et renversa la jarre, qui répandit son contenu sur le sol. Des dizaines, peut-être des centaines, de carottes-salades. Un éclair bleu et gris fusa du grand fauteuil de cérémonie et vint s'écraser sur l'énorme tas de légumes, dans une multitude de projections de bave tous azimuts. Tapate émergea de l'amoncellement, une carotte-salade dans chaque main et au moins deux dans la bouche. « Ils chont chuper gentils, les Joreilles ! Je chuis d'accord ! - Mais, Dame Tapate... ! protesta Theandor, horrifié. Vous étiez d'accord pour que nous gardions le cristal... - Oui mais ch'était avant que je chache che qu'ils j-offraient. Avec toutes ches carottes-chalades, on va pouvoir nourrir la garnijon. Et cha vous changera de vos patates fadaches ! Ch'est bien mieux qu'un caillou. Cha che mange pas, che truc-là. Allez chercher plein de cailloux pour nos j-amis Joreilles. - Ce n'est pas nécessaire, je crois, fit Suyvel en souriant. Leur caillou leur suffira. - Ah bon ? Un cheul caillou ? Mais je voudrais garder toutes les carottes-salades, moi... Ch'ai beaucoup de gardes à nourrir. - Ce n'est pas un souci. Ils vous les offrent toutes. - Contre un cheul caillou ? Cha fait pas beaucoup... èche que les cailloux chont devenus rares, pour que les Joreilles m'en offrent autant de bonnes chojes ? - Non. Ils tiennent beaucoup à leur caillou, c'est tout. - Ah ben chi ch'est chentimental... Mais je crois que Thé-endort voudra pas le leur rendre. - Et moi je suis bien sûre qu'il le fera si vous lui en donnez l'ordre. - Lui donner un ordre ? Mais je chuis pas militaire, moi... - Tu es régente, Tapate. Le capitaine doit suivre tes ordres. Essaye pour voir. » Tapate dévisagea le soldat, puis risqua timidement : « Thé-endort... donne le caillou des Joreilles à Chuyvel. » La mort dans l'âme, le capitaine finit par obtempérer et posa dans la paume de la drow un gros cristal parfaitement sphérique, porteur d'une aura bleutée très pâle. D'une beauté surnaturelle. Suyvel sourit. Ce qu'elle appréciait chez les militaires humains, c'était leur sens de la discipline et de l'obéissance. Tapate, elle, était ravie de l'essai. Alors elle récidiva. « Thé-endort, mets-toi à quatre pattes ! Thé-endort, mets ton pantalon sur ta tête... » Suyvel regarda quelques instants Tapate poursuivre ses expériences, puis choisit d'y mettre fin. Non qu'elle eût pitié du capitaine "“ ou de qui ce fût d'ailleurs "“ mais elle avait encore à entretenir Tapate d'un sujet complexe : la préparation de l'assaut sur le camp orque. Ce fut laborieux. Et très long. Mais quand Tapate s'écria... « Alors z'organise un pique-nique avec tous les gardes dans le champ derrière le grand portail et après on zoue à chat avec les Norkis et s'ils perdent on les zette à l'eau ! » ... Suyvel considéra que son objectif était raisonnablement atteint. Alors qu'elle quittait la caserne, elle entendit Tapate qui disait à Theandor : « Tout de même, ça m'embête, cette histoire de pénurie de cailloux... Tu diras aux gardes de penser à en replanter. Faut que ça repousse. » * * * * * Suyvel procédait à une ultime vérification. Le cristal sélénite était en place, le monolithe semblait avoir recouvré sa fonctionnalité, les rituels préparatoires que les elfes sylvains lui avaient indiqués étaient achevés. Ne restait plus que l'ouverture du seuil de transport. Suyvel et Gyu étaient de retour dans la forêt d'Irliscia. A la faveur de la nuit, ils s'activaient tous deux autour du portail de transport, préparant sa réouverture. Dans le même temps, le disciple tentait encore de dissuader sa maîtresse, ou à tout le moins de la raisonner quelque peu. « Vous aventurer seule là-bas pour tuer ce Shin est une folie. Les orques sont trop nombreux. - Je ne vais pas tuer tous les orques... pas même un seul d'entre eux, si tout se déroule bien. Juste un humain, en fait. - Nous pourrions trouver quelqu'un du métier pour faire cette besogne à votre place... - Je ne connais pas assassin plus discret qu'un drow. Et puis c'est de moi que l'on exige cet acte. Pas d'un autre. - Nous pourrions au moins attendre que la régente arrive avec l'armée. Vous feriez votre tentative dès que les troupes seraient prêtes à franchir le portail et, en cas de coup dur, elles pourraient voler à votre secours... - Tu voudrais faire venir l'armée jusqu'ici sans alerter les orques ? Tu rêves. Autant leur hurler dessus avant que je tente d'entrer. Non, la meilleure chance que j'aie est d'y aller maintenant, seule et de nuit. » Devant la mine défaite de son élève, Suyvel se sentit obligée d'ajouter : « Gyu, je ne le fais pas par plaisir... J'adorerais que l'on me décharge de cette tâche. Simplement, je n'ai plus le choix. Un pacte est un pacte, et les elfes ont déjà rempli leur part. Si je le romps, je vais au-devant de gros ennuis, et je préfère l'éviter. » Un instant de silence. Puis Suyvel reprit : « Allons... il est temps d'entamer la dernière phase. Prépare-toi, tu vas m'aider à accomplir l'activation du portail. » Galvanisé par la perspective de participer à un rituel magique très ancien, Gyu sentit l'enthousiasme lui revenir. A son niveau actuel de puissance et de connaissances, il était exceptionnel pour un magicien d'être sollicité pour ce genre de cérémonie. Etre admis comme observateur était déjà un rare privilège. Encore une fois, être le disciple de la drow allait se révéler passionnant pour lui. Certes, son rôle se bornerait à fournir à Suyvel le surplus de mana dont elle aurait besoin pour accomplir le rituel en entier "“ malgré son expérience, elle n'était pas encore de force à mener seule l'incantation "“ mais il ne doutait pas qu'il découvrirait de nombreux aspects de la magie qui lui seraient profitables. Peut-être pas tout de suite mais plus tard, quand il aurait acquis plus de maîtrise. Suyvel entonna le premier chant ésotérique. C'était une des particularités du rituel elfique. Gyu reprit les paroles à l'unisson, plus pour lui-même que pour réellement participer. A l'approche du second chant, il prépara son sort de transfert de mana. Lorsque Suyvel lui fit signe, à l'approche du troisième chant, il était paré. Il harmonisa son aura avec celle de Suyvel comme elle le lui avait appris et commença la transfusion de mana. Il s'efforça de maintenir un flux constant vers la magicienne, sans présumer de ses forces et en évitant de tarir son aura. La fin du troisième chant approchait, l'instant critique était imminent. Gyu pouvait sentir la tension dans la voix de la drow alors qu'elle prononçait les ultimes formules. Rien ne s'était encore produit. Si le monolithe semblait fonctionnel, le portail n'était toujours pas ouvert et ne donnait aucun signe de devoir apparaître un jour. Suyvel, inlassablement, répétait la dernière phrase en boucle, mais Gyu savait que ceci ne pourrait pas durer encore bien longtemps. L'un comme l'autre arrivaient au bout de leurs réserves de mana. Si le rituel n'aboutissait pas très vite, ils devraient abandonner. Ce qui signifiait tout reprendre de zéro plus tard. Le seuil s'ouvrit. Aucun signe n'avait annoncé son ouverture. L'instant d'après, il rayonnait devant leurs yeux. Sous l'arche de pierre était apparue une déchirure dans l'espace. Un seuil faiblement lumineux. Suyvel tira d'une poche un morceau d'étoffe qu'elle se passa sur le front pour en chasser les gouttes de sueur qui s'y étaient formées sous l'effort intense de concentration. Puis elle fouilla son sac à la recherche de potions de mana pour reconstituer rapidement ses forces, et elle en tendit une à Gyu. Ironiquement, ils entrechoquèrent leurs fioles comme s'ils trinquaient à leur succès, un verre de bon vin à la main. Mais les vraies réjouissances seraient pour plus tard... Plus tard, voire jamais. Car la partie périlleuse du plan commençait seulement maintenant. Alors que Suyvel avançait lentement vers le seuil de téléportation, Gyu osa poser sa main sur son bras pour l'arrêter. « Je vous accompagne. » La drow toisa son disciple d'un air sévère "“ et cette fois, encore plus que d'habitude. « Que crois-tu accomplir en venant ? Tu nous feras repérer, peut-être tuer. Alors qu'ici, tu peux garder ce côté du portail. » Gyu réfléchit à toute allure. Il savait qu'il serait un poids mort pour une drow habituée à se fondre dans l'obscurité et à y opérer comme en plein jour. Mais... « Le seuil est certainement visible de l'autre côté. Les orques doivent patrouiller dans leur base. Lorsque l'un d'entre eux passera devant le monolithe, que se passera-t-il ? Il donnera l'alerte et vous serez en grand danger. De plus, ils refermeront le seuil, ou ils le feront sévèrement garder et vous serez coincée là-bas. Tandis que si je viens, je pourrai au moins neutraliser tout orque trop curieux qui s'approcherait du portail. » Suyvel se trouva à court d'arguments et se reprocha de n'avoir pas envisagé cette possibilité. Néanmoins, elle chercha encore une raison de refuser à Gyu le droit de l'accompagner. Bien que le jeune magicien lui ait déjà prouvé son courage et sa valeur face aux orques, elle répugnait à l'exposer inutilement. Elle se sentait responsable de lui et c'était nouveau pour elle. Elle ne savait trop comment gérer cela. « Ecoute, je "“ Elle s'interrompit soudainement, jetant des regards de droite et de gauche. Un grondement s'éleva. Une secousse ébranla le sol. Puis la terre se mit à trembler par saccades. C'était tout juste si Suyvel parvenait encore à tenir debout. Dans un fracas sourd, l'arche du portail se fissura, puis toute la structure s'effondra sur elle-même. Le seuil dimensionnel se déforma, clignota puis se referma. « Non ! » hurla la magicienne. Elle tomba à genoux devant le désastreux spectacle. Un rire gras parvint à leurs oreilles. Ils se retournèrent pour voir approcher une silhouette trapue et voûtée. Suyvel la reconnut immédiatement. « Alors ? ricana une voix inhumaine. On a conclu un pacte avec ses soi-disant ennemis héréditaires, hein ? Mais j'ai réveillé les esprits de la terre et ils ont détruit cette saleté de portail elfique. Vos petits complots ont pris fin en même temps ! Je savais bien qu'il fallait être fou pour vous faire confiance... » Devant eux, dans sa tenue rituelle de combat, se dressait le shaman Ylessor. « Je le savais ! Tout comme je sentais bien que nous nous retrouverions face à face, sans Shin pour écouter