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Terre des Éléments

Eyleen

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Tout ce qui a été posté par Eyleen

  1. "j'ai eu envie de me promener"... ou quelque chose comme ça. Le sourire est éclatant, même sur un visage presque transparent. Puis elle me touche, à nouveau ce contact qui n'est pas un contact, cette sensation un peu nauséeuse, comme si elle frôlait du bout des doigts ma chair vivante dépouillée de sa peau. J'ai envie de me rejeter en arrière tellement j'ai l'impression qu'elle touche... quoi ? Mon esprit ? Ce mot ne convient pas, mais je n'en trouve pas d'autre. Cette chose qui anime la chair et qui provoque le souffle. Je ne sais pas... Mais tout ténu qu'il soit, c'est un contact trop personnel, intime, et je... Je l'entends. "...aucun mal..." J'ai entendu, pas de mots, évidemment, mais entendu quelque chose qui s'écoulait par ce contact. Quelque chose de lumineux, gai et vif. L'image exacte que je me fais d'elle. Mais sous les non-mots qui rassurent, je la sens... Et elle est inquiète. J'ai achevé mon mouvement, le pas en arrière, et aussitôt que le contact a disparu, cette conscience d'elle s'est évaporée avec l'impression désagréable qu'elle avait les doigts posés sur mon cerveau à nu. Je la regarde, les yeux écarquillés, le coeur qui s'essouffle. Elle me touchait et je l'entendais. Elle ne me touche plus et je ne l'entends plus. Il faut essayer, même si c'est difficile à supporter. Je serre un peu les dents, j'avance lentement la main vers son bras. A nouveau l'impression d'appuyer sur quelque chose d'infiniment flexible, mais de terriblement vivant... La sensation vertigineuse, la proximité trop intense, trop profonde. Mais j'ai l'impression de la sentir à nouveau, une étincelle qui danse, pleine de vivacité et... d'anxiété. Elle a peur. Et moi aussi. Je pense à Nadhir qui doit être arrivé près de son corps, à présent. Peut-être qu'il l'appelle, qu'il la secoue, mais je n'entends pas. Bref éclair de pensée égoïste à l'idée que je n'aurai pas ma réponse, serrement de coeur brutal et douloureux, que j'écarte de mes préoccupations immédiates. C'est comme ça. Tant pis. D'abord elle. Ana... Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'on peut faire ?
  2. Un choc très léger. Une silhouette. J'étais tellement concentrée sur lui que j'ai eu du mal à réaliser... Puis il a dit son nom, au moment où je la reconnaissait. Une forme éthérée, presque impalpable... Comme un rêve ou... Ou... Il s'est levé d'un bond et a couru vers la grotte. Mais Ana est ici, devant moi. Elle me regarde, ce n'est pas une illusion. Je me lève également, lentement, comme si un geste trop brusque risquait de la dissiper. Ana... Tu... J'ai levé une main vers son épaule, je sens comme une résistance ténue, comme si je devais traverser des toiles d'araignées impossibles à casser. Elle est ici. Ana... Qu'est-ce qui t'arrive ? Ne me dis pas que tu es morte. Je ne veux pas entendre une chose pareille. Ne me dis pas que ce sont les fleurs. La panique fait trembler ma voix. Viens... Viens, s'il te plaît... J'essaie de l'attirer avec moi vers la grotte, mais mes mains traversent le vide...
  3. En savoir plus. Tu vas en savoir plus. En savoir trop, d'ici peu, sans doute. Ta réponse reste superficielle, mais je te guettais. Et j'ai vu ton regard glisser sur ma peau, mon visage. Et je sais ce que j'y ai vu. La conscience qu'il y a là quelque chose de différent. D'autre. Tu n'as pas voulu t'y attarder, en tout cas tu n'en fais pas mention. Tu poses encore la question, alors que la réponse est à portée de ta main. Une fois un pied posé sur ce sentier il faut aller jusqu'au bout, même si au bout c'est l'abîme. Je pivote et m'assieds sur mes talons, directement face à toi, tu verras ce que je veux que tu voies. Et il ne sera plus question d'éluder le sujet. J'ai les yeux durs, mais tu n'es pas la cible de cette dureté, c'est moi. J'ai révélé ce que tu vas savoir à mes soeurs, et elles ont souri. Une demi-démone, et plusieurs voyageuses venues de très loin, elles ont souri et dit que c'était sans importance. Viens-tu d'assez loin pour que ce soit sans importance pour toi ? Mes gestes sont retenus, mais il y a de la rage dedans quand même. Je plaque les doigts sur ma pommette, désigne mon oeil violet. C'est rare, le violet, non ? Ca. Une main levée, j'arrache le peigne de corne aux fortes dents qui tient en place mes cheveux roulés en tas, à la diable, comme d'habitude. Tout s'écroule en désordre, je saisis une grosse mèche et la tends, le poing fermé. Blanche. Même pas blond clair, même pas un peu grise. blanche. Ca. L'autre main, je la tends et je saisis ton poignet. Le contraste est frappant... Pas seulement le fait que mon teint est deux tons plus sombre que le tien. Mais même dans l'ombre des arbres, la nuance se marque. Une peau claire, dorée. Une peau sombre, bleutée. Pas juste hâlée, Nadhir. Mauve. Inhumaine. Et ça... Je lâche son poignet, la mèche de cheveux, je me redresse, droite comme une épée, les mains posées à plat sur les cuisses. Inspiration, expiration. Maîtriser le tumulte, garder le visage immobile, ne pas trembler. Et parler, calmement, posément. Tu as vu tout ça, je le sais. Tu n'as pas grimacé de dégoût ni tenter de me tuer (un sourire, non, un rictus), c'est que tu ne sais pas. Puisque tu veux savoir, voilà. Je suis pour moitié comme toi, pour le sang. L'autre moitié vient de ceux qui ont massacré les vôtres. Ils ont été vaincus et repoussés dans leurs cavernes, mais pas sans quelques décennies de carnages. Ce sont ceux-là qui m'ont élevée. Cette poignée de survivants, terrés comme des rats depuis leur défaite. Ou celle de leurs pères. Nourris à la haine et à la rancune, comme ceux de ta race que j'ai croisés depuis que je suis sortie de là. Mais moins dernièrement... Tiens, étrange, ce détail... Il me frappe seulement maintenant. Pas le moment de perdre le fil, 'Nea... Reviens à l'essentiel. Si tu viens de trop loin pour savoir ça, te voilà informé. Voilà pourquoi j'apprécie les cavernes. J'y ai vécu toute ma vie. Voilà aussi pourquoi je ne les connais que peu. Parce que j'ai toujours vécu dans la même. Plus rien à dire... Incapable d'en dire plus dans l'immédiat de toute manière. Juste essayer de tenir bon, sans frémissement, sans signe de peur ou de nervosité. Froide et dure comme la pierre. En surface...
