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Terre des Éléments

Les enfants d'Eolia


elfe
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Elfe voit les élémentaux apparaître l'un après l'autre mais ne se décourage pas si facilement. Sûl'Til en main, elle cause de sérieux dégâts aux créatures de pierre et les terrasse facilement, enchaînant les victoires.

Par rapport au gros de tout à l'heure, ceux-là, c'est de la tarte ! Aux myrtilles, la tarte... celle que je préfère.

La guerrière se sent suffisamment en confiance pour se laisser aller à ce genre de pensées légères. Elle domine ses adversaires aisément. Lents comme ils sont, ils n'ont pas le temps de la frapper qu'ils sont déjà morts, explosés sous la violence de ses coups. Pour autant, leur nombre ne diminue pas. Plus le temps passe, plus ils sont nombreux à se dresser, indifférents au sort de leurs frères tombés. C'est alors que Suyvel lui crie une instruction :

« Je m'occupe de les retenir ! Emmène l'oiseau et va-t'en ! »

Elfe jette un regard dans sa direction.

Encore ?

Elle a l'impression d'avoir déjà vécu cela, tout récemment. D'ailleurs, elle voit la magicienne recourir au même sort, avec des effets cette fois plus marqués : les élémentaux s'immobilisent.

Elle peut les paralyser ? Et elle voudrait que je fuie ? Alors qu'elle nous confère un avantage aussi énorme ?!

Faisant la sourde oreille, Elfe redouble d'efforts, causant des ravages dans les rangs ennemis puisqu'ils n'essaient même plus de se défendre... mais pour autant, de nouvelles créatures ne cessent d'arriver jusqu'à elles, même si elles s'immobilisent aussitôt. La guerrière se retrouve bientôt le souffle court, et voit que Suyvel ne tiendra pas éternellement non plus. Serrant les dents, elle prend la décision qui s'impose.

Grimaçant de frustration, elle se dirige vers l'oiseau et lui fait des signes pour l'inciter à courir après elle. Comme il est indubitablement inquiet de tout ce qui se passe ici, il ne fait pas trop de difficultés pour la suivre. Elle reprend donc sa course dans la galerie.

Pas bien longtemps. Jusqu'au premier tournant, en fait.

Là, elle stoppe net devant la vision qui s'impose à elle.

A vingt mètres devant, le tunnel se termine sur fond de ciel nocturne étoilé.

Dans un cri étouffé de joie, elle se rue jusqu'à l'ouverture, puis freine désespérément des quatre fers pour éviter de la franchir. Elle parvient à s'arrêter au bord de l'ouverture, en équilibre précaire au bord du gouffre.

Car devant elle, majestueuses dans leur manteau blanc immaculé, se dressent les hauteurs des Cimes. Et sous ses pieds s'ouvre un précipice dont le fond se perd dans l'écrin de la nuit, tout de velours noir.

Elfe réalise soudain la situation qui est la leur. Cela fait longtemps qu'elles ont suivi des passages qui montaient sans cesse. A force, elles ont pris de l'altitude, bien au-dessus du niveau des terres.

On a escaladé la moitié d'une montagne... par l'intérieur ?!

Elfe n'en revient pas. Ce qu'elle ignore, c'est qu'elles n'ont même pas parcouru le quart de la hauteur du pic rocheux. La nuit ambiante ne lui permet pas d'apprécier correctement l'environnement. Sauf pour ce qui est du précipice, bouche béante de néant prête à l'engloutir. Le tunnel débouche à flanc de montagne, sur une paroi verticale. L'issue providentielle n'en est finalement pas une. Pas une qu'elles puissent emprunter, en tout cas.

Mais... et l'oiseau ?

Si les deux aventurières ne peuvent fuir par là, l'oisillon n'a pas les mêmes limitations qu'elles. Si lui peut ainsi s'échapper, alors il se mettra hors de portée du druide noir. Eolia sera certainement satisfaite de leurs actes. Cette réussite justifiera leurs efforts et leurs sacrifices. Jusqu'à leurs vies si jamais elles ne pouvaient en réchapper. Mais alors leur mort aurait un sens.

Elfe revient précipitamment sur ses pas, droit vers l'oiseau et, par de grands gestes, l'incite à se diriger vers le bout du tunnel et à prendre son envol. Cependant, arrivé à son extrémité, l'oisillon tourne un regard malheureux vers la guerrière et pousse un triste piaillement, avant de reculer d'un pas. Elfe le regarde sans comprendre.

Mais qu'est-ce que c'est que cet oiseau qui n'est même pas fichu de voler ?!

Elle redouble d'effort, gesticulant et criant même pour faire peur à la jeune créature et la faire fuir par la voie des airs. Mais celle-ci se contente de lui tourner autour et de produire un bref battement d'ailes avant de piailler d'une voix pitoyable. C'est alors qu'un détail frappe le regard de la guerrière : la façon dont l'oiseau déploie incomplètement une de ses ailes. Et elle comprend.

Oh non ! Il est blessé... ?

Finalement, l'oiseau est tout aussi captif qu'elles de ce tunnel. Elfe reste les bras ballants, sans savoir que faire, désespérée par ce coup du sort qui leur ôte toute possibilité de succès.

A moins que "“

Prise d'une impulsion subite, elle abandonne la pauvre créature et rebrousse chemin à fond de train. Le coude de la galerie passé, elle voit l'elfe noire qui maintient toujours les élémentaux à distance et se dirige droit sur elle en vociférant :

« Suyveeeeeel ! L'oiseau ! Il est blessé à une aile ! »

Devant le regard plein d'incompréhension de la magicienne, Elfe fait un gros effort pour se calmer et lui expliquer les faits : la fin du tunnel à flanc de montagne et le refus de l'oiseau de s'envoler. Si les yeux améthyste de la drow s'éclairent, elle n'en continue pas moins à incanter sans bouger.

Elfe en est déconcertée.

Puis elle réalise le nombre d'élémentaux qui guettent désormais la moindre faiblesse de la magicienne. Si elle suspend son sortilège, c'est une avalanche de pierres qui va les submerger. Néanmoins, si elles veulent sauver l'oiseau, elles n'ont guère le choix. Les talents de guérisseuse de Suyvel seront bien plus utiles dans cette situation. Elle doit se rendre auprès de l'oisillon.

Elfe se saisit de son arme et passe devant la magicienne.

« Je m'occupe d'eux. »

Le ton est ferme.

Elfe brandit Sûl'Til devant elle. Puis l'ordre claque :

« Lâche-les et va auprès de l'oiseau ! Sauve-le ! »

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  • 2 weeks later...
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Lorsqu'elle entendit Elfe revenir vers elle, Suyvel fut pour le moins surprise.

Elle est encore là ?

La magicienne essayait de gagner du temps pour lui permettre de mettre l'oiseau à l'abri, et voilà que la guerrière rappliquait comme si de rien n'était ! Heureusement, après quelques rapides explications, Suyvel comprit le pourquoi de ce retour inattendu. Et réalisa qu'elles étaient désormais dans une position inextricable. Restait un espoir... pour l'oiseau. Si elles parvenaient à le sauver, au moins n'auraient-elles pas fait tout cela en vain. Elles pourraient paraître la tête haute devant leur Déesse, leur devoir accompli... mais pour l'heure, Suyvel avait un problème plus délicat à résoudre. Depuis qu'Elfe était partie "“ même si ce n'était pas longtemps "“ les élémentaux n'avaient cessé d'affluer. Il y en avait désormais une bonne vingtaine qui étaient sous l'emprise de son sort, maintenus inertes temporairement "“ et elle ne voulait pas les libérer. Ou bien le plus tard possible.

Mais cela relevait presque du vœu pieux. Déjà, le nombre grandissant de créatures que son sort devait soumettre mettait ses forces à rude épreuve. Elle s'approchait de la limite de ses capacités, et son contrôle allait rompre sous peu. Et la détermination d'Elfe la surprit.