vos calembredaines et vous protéger de la colère des orques ! Vous voilà seule, maudite drow, et je "“ - Elle n'est pas seule, » objecta catégoriquement Gyu en se dressant de toute sa taille entre le shaman et Suyvel. Ylesssor grogna de contrariété d'être interrompu de la sorte et lança un projectile magique vers le jeune mage. Celui-ci activa aussitôt ses défenses magiques et le sortilège explosa en les percutant. Le souffle fut si violent que Gyu fut balayé et vola quelques mètres plus loin, inconscient... ou mort. « Je disais donc... vous voilà seule et entièrement à ma merci, perfide traîtresse, » grogna Ylessor d'un air satisfait. Suyvel se releva lentement. Son sang circulait plus vite dans ses veines alors que l'excitation du combat qui s'annonçait grandissait en elle. En temps normal, elle aurait déjà été en train d'élaborer quelque stratagème pour tromper l'ennemi et l'amener à la faute, pour mieux le terrasser. Mais une chose occupait son esprit à ce moment-là, et une seule : la vision du corps désarticulé de Gyu qui s'écrasait au sol. Dans un grondement de fureur, la drow incanta un sort offensif et frappa de toute la puissance dont elle était capable, décidée à anéantir celui qui avait osé s'en prendre à son disciple. Ylessor l'encaissa par l'entremise d'une barrière défensive. En fait, il ne fut pas touché. Ce fut le premier assaut d'un interminable combat. Les assauts tantôt brutaux, tantôt vicieux de la magicienne furent systématiquement mis en échec par l'efficacité des défenses du shaman. Les sortilèges dévastateurs mais lents de l'orque furent l'un après l'autre déjoués par la vivacité de la drow et sa science de l'illusion. Tant et si bien qu'il devint assez vite évident que le plus endurant des deux aurait un sérieux avantage, pour ne pas dire la victoire à portée de main. Et à ce jeu, l'un des deux était clairement supérieur à l'autre. Suyvel sentait ses ressources ne mana s'amenuiser et elle se doutait que son ennemi ne lui laisserait pas consommer tranquillement une potion régénérante. Ou alors il en profiterait pour faire de même et cela ne changerait rien à la donne. L'orque était indubitablement plus puissant, son aura plus vaste. Contre un tel adversaire, jouer l'usure revenait à courir à l'échec. Il fallait donc l'attaquer sur un autre terrain. Rassemblant ses dernières forces, la magicienne lança une sphère de ténèbres sur le shaman. Le temps qu'il lutte pour la désagréger, elle courut droit sur lui en tirant son katar. Puisque la magie ne suffisait pas, elle avait d'autres arguments à faire valoir ! Hélas, elle avait sous-estimé Ylessor. Celui-ci annula rapidement le sort incapacitant et frappa de nouveau, presque à bout portant, Suyvel qui ne put arriver à temps au contact. Le choc du sort offensif sur les défenses amoindries de la drow fut rude. Secouée, à bout de forces, elle tomba à genoux. Ylessor en profita pour lui saisir les cheveux et la déséquilibra. Alors que Suyvel tentait vainement de se dégager, il tira un sinistre poignard en os. « Rebom ! clama le shaman. Ombre Suprême ! Je t'offre en ce jour le sang de ton ennemie. Donne la victoire à mon peuple ! » Il leva son poignard en un dernier geste. L'ultime. Car il n'eut pas l'opportunité d'en faire un autre. BONNNK ! Le bruit d'un objet dur heurtant l'os d'un crâne. Ylessor émit un léger grognement et glissa lentement au sol, en s'affaissant sur lui-même. Derrière lui, le bourdon de mage fortement serré à deux mains, se tenait Gyu. « Je disais donc : elle n'est pas seule. » Suyvel leva les yeux sur son disciple. Bien que sa tenue fût partiellement déchirée, il semblait encore en bonne forme. A cette vision, elle se jeta sur lui et le serra dans ses bras. « Gyu ! Tu es en vie ! » Presque aussitôt, elle le lâcha et s'en écarta, quelque peu gênée par sa propre réaction. Elle avait toujours gardé une certaine distance avec le jeune homme. Elle estimait que ce genre d'effusion n'avait pas sa place dans une relation maître-élève. Elle finit quand même par lui dire : « Je savais bien que j'avais une bonne raison de t'emmener ! » Avec un petit sourire entendu. Pour autant, tout n'était pas pour le mieux. Ylessor avait ruiné ses plans pour l'invasion da la base orque en abattant le portail. Et elle se trouvait dans l'incapacité d'aller tuer Shin, désormais. La colère la prit. Et comme le responsable de cet état de choses se trouvait allongé devant elle, inconscient, l'exutoire était tout trouvé. Elle prit le temps de le désarmer, de bien l'entraver et de le bâillonner. Puis elle le réveilla et agita sa lame sous son nez. « Puisque tu n'aimes pas les drows, je vais te montrer comment mes semblables traitent ceux de ton espèce ! » Ce fut une longue mise à mort. Une vengeance sadique et cruelle. Suyvel n'hésita pas à prodiguer des sorts de soin au shaman pour le maintenir en vie plus longtemps. L'orque mit plus d'une heure à mourir. Et encore fut-ce parce qu'à la fin, Gyu supplia la drow d'en finir promptement. Epilogue Beliondel considérait en silence les ruines du monolithe. En retrait, Suyvel et Gyu attendaient anxieusement ses conclusions. Lorsque le guerrier se tourna vers eux, ils purent voir que la colère n'habitait pas ses yeux. Plutôt la tristesse de découvrir une relique ancestrale de son peuple, balayée par la dévastation orque. « Je transmettrai au haut Conseil ce qui s'est passé ici, magicienne. Mes hommes ont constaté la véracité de vos dires, ces évènements ne sont pas de votre fait. Bien que vous n'ayez pu tenir vos engagements, je doute que les conseillers vous en tiendront rigueur... Quant au monolithe... » Suyvel termina d'une voix hésitante : « Il n'y a plus rien à faire, n'est-ce pas... ? » Curieusement, Beliondel eut un pâle sourire. « Qui sait, magicienne, qui sait... »
  13. Acte 2 "“ L'ennemi erre et dit : terre ! Lorsque Suyvel sortit enfin du campement orque, la nuit était tombée. Sous les frondaisons, elle retrouva Gyu qui faisait fébrilement les cent pas. « Enfin vous voilà ! Où étiez-vous passée ? - Et depuis quand te dois-je des comptes, dis-moi ? » sourcilla Suyvel. Le jeune homme ainsi rabroué prit un air mortifié. Suyvel se rendit compte qu'il s'était sincèrement inquiété pour elle. Et elle n'en avait pas l'habitude. « Ca m'a pris du temps, mais j'ai ce que je voulais. Et tout s'est déroulé comme je l'avais prévu. Enfin... presque. » Elle partit d'un petit rire, presque nerveux, que Gyu ne lui avait jamais entendu. Pas plus qu'il ne l'avait vue lui confier quoi que ce soit de personnel. Sa maîtresse gardait toujours la distance avec son élève. Mais là, elle lui semblait moins fermée... « Bon, assez palabré ! Nous avons de la route devant nous. En avant. » ... ou peut-être que non. * * * * * Le soleil s'était levé sur la forêt d'Irliscia. Les oiseaux diurnes avaient fait leur retour et leur chœur retentissait d'arbre en arbre. Moins plaisant, celui d'un vol de corneilles se fit également entendre non loin. Suyvel et Gyu progressaient vers le ponant. « Et quelle sera notre prochaine étape ? questionna le jeune magicien. - Le cœur de la forêt, répondit Suyvel dans un sourire malicieux. - Vous voulez dire... ? Mais c'est le domaine des elfes sylvains ! Il est interdit à tous, une puissante barrière en bloque l'accès ! - Voyons, Gyu, je sais tout cela, fit Suyvel sur un ton de reproche. - Mais comment comptez-vous y entrer alors ? - Oh, pour cela, ça va être très simple... Tiens, regarde. » Suyvel stoppa le pas et croisa les bras. Puis elle clama dans le vide : « Je demande à être reçue par le haut conseil des elfes ! » Gyu, sidéré, la regarda sans comprendre, se demandant si elle perdait la raison. Il n'y avait qu'eux deux ici. Qu'espérait-elle donc... ? Suyvel ne bougea pas pour autant. Au bout de quelques instants, elle insista : « Montrez-vous et emmenez-moi auprès de vos chefs ! » Finalement, d'un peu partout autour d'eux, des silhouettes sortirent de la dense végétation. Ils y avaient été si bien dissimulés que Gyu n'avait rien remarqué. Il admira au passage la grâce discrète avec laquelle ils se déplaçaient sans un bruit. En revanche, les élégants arcs bandés l'inquiétaient. Des rôdeurs elfes ! Et ils étaient six à les menacer de leurs flèches ouvragées, à une distance courte mais prudente. Le septième, son arc à l'épaule, s'avança davantage et s'adressa à Suyvel. « Vous saviez que nous étions là ? - Depuis que je suis entrée sur votre domaine. - Avons-nous manqué de discrétion à ce point ? - Voyons, le sort de perception spatiale existe précisément pour ce genre de situation. Je suis magicienne, au cas où vous auriez la vue un peu basse. Ma-gi-cienne, vous comprenez le mot... ? » Surpris par l'attitude arrogante de l'elfe noire qui le provoquait alors qu'elle était sous la menace de six archers d'élite, le capitaine elfe hésita un instant, puis s'assombrit. « Que voulez-vous, elfe noire ? - Vous êtes un peu dur de la feuille aussi ? Ou bien lent de la comprenette ? Je-veux-voir-vos-chefs. Quel mot n'avez-vous pas compris là-dedans ? - Je ne vois aucune raison d'accéder à une telle demande, se renfrogna l'elfe. - Alors en voici une. » Et la magicienne décocha un solide uppercut au menton du capitaine. * * * * * Lorsque Suyvel reprit conscience, elle ne vit que les ténèbres. Puis elle réalisa qu'elle était entravée et qu'on lui avait placé un masque opaque sur le visage. « Gyu ? - Hmmf... Vous êtes là ? Je ne vois rien ! - Moi non plus. Ils ont dû nous mettre ces trucs pour qu'on ne puisse pas voir par où nous sommes passés... ce qui veut dire... que nous sommes "“ - Que vous êtes là où aucun de vos semblables n'a jamais mis les pieds, elfe noire. » Son masque lui fut enlevé et elle découvrit le visage altier d'un elfe sylvain. D'après l'extraordinaire armure dorée aux motifs sylvestres qui le recouvrait des pieds à la tête, il devait être un noble et un personnage important. Deux autres elfes "“ des gardes "“ la mirent sur ses pieds et l'entraînèrent hors de la demeure où elle se trouvait... haut perchée dans un arbre gigantesque. Gyu fut emmené à sa suite. Le petit groupe suivit un chemin fait de ponts jetés entre les branches énormes de l'arbre millénaire, jusqu'à arriver à une autre bâtisse. Ils y entrèrent et Suyvel et Gyu furent assis d'autorité sur des tabourets au milieu de la