  4. Je rêve ou il me flatte, là ? Je ne rêve pas. Il me flatte. Il y a un truc bizarre qui brille dans le coin de son oeil... Quelque chose que je n'arrive pas à identifier. Mais qui me met un frisson tout le long du dos. Sans que je sois capable de définir s'il est agréable ou désagréable, le frisson. Il est juste... je ne sais pas. Incongru. J'ai écouté ses paroles, apprécié son regard acéré et en même temps redouté qu'il applique à autre chose que les murs cette faculté d'observation... Redouté, vraiment ? Admets, 'Nea, que tu as laissé les portes ouvertes... Juste un peu, mais assez... Et que tu regrettes qu'il soit trop correct pour les pousser. Parce que tu veux qu'il sache. Parce que tu veux être sûre qu'il ne se détournera pas, quand il saura. Parce qu'il vaut mieux que ça arrive maintenant, alors que... que c'est encore supportable. Que tu peux admettre de voir changer ce regard, tant que tu ne le perds pas tout à fait... Ses derniers mots sont une main tendue, c'est limpide. Incompréhensible, mais neanmoins limpide. Seule la dernière des crétines serait assez bornée pour ne pas saisir que les fleurs sont un agréable sujet de conversation... mais que son intérêt est autre. Aussi surprenant que ça paraisse. Je l'ai regardé parler. J'ai vu ses yeux clairs, l'intensité et la chaleur du regard, je les ai senties. Elles ne sont pas pour les fleurs. Mais elles ne peuvent pas être pour moi non plus. Autant éteindre ça tout de suite, avant que l'incendie ait trop détruit déjà. Je n'ai jamais eu à souffrir de ses ravages. Mais je les crains plus que tout... Etrange... Il parlait de la lave et des plantes luxuriantes qui y prennent racine. La vie qui foisonne et qui masque les hideuses cicatrices de la Terre... L'image est bien trop adaptée... Rien ne cache mieux les blessures les plus profondes qu'un vernis de vie éphémère. Une tromperie. Car la lave revient et elle détruit tout à nouveau. Et l'idiot qui n'a vu que les plantes gorgées de vie, y laisse la sienne. Je ne suis pas idiote. Je préfère me tenir loin des volcans. Les plantes y sont moins belles... Mais elles ne se font pas ravager à chaque nouvelle saison par ce que dégueule le volcan d'à côté. Allez, 'Nea. C'est juste un mauvais moment à passer. Serre les dents. Tourne la tête. Regarde-le, et parle. Il a assez attendu, il va commencer à se demander ce qui se passe... Tu... Bel essai. Décoince ta mâchoire, déglutis un bon coup et recommence. Tu n'as pas la moindre idée de ce que je suis, n'est-ce pas ? En espérant qu'il ait entendu, ça. C'était moins sonore qu'un dernier soupir. Et nettement plus douloureux. Mais ça a eu le mérite de tuer dans l'oeuf le frisson qui jouait sur ta nuque. Ce genre de frissons n'est pas pour toi, 'Nea...
  5. Mais... mais... Mais Ana ! J'ai même rien dit, moi... Pourquoi qu'tu dis des trucs pas gentils ?
  6. Je réfléchis quelques secondes avant de répondre... Que dire ? Parler de mon passé ? La remarque qu'il a faite donne à penser que peut-être, il aimerait en apprendre plus... Oui mais voilà, moi j'ai pas envie de lui en dire trop, là tout de suite parce que... parce que. Parce depuis le début de ma vie toute le monde s'est accordé à me faire sentir que je suis une sorte d'abomination... Seules mes soeurs n'ont pas eu l'air d'y attacher de l'importance. Et... Et voilà. Et je ne veux pas être rejetée une fois de plus à cause de l'inconséquence de mes parents, d'une erreur commise il y a plus de 25 ans, et que personne ne me pardonne à moi, comme si j'y étais pour quelque chose. Précise un peu, 'Nea... ... Oui, bon, d'accord. Je ne veux pas le voir se détourner avec dégoût. Voilà. C'est complet, là ? Passons à autre chose. Cette idée me dérange. Les fleurs. Ca c'est le sujet de conversation du moment. Les fleurs et rien que les fleurs. Je ne crois pas qu'elles poussent sur les parois de roches volcaniques. Je ne les ai jamais vues que dans des grottes calcaires, et elles poussaient toujours autour d'une fissure d'où coulait un filet d'eau... Mais j'ai rarement visité des cavernes volcaniques, à vrai dire. Une fois ou deux seulement, je ne les connais pas beaucoup... Les roches noires et torturées, tordues comme des cordes irrégulières ou coulant comme des rivières figées crevées de bulles, irrégulières et coupantes, et plus bas, plus profond, ces miroirs sombres de verre noir, ces filons de cristaux verts, quelques taches blanchâtres comme des caries dans le noir absolu, profond... Je n'aime pas ces grottes traîtresses où les boyaux sont comme des os creux mille fois brisés... Je n'aime pas l'air qu'on y respire, il est lourd, et l'eau, elle est fétide... Je n'aime pas me trouver dans ce sang coagulé des blessures de la Terre. Ca me rend nerveuse... Et il est vrai que je n'y ai vu aucune fleur violette. En plus. J'avoue que je ne sais pas... J'en avais suffisamment en partant, je ne les ai que peu utilisées, alors je n'ai jamais dû en chercher d'autres. Ceci dit je n'en ai pas vu. Mais parfois elles se cachent bien... Et toi tu parles trop... Ou pas assez...