Pense-t-elle sérieusement faire face à tant d'adversaires... ?

Néanmoins, qu'elle le veuille ou non, elle allait bien devoir prendre le risque. Quand bien même aurait-elle maintenu son sort d'apaisement élémental un peu plus, cela n'aurait pas rendu l'issue moins inéluctable. Alors, puisque la guerrière était résolue à s'interposer et à prendre la relève...

Les échos de la formule du sort moururent sur les parois de la galerie.

Presqu'aussitôt, les élémentaux s'animèrent progressivement et redevinrent menaçants. Suyvel vit Elfe charger les créatures de pierre. Elle fut tentée d'aller l'aider mais elle n'oubliait pas ce que la guerrière lui avait demandé.

L'oiseau !

Vidant rapidement une nouvelle potion de mana, la magicienne courut vers le coude du tunnel et en découvrit l'issue, devant laquelle l'oisillon attendait piteusement. A la façon dont il tenait une de ses ailes, Suyvel n'eut aucun doute : elle était brisée. Elle songea que les braconniers qui l'avaient capturé avaient dû employer la manière forte : avec une aile en moins, l'oiseau n'avait ainsi eu plus aucune chance de leur échapper ! Suyvel grimaça de colère et voulut se saisir de l'aile blessée... mais dès qu'elle y porta la main, l'oisillon se déroba et lui échappa en piaillant.

« Non ! Attends... Je ne te veux aucun mal. Je veux t'aider. »

Mais les bonnes intentions ne suffisaient pas à calmer l'oiseau. Son aile devait le faire souffrir. Malheureusement, Suyvel avait besoin d'un contact direct pour que ses sorts de soin puissent opérer. Et l'oiseau ne la laisserait manifestement pas porter la main sur lui.

Ce n'est pas le moment !

Et pourtant, l'oisillon restait imperméable à toute notion d'urgence. La magicienne allait devoir s'adapter. En soupirant, elle ramassa une plume tombée et recommença le sortilège d'empathie animale.

Quelle perte de temps !

Il lui fallut deux bonnes minutes pour calmer l'oiseau et encore une pour le convaincre de la laisser le toucher. Alors elle put enfin prendre l'aile entre ses mains. Ses doigts frôlèrent le plumage avec une infinie délicatesse, cherchant la zone de la lésion... et elle la trouva sans peine.

Un os fêlé.

Refermant ses mains avec douceur sur la blessure, Suyvel entama la litanie de guérison. L'oisillon la regardait de son œil rond et sombre, manifestant une curiosité évidente pour ce qu'elle était en train de faire, sans songer à se soustraire, fort heureusement. La magie afflua dans l'aile et Suyvel concentra l'énergie sur l'os afin de le reconstituer au mieux. Lorsque le sortilège fut accompli, la magicienne lâcha l'oiseau et se releva tout en l'observant.

L'oisillon fit de même.

Suyvel inspira. Son sort avait-il fonctionné correctement ? Son patient était-il à nouveau capable de voler ?

Le moment de vérité...

Elle écarta vivement les bras en criant.

« Yaaaaaaah ! »

Dans un bref piaillement, l'oiseau étendit ses ailes complètement et sauta sur place. Puis il sembla réaliser que son aile ne lui faisait plus mal. Il agita les deux encore une fois, comme pour s'en assurer... et en sautillant, il se dirigea vers l'extrémité du tunnel.

Suyvel l'observait avec angoisse.

L'oisillon arriva au bord du gouffre, hésita un instant... et sauta. Il plongea littéralement vers le bas, laissant présager le pire.

Suyvel réprima un cri et se rua vers le bord.

Aussitôt, l'oiseau reparut à sa vue. Il avait rectifié son vol et avançait désormais droit devant lui, mais sur une trajectoire plus basse que le tunnel. L'elfe noire poussa un gros soupir de soulagement. Leur compagnon à plumes était maintenant tiré d'affaire. Une pensée qui en fit ressurgir une autre.

Et Elfe ?!

Suyvel rebroussa chemin à vive allure et déboula sur le champ de bataille. La guerrière était toujours vaillante et faisait face à un nombre impressionnant d'élémentaux de terre. Néanmoins, elle commençait à se fatiguer et ses adversaires en profitaient pour tenter de la déborder sur ses côtés et la cerner complètement. Suyvel n'allait pas laisser ceci se produire.

Appelant frappe céleste sur frappe céleste, la drow dégagea Elfe du surnombre et vint se positionner à ses côtés.

« Devine qui vient te prêter main-forte ?

- Te revoilà ! Et l'oiseau ?

- Notre petit compagnon a pris son vol et m'envoie te chercher. Il me disait que tu n'allais pas t'en sortir seule...

- Très touchée, merci ! Et il n'avait personne d'autre à m'envoyer que toi ?

- A vrai dire, ça ne se bousculait pas pour venir sauver ta jolie peau...

- Ah ben ça fait plaisir d'être appréciée !

- Tu ne crois pas si bien dire. Tu penses sérieusement que j'imaginais mon dernier combat aux côtés d'une elfe des bois ? »

Car il ne s'agissait que d'un ultime baroud. Juste pour l'honneur. Les deux aventurières, coincées au milieu de nulle part, n'avaient plus aucune échappatoire.

Ni aucun espoir.

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  • 2 weeks later...

Elfe tient la position dans le tunnel, de plus en plus difficilement il est vrai, face à des agresseurs toujours plus nombreux. Elle sent venir le moment où elle sera fatalement débordée quand Suyvel se porte à son secours, après plusieurs minutes d'absence.

Les quelques propos faussement légers qu'elles échangent fixent Elfe sur un point : la magicienne ne se fait plus aucune illusion sur leurs chances d'en réchapper. Certes, en faisant front à deux, elles tiendront un peu plus longtemps, mais cela ne les fera pas sortir de cette souricière.

C'est la fin de la route.

Et elle arrive bien plus tôt qu'Elfe ne se l'était imaginé.

Tout en continuant à combattre, une partie de son esprit s'envole vers d'autres cieux... vers une autre personne.

Gyu... où es-tu ?

Elle se dit qu'elle l'aimerait bien l'avoir à ses côtés en ce moment, puis elle se reproche d'avoir eu cette pensée égoïste. La présence de son fidèle complice ne changerait rien. S'il était là, il mourrait avec elle. C'est simplement que, sentant venir l'heure de son trépas, la guerrière aimerait bien livrer son dernier combat en sa compagnie. Et paraître ensemble devant Eolia.

Au moins lui vivra-t-il encore...

Finalement, elle se félicite de ne pas l'avoir embarqué dans cette virée au marais. Ainsi ne se retrouve-t-il pas coincé ici, condamné comme elle. Certes, elle aurait préféré ne pas mourir seule... mais seule, elle ne l'est pas.

Profitant d'un bref répit, elle jette un regard vers Suyvel.

La magicienne se bat avec hargne, multipliant les sortilèges sans se ménager et semant la destruction dans les rangs ennemis. Elle sait que c'est la fin et pourtant elle aussi continue à se battre et à couvrir la guerrière.

Elfe ne saurait dire pourquoi... probablement à cause de toutes les vilaines histoires que l'on colporte sur les elfes noirs... mais elle imaginait que la magicienne trouverait le moyen de s'échapper, par la grâce d'un sortilège approprié. Qu'elle s'évaporerait, laissant la guerrière faire face seule à son destin. Ou bien qu'elle capitulerait et implorerait leur ennemi de la laisser vivre. Ou encore "“ Elfe frissonna "“ qu'elle la tuerait par surprise pour offrir sa tête au druide noir, en gage de bonne volonté.

Et il n'en était rien. Depuis qu'elles avaient décidé de se porter au secours de l'oiseau, l'elfe noire se révélait une amie aussi sûre et loyale que n'importe quel membre de sa faction. Peut-être même autant que Gyu. Dans la pire adversité, elle ne lui faisait toujours pas défaut.