pièce. Autour d'eux, dans sept fauteuils avaient pris place autant d'elfes sylvains, aux âges et aux tenues très divers. Un seul siège restait vide. L'elfe qui les avait mené là annonça calmement : « Hauts conseillers de notre peuple, moi, Beliondel, protecteur de la forêt et responsable de la surveillance, viens présenter à votre sagesse éclairée cette elfe noire afin qu'elle soit jugée pour l'agression d'une de nos patrouilles. » Un ricanement fit écho à cette déclaration. Beliondel se retourna vers sa prisonnière. « Il suffit, elfe noire ! N'aggravez pas votre cas. - Ne vous est-il jamais venu à l'esprit, beau commandant, que si j'en avais voulu à la vie de vos hommes, il pouvait sembler étrange que vous ne deviez déplorer ni mort ni blessé ? » Comme Beliondel restait muet, ce fut l'un des hauts conseillers qui prit la parole. « Expliquez-vous, elfe noire. Je suis curieux d'entendre vos raisons. - C'est fort simple : l'agression n'avait d'autre but que de donner le change. D'autres yeux nous observaient et j'avais besoin qu'ils voient vos hommes m'emmener de force. D'où le pugilat. - Pourquoi ne pas leur avoir simplement demandé de vous arrêter, si c'était ce que vous souhaitiez ? - Ils n'étaient guère coopératifs. Et puis j'ai une confiance toute limitée dans leurs talents de comédiens. Après tout, ce ne sont que des mâles... » Le haut conseiller, qui appartenait à cette même catégorie, fut quelque peu surpris de l'arrogance de la prisonnière qui se permettait, dans une position si délicate, d'égratigner ses juges. Nul doute qu'il avait bien affaire à une représentante de leurs cousins des profondeurs du monde. * * * * * Ailleurs, un peu plus tôt. Le shaman Ylessor terminait son rapport au général Shin. « Maintenant que vous avez vue de vos yeux l'état des relations entre notre alliée et les elfes, croyez-vous encore qu'elle ne soit pas fiable ? - Mes corneilles l'ont vu se battre, rien de plus... - Ylessor, vous êtes obstiné ! Que vous aurait-il fallu de plus ? Qu'elle se fasse tuer ? - Ca n'aurait pas été une mauvaise chose... - Bien sûr que si ! le coupa Shin. Nos plans dépendent d'elle. - Justement, maintenant qu'elle est captive des elfes, le plan n'en est-il pas compromis ? - Je l'ignore... mais je ne crois pas. Elle avait prévu de prendre contact avec les elfes de toute façon. Le plan reste donc valable. Et je la crois pleine de ressources. Ces elfes n'imaginent pas à quel point elle est rusée... Ils vont le découvrir à leurs dépens. » Shin afficha un sourire sardonique. « De toute manière, là où elle doit se trouver maintenant, nous ne pouvons rien pour elle... pour l'heure. » * * * * * « Nous avons vérifié, dit le conseiller Galorfin. Les corneilles dont vous avez parlé étaient bien guidées par un esprit malfaisant, nos devins nous l'ont confirmé. En conséquence de quoi le Haut Conseil vous lave de tout soupçon d'agression sur nos hommes... - Soyez-en remerciés, fit Suyvel dans un effort de courtoisie. - ... et souhaite maintenant examiner l'accusation de complicité avec les orques qui pèse sur vous. » La magicienne soupira. « J'ai laissé vos hommes me voir entrer dans le camp ennemi. Cela ne vous suffit pas pour comprendre que ce genre d'accusation ne tient pas ? - C'est un peu court, jeune fille, fit le conseiller. Vous êtes ressortie vivante du camp de nos ennemis, et sans en être chassée. Qu'êtes-vous allée faire là-bas si ce n'est ourdir quelque sordide complot contre notre peuple, en vous liguant avec ses ennemis ? - Assurer la survie de votre peuple en trouvant le moyen de chasser ses ennemis de ses terres. » Une déclaration qui fit sensation dans les rangs du Conseil. « Une assertion bien inattendue de la part d'une elfe noire, fit un second conseiller. Pouvez-vous préciser votre pensée ? - J'ai découvert un monolithe de transport dans la forêt. Une ruine. Une relique de votre peuple. Et il en existe un second derrière les murailles des orques. Je l'ai vu de mes yeux. Et celui-là est encore fonctionnel. Si nous restaurions le premier, nous disposerions d'un moyen pour éviter les défenses orques et frapper au cœur de la base ennemie. » Lorsque les murmures s'éteignirent, un autre conseiller prit la parole. « Je m'appelle Elranduil, et vous-même ? - Suyvel. - Si vous nous expliquiez la raison d'une telle bienveillance envers le peuple sylvain ? - Ne vous méprenez pas sur mes intentions. Je n'essaie pas de vous sauver. Votre sort m'indiffère au plus haut point. » Surprise générale devant une déclaration aux accents de sincérité suicidaire. « J'essaie de détruire les orques. Je les exècre bien plus que vous. Et si je dois contribuer à votre sauvegarde pour les anéantir, alors, par Eolia, qu'il en soit ainsi ! » Un silence méditatif s'installa dans les rangs du Conseil. Finalement, un elfe à l'âge indéterminé reprit la parole. « Mon nom est Isorfilas. Ce que vous nous dites me paraît de la plus haute importance. Malheureusement, comment pourrais-je ajouter foi aux paroles d'une sorcière drow ? - Ex-sorcière, rectifia Suyvel. - Ah oui, d'après ce que nous avons entendu à votre sujet, vous auriez renoncé à la magie noire pour devenir une adepte de la magie blanche. Voilà qui est exceptionnel chez vos semblables... tellement exceptionnel que nous pourrions nous demander s'il ne s'agit là de quelque stratagème destiné à nous abuser. - Je pensais bien que vous auriez du mal à y croire, aussi ai-je pris la précaution de prévoir une preuve de mes dires. - Une preuve ? - Cet humain. » D'un signe de tête, Suyvel désignait Gyu. Les regards des Conseillers se tournèrent ensemble vers le jeune magicien qui avait jusqu'alors été parfaitement ignoré. Mal à l'aise de toute cette attention subite, ce dernier se tassa sur son siège. « En quoi cet humain pourrait-il prouver ce que vous avancez, elfe noire ? interrogea Isorfilas. - Cet humain est mon disciple en magie, expliqua Suyvel. Je lui enseigne mon art depuis des mois. Il pourra vous le confirmer. Si, comme vous le semblez le penser, ma maîtrise de la magie blanche n'est qu'une façade, vous devriez inévitablement trouver sur lui l'empreinte de ma magie noire... n'est-ce pas ? » C'était un principe reconnu parmi les mages. Les enseignants, qu'ils le voulussent ou non, imprimaient leur aura sur celle de leurs disciples et y laissaient une marque indélébile. Le Conseil réfléchit à la question, puis donna son assentiment. S'ensuivit pour Gyu ce qui deviendrait un souvenir moyennement agréable : une interminable séance d'examens d'ordre magique, sur son aura, sur son esprit et même sur son moi astral. Sentant bien que l'on ne lui demandait pas son avis, il se plia aux multiples exigences sans protester. Des heures plus tard, le Conseil reprit l'audition de Suyvel. « Fort bien, fit Galorfin. Nous déclarons l'humain magiquement intègre. Il est un authentique adepte de la magie blanche et ne porte nulle trace de corruption. Et comme il a confirmé avoir suivi vos enseignements, vous êtes donc vous-même une véritable magicienne. - Heureuse de vous l'entendre dire ! lâcha Suyvel, soulagée. - Pour autant, nous ne saurions considérer cela comme une preuve suffisante de votre bonne foi. Certains adeptes de la magie blanche sont tout aussi maléfiques que vos semblables... » Suyvel se tendit. Elle était arrivée à une impasse. Si, à ce stade, les elfes sylvains ne la croyaient toujours pas, les arguments allaient lui faire défaut. Et son avenir pouvait s'en trouver fortement compromis. Elle avait pris un gros risque en se livrant volontairement à eux, elle en avait été consciente depuis le début, mais pour la première fois, elle commençait à le regretter. « Peut-être puis-je apporter un éclairage différent sur la question qui vous occupe... ? » Suyvel ne connaissait pas cette voix. Un nouvel arrivant venait de faire son entrée dans la pièce. Après avoir salué les conseillers, il se tourna vers l'elfe noire. « Ulratbe de Sowerph, membre du Haut Conseil et représentant de mon peuple à l'Académie. » Et il prit place dans le septième et dernier fauteuil. « Je vous prie de pardonner ce retard. Malgré mes occupations actuelles, j'ai tenu à être là pour ce jugement, afin d'apporter au Conseil certains éléments en ma possession. - Vous avez la parole, Ulratbe, annonça courtoisement Galorfin. - Amis conseillers, mes frères, il se trouve que cette elfe noire m'est connue... en fait, depuis qu'elle a foulé le sol de l'Académie. J'ai été alarmé qu'une représentante de nos cousins déchus vienne fureter dans nos murs, et j'ai donc obtenu que soit mise en place une surveillance de tous les instants sur sa personne. Après des mois d'observations, je dois bien admettre que tous les rapports vont dans le même sens : elle s'est activement impliquée dans la défense de Melrath Zorac et la lutte contre les orques. Je n'ai connaissance d'aucune faille dans son engagement contre nos ennemis communs. » Silence. Ulratbe poursuivit : « Aussi suggérerai-je au Conseil d'écouter ce qu'elle a à dire et de jauger ses propositions sans parti pris, de la manière la plus objective possible. - C'est sans doute ce que nous aurions de mieux à faire, concéda Galorfin. Elfe n... je veux dire, Suyvel... Que souhaitez-vous de nous, au juste ? - Votre accord pour restaurer le monolithe de transport. Votre accord et votre aide, car la magie qui le faisait fonctionner m'est inconnue. En échange de quoi, je m'engage à mobiliser les défenseurs de Melrath Zorac pour qu'ils lancent un assaut massif sur les orques et qu'ils les rejettent à la mer. Votre domaine sera alors libéré de cette menace. - Une proposition qui mérite que l'on s'y attarde. Nous allons y songer. » * * * * * * Plus tard dans la journée. Le Conseil siégeait de nouveau. Galorfin reprit la parole. « Suyvel, nous avons délibéré, et notre verdict est, disons, partagé. L'intérêt de votre proposition est certes évident, mais il nous semble que vous, personnellement, y gagnez beaucoup au passage. -Que voulez-vous dire ? demanda Suyvel d'un ton qu'elle espérait innocent. - Pour mener à bien votre projet, vous avez besoin que nous vous dévoilions les rituels antiques nécessaires à l'activation du monolithe. Une forme de magie puissante dont vous tirerez un bénéfice certain dans la maîtrise de votre art. » Aïe, démasquée ! songea la magicienne. « Le chemin