  7. Il marche. Ah décidément, les Grands de ce monde sont tellement confiants en leur invulnérabilité... Et puis admettons mon propre mérite, quand même. J'ai admirablement préparé mon coup, il faut le souligner... Des années que je le prépare, ce coup. Mon commanditaire est patient, heureusement. Et riche. Ce genre de risques ne se prend pas pour rien... Je m'approche du roi, sourire assuré, menton fier. Une courbette à l'évocation de sa vieille maman, pauvre vieille, sa dernière cure de jouvence ne lui a pas réussi, elle est gâteuse au dernier degré, mais je sais de source sûre qu'il ignore ce "détail"... Sa curiosité excitée demande satisfaction immédiate. Ferrons le poisson avant qu'il ne lâche l'appât... Un zbigognol de trifaillon, Sire, et du dernier modèle. Le maniement en est quelque peu malaisé, mais je ne doute pas que la complexité de cet engin cède rapidement devant votre royale intelligence... Et les effets en sont spectaculaires, je puis vous assurer que vous ne serez pas décu ! Coup de périscope alentour... Etrange comme la forme barbouillée de suie a disparu sans laisser de trace... Par contre la demoiselle qui se tient à l'entrée de la chambre n'était pas là tout-à-l'heure. Etrange, on dirait qu'elle cherche à se dissimuler... Etrange également, sa ressemblance avec le Roi. Sa fille ? Sa nièce ? De toute évidence, elle n'est pas sensée se trouver là. Une autre source d'informations à exploiter, peut-être... Je croise son regard, une fraction de seconde. Un sourire imperceptible, un éclair de complicité tout aussi subtil, je ne trahirai pas ta présence, fais moi confiance... Multiplier les sources et les contacts, le secret de la réussite... Ceci dit je ne saisis pas très bien pourquoi quelqu'un de la famille proche doit rester écarté de cérémonies comme le Lever. A l'opulence de sa mise, ce n'est pas une bâtarde ni une nièce de rang éloigné... Très étrange. Il se passe dans cette pièce des choses qui m'échappent quelque peu, et je déteste quand je ne contrôle pas la situation de bout en bout. Mieux vaut lancer un second hameçon, c'est plus sûr. Et rien ne me plairait plus qu'une partie de chasse, Sire... Mais je crains de ne pouvoir accepter. Une blessure récente m'interdit les galops trop mouvementés... Mais si je puis me permettre, ma jeune soeur Angeline se fera un plaisir de me remplacer à vos côtés. Elle monte fort bien et ne craint pas de laisser des morceaux de ses jupes aux épines des buissons. Notre défunte mère le lui a maintes fois reproché... Elle devrait arriver d'ici quelques heures, s'il plaît à votre Majesté. Voilà qui devrait occuper l'esprit de ce satyre couronné. Et le jeune et frais minois d'Angeline sera certainement plus indiqué pour lui tirer les vers du nez...
  8. Décontenancé. Une brève bouffée de triomphe, qui s'exprime par un pli en plus dans le sourire, un petit pli à gauche, qui taquine et qui se moque. J't'ai eu ! T'as été mal à l'aise une fraction de seconde ! Et puis toute cette longue explication, justification qui n'a pas lieu d'être, car tout était dit dans les premiers mots. Juste un ou deux qui me font comme un petit choc bizarre sous le sternum, mais pas question de m'y arrêter et de ruiner l'agrément de l'idée que cette fois, c'est moi qui t'ai fait perdre contenance, même si c'est un tout petit peu... La lueur d'embarras, je la savoure comme un nectar chèrement payé, comme si elle me donnait le droit de te regarder en face, cette petite hésitation dans ta voix, au début. Tu m'as imposé un tourment insidieux une heure durant, interminable, et moi je t'ai collé une demi-seconde d'hésitation, et c'est une vraie victoire. J'ai gagné le droit de te narguer. Puis vient la question inévitable... Tournée bien différemment de ce que j'attendais, et l'avantage m'échappe. Peut-être que j'aurais préféré l'inquiétude, un peu de méfiance, à ce ton ouvert et amusé, cette... oui, un brin de connivence. Un début de jeu. Mais je ne sais pas jouer à ces jeux-là. Je ne sais pas feindre qu'une chose insignifiante soit gonflée d'importance. Ni l'inverse d'ailleurs... J'ai pourtant entendu dire que c'était un talent de fille. Je ne dois pas être assez fille pour ça. Alors je me contente de sourire. Et de ne pas détourner les yeux, parce que je n'en ressens pas le besoin. Tant pis si je fais défaut aux usages... Mais je n'ai pas assez d'imagination pour inventer de belles histoires qui amusent ou fascinent ou font briller les regards. Et puis, pourquoi faire ? Je chercherais à l'épater par la brillance de mon esprit ? Il faudrait être la dernière des idiotes pour ne pas voir que le meilleur résultat que je pourrais obtenir serait un sourire gentil, comme ceux qu'ont les grands quand ils voient un môme leur apporter sa production artistique grossière et maladroite... La vérité toute simple, c'est moins risqué. Parce que tu risquerais quoi, 'Nea, à ce qu'il te sourie de ce sourire-là ? Tu te soucies donc tant de ce qu'il pense de toi ? Je... Rien. Tais-toi. Fous-moi la paix. Non, ce n'est pas un secret... Elles ne me sont précieuses que parce qu'elles sont rares, et que j'ai apporté celles-ci avec moi... Des fleurs des sables, tu n'es pas loin. Elles poussent dans les cavernes, là où la voûte laisse passer le jour. Il suffit d'une fissure étroite, quelques minutes de soleil par jour, et elles tapissent les parois. On les appelle les fleurs des songes, parce qu'elles éloignent les cauchemars. Mais il vaut mieux ne pas les prendre quand on est éveillé... Là mon sourire revient, avec quelques vieux souvenirs. Ceux qui le font, par bravade, sont généralement un peu honteux le lendemain...