Elfe se sent un peu honteuse de lui avoir prêté de tels desseins, ne serait-ce que vaguement.

Elle lance à sa sœur d'armes un regard ému, accompagné d'un sourire.

« Suyvel... merci d'être là. »

Et aussitôt elle repart à l'attaque de plus belle, avec une ardeur renouvelée. Les élémentaux tombent l'un après l'autre, mourant par dizaines. Les gravats, modestes reliquats de leurs corps minéraux, jonchent le sol du tunnel. Pour autant, cela ne change pas le cours des choses. D'autres arrivent sans cesse, prenant la place des vaincus et guettant l'inévitable moment où les forces des deux aventurières les abandonneront.

Leur position devient déjà intenable. Suyvel doit reculer et Elfe suit le mouvement, s'appliquant à faire barrage entre les élémentaux et la magicienne. Elles passent ainsi le coude du tunnel, un pas après l'autre. Mais faire retraite ne les sauvera pas. Cela ne servira qu'à les mener au bord du gouffre... et alors elles n'auront plus nulle part où reculer.

Elfe espérait un peu que le druide noir s'épuiserait avant elles. Ou qu'il renoncerait devant l'opiniâtre résistance des deux Aérides. Mais désormais elle se rend compte de l'inanité de cet espoir. Une fois de plus, son esprit glisse vers son complice de toujours.

Gyu... j'avais tellement de choses à te dire...

Elle avait cru qu'elle aurait toujours le temps pour cela. De dire les choses. D'exprimer ce qu'elle ressentait. Pourquoi elle avait quitté sa famille et son clan sylvain. Pourquoi elle avait choisi de suivre les errances du jeune homme, qui n'était à l'époque qu'un magicien novice en quête d'aventure. Pourquoi elle ne s'était plus jamais séparée de lui bien longtemps.

Un flot de souvenirs la submergea.

Toute cette route faite en compagnie de Gyu. Toutes ces péripéties, ces bêtises, ces moments de joie ou de peine, ces maladresses, ces fous-rires...

Tous ces souvenirs.

Toute cette complicité.

Tous ces sentiments jamais véritablement exprimés et pourtant présents à chaque seconde.

Elfe ferme brièvement les yeux. Au coin de son œil, accrochée à sa paupière, luit une larme.

Merci pour tout, ami très cher. Bonne chance, Gyu... et adieu.

Elle rouvre les yeux sur la marée d'élémentaux qui menace de les balayer d'un instant à l'autre. Elle se bat maintenant avec l'énergie du désespoir. Un coup d'œil derrière elle : sous ses talons, le vide. Insondable. Vertigineux. Se perdant dans la nuit. Elle ressent l'appel de l'abîme. Et alors elle le trouve très acceptable, naturel... presque comme une évidence.

La guerrière fait part de son idée à la magicienne.

« Il faut sauter. »

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Suyvel, un instant surprise, risque un bref coup d'œil dans le précipice. Le vide sans fin "“ du moins sans fin visible "“ lui donne le tournis.

Sauter ?!

Une façon sans doute d'échapper à leurs agresseurs, de leur enlever le plaisir de la mise à mort, d'éviter de recevoir le coup de grâce... comme une ultime bravade, une dernière vexation pour le druide noir qui n'aurait ni l'oiseau ni les deux Aérides. En dépit de tous ses efforts, dont il n'avait pourtant pas été avare.

Mais à quel prix !

Pour cela, il lui faudrait affronter la peur naturelle du vide et une longue, très longue, interminable chute... l'angoisse infinie qui y était liée... l'attente insupportable d'une fin qui n'en serait pas moins inéluctable...

Et tout ça pour mourir au bout du compte !

Non, décidément, c'était au-dessus de ses forces. Son esprit se révolta à cette idée. Elle lança à Elfe :

« Sauter ? Tu as perdu l'esprit ? On ne bouge pas d'ici et on se bat, voilà ce qu'on fait ! On se bat jusqu'à la fin ! »

Il lui semblait finalement presque rassurant de mourir sous les coups des élémentaux. Alors elle retourna au combat, redoublant d'efforts et de sorts, fauchant les rangs des créatures minérales.

Au moins, ce sera rapide... un bon coup sur la tête et crac ! fini...

Evidemment, elle ne se laisserait pas tuer comme cela. Elle dépenserait jusqu'à sa dernière étincelle de mana, son dernier sursaut de volonté, son dernier souffle de vie...

En tuer un maximum. Que l'ennemi, lorsqu'il fera ses comptes après la bataille, se dise que sa victoire ne valait pas le prix qu'il l'a payée !

En même temps qu'elle s'accordait cette sombre joie, la drow soupçonnait que celui qui envoyait ainsi les élémentaux à la mort par dizaines ne devait guère se préoccuper des pertes subies...

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Elfe n'est guère surprise de la réaction de Suyvel. Une réaction compréhensible, logique, normale. Sauf que...

... sauf que notre situation n'a rien de normal.

Les raisonnements normaux ne sont d'aucun secours ici. Ils ne les sauveront pas. Ils ne les aideront pas. Toutes deux se tiennent au bord de l'abysse. Il est là. Il les appelle. Il les attend. Il s'offre à elles.

A quoi bon résister ?

Quoi qu'elles fassent, la mort les prendra. D'une manière ou d'une autre. Et Elfe préfèrerait l'autre. Sans qu'elle s'explique pourquoi.

Mais elle peut comprendre la répugnance de Suyvel. Et elle respecte son choix. Elle ne prétend pas la contraindre, juste la convaincre. Ou bien que la tournure des évènements s'en charge pour elle. Car elle ne doute pas que lorsque leur situation aura encore empiré, la magicienne finira par changer d'idée et se ranger à son avis. Alors elle serre les dents et s'emploie à retarder l'inévitable. Le chant de Sûl'Til s'élève une fois de plus dans le tunnel alors que les élémentaux tombent devant elle. Mais pour combien de temps encore ? Si l'elfe noire ne se décide pas rapidement, la guerrière craint d'arriver au bout de ses forces. De mourir ici, de la main de ces créatures chtoniennes qu'elle méprise.

Un coup imprévu la fait tomber à genoux. Une riposte réflexe la débarrasse heureusement de l'adversaire qui l'a surprise. Presque aussitôt, elle sent l'aura de Suyvel qui l'enveloppe, qui la soulage et la soutient.

Un sortilège de soins.

Mais elle ressent aussi le niveau désormais faible de cette aura. La magicienne est presque au bout de ses forces elle aussi. Et elle ne donne toujours pas signe de vouloir changer d'avis.

On ne peut plus se permettre d'attendre !

Se relevant en un mouvement rapide, Elfe pivote sur elle-même et fait face à Suyvel. Ses yeux tristes plongent dans ceux de l'elfe noire, pleins d'incompréhension. Dans un souffle, elle lui glisse :

« Désolée... »

Et elle la pousse violemment en arrière. De toute la force qui lui reste. Suyvel ne s'y attendait pas et part en arrière... directement dans le vide. Elfe la regarde un instant s'enfoncer, hurlante, dans les ténèbres du gouffre. Puis elle sent des mains de pierre qui tentent de la maîtriser.

Se battre ne sert plus à rien. Et mourir sous les coups de nos ennemis serait leur faire bien trop d'honneur. Ils ne méritent pas nos vies.

Alors elle s'en dégage immédiatement, elle leur échappe et saute dans le précipice, dans un rire de joie sauvage. Un rire presque hystérique.

Le vent frais de la nuit gifle son visage.

Autant mourir de nous-mêmes.

Bien en-dessous d'elle, elle aperçoit une silhouette en chute libre.

Je te rejoins, ma sœur d'armes.