de la connaissance est long et difficile... Si votre peuple peut m'aider à y progresser, je lui en saurai gré. - Justement, magicienne, justement, appuya le conseiller. Si nous partageons ce savoir avec vous, jusqu'à quel point irait votre reconnaissance ? » Suyvel ne répondit pas tout de suite, s'attendant à une exigence extravagante. « A quoi songez-vous ? hasarda-t-elle prudemment. - Connaissez-vous celui qui a organisé la défense du camp orque ? - Je l'ai rencontré. Un humain. Un mercenaire du nom de Shin. - Un humain ? Voilà qui explique la science subite des orques pour les ouvrages défensifs. Quoi qu'il en soit, nous jugeons cet individu dangereux pour nos projets d'assaut. Avec lui à leur tête, les orques pourraient fort bien nous tenir en échec. Aussi demandons-nous un raid préventif avant que l'assaut ne soit donné. Dès que le portail sera rétabli, vous vous infiltrerez dans la base ennemie. - Et... ? demanda Suyvel, attendant la conclusion qu'elle sentait se profiler. - Vous en profiterez pour éliminer ce Shin avant le début des combats. » Suyvel s'affaissa sur elle-même. C'était risqué. Périlleux, même. Mais avait-elle le choix ? « D'accord. » D'un ton résigné. * * * * * * Au milieu d'un groupe de mages elfes, Galorfin et Ulratbe dirigeaient les débats sur la manière de réactiver le monolithe de transport. Suyvel écoutait poliment et prenait note mentalement de tout ce qui lui semblait être une information utile pour elle. Ce n'était pas tous les jours qu'une magicienne bénéficiait d'un droit de présence dans une assemblée de grands maîtres dans son art. Galorfin lui présenta les conclusions des débats. « La structure du monolithe est certes antique, mais elle est toujours en état. Nos ancêtres savaient bâtir pour longtemps. La formule d'ouverture du seuil de téléportation est en notre possession et nous vous la remettrons, bien entendu. En revanche, nous nous heurtons à un souci : la structure est incomplète. - Mutilée, plutôt, intervint Ulratbe. Lors du premier assaut des orques sur la forêt, un groupe de gardes humains est tombé sur le portail et en a dérobé un cristal sélénite qui y était enchâssé. Tant qu'il ne sera pas restitué et remis en place, le portail ne pourra pas être ouvert. - Il vous suffit d'en formuler la demande aux humains, ce sont vos alliés, observa Suyvel. - C'est ce que nous avons fait, répliqua Ulratbe. Aucune suite n'a été donnée à notre demande. En conséquence de quoi votre première tâche sera de recouvrir notre bien. Sans cela, rien ne pourra être accompli. » Super, vraiment super, songea amèrement Suyvel. On attendait d'elle un travail d'assassin, et maintenant de diplomate, pour ne pas dire de simple coursier. Ulratbe conclut : « Nous allons vous remettre le parchemin pour la formule de contrôle du portail. Puis Beliondel vous escortera jusqu'à la sortie de notre domaine. Vous aurez les yeux masqués, comme à l'aller, bien entendu. - Bien entendu. » Suyvel ne s'était pas attendue à ce que les elfes lui délivrent un droit d'accès à leur royaume. Elle allait sortir, à la suite de Beliondel, lorsqu'elle s'arrêta pour se retourner vers le conseiller. « Au fait, Ulratbe, vous avez bien dit que vous aviez maintenu sur moi une surveillance de tous les instants lors de mes passages à l'Académie ? - Effectivement, confirma l'elfe. - Alors... lorsque je me suis baignée dans la fontaine, c'était vous qui m'observiez depuis les buissons ? » Stupeur générale dans l'assistance. Suyvel passa un doigt joueur dans son décolleté. « Avez-vous apprécié le spectacle, Ulratbe ? » minauda-t-elle. Celui-ci n'était pas encore revenu de sa surprise que déjà les regards des autres elfes convergeaient sur lui. Tantôt interrogateurs et suspicieux, tantôt amusés et narquois. Les commentaires suivirent. « Vous nous aviez caché ces penchants coupables, Ulratbe... - Mais, mais, mais... mais non ! - ... il semble que la vie à l'Académie ait tendance à vous relâcher quelque peu... - Mais ça n'a rien à voir ! - ... j'avais entendu dire qu'Ulratbe s'intéressait aux humaines, mais aux drows, tout de même... - Mais vous n'allez pas la croire, quand même ?! - ... c'est bien vous qui nous disiez qu'elle était digne de confiance... - Oui, mais non ! - ... alors, Ulratbe, on s'encanaille ? - Mais non, voyons !!! » Abandonnant Ulratbe sous la pluie de quolibets, Suyvel quitta la salle. Elle souriait en coin. On prenait les revanches qu'on pouvait.
  14. Acte 1 "“ La muraille de Shin Trois jours plus tard. Suyvel et Gyu rôdaient à la lisière de la forêt, en vue des défenses orques mais sans se dévoiler. Aucun passage. Aucune faiblesse. Aucune entrée qu'ils puissent emprunter discrètement. Suyvel soupira. « Inutile de continuer notre surveillance, ça ne donnera rien. Je vais appliquer le plan B. Toi, tu restes là et tu m'attends sans bouger. » Gyu lui décocha un regard qui dénotait sa désapprobation et son inquiétude, mais ne se permit aucun commentaire. Il savait Suyvel susceptible quant à ce genre de choses. L'elfe noire, sans plus s'en préoccuper, s'avança lentement dans l'espace découvert entre la forêt et l'enceinte. Son approche était faite pour être remarquée et ce fut ce qui arriva sans traîner. Des cris retentirent en haut du rempart et des orques commencèrent à se rassembler, pointant du doigt la mince silhouette qui se rapprochait d'eux. Lorsqu'elle fut à portée de voix, la drow s'immobilisa et vociféra : « Je demande à rencontrer votre chef ! » Requête qui fut accueillie par un concert de glapissements railleurs. Suyvel sentit la moutarde lui monter au nez. D'un ton encore plus autoritaire, elle lança : « Faites-moi entrer et conduisez-moi auprès de votre général sans délai ! Ou il vous en cuira ! » Un orque, probablement le chef de ce petit groupe, ricana : « Tes menaces seraient plus crédibles si tu n'étais pas en bas de ce mur que tu ne pourras jamais franchir, petite humaine ! » Ah c'est comme ça ?! Suyvel referma ses doigts sur son orbe et entama une invocation spécialement préparée pour le cas où l'entrée lui serait refusée. Autour d'elle, les vents se mirent à souffler, puis à tourbillonner. Et un élémental d'air répondit à l'appel de la magicienne. Il était puissant, suffisamment pour que son souffle permette à Suyvel de décoller du sol et de filer comme une flèche vers le haut du rempart, où les rires s'étranglèrent. Elle se posa juste devant l'orque qui l'avait raillée. Celui-ci, revenant de sa surprise, voulut tirer une arme, mais la drow eut un geste vif et sec, et le sergent orque recula la main sur sa gorge tranchée. Dans la main de Suyvel luisait d'un éclat argenté et empourpré de sang la lame d'un katar. Un fantassin orque hurla : « Elfe noire !!! » Suyvel lança un regard assassin vers lui. « J'ai demandé à voir votre général. Et je m'impatiente. » Moment d'hésitation et de flottement dans les rangs. Suyvel comprit qu'elle venait de tuer le plus gradé des vingt orques présents, ce qui posait deux problèmes aux autres : le plus fort d'entre eux étant tombé, ils hésitaient à attaquer... et sans chef, ils ne savaient trop quoi faire. Suyvel vit la faille et l'exploita. « Ne m'obligez pas à me répéter ! » hurla-t-elle à pleins poumons. Une des orques partit en catastrophe vers un escalier qui menait vers le campement en contrebas. Lorsqu'il revint, ce fut avec des renforts et un capitaine. Celui-ci fit comprendre à Suyvel que sa requête était acceptée mais qu'elle serait mise à mort au premier geste suspect. Ce fut donc au milieu d'un cercle de lances pointées sur elle que la magicienne arriva devant une haute et vaste tente de commandement. Son escorte resta à l'extérieur pendant que le capitaine orque la faisait entrer. Elle se retrouva nez à nez avec une assemblée d'orques au regard inquisiteur, et une brute gigantesque sortit des rangs. Un orque de plus de deux mètres, qui devait bien peser ses deux quintaux. Il grogna à son intention : « Toi vouloir me parler ? » Suyvel le considéra quelques instants, puis secoua négativement la tête. « Non. J'ai demandé à parler au général de ce camp. - Moi être chef ici, gronda le colosse à la peau verte. - Alors je ne suis pas à la bonne tente. Tu ne peux pas être celui que je veux voir. - Moi Skulg ! Moi grand champion orque !!! - C'est bien, j'en suis contente pour toi. Mais maintenant, écarte-toi. - Moi écraser toi, moustique ! » Et joignant le geste à la parole, il leva une masse d'armes qui tenait plus du tronc d'arbre qu'autre chose. Réagissant immédiatement, Suyvel murmura une brève incantation et l'orque, trop lent, lâcha l'arme gargantuesque avant d'avoir pu frapper. Un sortilège de désarmement. Etonné d'avoir perdu son gourdin, l'orque hésita puis hurla de rage en balançant un poing gros comme une pastèque vers la frêle silhouette de l'elfe noire... qui lui jeta le contenu d'une fiole au visage. Skulg éternua, interrompant son attaque, puis sembla réfléchir... et s'écroula. Bientôt, il se mit à ronfler. Suyvel gronda : « Assez joué ! Qui est le chef, ici ? » Un rire s'éleva des rangs des orques. Une voix posée lui répondit : « Bravo. Joli stratagème. Ce pauvre Skulg est juste endormi, n'est-ce pas ? Merci de l'avoir épargné. Il m'est utile. » Le propriétaire de la voix se montra et vint d'un pas nonchalant s'asseoir dans le fauteuil au centre de la tente. Comme Suyvel l'avait compris au son de sa voix, il ne s'agissait pas d'un orque, mais d'un humain. Celui-ci s'installa fort commodément et croisa les doigts, les mains sur le ventre. Ses yeux trouvèrent ceux de Suyvel et ils se jaugèrent un instant. Le regard de l'homme, sa décontraction et son assurance envoyaient un message clair. Je ne te crains pas. Un instant de silence. L'homme sourit d'un air entendu. « Vous n'avez pas l'air surprise. Vous saviez que le général du camp n'était pas un orque ? - Comment pouvait-il en être autrement ? Les orques n'ont aucun talent en matière de construction et n'entendent rien aux tactiques défensives. Celui qui commande ici ne pouvait donc pas être un orque. - Correctement raisonné. Rebom m'a confié la construction de cet avant-poste précisément pour la raison que vous évoquiez. Et c'est également moi qui en ai le commandement. - Qui êtes-vous ? - Qui le demande ? sourit l'humain. - Suyvel, sorcière de la Maison Ayflesh de Menzoberranzan. - Enchanté. Je