  9. Evidemment. A quoi est-ce que tu t'attendais ? A ce qu'il reste planté en plein soleil comme un bout de viande mis à sécher ? Je l'ai regardé approcher, immobile. Il s'est décollé de la paroi, quelques pas pleins de désinvolture, et il s'est laissé tomber au pied du bouquet de troncs. Une série de gestes fluides, sans heurts. Il a la grâce d'un danseur... ou d'un prédateur. Une sorte d'élégance nonchalante qui fascine et qui effraie. Qui m'effraie. De la même manière que ses mots sont aussi doux et lisses que l'acier d'une lame, et aussi tranchants, de la même manière que ses traits sont paisibles et neutres quand il parle, alors qu'on sait que derrière ce visage se cache une intelligence féroce, redoutable... de la même manière, ses mouvements souples, parfaitement contrôlés, me font peur. Ils vibrent d'une énergie latente. Quelque chose qui m'échappe. Quelque chose qu'on ne voit pas de prime abord, quand on se laisse abuser par le sourire affable de cet homme pas vraiment grand, pas spécialement imposant. Quand tant d'autres se haussent du col et font gonfler leurs muscles, les imbéciles, celui-ci déploie un talent certain pour dissimuler la menace qu'il peut représenter... Mais moi je sais. Il parle et c'est seulement alors que je réalise que je suis restée plantée debout comme un piquet de clôture, à l'observer. Merci à mon teint qui trahit peu les rougeurs aux joues... Bravo, 'Nea, c'est une coutume korgaï, sans doute, de dévisager les gens comme les vaches qui regardent passer les chariots... Tu tiens vraiment à passer encore plus pour une crétine, continue, c'est bien parti. Je me pose gauchement sur l'herbe, pas trop près, pas trop loin. Je me sens maladroite. Ces foutus yeux, aussi... Toujours la même impression qu'ils voient à l'intérieur de ma tête, comme chez Merr'Aos. Comme si aucun de mes secrets ne pouvait lui échapper. Et bizarrement, ça me rends nerveuse, mais... Mais... ... Mas pourquoi est-ce que tout le cinglant que je peux avoir parfois pour prier les gens de s'occuper de leurs fesses et de garder leurs distances me paraît hors de propos quand il s'agit de lui ?... Bizarre. Je fronce un peu les sourcils, range derrière mon oreille une mèche de cheveux qui m'énerve. Non. C'est pas la mèche qui m'énerve. C'est le fait que je n'arrive pas à soutenir son regard. Plus agréable sur l'herbe que sur un sol de roche... Et beaucoup moins sûr dès que la lumière est absente. Je te recommande la rencontre entre les orteils et un bout de rocher sournois. Rien de tel pour te prouver que tu es vivant. Aucun intérêt, ce que tu dis, 'Nea. Les yeux baissés sur mes pieds nus, je ne sais pas pourquoi j'ai soudain envie de les cacher. Et les chevilles, et les genoux, et les cuisses, et tout le reste. Si on me donnait un grand trou avec un couvercle, j'y plongerais en disant merci. Mais pourquoi est-ce que... Mais ça m'agace à la fin ! J'ai quoi, comme raison, de me sentir aussi fébrile ? C'est idiot. C'est incompréhensible. Bon, 'Nea, allons-y logiquement. Est-ce que tu sais pourquoi tu ressens cette impression d'être une gosse qui va se faire gronder, oui ou non ? Non. Est-ce que tu penses avoir le moyen ou le loisir de rechercher une réponse, là maintenant ? Non plus. Alors, qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là ? On traite par le mépris. Allez hop ! Nervosité ? Quelle nervosité ? J'suis pas nerveuse, moi, j'ai l'air nerveuse ? C'est juste un air ! Regardez comme j'ai même pas peur ! Même que je me tourne pour lui faire face, et même que je souris ! Qui a dit que j'étais nerveuse ? Qu'on le trucide. Alors, monsieur l'inquiet, comment se fait-il que tu aies laissé ta protégée boire un truc non identifié offert par une inconnue ? Ne me dis pas que tu n'es même pas un peu curieux sur les bords ? Beaucoup mieux. Sauf que s'il veut savoir d'où ça vient, ça risque de t'emmener loin... Peut-être beaucoup trop loin... ... Et ça te dérangerait ? ... Sincèrement... tu l'as fait exprès, non ? Avoue... ... J'avoue. Mais quant à l'expliquer... On traite par le mépris ? D'accord. On verra bien... Mais surtout n'arrête pas de sourire.
  10. Elle accepte, en confiance. Ca me fait un drôle d'effet... Elle me fait confiance, à moi. Ceci dit, j'ai bien choisi de leur faire confiance, à eux. Ce qui n'est pas vraiment dans mon caractère non plus. Et que d'ailleurs je ne m'explique toujours pas... Elle a bu la tisane, s'allonge et s'installe, avec un petit sourire sur les lèvres, un air de bien-être comme un chat roulé en boule au coin d'un feu... Je souris aussi dans la pénombre, je retiens un geste étrange. Un instant j'ai été tout près de lui frôler les cheveux... C'est un geste rare, un geste ancien, et destiné à une seule personne... Pincement dans la poitrine. Si loin déjà... Elle doit être grande à présent. Comme Anamaya, un peu moins peut-être, mais elle a l'air si candide avec ses traits qui s'abandonnent et sa main calée sous le menton... Je me lève sans bruit, emportant la tasse. Je la pose sur la table, prend la mienne, et suis Nadhir à l'extérieur. La confiance... Quelle étrangeté. Je la lui ai accordée, et pourtant il me fait toujours aussi peur. Je crois que jamais je ne pourrai cesser de voir en lui l'ennemi implacable masqué derrière une courtoisie de façade qu'il m'a fallu affronter il y a peu... Je reste sur mes gardes. Il peut encore me faire du mal. Même s'il ne semble pas hostile, il est trop secret, trop fermé, pour que je puisse être certaine de ses intentions. Anamaya, c'est différent. Je crois qu'elle ignore même ce que retorse veut dire... Dehors le soleil est déjà très haut. Je plisse les yeux. J'ai laissé mon capuchon à l'intérieur, et la clarté me blesse. Lui est adossé à la falaise, sa tasse à la main, les yeux perdus dans les reflets de la rose de verre miraculeusement vivante... J'ai un frisson qui me court dans le dos, brusquement. Ca ne sert à rien de te demander à quoi il pense, 'Nea. Va t'abriter. Je dépasse le seuil de roches nues, éclaboussées de soleil, et vais me réfugier sous un bouquet de noisetiers bien touffus. L'ombre est fraîche, apaisante. L'herbe rase est douce à mes pieds nus. Les bottes aussi sont restées dans la grotte... Décidément j'oublie tout... Il est resté contre la paroi de roche blonde, à quelques pas. Désolée, le soleil... Un peu trop vif pour moi. Ce n'est pas toi que je crains, c'est le soleil. Menteuse.