Elle tient à partager avec elle sa dernière pensée. Alors, elle hurle à pleins poumons :

« Crois-tu que l'on vive éternellement ?! »

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Précipitée dans le vide, Suyvel tomba, immédiatement chahutée par les vents cinglants, mordants et glacés des Cimes. Elle aurait voulu hurler de terreur mais elle ne parvint pas à émettre le moindre son. Sa gorge comme bloquée par l'horreur de ce qui lui arrivait.

La longue chute qui s'annonçait. La dernière. Celle vers la tombe.

Pourquoi ?

La question tournait en rond dans son esprit comme un petit animal affolé.

Pourquoi a-t-elle fait cela ?

Le geste de l'elfe sylvaine la dépassait. D'autant qu'elle s'en était excusée.

Cela n'a pas de sens !

Puis elle vit une silhouette qui sautait dans le vide, au dessus d'elle. Elle reconnut aussitôt la guerrière. Un son inattendu parvint à ses oreilles.

Elle rit ?

Comme une réponse à sa question non formulée, Elfe lui cria une phrase qui s'imprima fortement dans son esprit.

« Crois-tu que l'on vive éternellement ?! »

Chez les races elfiques, la question valait d'être posée. Certains individus, par la puissance de la magie qui coulait en eux, parvenaient à s'assurer une longue, très longue existence. Ou bien certains érudits, fort de savoirs alchimiques, parvenaient à repousser les ravages du temps. De fait, les elfes étaient réputés immortels.

Ils ne l'étaient assurément pas.

Surtout les drows, qui finissaient tous assassinés, sacrifiés, empoisonnés par leurs rivaux ou leurs proches "“ qui étaient souvent leurs pires rivaux.

Pourtant cette légende perdurait. De fait, même chez les elfes noirs, quelques uns connaissaient une existence bien plus longue que l'espérance de vie elfique ne les y autorisait en principe. Les elfes vivaient parfois sept siècles, mais même les plus anciens n'en comptaient pas huit. Sauf que...

La vieille matrone Baenre a vu la naissance et la mort d'un millénaire.

Il s'agissait de feu la dirigeante de la Première Maison de Menzoberranzan. Et des exemples comme celui-là, Suyvel en avait plusieurs en tête. Mais en y repensant... l'archiprêtresse de Lloth avait connu une fin violente, face aux nains.

Même la jeunesse éternelle ne peut nous garder éloignés de la mort pour toujours.

Amer constat. Dur mais nécessaire. Ce fut à ce moment que Suyvel comprit ce qu'Elfe avait vraiment voulu dire.

Rien ne peut nous sauver pour toujours.

Cette pensée eut un effet libérateur sur elle. La survie n'était pas qu'affaire de force, de puissance, de science ou de vaillance. Elle n'était jamais que temporaire "“ le temps de croiser des circonstances mortelles auxquelles on ne pouvait se soustraire. Et ces circonstances étaient survenues finalement bien plus tôt qu'elle ne l'avait imaginé.

Cent douze années de vie... Que cela aura été bref !

Elle partait avec des regrets, bien sûr. Elle avait cru avoir toute la vie devant elle. Et malgré les épreuves qu'elle avait déjà traversées, elle s'y était accrochée bec et ongles. Mais on n'était pas toujours maître des circonstances. On ne pouvait toujours tout prévoir, ni tout maîtriser, toujours dompter les évènements.

Au moins n'avait-elle pas à rougir de sa chute. Elle avait dû plier devant bien plus puissant qu'elle, sans pouvoir rien faire pour s'esquiver. Elle partait en sachant qu'elle avait fait son maximum. Qu'elle avait tout tenté.

Alors elle se relâcha. Ses muscles se détendirent. Elle donna l'impression de s'endormir dans sa chute sans fin. Et pourtant...

Et pourtant au fond d'elle-même, un petit noyau de volonté opiniâtre refusait de capituler.

Suyvel avisa des branchages qui passaient sur le bord de son champ de vision. Elle tourna la tête.

Des branchages ? Suis-je déjà proche du sol ?

En fait, des végétaux poussaient parfois ça et là sur le flanc pierreux de la montagne. Et quelques branches s'élançaient parfois dans le vide. Celles-ci, Suyvel venaient de les rater, mais un coup d'œil vers le bas lui apprit qu'il y en avait d'autres. Hélas, elles étaient hors de portée. Sa volonté de vivre s'accrocha désespérément à cet espoir dérisoire. Si seulement elle pouvait trouver moyen de...

Un instant ! Et Elfe ?

La guerrière allait passer près des branches qu'elle venait de croiser. Mais elle aussi en serait trop éloignée pour s'en saisir. Peut-être que la magicienne pouvait encore y faire quelque chose...

De ses lèvres montèrent les sons d'une incantation. Un sortilège offensif, Souffle de magie blanche, qu'elle lança vers la guerrière. C'était dangereux, bien sûr, mais dans son état d'épuisement, elle doutait de pouvoir faire grand mal à Elfe. De fait, au son du cri étouffé que lâcha la guerrière, le choc fut rude. Mais l'impact était suffisant pour l'envoyer droit sur les branches salvatrices. Suyvel parvint à sourire.

Une de sauvée !

Et surtout, elle espérait avoir fait coup double. Le sort produisait un effet de recul qu'elle devait déjà compenser lorsqu'elle le lançait debout sur ses jambes. Là, en plein vol, elle avait escompté que l'effet serait suffisant pour dévier sa propre trajectoire vers la flore située sous elle. Elle jeta un coup d'œil pour jauger de la réussite de sa manœuvre... et s'aperçut avec horreur qu'elle n'avait pas orienté correctement sa chute. Impuissante, elle vit les dernières branches la dépasser à toute vitesse, s'envoler littéralement... avec ses derniers espoirs.

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La chute est longue, très longue. Presque infinie...
Alors qu'elle en est à recommander son âme à sa déesse, Elfe entend vaguement quelques mots flottant dans l'air. Elle regarde en bas, en direction de Suyvel et voit que celle-ci semble psalmodier quelque chose.

Est-ce qu'elle connaîtrait un sortilège de vol ?

Fol espoir. Si la magicienne avait connu un tel sort, elles n'en seraient pas là, à chuter vers leur trépas, à cet instant. Néanmoins, il s'agit bien d'un sort. Elfe le constate à ses dépens lorsqu'une force violente vient heurter sa hanche droite et le jeter de l'autre côté, vers le flanc de la montagne. Elle peine à étouffer un cri de douleur.

Elle m'attaque ? Elle veut se venger de mon geste ? Me tuer de ses mains avant de mourir ?

La guerrière n'a guère le temps d'approfondir la question. Elle heurte bientôt la falaise à pic et rebondit légèrement en roulant sur elle-même. Sa cotte la protège mais elle se fait mal tout de même. Juste après, elle a l'impression de prendre une gifle géante. Comme si une main énorme venait heurter la moitié de son corps. Bousculée, désorientée et un peu sonnée, Elfe met quelques instants à voir ce qui l'a frappée.

Des branches !

Elle ne les a pas vues venir et elles sont maintenant hors de sa portée. Prise d'une idée subite, elle jette un regard vers le bas et en aperçoit d'autres, sur lesquelles elle fonce directement.

Dernière chance !

La guerrière lance les mains en avant et s'accroche avec la dernière des énergies à tout ce qu'elle peut attraper. Elle va vite, trop vite... mais elle parvient néanmoins à s'agripper. Elle pivote violemment à cause de son élan, pour se retrouver pieds en bas, pendue à une branche. Son bras la lance douloureusement. Il n'apprécie pas ce genre de sport, manifestement. Mais c'est un bien petit prix à payer pour être...

... sauvée !