suis le général Shin, mercenaire et envoyé spécial du Seigneur Rebom. Maintenant que les présentations sont faites, me direz-vous la raison de cette visite inattendue ? - Je viens vous faire une offre. - Je ne vois pas ce que vous auriez à m'offrir que je ne puisse obtenir par moi-même, sourit Shin. - La victoire sur un plateau, cela ne vous tente pas ? » fit Suyvel d'un ton suave. Shin parut réfléchir un instant. « Intéressant. Continuez, je vous prie. - Je vous offre un moyen sûr de vaincre tous vos ennemis. Un moyen de les attaquer par surprise et à revers. - Je suis tout ouïe. De quel moyen s'agit-il ? - D'un portail de téléportation. J'en ai repéré un au beau milieu de la forêt, près des demeures des elfes. Vos armées pourraient s'en servir pour surgir et frapper au cœur. Avec les informations que j'ai accumulées à ce sujet, je peux le faire fonctionner à votre profit. - Passionnant. Mais que demanderiez-vous en contrepartie ? Car je doute que tout ceci soit gratuit, n'est-ce pas ? - Evidemment ! Mais je suis sûre que le Seigneur Rebom saura trouver une juste récompense pour une sorcière si utile à ses projets. Après tout, n'est-il pas le sorcier le plus puissant de ces terres ? Quelque artefact de valeur, des connaissances interdites... je laisse cela à son appréciation. Et ce qui vous concerne, voici ce que je demande : la liberté d'accès au portail qui se trouve dans votre campement, pour pouvoir l'étudier et l'activer. Car il y en a un ici, n'est-ce pas ? » Shin eut un regard pour l'un des orques de l'assemblée, manifestement un shaman. Un regard qui en disait long. Suyvel sut qu'elle avait vu juste à propos de l'emplacement du portail. Mais sa demande déplut au shaman. Celui-ci hurla : « Elle veut s'approprier la porte des esprits et le savoir qu'elle recèle ! Elle ne doit pas être autorisée à en approcher. On ne peut pas faire confiance à une drow ! - Qui a parlé de lui faire confiance, Ylessor ? interrogea Shin en sourcillant. - Alors qu'on la chasse ! Argunt, occupe-toi de Skulg ! » conclut le shaman. Suyvel remarqua alors un autre orque, vêtu d'une robe à capuche, qui se sépara da l'assemblée pour se diriger vers le corps inanimé de Skulg. Il déboucha une potion qu'il fit ingurgiter au dormeur et au bout de quelques instants, celui-ci s'éveilla en sursaut. Il darda un regard furieux autour de lui et, lorsqu'il vit l'elfe noire, il chargea en grondant comme un ours enragé. Suyvel eut le temps de prononcer une formule magique avant que la brute ne parvienne jusqu'à elle... mais rien ne se produisit. Comme si la magie ne lui répondait plus. Suyvel en fut désarçonnée, au point qu'elle réagit tardivement à l'approche de Skulg. Elle voulut l'éviter mais n'y parvint pas complètement et fut projetée au sol. Lorsqu'elle tenta de se relever, le colosse vert lui planta sa botte dans le dos. Suyvel eut l'impression que le monde lui tombait dessus. Elle récita rapidement une autre incantation mais en pure perte. Quelque chose bloquait sa maîtrise du flux magique. Skulg, tout en lui broyant méthodiquement l'échine, exultait. « Alors ? Maintenant plus magie, qui être plus fort, hein ? Toi implorer Skulg laisser toi en vie ? » Suyvel remarqua soudainement que l'orque encapuchonné bougeait les lèvres en permanence. Sans aucun doute avait-il lancé un sortilège et s'employait-il à le maintenir ! La magicienne parvint à glisser une main dans une poche et à en tirer une courte sarbacane, qu'elle pointa vers Argunt avant de souffler dedans brièvement. Le projectile atteignit l'orque à la gorge. Il y porta la main, interrompant sa litanie, puis pâlit et tourna de l'œil avant de s'écrouler comme une masse. Suyvel sentit que la magie refluait vers elle. En se tortillant un peu, elle put poser une main sur la jambe qui la clouait au sol. Skulg n'avait rien compris à ce qui venait de se passer. Il leva un sourcil. « Quoi toi faire... ? » Profitant de cette absence de réaction, Suyvel formula un autre sort : poigne de foudre. Il ne faisait guère de dégâts mais tétanisait les muscles. Skulg s'abattit comme un chêne balayé par l'ouragan, le corps secoué de spasmes. La drow était libre de ses mouvements, mais ne se faisait pas d'illusions : les autres orques présents allaient réagir, et alors... elle ne donnerait pas cher de sa peau sombre. A cet instant, quelques applaudissements polis retentirent dans le silence qui venait de tomber. « Bravo. » C'était le général Shin qui manifestait son plaisir. Le spectacle était manifestement à son goût. « Deux à zéro entre votre faveur, ma chère. Ce pauvre Skulg va avoir du mal à s'en relever. Enfin, moins qu'Argunt, je dirais... - Il ne m'a guère laissé le choix des moyens, gronda l'elfe noire. - Oh, je ne vous reproche rien. Vous vous êtes défendue au mieux, quoi de plus normal... - Général Shin ! protesta le shaman Ylessor. Elle vient de tuer Argunt ! - S'il ne voulait pas mourir, il n'avait qu'à éviter d'ouvrir les hostilités. - Il faut l'abattre ! - J'ai d'autres projets plus intéressants en tête, mon cher Ylessor. Des projets impliquant notre invitée et un certain portail que "“ - Vous n'allez pas lui donner accès au portail, en plus ?! fit le shaman horrifié. - Voyons, Ylessor, admettez la réalité des choses... Vous avez pu disposer de ce portail à votre guise pendant des mois et vous n'avez obtenu aucun résultat. Nous n'avons pas progressé d'un pouce et le Seigneur Rebom risque de s'impatienter. Je trouve que l'offre de cette damoiselle tombe à point nommé pour nous. » Ylessor parut vexé mais s'abstint de répliquer, tout en prenant un air renfrogné. A ce moment, un orque entra dans la tente et vint marmonner quelques phrases à l'oreille de Shin. Celui-ci hocha lentement la tête, remercia le messager et le congédia. Puis il en revint à son invitée. « Enfin, cette offre sera la bienvenue, si vous m'avez dit la vérité, bien entendu. Je viens de recevoir un rapport à votre propos. Il semblerait que vous vous soyez rangée du côté des défenseurs de Melrath Zorac et que vous ayez fait du dégât dans nos rangs lors de nos premiers assauts sur la forêt. » Suyvel afficha un sourire venimeux. « Evidemment. Pour mener à bien mes projets, j'avais besoin que les défenseurs me fassent confiance. Ce résultat valait bien le sacrifice de quelques orques sans importance, n'est-ce pas ? - Peut-être bien... mais on me dit également que vous êtes magicienne, non sorcière. M'auriez-vous menti sur ce point ? » Suyvel éclata de rire devant l'assistance médusée. « Une imposture, général, une pure imposture ! Encore une fois pour duper les humains et surtout les elfes de la forêt que je vais devoir tromper pour mener mes projets à bien. Mon apparente conversion à la magie blanche n'est que poudre aux yeux. Mais je n'aurais pas cru pouvoir ainsi abuser l'envoyé spécial du Seigneur Rebom. Comment avez-vous pu imaginer un instant qu'une drow irait s'allier aux elfes sylvains ? Comment ? Pour moi, la plus belle récompense sera de voir les orques massacrer jusqu'au dernier des ces bâtards dégénérés ! » Shin prit le temps d'analyser ce qu'il venait d'entendre. « Donc vous maintenez être une sorcière ? - Bien évidemment ! Une drow ne jure que par la puissance de la magie noire. Le reste n'est que fadaises et futilités. - Dans ce cas, voudriez-vous me prouver votre imposture ? Cela fait, je saurai que je puis avoir confiance en vous. - Et de quelle manière ? - Oh, de la plus simple des façons : dévoilez-nous votre aura de sorcière. Ylessor, ici présent, saura apprécier la véritable nature de votre magie. - S'il vous faut une preuve... soit. » Si Suyvel avait été une adepte de la magie noire il y a des décennies, elle était aujourd'hui magicienne. Elle était certes encore capable de produire une aura de magie noire, mais très limitée. Si elle se dévoilait sous ce jour, Ylessor verrait certes en elle une sorcière, mais ridiculement faible. Or les orques ne respectaient que la force et la puissance. Autant les inviter à la tuer tout de suite. Néanmoins, elle avait envisagé la possibilité d'une telle demande, et s'y était donc préparée. Elle saisit son orbe dans sa main gauche et le leva. Sa main droite vint enserrer son poignet, comme pour soutenir son bras gauche, mais c'était uniquement pour toucher le bracelet qui s'y trouvait. Elle fit semblant d'incanter en elfique noir pour prononcer un appel : « Yazrain, laffiliaí« delia ano'val isdere ! » (1) Tout en déployant son aura de sorcière, elle se concentra sur son orbe. Le nécromant et elle-même s'étaient livrés à un rituel délicat qui leur permettait d'accorder leurs orbes respectifs. Ainsi, à travers un sort de transmission d'aura, Yazrain était-il censé pouvoir lui insuffler ses propres réserves de mana. Toutefois, si transférer son aura à une personne proche de soi était aisé, transmettre le mana à une personne se trouvant à bien des lieues de vous était infiniment plus délicat. Et Suyvel avait beau se concentrer de tout son être, elle ne sentait aucun flux s'établir entre le nécromant et elle. Et elle sentait les orques qui commençaient à s'impatienter. « Yazrain, isdere yol nayaí«l ! » (2) Soudainement, le contact magique s'établit et l'aura ample et sombre du nécromant s'écoula librement de l'orbe, drapant l'elfe noire d'un profond manteau de nuit, qui étendit bientôt son ombre sur tout l'espace de la tente, si grande soit-elle. Suyvel sourit. L'aura de Yazrain était impressionnante, elle lui accordait cela. Il était bien plus expérimenté qu'elle dans l'art de la magie. Ce n'était pas par hasard qu'elle s'était tournée vers lui pour accomplir ceci. Shin interrogea Ylessor du regard. Celui-ci, de mauvaise grâce, finit par déclarer : « C'est bien une aura de magie noire. » Ce qui sembla satisfaire Shin. Se levant de son siège, il se dirigea vers la sortie de la tente. « Parfait ! Ceci étant clarifié, accompagnez-moi donc jusqu'au portail. Nous en profiterons pour deviser utilement. Vous m'exposerez votre projet dans le détail et nous tirerons nos plans. » Il souriait largement. « L'avenir nous appartient, ma chère. Et je crois que vous apprécierez ce que je vais vous montrer. » Et effectivement, elle ne fut pas déçue. ________________________________________ (1) Yazrain, transmets-moi ton aura maintenant! (2) Yazrain, maintenant ou jamais !