  11. C'est ça, oui. Prends-moi pour une idiote, j'adore. Tu te gourres, Gulam, sur toute la ligne. Je ne veux pas te voir mort, je m'en fous. Je veux te voir agoniser, de ma main, et lire dans tes yeux que tu sais que c'est ce que tu viens de faire qui en est la cause. Que c'est cette magie puante avec laquelle tu m'as frappée qui te vaut ta lente mort. Après, les corbeaux pourront te becqueter tant qu'ils veulent, un mort c'est de la viande froide. Un mourant, c'est ça que je veux. Un mourant conscient le plus longtemps possible... Tu crois vraiment que je vais venir te frapper, là, maintenant, après cette splendide démonstration ? C'est pas pour une idiote que tu me prends, Gulam, c'est pour un bestiau, et encore, pas très intelligent. J'ai compris la leçon. Un seul geste et tu as cassé mon assaut. Tu peux le refaire. Quant à savoir si je suis tienne... Crois-le autant que tu veux. Pour ma part je ne sens rien de tel. Je suis à ma colère, à ma peur et à ma haine, oui. Je suis à ma souffrance. Mais je ne suis pas à toi. Aiguiser ma haine sur ton nom, longuement, oh oui, ne t'en fais pas, tu es mon nouveau but, mon seul but à présent. J'aurai ta peau. Même dans dix ans, Gulam, quand tu me croiras bien docile et que tu auras relâché ta prise sur la laisse que tu penses me passer. J'en frémis d'avance... Tu jubiles, hein ? Je l'entends dans ta voix, je le vois dans le brasillement de ces choses rouges à la place de tes yeux. Tu jubiles. Je ne sais pas encore ce que tu me veux. Me tuer, non, je ne crois pas. Tu pouvais le faire avant. Je ne sais pas. Un nouveau jouet, c'est ça ? Un nouveau molosse pour ta meute ? Pourquoi pas, ça m'arrangerait bien, j'ai envie de mordre en ce moment... Juste quelque chose dans ma mémoire, un serment à moi-même, plus jamais le chien de personne, jamais... Jamais à toi en tout cas, Gulam. A battre son chien on lui apprend la haine et la rage, on attise sa fureur, oui... Mais certainement pas sa loyauté. Je me suis levée, redressée. Les bestioles rampantes ont craqué sous mes bottes, aucune importance. Je me suis approchée, lente et prudente, attentive au moindre geste. Il y a une vibration dans le sol, sous mes pieds. Pas assez forte pour me déséquilibrer, pas encore. Mais mieux vaut trouver appui. Je suis de l'autre côté de cette sorte de grande table de pierre, j'y pose les mains. Sans te quitter des yeux, jamais. Un jour je te tuerai, Gulam. Tu le sais n'est-ce pas ? Voix rauque, enrouée, basse. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Aussi calmement, en plus. Peut-être par envie que tout soit clair. Peut-être tout simplement parce que c'est une évidence... Le grondement s'amplifie. Mais je ne te lâche pas des yeux.
  12. L'entrée en matière idéale. La fumée se dissipe, les courtisans toussent et se pleurent mutuellement sur les épaules, confusion, charivari et gros bordel. Au milieu de toute cette cohue, une femme aux yeux larmoyants, un lit et les fesses nues d'un roi, et une quelconque souillon qui quitte la splendeur du satin pour regagner ses guenilles. Vrai, ce roi-là n'est pas difficile sur la compagnie. Une volute de fumée la cache à mes regards, elle a disparu. La fumée retombe, de même la chemise du roi, rabattue d'une main vive par un valet au verbe haut. Très étrange, décidément. Mais comment le petit peuple respecterait-il un tel roi ?... J'ai assisté à bien des cérémonies de Lever, et celle-ci est à l'évidence la plus loufoque qu'il m'a été donné de voir. Si je ne connaissais pas les traits du roi de par les portraits qu'on m'en a montré, je dirais que j'assiste à quelque bouffonnerie pour amuser la Cour... Bien, c'est pas tout ça, au boulot. J'avance dans la pièce en laisant sonner mes éperons, le menton haut, l'oeil ferme. Il s'agit de fixer immédiatement leur attention et leurs certitudes. D'expérience, je sais que les gens croient à tout ce que l'on dit, si c'est plausible, et que leur premier regard concorde avec les mots. Je dois donc être ce que je dis être, et le déclarer illico presto rapido. J'ai idéalement choisi ma vêture, à la fois discrète et élégante, avec juste ce qu'il faut de cuir et d'acier pour révéler le guerrier. Double utilité. Primo les trouillards courbettent de la caboche et tournent les talons, c'est toujours ça d'emmerdes en moins. Et deuxio ça donne un peu plus d'épaisseur à ma carrure mince. Et puis je trouve que ça me va bien. Pas vous ? Les hautes cuissardes en peau lustrée, le haut de chausses ajusté, le pourpoint cintré qui dessine les hanches sans marquer la taille. Le baudrier richement orné, mais bien souple, usé. Soigner les détails... De même, le reflet sourd de l'acier bien huilé... Les cheveux noués en queue de cheval, bas sur la nuque, qui dégagent le visage. Sire Roi, permettez que je vous présente les respects affectueux de Dame Germainitrude, votre royale mère. Elle m'envoie, moi, son fidèle serviteur, vous présenter ses voeux de bonheur et de longue vie en ce jour de liesse. Je suis porteur du cadeau qu'elle destine à votre Royale curiosité, et à votre disposition, sur son ordre, pour vous apprendre son usage. Joyeux anniversaire, Roi Nadhir Palpipède. Chevalier Néon, pour vous servir. Inclinaison du buste, rapide et impeccable. Retour à la verticale, sourire avenant. La vieille morue m'a effectivement remis le cadeau, les lettres, tout ce qu'il faut pour arriver ici sans être inquiété, sur la seule recommandation de Maître Prouf, son astrologue, et accessoirement mon contact dans sa demeure. Dans la malle qui franchit probablement en ce moment les portes du château, un zbigognol de trifaillon à tête escamotable, le dernier cri en matière d'arme de destruction massive. Un ptit coup, et hop-là-bas, le tiers de l'armée ennemie tombe en purée de marrons. Ca élimine l'ennemi, et ça nourrit le trouffion de base, qui raffole, comme chacun sait, de la purée de marrons. C'est hyper-compliqué-de-la-mort à manoeuvrer. Et comme ce roi est aussi renommé pour sa curiosité en matière d'armes magique que pour sa grande maladresse ("Roi Nadhir, y'a pas pire, Roi Nadhir, j'crève de rire, Roi Nadhir va te faire frire", scandent allègrement les armées ennemies), il est plus probable que ce roi, con comme toute une botte de manches, mette des semaines à maîtriser l'engin. C'est plus qu'il ne m'en faut pour découvrir ce qui motive réellement ma présence ici. Comment amener le chaos et la désolation dans ce royaume. 'paraît qu'il y a un truc chelou, un grand secret. Les secrets, c'est ma grande spécialité... [hrp : c'est Ana, elle a dit que j'pouvais ]