Mais est-elle vraiment sauvée ? Rien n'est moins évident. Elle a stoppé sa chute mais elle ne voit rien d'autre que la falaise verticale, nue et monolithique. Aucune issue, aucun chemin. Et elle est encore très loin du sol, qu'elle ne distingue pas dans les ténèbres environnantes, malgré sa vision nocturne. Pour couronner le tout, elle ne va pas pouvoir rester pendue de la sorte bien longtemps : son bras le lui fait clairement sentir. Suyvel a sans doute vu les branches et a pensé la sauver de la sorte... mais elle n'a fait que retarder l'inévitable.

Suyvel ?!

Et la magicienne ? S'est-elle accrochée aux branchages aussi ? Elfe scrute follement la nuit mais ne détecte aucune présence. Et puis elle ne voit plus de branches plus bas... elle semble s'être arrêtée sur la dernière.

Ce n'est pas vrai ! Tu t'es sacrifiée pour me sauver... ?

Elfe sent une boule se former dans sa gorge. Au bord des larmes, elle hurle dans la nuit immense et glacée.

« Suyveeeeeeel ! »

A ce moment, une ombre indistincte passe près d'elle, à grande vitesse. Elfe s'en étrangle de surprise.

C'était quoi, ça ?!

Le temps qu'elle la localise de nouveau, l'ombre est déjà loin et se fond dans la nuit. Tout ce qu'Elfe peut voir, c'est qu'elle pique vers le sol, en suivant une trajectoire oblique. Et que cette ombre semble de taille imposante. Elfe se dit qu'elle a eu de la chance... En hurlant, elle aurait pu attirer la chose indéterminée sur elle. Mais quoi que ce soit, elle l'a ignorée.

La peur n'en vient pas moins l'assaillir.

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Suyvel chutait toujours. Et elle était à court de ressources et d'idées. En dépit de sa vision nocturne, elle ne parvenait toujours pas à discerner le sol "“ elle avait atteint une grande vélocité et les vents lui attaquaient durement les yeux, lui brouillant la vue "“ mais elle se doutait bien qu'il ne devait plus être très éloigné. Ce fut alors qu'elle l'entendit.

Un cri animal.

Juste après, sans que la magicienne ait eu le temps de tenter quoi que ce soit, elle sentit une grande douleur dans son dos. Des griffes qui lui déchiraient la peau et lui labouraient l'échine. Une prise semblable à un étau. Elle ne put retenir un cri, de douleur et de surprise. Se faire attaquer au beau milieu d'une chute mortelle était somme toute assez rare et guère prévisible.

Alors, des battements d'aile résonnèrent à ses oreilles. Aussitôt, elle ressentit qu'on la tirait vers le haut et que sa chute se ralentissait. Manifestement, elle était la proie d'un assaillant ailé, qui semblait avoir dans l'idée de l'emmener ailleurs... sauf que sa vitesse décroissait assez lentement. Elle sentait bien que son agresseur déployait de grands efforts pour changer leur trajectoire "“ le battement frénétique des ailes l'indiquait clairement "“ mais qu'il n'en était pas vraiment payé de retour. Ce fut alors qu'elle le vit.

Le sol !!!

Pour la première fois, elle distingua une surface sombre et plane sous elle. Et elle se précipitait droit dessus à une vitesse qui ne lui laissait que peu d'espoir... Suyvel chercha follement une idée pour échapper au sort funeste qui lui tendait les bras. Mais le temps lui manquait désormais. Aussi répéta-t-elle sa dernière tentative : elle rassembla ses forces déclinantes pour lancer un nouveau Souffle de magie blanche. Cette fois, en direction du sol. Le recul ralentit effectivement sa chute, mais c'était un peu tard. Elle parcourait les derniers mètres. La drow ferma les yeux. Ce fut alors qu'elle le sentit.

Le contact du sol.

Le choc fut rude, expulsant brutalement l'air de ses poumons. Suyvel roula de côté, les bras autour de la tête. Lorsqu'elle se fut immobilisée, elle se risqua à ouvrir les yeux. Ce fut alors qu'elle le comprit.

Je m'en suis sortie... vivante !

Vivante, mais pas indemne. Elle avait récolté plusieurs blessures aux membres et à la hanche. Ceci dit, elle n'allait pas se plaindre ! Bénéfice supplémentaire : son assaillant l'avait lâchée. Elle était libre.

Un instant ! Où est-il passé ?

Après tout, le fait qu'il ait perdu sa proie ne signifiait pas qu'il y avait renoncé. Suyvel se releva en grimaçant et jeta un coup d'œil alentour. De fait, elle n'était pas seule ! Elle repéra une silhouette qui ne devait pas être celle d'un humain, plus loin, immobile. Fronçant les sourcils et s'attendant à tout, elle usa de sa vision nocturne. Ce fut alors qu'elle le reconnut.

L'oiseau roc !

Elle s'approcha lentement de lui.

« Alors c'est toi qui m'a agressée...? »

L'oisillon, posé au sol, la dévisageait de son œil rond et noir, brillant d'intelligence. Il n'avait absolument pas l'air hostile. Il attendait, simplement.

« Non... tu as voulu me... sauver ? »

Ayant peine à le croire, Suyvel le regarda tout en passant une main dans son dos, qu'elle ramena poisseuse de sang. Elle considéra alternativement sa main et l'oiseau, puis finit par articuler à voix basse, comme pour elle-même :

« Bon... je crois que je te dois une fière chandelle, toi. »

Piochant une fiole dans son sac, elle la but pour reconstituer ses réserves de mana, puis s'occupa de se soigner. Elle ne revenait pas de sa surprise. L'oiseau était-il, en dépit de son jeune âge, assez malin pour comprendre que celle qui l'avait libérée avait été en grand danger ? Qu'il pouvait la sauver ? Eprouvait-il de la reconnaissance ? Etait-ce sa façon de lui dire merci ? Les questions se bousculaient sous le crâne de la drow.

En fait, la magie pouvait y être pour beaucoup. Par deux fois, Suyvel avait usé sur l'oisillon du sort d'empathie animale. Et en peu de temps. Il était donc concevable que les liens entre leurs esprits ne se soient pas encore totalement dissipés. L'animal avait fort bien pu ressentir la détresse de la drow et se porter à son secours.

Bien entendu, il y avait une autre possibilité... que derrière l'oiseau se cachait une intelligence plus grande. Que ce dernier n'avait été que l'émissaire, le bras d'une volonté bienveillante envers l'Aéride. Mais cela, elle ne pourrait sans doute jamais le savoir avec certitude. Néanmoins, l'idée d'une intervention divine s'imposait à son esprit. Suyvel leva les bras vers les cieux et rendit grâce à Eolia.

« í” Grande Déesse, sois remerciée de tes miracles. »

Un son lointain et indistinct fit tourner la tête à la drow et à l'oiseau au même moment. Suyvel n'aurait su dire ce que c'était, mais elle se rappela brusquement qu'il manquait une personne à l'appel.

Elfe !

Etait-ce elle qu'elle avait entendu ? Elle n'aurait pu le dire. Quoi qu'il en fût, elle se devait de la secourir... s'il était encore temps. Sauf qu'elle ne pourrait par grand-chose pour elle. Alors... elle se tourna vers le seul capable d'agir, espérant que, si c'était la volonté d'Eolia qui l'avait guidé, celle-ci n'avait pas encore détourné son regard divin.

« Elfe ! Tu te souviens d'Elfe ? Elle a besoin d'aide ! Va l'aider ! Trouve-la ! Va !!! »

L'oiseau manifesta quelques signes de nervosité devant l'agitation de la drow, mais ne donna aucun signe de vouloir bouger. Ou même d'avoir compris quoi que ce soit. í€ cet instant, un cri étouffé par la distance résonna le long de la falaise. L'oisillon tourna la tête et scruta la nuit.

Déployant ses ailes, il fit quelques pas rapides et s'arracha du sol, s'éloignant rapidement.
 

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C'est parfois lorsque la situation semble complètement désespérée qu'elle trouve le moyen d'empirer encore. Comme pour déjouer tout
pronostic. Ou pour prouver que le pire est sans limites.