  15. Petites trahisons entre amis Prologue Suyvel rentrait d'une sortie d'exploration de la forêt d'Irliscia. Et elle revenait bredouille. Ce qui pouvait signifier deux choses : ou bien ce qu'elle cherchait n'existait pas, ou avait été détruit, ou bien... il se trouvait dans une zone à laquelle elle n'avait pas encore accès. Dans ce dernier cas, deux pistes s'offraient à elle : le cœur de la forêt antique, gardé par les elfes sylvains, et la zone à l'est, derrière les murailles des orques. Deux lieux qui avaient un point commun : l'un comme l'autre lui déplaisaient de par leurs habitants et gardiens. Plusieurs semaines auparavant, la magicienne était tombée "“ par le plus pur hasard "“ sur une trouvaille sans précédent : une sorte de portail antique, recouvert par la végétation luxuriante de la forêt d'Irliscia. Une construction encore imprégnée des vestiges d'une aura que Suyvel identifia sans peine : celle des elfes. Elle s'était livrée à quelques recherches en bibliothèque et au vu de ses lectures, elle s'était forgé la certitude qu'il existait au moins une autre structure équivalente, quelque part. Mais elle n'avait pu la localiser malgré tous ces jours passés dans cette forêt, en dépit de son exécration pour ce type d'endroit. Ce qui n'améliorait guère son humeur sombre. Elle en était arrivée à une conclusion hélas incontournable : elle allait devoir agir et prendre de gros risques si elle voulait tirer les fruits de cette découverte. En cheminant, une ébauche de solution naquit dans son esprit. Lorsqu'elle fut enfin de retour au village du Souffle d'Eolia, les grandes lignes de son plan avaient pris forme. Il ne lui restait déjà plus qu'à décider ce qu'elle devait en faire. L'exposer à ses compagnons et demander l'appui de sa faction ? C'était tentant, mais ils risquaient aussi de ne pas adhérer à de tels projets et de l'empêcher d'agir. Non, décidément, il valait mieux qu'elle agisse par elle-même. Sauf que... pour certains points bien précis, elle ne pourrait pas éviter de solliciter le concours d'autres Souffleux. Elle choisit donc de limiter leur implication au maximum. Pas question qu'on vienne lui gâcher ses projets. * * * * * Suyvel se dirigeait vers la chaumière de Yazrain lorsqu'elle le croisa dans une rue du village, une pile d'ouvrages entre les mains. Elle interpella le nécromant et lui demanda un service très précis, dont la description détaillée lui prit plusieurs minutes. L'Aéride prit le temps de réfléchir à la question et finit par se prononcer : « Oui, c'est faisable. Il suffit de trouver une solution pour communiquer à distance, et j'ai ce qu'il faut. Tiens, prends ce bracelet. » Il lui tendait effectivement un élégant bijou argenté dont elle para son poignet gauche. Yazrain ajouta : « Il te suffit de serrer le bracelet dans ta main et de te concentrer dessus. Alors j'entendrai tes paroles. Cela dit... que comptes-tu faire exactement ? » Suyvel lui fit un clin d'œil. « Laisse donc les femmes s'occuper de ce qui compte : la stratégie. Concentre-toi sur la tâche dont je t'ai parlé, cela suffira. » Une réflexion typiquement drow, née du fait que, dans le monde d'où tous deux venaient, le modèle matriarcal prévalait. Un humain aurait pu prendre ombrage d'une telle déclaration. Pas l'elfe noir, trop habitué à entendre ce qui était pour lui une vieille rengaine. Cela ne lui fit pas plaisir pour autant. Il maugréa : « Et qu'est-ce que je gagne dans cette histoire, moi... ? » Suyvel prit un air faussement peiné avant de déclarer : « Oooh... et moi qui pensais que tu ferais tout pour m'être... » Elle passa le bout de ses doigts sur la jour du drow en une lente caresse. « ...agréable... » Elle insista sur ce dernier mot et approcha sa bouche de l'oreille du nécromant. « Je me disais que nous pourrions donner suite à cette intéressante soirée d'il y a peu... J'en ai gardé un excellent souvenir... » Alors que sa main redescendait le long du torse de Yazrain, ses ongles vinrent légèrement griffer sa poitrine à travers le tissu de sa chemise. « On se voit à mon retour ? » Leurs regards se croisèrent et se soudèrent l'un à l'autre. Ce que Suyvel y lut lui convenait très bien. Elle sut que Yazrain ferait ce qu'elle attendait de lui et qu'il garderait le secret. Alors qu'elle s'éloignait déjà, elle lui lança par dessus son épaule : « Et n'oublie pas ce si mignon string léopard... Il te va si bien. » * * * * * Gyu se reposait tranquillement dans sa chaumière. Pour une fois qu'il avait quartier libre, il avait décidé d'en profiter pour manger, boire et dormir. Ce n'était pas souvent comme ça. Entre Elfe qui l'entraînait fréquemment dans des sorties pour le moins risquées et Suyvel qui le faisait travailler comme quatre, il était tout le temps débordé. Débordé et épuisé. Bon, il ne s'en plaignait pas plus que cela... Certes, l'elfe noire était plus qu'exigeante avec lui "“ exigeante et peu encline à la compréhension et à la patience. A chaque fois qu'il la décevait, elle lui administrait un savon mémorable avant de le charger des pires corvées du village ! Mais sous sa baguette, le jeune humain avait vite progressé. Il avait largement bénéficié des connaissances de la magicienne, qui n'était pas avare de conseils, mais ne les répétait pas. C'était à lui de suivre le rythme qu'elle imprimait à leur relation maîtresse-élève. Charge à lui de bien écouter et de ne surtout rien oublier. Sinon la sanction tombait, invariablement. La drow étant partie en voyage dans le sud, il était exceptionnellement peinard. Jusqu'à ce que... « Gyu. » Il dressa l'oreille un instant, croyant avoir entendu Suyvel l'appeler. Puis il se rappela qu'elle était loin d'ici et se rassura à cette pensée avant de se resservir un verre. « Gyu ! » Cette fois, plus de doute : c'était sa voix ! Il renversa son verre en se levant en catastrophe, avant de se ruer sur sa robe de mage qu'il enfila en toute hâte tout en sortant de chez lui, son bâton entre les dents et son chapeau de travers. Sa maîtresse était là qui l'attendait, le regard sévère "“ enfin, comme d'habitude. Il bafouilla : « Pardon ! Je... enfin... comme vous étiez de sortie... je croyais... je veux dire... j'ai dû mal comprendre... je pensais que vous m'aviez donné congé... Veuillez m'excuser si je vous ai fait attendre. Je ne vous attendais pas si tôt... - Je sais. Ma présence ici n'était pas prévue et c'est pour cela que je ne te punirai pas. - Heu... merci à vous, alors. - Il suffit. Aujourd'hui, ce n'est pas l'élève que je viens trouver, mais le magicien. » Gyu leva vivement la tête, le regard empli de stupeur. Se pourrait-il que... ? « J'aurais l'usage de tes talents. Je pars pour une nouvelle expédition, sans délai. Un voyage assez long et potentiellement dangereux. Un peu d'aide ne sera pas du luxe. J'ai pensé à toi pour m'y accompagner. Viendras-tu ? » Le jeune mage ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son n'en sortit. L'émotion lui nouait la gorge. Alors il hocha vigoureusement la tête, ce qui amusa Suyvel. « Qu'attends-tu pour rassembler tes affaires, alors ? » Gyu sursauta puis fonça dans sa chaumière prendre son sac, dans lequel il jeta le nécessaire habituel pour une expédition prolongée, et ressortit en un temps record, prêt au départ, le regard brillant de mille feux. « Où allons-nous ? osa-t-il demander. - Je te l'expliquerai en route, » répondit Suyvel. Et tous deux s'éloignèrent du village, en direction de la forêt d'Irliscia.
  16. * crise cardiaque * Au temps pour moi... (mon pauvre Saya, ce n'était pas ton jour...) ^^
  17. Suyvel vit que son attaque avait porté, du moins en partie, et qu'Elfe ne semblait pas s'en être sortie indemne. Elle jugea donc que l'entrée en matière était satisfaisante : elle allait lui rabattre son caquet, à cette petite prétentieuse ! En attendant, elle avait à faire face à un problème plus immédiat : Elfe lui fonçait dessus, sa masse d'armes à la main. Et au vu de son expression, elle ne doutait pas que la guerrière allait s'en servir sans retenue ! De plus, son approche était rapide. Malgré tout, ce n'était pas suffisant pour surprendre Suyvel. D'abord parce qu'elle aussi, en vertu de son sang, bénéficiait de la même vivacité, et ensuite parce qu'elle avait prévu cette réaction. La voix railleuse s'éleva derrière son esprit. « Que s'imagine-t-elle, cette maudite elfe sylvaine ? Que nous n'avons jamais fait face à des guerriers ? Montre-lui donc comment les sorcières de notre peuple traitent ses semblables ! » Presqu'inconsciemment, Suyvel sourit. Oui. Oui, je vais lui montrer. L'elfe noire étendit son bras droit devant elle et pointa l'index vers Elfe. Plus précisément, vers ses pieds. Et elle prononça rapidement quelques mots. Aussitôt, un jet de gaz jaillit de la tourbe dans laquelle pataugeaient les deux femmes, juste devant la guerrière ! Un véritable geyser qui vint séparer les belligérantes et dont la violence projetait de la boue alentour. Elfe en reçut un peu au visage, ce qui l'aveugla brièvement et la força à suspendre sa charge. Dans un grand éclat de rire, Suyvel enchaîna sur un second projectile lumineux, qu'elle lança à travers le rideau de gaz, droit sur la guerrière. C'était là la trouvaille que la magicienne avait faite en sondant l'environnement avant le début des hostilités. Sous leurs pieds, sous la boue du marais, se trouvait une vaste poche de gaz divers, qui s'accumulaient là depuis longtemps, au rythme de la décomposition des végétaux. La magie aéride étant basée sur la maîtrise de l'air, Suyvel connaissait les sorts qui lui permettaient de faire surgir cette masse de gaz prisonnière de la terre. Certes, sur un plan offensif, elle ne pouvait pas en espérer grand-chose. Mais sur un plan défensif, cela pouvait lui apporter un avantage décisif. En revanche, elle-même n'était pas immunisée contre la gêne visuelle produite. La colonne de gaz dissimulait sa cible à sa vue, et elle avait donc lancé sa seconde attaque au jugé. De fait, le projectile passa à la droite d'Elfe, qui s'était légèrement déportée sans que la drow s'en soit rendu compte. Ainsi la magicienne perdit-elle immédiatement l'avantage de l'offensive, repris grâce à la surprise de cette méthode de défense. Suyvel s'éloigna prestement du geyser, en essayant de le garder entre Elfe et elle. Elle comptait en profiter pour remettre de la distance entre elles deux. Mais Elfe avait recouvré la vue et contourné l'obstacle, si bien qu'elle pût repérer sa cible et se lancer à sa poursuite. L'elfe noire avait voulu prendre du champ pour pouvoir se poster et frapper à distance, mais elle réalisa qu'elle n'avait pas assez d'avance pour cela. La faute en était au marais, qui ralentissait considérablement ses mouvements. Mais il jouait aussi bien contre la guerrière. Suyvel mit brusquement fin à sa course et pivota pour faire face à son adversaire. Elfe crut tenir là une opportunité d'en finir et chargea de plus belle. Lorsqu'elle fut à trois mètres d'elle, l'elfe noire fit appel au même sort de jaillissement, créant un nouveau geyser devant la guerrière, mais légèrement sur sa gauche. Elfe s'écarta sur sa droite pour contourner l'obstacle qui cette fois ne l'avait pas surprise, tout juste ralentie, et leva son arme tout en poussant un cri de guerre. Au même moment, Suyvel pointa l'autre main vers les pieds d'Elfe et un troisième geyser s'éleva juste où elle se trouvait, mettant immédiatement fin à l'attaque. Suyvel avait calculé son premier coup de manière à amener la guerrière là où elle le souhaitait. En ricanant, elle se mit à distance sans qu'Elfe puisse l'en empêcher cette fois. Lorsqu'elle fut en mesure d'attaquer, elle ne s'en priva pas, mais Elfe avait recouvré la vue et para le projectile avec sa masse. S'engagea alors un combat incertain. Elfe tentait d'approcher sa cible, Suyvel faisait surgir un nouveau geyser pour l'arrêter puis s'éloignait et attaquait de loin. Elfe parvenait à esquiver ou bloquer ses projectiles magiques, puis chargeait de nouveau. Et ainsi de suite. Tant et si bien que la clairière fut bientôt emplie de geysers. Suyvel sourit avec malice. C'était à ça qu'elle avait souhaité arriver. Elle modifia alors sa stratégie. Au lieu de faire surgir de nouvelles colonnes de gaz, elle se contenta de passer de l'une à l'autre pour se soustraire à la vue de son adversaire. Et dès qu'elle l'apercevait entre deux geysers, elle lui lançait un de ses projectiles magiques. Puis elle s'esquivait de nouveau. Une véritable partie de cache-cache s'engagea alors entre les deux femmes. Suyvel avait déployé une véritable stratégie de harcèlement, classique chez les drows dans ce type d'affrontement. La voix moqueuse, dans sa tête, ne dissimulait pas son plaisir. « Ha ha ha ! í€ ce rythme-là, elle ne tiendra pas bien longtemps ! Elle va s'épuiser à charger de la sorte. Et comme elle n'arrive à rien, elle va bientôt douter. Dès qu'elle donnera des signes de faiblesse, dès que sa volonté de vaincre se fissurera... tu la briseras ! Je veux la voir ramper à nos pieds. Peut-être même nous suppliera-t-elle d'épargner son insignifiante existence ? Quelle douce vengeance ce serait ! Si jamais elle en arrive à ce point, laisse-lui croire un instant que nous acceptons... puis porte-lui le coup de grâce ! »