  13. Bon, voilà. C'était pas un concours, c'est la sauvegarde d'un monument en péril, c'est-à-dire d'un RP commencé illo tempore sur le forum des Roses, qui disparaît tout doucement... Celui qui arrive à tout lire gagne... c'est un secret
  14. Je suis l'échange sans rien laisser transparaître, neutre et silencieuse comme une servante de grande maison, un bout de mobilier. Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'il me faut marcher sur des oeufs, entre ces deux-là, si je veux éviter de déclencher les foudres de l'un ou de l'autre... Ou bien c'est moi qui suis tendue. Possible. Probable, même. J'acquiesce avec soulagement à la proposition de Nadhir, il est clair qu'elle a besoin de dormir, comme il est clair que j'ai besoin de me débarrasser de l'impression de confinement qui me serre la gorge. Dehors, c'est mieux. Je prends derrière moi un petit bocal en verre bleu. Dedans, les fleurs de roche, relique de ma vie d'avant, si rares et si précieuses. Ma mère m'en mettait deux pétales dans ma tisane du soir, pour rendre mes nuits paisibles. Mes cauchemars d'enfants étaient du style à provoquer les réveils en larmes et en hurlements, ce qui accroissait encore l'aversion des "miens" à mon encontre... Deux pétales dans le creux de la main, je m'approche d'Anamaya. La fumée odorante ondule au-dessus de la chope dans mon autre main. Je la lui donne, puis je tends ma main ouverte, les deux pétales secs et fripés, violet sombre. Pour tenir les mauvais rêves au loin... C'est inoffensif. Le goût n'est pas fameux, mais dans la tisane, tu ne le sentiras pas... Reste à voir si elle acceptera ce vieux remède inconnu d'elle. Proposé par une ennemie, dans un lieu étranger. Moi à sa place, je refuserais. Mais nous sommes différentes...
  15. Merde, ma bouilloire !!! En quelques pas rapides de suis près du brasero, j'attrappe le chiffon molletonné pour saisir la poignée, je tire le récipient du feu et le pose sur le sable. Bon, plus qu'à ôter le couvercle de la tisannière, verser l'eau... Les herbes parfumées sont là dans leur sachet, une dose, deux doses... Une troisième chope vient rejoindre les premières, et un pot de miel également, pour ceux qui veulent... Ces herbes sont amères, mais moi je les aime comme ça... Je souris à Anamaya. Pour le parfum, ça va mieux, je te rassure... Une tisane ? Ca va être un peu serré, mais j'en referai. Elle a les yeux battus. Fatiguée, sans doute... Il va falloir que je trouve de quoi occuper Nadhir pendant qu'elle se repose...
  16. C'est pas le bruit. Elle s'est agitée après... Et puis quand on s'éveille à cause d'un bruit, on ne se tient pas tétanisé comme ça. Mauvais rêve... Mais c'est quoi ce truc qui luit vaguement sur son dos ??? On dirait des écailles bleutées... Je plisse les yeux, je vois mal... Et déjà elle se retourne, souriante. Mais c'était bizarre, et ce n'était pas une hallucination, puisque Nadhir a vu aussi. Ses paroles en témoignent. Pas de questions ni de curiosité déplacée. Je n'aimerais pas qu'on m'interroge, je n'interroge donc pas... Mais je n'en prête pas moins grande attention aux réponses qu'elle fera... si elle en fait. En attendant, je vais pècher dans mon coffre une autre tunique... L'autre, qu'Anamaya a oubliée dans la grotte aux sources, doit être humide à présent. J'irai la récupérer plus tard. Je tends le vêtement à Anamaya, puis me poste dos à elle, avec un regard signification à Nadhir. Mais bon, je ne connais pas leurs moeurs, non plus, si ça tombe ils ne sont pas pudiques... Aucune importance, de toute façon. Chacun ses habitudes...
  17. Mes bottes font un raffut d'enfer. Je ne m'en étais jamais rendu compte, évidemment, puisque je n'ai jamais eu à veiller à la tranquillité de personne, ici. Ca a du bon de vivre seule... Deux petits gestes et je me débarrasse de ces tapageuses choses en cuir épais. Et des deux stylets qui dorment dans leurs tiges. Cette fois je suis toute nue pour de bon. Désarmée. Ca fait bizarre... Je refoule une mèche de cheveux vagabonde, le temps de m'habituer à l'idée que deux autres personnes respirent l'air frais de ma caverne, aujourd'hui, deux ennemis de par les décrets et les actes. Et que je leur fais assez confiance pour laisser les dernières lames derrière moi. Je contourne la table sur mes pieds nus, et prends deux chopes de bois sur l'étagère. Le pot de métal qui sert de bouilloire est vite empli à la jarre d'eau fraîche, posé sur le brasero que j'attise de quelques souffles longs et réguliers. La tisannière est un peu petite, mais elle suffira pour deux. En quelques mouvements, silencieux cette fois, j'ai rassemblé sur la table les objets du rituel de la courtoisie. Plus qu'à attendre que l'eau chauffe. Ce ne sera pas long. Je m'assieds face à Nadhir, l'oreille tendue au souffle de la dormeuse d'une part, et à celui de la bouilloire d'autre part, pour l'enlever de là aux premières bulles. Pas question de la laisser siffler évidemment... Et puis l'absurde de la situation me frappe... Je ris en silence, en secouant un peu la tête. C'est râpé pour la conversation... J'ai pas pu m'empêcher de la chuchoter, celle-là...