Elfe,accrochée au buisson enraciné sur le flanc abrupt de la falaise, n'a déjà pas d'idée pour se sortir de là. Et alors la branche principale,dans un craquement sinistre, ploie vers le bas. Elfe pousse un vrai hurlement de terreur pure. Sa détermination à en finir avec la vie, une minute plus tôt face aux élémentaux de terre, s'est effritée au premier signe d'espoir. Il lui a suffi d'attraper cette branche pour que l'envie de vivre ressurgisse, impérieuse et malheureusement futile.

La guerrière, avec un bras douloureux, ne peut maintenir une prise ferme indéfiniment. Tant que la branche était à peu près horizontale, elle
pouvait espérer durer un peu. Mais avec l'inclinaison, elle sent ses doigts faiblir et sa main glisser légèrement... La fin semble encore plus
proche que prévue.

Elle se bat pourtant, puisant dans ses dernières forces pour retarder l'inévitable. Cela doit faire maintenant bien six minutes qu'elle est pendue par un seul bras... Alors qu'elle se dit qu'il n'y en aura pas une septième, elle voit brutalement une masse sombre qui lui fonce dessus.

Je suis attaquée !

La guerrière a un geste vers Sûl'Til, accrochée à sa ceinture, par pur réflexe. Vu l'état de son bras, sa masse ne lui sera guère utile. Un
piaillement puissant l'arrête net.

« C'est toi ?! »

Elle fait aussitôt le lien avec la forme indistincte aperçue peu avant, et se sent soulagée.

« Tu m'as fait peur ! »

Elle reconnaît maintenant le jeune Oiseau Roc. Elle l'imaginait déjà loin d'ici ! L'oisillon décrit un cercle au-dessus d'elle, s'éloigne un peu
puis revient et pique sur elle, serres en avant !

« Holà ! Attends !!! Tu fais quoi ?! »

Les intentions de l'oiseau lui semblent soudainement douteuses, tant sa posture est celle classique du rapace en plein piqué sur sa proie, et
tant son envergure est impressionnante. Les serres entaillent au passage la branche déjà peu vaillante avant de se refermer sur la partie la
plus haute actuellement du corps d'Elfe : sa main accrochée à la branche et son poignet. Les deux protestent vivement lorsque les serres
viennent les enserrer dans un étau surpuissant, et encore bien davantage lorsque l'oiseau emmène Elfe dans les airs.

« Hééééééé !!! »

La guerrière a l'impression que l'on tente de lui broyer méthodiquement l'extrémité du bras. Elle crierait volontiers... mais le vide obscur sous
ses pieds la contraint au silence et lui fait serrer les dents. Elle ne veut pas effrayer l'oisillon.

Ce n'est pas le moment qu'il me lâche !

Comme si cela ne suffisait pas, le vol n'est pas un modèle de réussite. La trajectoire en est assez chaotique. Certes, ils descendent, mais Elfe se
demande si cela est bien de la volonté de l'oiseau ou juste dû à la gravité. L'oisillon, en dépit de sa taille et de sa puissance évidente,
semble avoir du mal à porter une proie comme Elfe, aussi coopérative soit-elle.

Toujours est-il qu'elle prend son mal en patience, et bien lui en prend, car finalement le sol se révèle enfin à ses yeux.

Sauvée !

Sauf peut-être qu'il se rapproche un peu vite... et finalement, l'oiseau dont le vol est encore trop rapide pour se poser, préfère la lâcher et
reprendre de l'altitude.

« Héééééhumpfff ! »

Elfe lève le nez d'une touffe d'herbe en en recrachant quelques brins. Aussi brutal ait-il été, le contact avec le plancher des vaches lui semble
merveilleux. Alors qu'elle va pour se relever, elle prend appui sur ses
mains et...

« Ouaille ! »

... l'une d'elles lui signifie sa vive désapprobation. La guerrière se dit qu'elle a dû subir une voire plusieurs fractures lors de ce vol
improvisé. Ou bien à l'atterrissage. Elle se contente de s'asseoir pour l'instant. Mais un piaillement joyeux lui annonce le retour de son
sauveur, qui vient se poser à côté d'elle. Et il n'est pas seul. Une silhouette accourt vers elle, et elle la reconnaît.

« Suyvel ! »

La guerrière se remet sur pied d'un bond et, incapable de retenir sa joie plus longtemps, serre la magicienne sur son cœur. Quitte à prendre
encore une tarte.

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Suyvel se tordait les mains d'impatience anxieuse. L'oiseau était parti depuis peu, mais rarement attente aussi brève lui avait paru aussi longue. Quatre minutes plus tard, l'oisillon surgissait de nouveau devant elle, puis virait pour retourner en arrière, avant de se poser plus loin. Suyvel le suivit en courant. Il lui semblait avoir perçu un cri étouffé. Se pouvait-il que...

Elle s'arrêta en voyant une mince silhouette qui se relevait.

« Elfe ? » hasarda-t-elle, trouvant cela presque trop beau.

Mais lorsque, après avoir prononcé son nom, la silhouette se jeta sur elle pour la serrer dans ses bras, elle sut à quoi s'en tenir. C'était bien du genre de l'impulsive guerrière.

Elle n'en fut pas moins surprise. Suyvel resta figée, les yeux écarquillés. Dans la culture drow, de telles manifestations de joie et des attitudes aussi familières n'existaient tout bonnement pas. Si Elfe avait été une de ses semblables, elle l'aurait sévèrement reprise.

Dois-je la gifler ? La réprimander ? La repousser simplement ?

Mais elle savait que ce serait déplacé. A force de fréquenter les humains, elle n'ignorait pas que ce genre de comportement était répandu par ici et même parfaitement accepté. Elle n'avait vu personne se formaliser d'un tel geste. Simplement, Elfe se révélait plus rapide qu'elle à adopter les us et coutumes des humains.

C'était un de ces moments délicats pour l'elfe noire qui ne savait pas vraiment comment se conduire en pareil cas. Si la situation lui paraissait étrange, elle n'était pas désagréable. Seulement, elles n'avaient jusqu'alors guère agi l'une envers l'autre comme des proches. La veille au soir, elles étaient encore des quasi-inconnues l'une pour l'autre. Considérant ce qu'elles venaient de traverser, la donne avait grandement évolué, mais pas à ce point-là tout de même. En fait, Suyvel se sentait un peu mal à l'aise devant une telle effusion de joie. Elle finit par décider qu'elle était plus gênée qu'autre chose. Comme Elfe prolongeait son étreinte, l'elfe noire écarta gentiment les bras d'Elfe avant de reprendre un peu de distance. Mais alors sa main vint se poser sur le poignet d'Elfe, et l'expression qui passa sur le visage de la guerrière ne lui échappa pas.

Une véritable douleur.

Suyvel, l'œil rond, s'exclama :

« Tu es blessée ? Et tu ne le disais pas ?! »

Sans attendre de réponse, elle examina l'articulation. Celle-ci était en mauvais état. Suyvel détecta des fractures, légères mais multiples. Il fallait au moins un soin de bien-être pour réparer de tels dégâts. Elle entama la litanie sans tarder. Lorsqu'elle eut terminé, elle s'assura d'avoir soigné complètement le poignet et la main d'Elfe. Satisfaite, elle relâcha le bras de la guerrière et voulut ranger Cinq-Ents, son orbe. Et elle poussa un cri de désolation.

Elle venait seulement de rendre compte de l'absence de l'écrin de Cinq-Ents. Et elle eut beau vider sa besace, elle ne put remettre la main dessus. La perte de l'objet finit par s'imposer à elle comme une évidence.

« Par tous les démons, ce n'est pas vrai ! »

La colère la prit, mais Suyvel savait bien qu'elle ne la mènerait nulle part. Elle savait ce qu'il lui restait à faire.