  18. Un peu fatiguée par l'effort de concentration, mais fière d'avoir réussi cette démonstration de maîtrise de la magie, Suyvel attendit avec satisfaction et confiance les impressions d'Elfe, dans le détail. Et la guerrière lui livra une seule phrase... un commentaire lapidaire. « Ah, tant mieux... c'est joli mais ça ne sert à rien, quoi. » Les yeux couleur améthyste s'arrondirent de surprise. Joli ? Ce qu'Elfe venait de voir pouvait remettre en cause la conception que beaucoup avaient de la nature du monde qui les entourait, et tout ce qu'elle trouvait à dire, c'était qu'elle trouvait cela joli ?! Mais ce fut la fin de sa phrase qui la vexa le plus. Ca ne sert à rien. Les sourcils de la drow se froncèrent. Elle avait la désagréable impression qu'on venait de lui lancer un gant mouillé au visage. L'appréciation d'Elfe lui semblait pleine de dédain. Elle ne vit pas le soulagement qui sous-tendait ces propos : concentrée durant toute l'expérience, Suyvel n'avait absolument pas perçu l'effet produit par son aura équilibrée sur la guerrière. Elle s'en tenait aux mots, et ceux-ci paraissaient presque cinglants de mépris. Une voix railleuse s'éleva dans l'esprit de Suyvel. « Alors, tu te laisses marcher dessus par une de nos pires ennemies, maintenant ? Tu n'as plus aucune fierté, ma pauvre. » L'elfe noire sentit la moutarde lui monter au nez. Non mais de quel droit se permet-elle ?! La voix sembla se nourrir de cette colère et grandit dans son esprit. « Tu aurais dû le pressentir... Tu te souviens de ce que cette petite péronnelle t'a dit à la taverne ? » Ce fut alors que certains mots prononcés par la guerrière lui revinrent en mémoire, sous un jour nouveau. « De plus, cet apprenti magicien prétendait que la voie qu'il suivait était supérieure à celle des armes, qui est la mienne. Je n'allais pas le laisser dire une chose pareille ! Depuis, je le suis partout et je suis fermement résolue à lui montrer à quel point il se trompe. » Suyvel n'avait pas relevé le propos lorsqu'elles se trouvaient à l'auberge... mais avec l'éclairage de la dernière réflexion d'Elfe, il prenait une tout autre perspective aux yeux de la magicienne. Croit-elle la voie du guerrier supérieure à celle du mage ? Suyvel était naturellement persuadée de l'inverse. Néanmoins, elle savait que tout était relatif et variable, en fonction des circonstances et des individus. Par exemple, face à certains guerriers confirmés du Souffle, elle ne se permettrait pas de pavoiser et de revendiquer une quelconque supériorité de son art. Et voilà que cette combattante, qui était encore novice, se permettait de porter un tel jugement. La voix retentit de nouveau dans sa tête, toujours moqueuse. « Tu en es surprise ? Vraiment ? Enfin, à quoi t'attendais-tu de la part de l'un de nos ennemis héréditaires ? Tes maîtres t'ont pourtant décrit la façon dont ses ancêtres nous ont chassé du monde de la surface. En notre présence, ils étaient tout sourire et bonté, mais dès que nos aïeux leur tournaient le dos, ils complotaient contre eux. On ne peut pas leur faire confiance ! Ils sont faux, retors et fourbes. Mais bien sûr tu ne veux jamais y croire... et tu te laisses embobiner. Tu es vraiment trop crédule ! » Suyvel serra les poings. La colère grondait en elle. Instinctivement, elle usa de sa perception magique pour sonder l'environnement et en explorer les éventuelles potentialités... et de fait, son investigation lui permit de trouver quelque chose. Une découverte inattendue, qu'elle saurait exploiter à son avantage. La voix intérieure de la drow fit silence, mais Suyvel sentait son sourire malveillant s'agrandir à la pensée du dessein qui maintenant mûrissait dans son esprit. Ce fut sur un ton doucereux que la drow s'adressa à Elfe. « Je songe à ce que vous m'avez dit à la taverne... Vous croyez donc que votre talent de guerrière peut vous permettre de surclasser les pouvoirs de Gyu ? » Ses yeux s'étrécirent. « De surclasser la magie ? » Son regard se fit glacial, son ton coupant. « De surclasser ma magie ? » Les mots lui vinrent à la bouche sans même qu'elle y pense vraiment, comme un réflexe. Ceux d'un sortilège offensif. Suyvel créa une sphère lumineuse qu'elle projeta droit sur Elfe. Un sort mineur, certes. Pas de quoi tuer la guerrière. Mais si elle ne se défendait pas efficacement, elle pouvait fort bien être blessée par cette attaque. Dans l'esprit de Suyvel, la voix retentissait, plus forte que jamais. « Vas-y, balaie cette saleté d'elfe sylvaine ! Fais-lui payer son mépris ! Qu'elle rampe à nos pieds ! Vengeance ! »
  19. Très bonne idée, Melii, j'essaie! Merci.
  20. Bonjour, J'ai une nouvelle filleule, Mycelia, à laquelle j'ai écrit, et voici sa réponse: j'ai vu aussi que tu m'avais envoyé un MP... par contre je galère pour ouvrir les mails... impossible! Donc je t'envoie un mail pour te dire qu'il m'est impossible de savoir ce que tu m'as écrit dans ton mail!!! T_T Je pensais que c'était un pb de mon ordi au départ, parce qu'il marquait en bas de page internet "erreur sur la page" quand je cliquais sur un MP. Là me voilà sur un autre ordi et ça n'affiche toujours rien quand je clique sur l'objet du message... mais là pas de message d'erreur, l'ordi cherche même pas, ya rien qui se passe... comment on fait pour lire les mails??? O_o Je voulais lire les mails du support aussi, toujours pas moyen. Du coup, ben je t'en parles, sachant que si tu me réponds par mail... je pourrais absolument pas le lire! A moins que j'arrive à débloquer quelque chose... T_T Y'aurais pas moyen de recevoir les mails sur ma boite mail perso (tout comme les messages si on attaque ma tente ?)? peut-être que tu peux m'aider? Merci d'avance! Non seulement j'ignore ce qui peut bien bloquer ainsi les MP, mais même si je le savais, je n'aurais aucun moyen de le lui communiquer! XD Alors je ne dirai qu'une chose: Heeeeeeeelp!!! Sauvez Mycelia! Je précise qu'elle ne m'a malheureusement pas communiqué d'autres infos utiles (navigateur utilisé, adresse de messagerie...) et j'ignore si elle viendra sur le forum. Si un admin veut bien intervenir rapidement... merci d'avance.
  21. Alors qu'elle sortait l'écrin de son orbe, Suyvel reçut une question de la guerrière à laquelle elle ne s'attendait pas. « Pourriez-vous me dire d'où viennent ces opales ? » Suyvel leva un sourcil. « Pour autant que je le sache, elles ont été extraites de gisements trouvés à IssCaNak, pas très loin d'ici, d'ailleurs. í€ l'occasion, je pourrais vous y emmener... mais le plus simple serait sans doute de demander à certains de nos mineurs émérites de vous les montrer. » Puis Elfe enchaîna avec une question bien plus pertinente, sur le nom de son orbe. Suyvel laissa filer un sourire. « Très bonne question. Le maître tisserand qui a assemblé cet orbe pour moi m'a déclaré qu'il s'agissait très exactement du cinquantième orbe de ce genre créé sur la Terre des Eléments. (1) Il m'a semblé qu'il s'agissait là d'un fait significatif... aussi ma fantaisie m'a-t-elle poussée à lui trouver un nom qui y fasse référence. Cinq-Ents. Même s'il n'a rien à voir avec les gardiens de vos forêts, ma chère. » Ayant satisfait la curiosité de sa compagne, Suyvel choisit de revenir à son propos initial. « Revenons-en à la nature de la magie et de notre monde. Je vous ai montré une aura de magie blanche... Voici son antithèse. » La drow, il y a de cela des décennies, avait commencé par étudier la magie noire à Sorcere, l'université de magie de Menzoberranzan. Et là-bas, la magie blanche n'était pas une option du cursus. Depuis, elle avait abandonné la pratique de la sorcellerie et son aura de naguère s'était éteinte. Complètement. Enfin presque. Presque... car lorsqu'elle était entrée en possession de Cinq-Ents, l'orbe envoûté né de la puissante magie noire d'un nécromant, elle avait senti quelque chose se réveiller en elle. Une chose sombre et familière. Une force qui ne demandait qu'à sourdre des méandres de son esprit. Suyvel se concentra, cherchant à entrer en résonance avec la magie de Cinq-Ents. Cela lui était plus difficile, maintenant qu'elle avait abandonné la sorcellerie... mais elle y parvenait encore. Et ce soir de nouveau, au bout de quelques instants de méditation, elle y réussit. Son aura de sorcière se déploya. Elle n'était pas, loin s'en faut, aussi puissante que son aura de magicienne. La faute en était à son long manque de pratique dans cet art. En revanche, elle inspirait une sensation plus marquante. Toute en menace latente, voilée. Elle lui enveloppa les épaules comme un manteau de nuit et tomba le long de ses bras en une pluie de neige noire. La drow était déjà peu visible la nuit, mais là elle semblait devoir s'y fondre à tout instant, y disparaître. Suyvel ressemblait désormais à un nuage d'orage. La violence était présente. Contenue mais ne demandant qu'à se déchaîner. Puis elle relâcha sa concentration et son aura décrût rapidement. La menace s'évanouit. La magicienne regarda la guerrière. « Une aura de magie noire... mais vous l'aviez compris, j'en suis bien sûre. Cinq-Ents m'a permis de restaurer cette partie de mon aura qui s'était éteinte. Et bien plus encore. Car maintenant que je suis capable de faire appel aux deux sources de magie, je me livre à des expériences de recherche. Et c'est ainsi que j'ai récemment découvert... l'Equilibre. » Suyvel observa un instant de silence, laissant Elfe suspendue à ses paroles. Un sourire. « Voyez par vous-même. » La magicienne se concentra profondément cette fois. Ce qu'elle allait tenter était délicat à réaliser. Elle y était certes déjà parvenue, mais chaque nouvelle tentative n'en était guère facilitée pour autant. Ce n'était pas vraiment une question de puissance, plutôt de maîtrise. De dosage. Il lui fallait faire appel à ses deux auras en même temps, ce que beaucoup de mages considéraient comme impossible par nature. Les sots. Telle était la force de la certitude née de l'ignorance... ou des idées reçues enfoncées par des tiers dans la tête de ses confrères. Des idéologies qui, au mieux, leur imposait une certaine conception biaisée et étriquée du monde et qui, au pire, leur gangrenaient l'esprit. Ayant rejeté tout endoctrinement, Suyvel se sentait libre d'explorer des pistes laissées à l'abandon. Pas de tabou. Pas d'interdit. Surtout dans sa quête du savoir. Alors qu'elle plongeait dans une méditation de plus en plus profonde, l'air autour d'elle commença à changer. Une légère lumière tremblota autour de sa personne, puis une bulle sombre parut prendre progressivement forme, comme pour contenir cette aura blanche. Plus l'enveloppe prenait de substance, plus la lueur semblait s'intensifier. Jusqu'à atteindre un niveau inquiétant. Des rais de lumière blanche et noire vinrent nimber la clairière d'une lueur irréelle et menaçante. Et tout explosa. La sphère sombre qui contraignait l'aura blanche finit par se contracter brutalement, expulsant la lumière. Une explosion d'une grande violence, mais sur le plan magique. Physiquement, les deux femmes n'en ressentirent aucun désagrément. L'aura de Suyvel venait de changer radicalement. Désormais irradiaient de sa personne des filaments éthérés blancs et noirs qui ondoyaient doucement autour d'elle, comme cheveux légers dans une brise d'été. En une danse lente et hypnotique, ces filaments se mouvaient, et pourtant jamais les blancs et les noirs n'entraient en contact ni ne cherchaient à se détruire mutuellement. Incompatibles et pourtant indissociables. Isolés mais unis au sein d'une même aura, paisible, harmonieuse. Suyvel finit par rouvrir les yeux. « Voici le visage de l'Equilibre. » Elle chercha Elfe du regard. « Bien sûr, cette aura n'est d'aucun secours dans la pratique de la magie. Les sorts que je connais "“ qu'ils proviennent de la magie blanche ou de la sorcellerie "“ ne peuvent fonctionner s'ils sont alimentés par une telle aura, car ils n'ont pas été conçus pour. Il faudrait que je recrée les sorts en question pour les adapter à cette forme de magie, ce qui représente un travail énorme. » Finalement, l'elfe noire laissa la fleur blanche et noire née de son aura s'étioler et mourir. « Alors, qu'en dites-vous ? » ________________ (1) Fait véridique.