  18. J'étais déjà dans l'ombre du couloir, heureusement. Il aurait vu le trouble. D'abord le geste vers la fleur de verre, ancrée en terre maintenant. La magie , je ne la comprends pas, je ne la maîtrise en rien, elle me fait un peu peur. Et puis ses derniers mots, totalement inattendus... Je ne sais pas quoi répondre. Ni même s'il ne vaudrait pas mieux me taire. J'avance dans le boyau, quelques pas pour me donner le temps de trouver un mot à dire. Je crois que le mieux serait de renoncer à essayer de tomber d'accord sur certaines choses. Et d'éviter des sujets qui fâchent... Et tu n'as pas à t'excuser. Je crois que je suis au moins aussi têtue que toi, alors laissons tomber, c'est mieux. Un peu trop bourru, le ton, peut-être ?... On verra bien si en-dehors de tout ça il reste quelques sujets de conversations qui ne mènent pas à l'empoignade... Petite pointe de taquinerie, cette fois. Mieux. Je débouche dans la caverne, vais activer un peu le feu et rallumer une lampe ou deux. Je lui désigne la chaise qu'occupait Anamaya il y a peu de temps. Installe-toi, je vais voir où en est la... ... demoiselle. Elle est là la demoiselle. Plongée jusqu'au nez dans les fourrures. Endormie... Je me retourne vivement vers Nadhir, pose un doigt sur ma bouche, signe universel...
  19. Quel culot... Recevoir des nouvelles via Merr'Aos ? Alors qu'en revenant ici j'ai trouvé le campement en émoi, tout retourné par le meurtre de VAL de la main d'un de ses "amis", alors qu'il venait à peine de nous rejoindre ? Et que depuis, plusieurs agressions, dont certaines se sont conclues par la mort d'une Rose, ont été perpétrées par les Constellations ? Et après ça on aurait encore dû aller proclamer, en ayant l'air d'y croire, que les Constellations ne sont pas des brutes avec un gros égo et une soif de mort au moins aussi démesurée ? Je connais deux membres des Constellations qui ne sont peut-être pas des crétins bavant la rage. L'une marine dans son bain, et l'autre est devant moi. Mais je lui découvre, soit un humour très particulier, soit une intelligence nettement moindre que ce qu'il m'avait semblé voir de prime abord. Les affaires en cours ? Et puis quoi encore ? Tu veux pas mes boyaux pour t'en faire une lyre, tant que t'y es ? Les efforts on les a faits, et ils me coûtent encore, je ne crois pas que j'oublierai de sitôt l'heure éminemment inconfortable que j'ai vécue autour d'une table de négociation face à ce regard indéchiffrable, insaisissable, inflexible. Tu m'en as fait baver, Nadhir, et pour rien. Et je t'en veux pour ça. J'ai les sourcils qui se froncent, la bouche qui s'ouvre pour répondre un truc bien indigné. Et puis une petite bulle explose à côté de mon épaule et je sursaute. La voix d'Anamaya. Puis une succession d'apparitions viennent se répandre sur la tête de Nadhir, quelques gouttes à chaque fois, qui s'accumulent dans ses cheveux découverts et lui dégoulinent le long de la tempe. La forme-sirène translucide danse dans le soleil, alors que son auteur reste bien protégé dans la caverne, c'est étrange de penser que la vraie Anamaya se tordrait sous la brûlure alors que celle-là sourit. Et enfin l'explosion de roses. Pas de doute, elle a le sens du spectacle... et de la dérision. Un vrai talent. Il en faut pour arriver à me faire sourire alors que j'allais piquer une grosse colère... Je ramasse la rose de verre, si fine, je regarde l'éclat du soleil qui s'accroche à ses pétales figés... Magnifique... J'entends un peu de remue-ménage derrière moi, dans la caverne. Elle est sortie de son bain. Je relève les yeux sur Nadhir, un rien goguenarde. Rassuré ? Puis je hausse les épaules. Quelle importance après tout. Viens. Elle est sans doute plus décente maintenant qu'elle ne l'était il y a deux minutes. Regard appuyé. Parce que l'air de méfiance quand je t'ai dit qu'elle n'était pas visible, n'imagine pas qu'il m'a échappé...
  20. Euuuuuh... A moins qu'elle soit extraordinairement rapide, elle doit être encore en train de mariner dans l'eau chaude, et probablement vêtue exclusivement de ses projets d'avenir... Je... je crois qu'elle n'est pas visible, là, dans l'immédiat... Il faudra que tu patiente un petit peu. Elle a été un peu brûlée. A la main. A ma connaissance le reste va bien. Et maintenant ? Le faire entrer ? ... Déjà Anamaya, c'était parce qu'il n'y avait pas d'autre solution, et ça me fait comme l'impression de quelque chose qui se serait logé sous ma peau et qui bougerait doucement, pas vraiment désagréable, disons juste préoccupant... J'ai le sentiment que l'impression serait nettement plus difficile à supporter si je le laissais pénétrer dans mon antre... Trouver autre chose... Mais quoi ? Vite. Là, à danser d'un pied sur l'autre, je vais vraiment finir par a avoir l'air stupide...
  21. HEIN ? Quoi ? J'ai lâché le bol en bois, il est tombé sur le sol sablonneux avec un petit bruit mat. Je ne connais pas cette voix. Enfin si. Mais c'est la voix de personne d'ici. Et puis il termine sa litanie de prénoms par le sien. Il a fait vite... Tellement inquiet qu'on lui maltraite son amie ? Je ramasse le bol et le pose sur la table, avant de m'avancer vers le couloir d'entrée. En paix, hein ? Je croyais que c'était la guerre, moi, mon cher Nadhir. Je m'engage dans la fissure, pas trop de bonne grâce je l'avoue. La dernière fois que j'ai vu ce monsieur, il m'a fallu trois jours pour m'en remettre, trois nuits où j'ai fait des cauchemars, son pied titanesque écrasant mes soeurs, et lui qui me regardait avec son air calme, "tu as échoué, quel dommage n'est-ce pas"... J'en frissonne rien que d'y penser. Et là, dehors, il y a SEPPA et lui. Va falloir que je le brieffe, mon cornu préféré. Il commence à prendre de sales habitudes à m'amener les visites juste sur le pas de la porte... Merci, SEPPA. Au fait, anamaya m'a demandé de te remercier d'avoir pris soin d'elle. Il se redresse, tout fier... Ca me fait sourire. Tant de tendresse sous cette apparence de grosse brute... Oui bon, d'accord, y'a une belle fraction de grosse brute aussi. Bienvenue, Nadhir. Anamaya est bien ici, à l'abri. Par contre, pour Aya, c'est cette tente bleu foncé, là-bas.