« Elfe... je retourne vers le marais et l'entrée des tunnels de mine. J'ai dû perdre l'écrin de Cinq-Ents là-bas, à un moment de notre périple. Il faut que je le retrouve. »

Et jetant son sac sur son épaule, elle s'éloigna en direction des galeries qui menaient à IssCaNak.

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Finalement, la tarte ne semble pas venir. Bon, Elfe sent que la magicienne reste raide comme un piquet et ne lui rend pas son accolade,
mais au moins l'accepte-t-elle sans protester. Elle finit néanmoins par s'en dégager, mais sans brusquerie. Seulement, pour ce faire, elle se
saisit du poignet blessé d'Elfe, qui ne peut alors plus vraiment cacher sa douleur.

« Tu es blessée ? Et tu ne le disais pas ?!
- Oh, ce n'est pas bien grave. J'ai dû me fouler le poignet en tombant. Je prendrai une potion de guérison en rentrant et... »

Suyvel n'a pas attendu la réponse d'Elfe : elle s'emploie déjà à la soigner par la voie de la magie. Et la guerrière doit encore une fois convenir
du savoir-faire de l'elfe noire en la matière : son articulation ne la fait plus souffrir et recouvre sa souplesse.

« Merci ! Décidément, c'est bien pratique d'avoir une guérisseuse avec soi et je "“

Un cri de désolation l'interrompt. Elfe voit Suyvel fouiller désespérément ses affaires mais ce n'est qu'au bout de quelques secondes qu'elle
réalise ce qu'il se passe. Comme la magicienne n'a plus besoin de son orbe, elle a voulu le ranger... et elle ne trouve plus l'écrin de
Cinq-Ents. Normal : il est bien dans un sac à dos, mais c'est celui d'Elfe. Avec tout ce qu'il s'est passé depuis, la guerrière avait même
oublié qu'elle le lui avait dérobé. Une expression coupable passe sur son visage, mais la magicienne est trop affairée à fouiller son sac pour
l'apercevoir. Heureusement. Elfe s'efforce de rester calme et de prendre un air plus détaché, et un peu compatissant.

Suyvel comprend rapidement que l'écrin n'est plus en sa possession. Elfe s'attend évidemment à ce qu'elle pense l'avoir perdu, et c'est ce qui se
produit.

« Elfe... je retourne vers le marais et l'entrée des tunnels de mine. J'ai dû perdre l'écrin de Cinq-Ents là-bas, à un
moment de notre périple. Il faut que je le retrouve. »


Elfe la regarde alors d'un œil rond de surprise. La fin de la déclaration de la drow n'était pas au programme. Pour elle, c'est inconcevable que
Suyvel prenne une telle décision. Vu tout ce qu'elles ont dû affronter, retourner là-bas est bien trop dangereux. Mais manifestement, cela
n'arrêtera pas l'elfe noire, qui se met déjà en route. Elfe bondit devant elle pour lui couper la route.

« Retourner là-bas ? Tu n'es pas sérieuse, là ?!
- Si, bien sûr. »

Elfe en est toute décontenancée.

« Mais... mais c'est de la folie ! Je te rappelle que le druide noir est à nos trousses !
- Il ne nous a pas suivies dans notre chute. Soit il a renoncé, ce qui est possible vu que l'oiseau s'est échappé et que nous n'étions pas ses cibles, soit il nous croit mortes, ce qui serait le plus probable à mon avis. »


La guerrière secoue la tête désespérément. La réponse de la magicienne est logique mais cela ne l'aide pas, bien au contraire.

« Ca reste beaucoup trop risqué ! Il est toujours là-bas, vous allez vous croiser, c'est évident !
- D'abord, il ne me cherche pas. Et surtout pas là-bas. Ensuite, vu la longueur du réseau de galeries, il est fort peu probable que l'on se
croise par accident. »


L'elfe noire est si têtue qu'Elfe s'en arracherait presque les cheveux. Elle cherche désespérément un argument qui la fasse changer d'avis.

« Justement, on a fait beaucoup trop de route. Tu ne sais pas dans quel secteur tu as perdu ton écrin ? Tu ne le retrouveras pas dans ces tunnels si tu dois les fouiller sur des lieues et des lieues !
- Ca prendra le temps qu'il faudra, mais je vais le faire. »


Elfe en est abasourdie.

« Ecoute, c'est ridicule ! Tu vas passer des jours à fouiller ces tunnels pour un écrin que tu ne retrouveras pas ? Tout ce qu'il te faut, c'est un nouvel écrin, voilà tout ! On ira faire le tour des boutiques demain et "“
- Je vais chercher mon écrin. »


Au désespoir, Elfe lance une proposition sans réfléchir.

« Je t'en offrirai un autre ! »

Des paroles qu'elle regrette aussitôt.

Ca, c'est idiot. Si elle en veut un qui coûte plus cher que celui que je lui ai pris, je serai bien avancée, moi...

Mais l'offre généreuse ne trouve pas davantage grâce aux yeux de l'elfe noire.

« Ecoute, Elfe... ce n'est pas UN écrin qu'il me faut, c'est l'écrin de Cinq-Ents. Aucun autre ne peut le remplacer.
- Ah bon ? Et pourquoi donc ?
- Tu te rappelles les gemmes serties sur le coffret ? Elles sont là pour concentrer le Flux de magie dans Cinq-Ents lorsqu'il se trouve dans l'écrin. Cela lui permet de régénérer son pouvoir. S'il reste privé de cette source trop longtemps, il finira par perdre de sa puissance,
l'envoûtement qui l'a créé se dissipera et il redeviendra un orbe ordinaire. Et jamais je ne permettrai que cela arrive ! Si l'existence
de Sûl'Til était en jeu, que ferais-tu, toi ? »


Elfe se mord les lèvres.

Coincée.

Elle a commis la bêtise de prendre l'écrin magique d'une arme magique, sans imaginer que cela pourrait avoir de telles conséquences. Maintenant,
elle réalise que Suyvel n'a pas la choix si elle veut préserver Cinq-Ents, qu'elle ira jusqu'au bout, quels que soient les risques encourus et le temps nécessaire.

Réduite au silence, Elfe voit Suyvel se remettre en marche et se diriger vers l'entrée du marais. Elle sait que rien de ce qu'elle pourrait dire désormais ne fera fléchir l'elfe noire mais, pour autant, elle ne peut pas la laisser, par sa faute, aller au-devant d'une mort certaine.

Alors elle se résout à un acte qui lui aurait semblé inimaginable il y a deux minutes de cela.

« Suyvel ? »

Elfe fouille dans son sac et en sort l'écrin de Cinq-Ents, qu'elle lui tend. Ce n'est rien de dire qu'elle affiche un air penaud : elle est littéralement morte de honte. Cette aventure les a rapprochées... et voilà que c'est elle qui se trouve indigne de cette amitié naissante. Comment Suyvel pourrait-elle lui pardonner un tel acte ?

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  • 3 weeks later...

Suyvel repartait, plus décidée que jamais à aller recouvrer son bien, lorsqu'Elfe la héla une fois de plus.

Cette fois, ça commence à bien faire.

Bon, elle trouvait plutôt flatteur que la guerrière s'inquiète ainsi de sa personne, mais là, elle finissait par devenir un peu trop insistante. Voire collante. Elle allait lui fermer son clapet une bonne fois et reprendre sa route vers le marais. Sauf que, quand elle se retourna, ce qu'elle vit la laissa sans voix.

Elfe tenait une petite boîte qui lui semblait terriblement familière. Sous la lumière des étoiles, elle percevait le faible éclat des gemmes serties. Et l'aura magique qui l'entourait était faible mais indéniable. Suyvel en resta abasourdie quelques instants.