  22. Aujourd'hui, j'étais de sortie et, en cliquant simplement sur le bouton carte pour rafraîchir l'affichage, j'ai obtenu régulièrement ça: Bon, il suffisait d'annuler et le jeu fonctionnait... Mais quand même. Et ça revenait fréquemment.
  23. Elfe la relançait sur ses propos inachevés et Suyvel lui proposa alors une sortie nocturne. Bien que peu enthousiaste au début, la guerrière se laissa convaincre. Et elles furent bientôt hors de l'auberge, dans la fraîcheur de la nuit, arpentant les rues grossièrement pavées du village. La noirceur se faisait pressante, malgré les étoiles qui dispensaient encore une faible clarté. Suyvel n'en avait cure mais l'air nauséabond lui fit plisser les narines, comme souvent. Ce que les marais d'IssCanak pouvaient être déplaisants à ses sens elfiques ! Tout lui répugnait : l'odeur qui imprégnait les vêtements, le bruit visqueux de succion de la vase, la marche rendue lente et pénible, la fange qui collait aux bottes... « Que voulez-vous me montrer ? » La question d'Elfe la tira de ces considérations ronchonnes. Suyvel sourit en songeant qu'elles venaient à peine de quitter l'auberge. Sa compagne se révélait bien impatiente. Mais il était certain que seule la curiosité avait pu la pousser à la suivre en ces lieux. « L'Equilibre », répondit-elle. Une réponse parfaitement sibylline. Impropre à contenter la bouillante guerrière. Lorsque celle-ci ouvrit la bouche, Suyvel, qui attendait ce moment précis, ajouta : « Ma vision de la nature de notre monde. » Elle n'en dit pas plus, la laissant cogiter sur ce qu'elle avait en tête. Elfe sembla s'enfoncer dans un abîme de réflexion, laissant à Suyvel le temps de les guider hors du village et de repérer un endroit propice à son projet. La drow avisa une petite clairière ceinte d'une végétation très dense sur la plus grande partie de ses limites. Un lieu dégagé d'où l'on pouvait voir venir quiconque y entrerait, ce qui préserverait les deux femmes de toute incursion surprise. Mais presque impossible à épier de l'extérieur, ce qui arrangeait doublement Suyvel. Elle ne tenait pas à affoler quelque villageois noctambule qui viendrait à passer à proximité. Lorsqu'elle fut à peu près au centre de la clairière, Suyvel s'arrêta et se tourna vers Elfe. L'expression impatiente que la guerrière affichait lui dit clairement que la faire mijoter plus longtemps reviendrait à la porter à ébullition. Satisfaite de cette attention accrue, elle sourit. « Le spectacle de votre masse d'armes m'a renvoyée à ma propre arme, qui m'a permis de mener une expérimentation intéressante très récemment. Notre monde semble se résumer à une dualité et une opposition constante. Bien et Mal. Loi et Chaos. Vie et Mort. Lumière et Ténèbres. Il en va de même pour la magie : les magiciens usent de magie blanche, les nécromants de magie noire. Dans tout cela, on retrouve le concept du karma : les extrêmes s'opposent mais s'équilibrent. Les gens pensent généralement que ces dualités sont instables et destructrices, chaque composante cherchant à détruire l'autre. Ce que j'ai découvert me pousse à penser que cette vision est fausse ou, à tout le moins, largement erronée et incomplète. » L'expression d'ennui qui se peignait progressivement sur le visage d'Elfe signala à Suyvel qu'elle aurait intérêt à écourter son laïus pour en arriver à des faits plus tangibles. « Je me suis récemment lancée dans des recherches fondamentales sur la nature de la magie, et voici ce que j'ai découvert. Tout d'abord, voici une aura de magie blanche. Observez bien. » En tant que magicienne, Suyvel recourait à la magie blanche. Elle éveillait généralement son aura sans effort, sans même y penser vraiment, tant cela lui était devenu naturel. Mais là, elle dut se concentrer légèrement sur ce qu'elle faisait car elle devait manifester son aura, invisible d'ordinaire, à une personne qui ne bénéficiait pas du sens de la magie. Elle devait donc rendre sa magie perceptible par les sens physiques de la guerrière. En l'occurrence, la vue. Sous les yeux d'Elfe apparut une aura claire qui illumina les deux femmes. Un nuage évanescent, d'un blanc miroitant, fait de volutes éthérées, de vapeurs tourbillonnant lentement, sereinement. Au beau milieu de cette nébuleuse de lumière, la peau de Suyvel, d'ordinaire si sombre, en paraissait gris clair. Lorsqu'elle jugea que la démonstration eut suffisamment duré, Suyvel laissa son aura décroître et s'éteindre. « Pour la suite, je vais avoir besoin de ceci. » Suyvel fouilla dans une petite besace qu'elle portait en bandoulière et en sortit un coffret serti de saphirs, d'améthystes et d'opales. Le regard d'Elfe étincela autant que les gemmes, mais la magicienne se méprit sur le sens de ce regard. « Magnifique, n'est-ce pas ? Mais la présence de ces pierres n'a pas de motivation esthétique. Elles sont là pour concentrer le flux magique à l'intérieur de l'écrin. » Elle ouvrit alors la boîte, révélant une sphère sombre, palpitante de magie. Elle s'en saisit doucement et l'en sortit, puis rangea l'écrin. « Vous avez bien voulu me dévoiler Sûl'Til, je ne pouvais faire moins que vous présenter mon arme. Et comme je le disais, elle va m'être utile pour la suite de mes explications. » Sous les doigts de Suyvel qui l'entouraient délicatement, qui l'effleuraient presque sensuellement, l'orbe semblait maintenant s'embraser d'une flamme noire. « Voici Penthis Sylvaniaí«. »
  24. « J'ai vu qu'un de vos semblables s'est joint à nous... un certain Yazrain. Il m'a eu l'air d'un homme de magie accompli. Serait-il votre maître ? Avec la dissolution de la Fraternité des Initiés, son ancienne action, vous deviez vous inquiéter pour lui... J'imagine que vous êtes à l'origine de son arrivée parmi nous ? » í€ ces propos, Suyvel dévisagea Elfe, lui lançant un regard qui dénotait son incompréhension. Puis l'entendement lui vint... et elle partit d'un grand éclat de rire. Qui perdura, se muant en véritable fou-rire. Elle fut bientôt secouée des pieds à la tête par d'immenses vagues d'hilarité, qui se succédaient sans temps mort. Elle prit appui sur la table tout en se tenant les côtes de l'autre bras, luttant pour reprendre son souffle entre deux hoquets. Lorsque ce fut à peu près fait, elle leva une main en direction d'Elfe, en un geste d'excuse. « Pardonnez-moha ha ha ! Ne croyez surtout pas que je me moque de vhou hou hou... C'est l'idée que je m'inquiète pour luhi hi hi ! Excusez mon hilarithé hé hé... » « Je vous explique... D'abord, sachez que, si Yazrain et moi appartenons à la même race, je le connais somme toute très peu. Mais surtout, c'est l'idée que je puisse être inquiète au sujet d'un mâle qui m'a tant amusée ! » Le regard perplexe que lui décocha Elfe fit réaliser à Suyvel que ses propos devaient être à peu près aussi clairs que sa peau, la nuit, dans une mine d'obsidienne. « Hum, pardon, c'est vrai que vous ne connaissez pas la culture drow. Sachez que la société drow repose sur le matriarcat. Un système de maisons nobles, régies par des matrones. Les mâles y ont un statut inférieur. Par leurs compétences et leur valeur, ils peuvent acquérir un statut respectable, mais toujours au service d'une protectrice. Un homme ne peut guère exister par lui-même. Si vous ajoutez à cela l'absence de moralité et de sentimentalité de mes semblables, vous comprendrez aisément l'incongruité de l'idée d'une femme s'inquiétant du sort d'un homme ! » « Même si tout est différent ici, même si Menzoberranzan est loin... cette pensée reste plaisante. » Suyvel attendit un signe qu'Elfe avait saisi le côté cocasse de son propos pour son interlocutrice. Puis la guerrière relança Suyvel sur les propos qu'elle avait commencés mais pas terminés. Ils ne lui avaient néanmoins pas échappés, et elle manifestait maintenant un certain intérêt. La magicienne sourit, toujours heureuse de rencontrer une personne aussi dévorée par la curiosité qu'elle l'était elle-même. « Oui, effectivement, je voulais vous montrer quelque chose, mais l'endroit n'y est guère propice. Je vous propose donc de quitter l'auberge un petit moment. » Devant l'hésitation d'Elfe, elle ajouta : « Je sais que le marais n'est pas un lieu plaisant pour une balade, même de jour, et qu'il fait nuit noire. Mais nous n'irons pas loin... juste à la sortie du village, en fait. » Suyvel n'appréciait guère les marais. En particulier la faune locale, et surtout la partie qui semblait s'intéresser à elle comme en-cas potentiel. En revanche, l'idée de sortir de nuit ne la dérangeait en aucune façon. Ayant passé sa prime jeunesse dans le monde souterrain, et douée d'infravision comme tous les siens, les ténèbres étaient pour elle un lieu familier et presque rassurant. Comme les elfes de la surface bénéficiaient également d'une bonne vision nocturne, Suyvel escomptait que la guerrière ne ferait pas d'objection particulière à cette petite sortie tardive.
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