  22. (SEPPA parle...) Groumpf... Si tu crois que ça m'importe qu'on prononce mal mon nom... C'est même pas mon nom, en fait, ma maman ne m'appelait pas comme ça du tout. C'est mes Roses quand elles m'ont demandé comment je m'appelais, ben je leur répondais, et puis y'a la petite brune qui disait à la rousse à cornes "qu'est-ce qu'il a dit ?" - "Je sais pas ! Et toi, tu sais ?" qu'elle renvoyait à la grande aux yeux noirs - "nan je sais pas non plus"... Et donc, voilà. Je suis SEPPA. Des fois faut pas chercher. Pourquoi je lui raconte tout ça ? Je sais pas. Haha... Viens par ici. La petite étoile est cachée du soleil. Ca lui réussit pas des masses, hein ? Tout en papotant, je lui ai fait traverser le campement, tranquille sous le soleil, juste les ronflements de Kheg, faut qu'il arrête de dormir sur le dos à la sieste, lui, foutu vacarme. Je l'aime pas. Il regarde Tally avec des yeux de veau... Euuuuh... Des yeux de ... Des yeux, là ! Pas m'énerver. Groumpf. C'est là qu'elles sont. 'Nea s'occupe d'elle. Et je lui désigne la faille dans la falaise. Vaut mieux pas entrer sans s'annoncer. Enfin moi j'dis ça pour toi.
  23. (SEPPA parle...) Ah ben ça... Il pleut des étoiles aujourd'hui. La petite de tout à l'heure, et maintenant celui-là. Quelque chose me dit que c'est pas un hasard. Je regarde derrière, le soleil qui filtre partout, j'en ai encore l'échine toute hérissée, des heures après, tellement elle m'a foutu la trouille avec ce truc qui va pas chez elle. 'reusement qu'on était près du campement... Elle est pas passée loin. Y'avait une odeur de brûlé qui montait de sa ptite main, ça me retourne le coeur... Pauv' petite. Ca doit pas être facile la vie pour elle. Bon, et celui-ci, il veut quoi ? Parler aux roses, ah tiens. Et mon nom, ah tiens. Moi c'est SEPPA. C'est moi le portier. Et des fois, c'est moi le sorteur aussi. Je lève un sourcil. Tu veux parler aux Roses ? C'est pas plutôt à la petite étoile que tu veux parler ?
  24. Je me glisse dans la fissure, guidée par la lueur du feu et du brasero dans la caverne principale. Je n'ai pas besoin de plus de lumière, je n'ai pas besoin de lumière du tout. La direction des mouvements d'air, leur sécheresse, leur chaleur, la façon dont les bruits se répercutent, tout ça me suffit, les longues heures, longues années à jouer les exploratrices à l'aveuglette dans les grottes des monts Korgaï ont développé mes autres sens. Le bout des doigts sur la paroi, comme un guide, c'est déjà presque superflu. J'entends ses mouvements, derrière, l'écho qui se répercute, étrange, je l'ignorais, et je l'apprends en entendant quelqu'un d'autre évoluer dans cette salle, quelqu'un d'autre que moi. Ca fait drôle... Comme si j'avais autorié une étrangère à toucher ma peau nue. A la fois un malaise, un peu de peur, et en même temps quelque chose qui hésite, l'idée qu'on fait confiance à cette personne pour ne pas vous blesser... Très bizarre comme sentiment... Assez préoccupant. Dans la grande caverne, je passe quelques minutes à soigner un peu l'ordre, à donner un aspect un peu plus accueillant à l'austérité de ma tanière. Et je souris en me demandant pourquoi je le fais... Et je souris parce que je sais pourquoi je le fais. Tu changes, 'Nea. Tu vas finir par être sociable si tu fais pas attention...
  25. J'ai les joues qui chauffent furieusement. Heureusement, j'ai ma carnation pour moi, et la pénombre ambiante, aussi... Je pique du nez droit sur la pointe de mes bottes, mais le rire d'anamaya qui cascade déclenche le mien, involontairement. Plus grave, plus discret, retenu. Mais c'est trop comique, cette situation, j'arrive pas à le retenir. Attends, je vais te montrer. J'allume une lampe avec une brindille plongée dans le brasero, mais je la laisse un temps sur la table. Une fouille brève dans le coffre, je sors une longue tunique floue, et j'attrappe sur une étagère une épaisse serviette en fibres d'herbe du désert. C'est par ici... Je prends la lampe et l'invite du regard. Puis je la guide vers la large fissure dans la paroi, d'où provient le parfum métallique et moite des eaux chaudes. Nous débouchons dans la seconde caverne, je dépose la robe et la serviette sur la banquette de bois, près de l'entrée. Puis j'allume les trois lampes qui restent toujours là. La lumière douce révèle le blanc pur des concrétions d'un côté, et les teintes vives des plaquages sur les parois du bas de la petite salle, les reflets des bouquets de cristaux au bord de la fontaine chaude... Voilà... Si tu préfères le frais, il y a les gours, là haut, tu sais, les baignoires naturelles... Et si tu préfères le chaud, il y a la fontaine en bas, mais l'eau sent un peu le soufre. Habituellement je commence par le chaud, et puis je passe au froid, pour éliminer l'odeur... Ah oui, fais attention dans la fontaine chaude, reste au bord, elle s'approfondit vite... Je pose la lampe sur le petit socle naturel, colonne blanche tronquée, en plein milieu de la salle. Je te laisse... Je repasserai plus tard pour voir si tu n'as besoin de rien. N'oublie pas d'éteindre les lampes quand tu partiras, les suies salissent les draperies... Je lui désigne du menton les longues tentures blanches et minérales... L'une d'elle se teinte légèrement de sombre, au contact des fumées des lampes... On n'y peut rien. Ces grottes, une fois qu'on y est entré une fois, ne sont plus jamais les mêmes. Ceux parmi qui j'ai grandi disaient d'une voix gourmande qu'il en était de même des filles... Sans comprendre, je haussais les épaules. Je les hausse à chaque fois que je me souviens de ça. Et encore aujourd'hui.
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