Juste après, elle se précipita sur l'objet pour s'assurer de la réalité de ce qu'elle voyait. Mais l'écrin était là, tangible, dans ses mains. Fébrilement, ses doigts en parcoururent la surface, à la recherche d'une éventuelle fêlure, d'un choc ou d'une pierre absente. Mais son inquiétude était sans objet : l'écrin était intact. Soupir de soulagement, suivi d'un rire de joie. Le regard de Suyvel sautait de l'écrin à Elfe, sans arrêt.

« Tu l'as retrouvé ! »

Elle n'en revenait pas. Elle n'avait jamais imaginé que la guerrière puisse lui être d'une quelconque aide dans cette situation. Et voilà qu'elle résolvait le problème toute seule ! Un vrai sentiment de gratitude envahit l'elfe noire, ce qui était suffisamment rare pour être signalé. Un sentiment qui la poussa à agir sans réfléchir. Ce qui était préférable : dans le cas contraire, elle aurait sans doute hésité sur la conduite à tenir, n'étant pas familière de ce genre de sentiment et de circonstances. Mais là, elle laissa son intuition la guider, sans se soucier de savoir si son comportement était approprié ou non. Elle sauta au cou de la guerrière.

« Elfe... tu es la meilleure ! »

Suyvel croisa ses bras sur la nuque d'Elfe et la serra contre elle avec effusion, joue contre joue. Se méprenant totalement sur les circonstances dans lesquelles Elfe avait mis la main sur l'écrin de Cinq-Ents.
 

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  • 2 weeks later...

« Tu l'as retrouvé ! »

Elfe ose à peine lancer un regard vers Suyvel, de sous ses cils.

Il faudrait plutôt dire qu'il n'a jamais été perdu...

La conscience de la guerrière lui adresse d'amers reproches. Comment a-t-elle pu se laisser aller à un tel acte ? Sur le coup, cela lui a paru simple, presque... normal. Elles sortaient de leur duel improvisé, et Elfe éprouvait une certaine rancœur à ce moment-là. Elle a vu ce larcin
comme une sorte de... dédommagement. Une compensation qui lui était due.

Elfe a l'impression que cela date d'une éternité. C'était juste au début de cette nuit. Cette interminable nuit qui a changé tant de choses entre
l'elfe noire et elle...

Suyvel la ramène à la réalité présente en lui arrachant presque l'écrin des doigts. La magicienne l'examine en tous sens, ignorant la guerrière qui se dandine d'un pied sur l'autre, attendant la punition que son larcin mérite. Elle parie sur une gifle. Comme elle en a déjà pris une plus tôt, elle se dit que cela lui fera la
paire... Sachant de quoi Suyvel est capable en la matière, elle se crispe un peu, mais s'interdit de reculer ou de s'y soustraire.

« Elfe... tu es la meilleure ! »

La guerrière a du mal à interpréter ces quelques mots. Comme elle est un peu surprise, elle se déconcentre.

Et voici que l'elfe noire lui saute dessus, bras en avant. Elfe a un sursaut d'horreur.

Elle ne va pas me gifler... elle va m'étrangler !

Elfe, déconcertée par cette attitude en contradiction totale avec les mots prononcés juste avant, hésite un instant, ne sachant plus que faire. Un instant de trop. Juste après, Suyvel vient poser sa joue contre la sienne et ses bras se referment sur son cou pour lui faire...

... un câlin ?!?

Elfe en reste complètement abasourdie. Puis une lumière se fait dans son esprit. Suyvel n'a pas compris ce qui s'est réellement passé. Elle croit
qu'Elfe a simplement retrouvé l'écrin.
Prise dans ce câlin totalement immérité, Elfe se sent horriblement mal à l'aise. Sa conscience exige d'elle qu'elle avoue tout à la magicienne. Elfe
déglutit péniblement, et s'apprête à confesser sa faute, lorsqu'une autre pensée s'impose.

Comment crois-tu qu'elle va réagir ?

La question l'arrête net. Elfe a déjà eu droit à un bon aperçu du tempérament de l'irascible elfe noire. Elle se mord la lèvre. Leur relation a commencé de façon fort tiède. Et l'elfe noire n'est pas du genre naturellement chaleureux. Par où ont-elles dû en passer avant qu'une réelle confiance s'établisse, avant que Suyvel puisse en venir à
un acte aussi affectueux envers elle ! L'émotion submerge Elfe sans prévenir. Elle sent les larmes qui lui montent aux yeux. Alors, enfin, elle s'autorise à répondre au geste de la magicienne. Elle la serre contre elle à son tour, le nez dans sa blanche chevelure, y étouffant ses sanglots de joie.

Elle a une nouvelle amie.

Et cette amitié lui est précieuse. Elle vaut bien une petite omission de sa part, au sujet de l'écrin. Elfe ne veut pas tout gâcher. Pour autant, elle se
doute qu'elle n'est pas tirée d'affaire. Lorsque leur accolade aura pris fin, qu'est-ce qui empêchera Suyvel de demander des précisions sur
la façon dont Elfe est entrée en possession de l'écrin ? Et que fera la guerrière alors ? Ira-t-elle jusqu'à mentir ? Au nom de leur amitié ? Ne
serait-ce pas paradoxal ?

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Au bout d'un moment, Suyvel finit par lâcher la guerrière et se recula un peu, toujours souriante. Ce fut à cet instant que tout se joua. La magicienne aurait pu demander à Elfe dans quelles circonstances exactes elle avait perdu l'écrin, et si la guerrière lui avait donné l'information, elle se serait sans doute étonnée qu'Elfe ne le lui restitue que maintenant. Seulement voilà, Suyvel était juste trop ravie pour songer à ce genre de détails. Et puis il se passa une chose qui détourna définitivement son esprit de la question.

 

Un cri emplit soudainement les cieux.

 

Le cri d'un oiseau de proie. Un piaillement gigantesque.

 

Il était si vaste qu'il emplissait tout l'espace. Un instant, l'air, chargé des vibrations du cri, leur sembla solide. Les deux elfes le ressentirent jusque dans leurs os. Suyvel lança un regard ébahi vers le ciel.

 

De quelle gorge un cri aussi puissant peut-il bien jaillir ?!

 

Alors que les deux femmes fouillaient la nuit du regard, elles aperçurent deux ombres immenses qui se découpaient sur le ciel nocturne, qui cachaient des pans entiers de la voûte céleste, qui éteignaient les étoiles par centaines. Des silhouettes d'oiseaux, sans aucun doute. Elles évoluaient lentement, décrivant des cercles, comme si elles chassaient. En dépit de leur taille apparente qui laissait imaginer une courte distance, elles semblaient évoluer très haut en altitude, ce qui donna le tournis à Suyvel.

 

Quelle envergure peuvent bien atteindre ces oiseaux ? Cinquante mètres ? Davantage... ?

 

Non loin d'elles, l'oisillon, jusqu'alors placide, sembla pris soudainement d'une agitation incontrôlable : il sautillait dans tous les sens et poussait des piaillements frénétiques. Il finit par décoller à tire-d'aile, et prit rapidement de la hauteur, manifestement décidé à rejoindre les deux silhouettes aériennes.

 

A ce stade, les deux aventurières avaient compris ce qui se déroulait devant elles.

 

Elles virent la silhouette de l'oisillon, toujours plus petite dans le ciel, décrire des courbes autour des deux géants, les frôlant régulièrement. Ceux-ci semblaient réagir à l'identique. Un concert de piaillements joyeux leur parvint. Et les trois silhouettes entamèrent un gracieux ballet aérien, offrant aux deux Aérides un spectacle inattendu et sans précédent sur ces terres. Aucune des deux ne pouvait détacher les yeux de ce qui se passait au-dessus de leurs têtes. Ce furent les oiseaux qui y mirent fin. Reprenant un vol rectiligne, ils s'éloignèrent vers le nord, et eurent tôt fait de disparaître derrière les pics enneigés des Cimes.

 

Lorsque la voix lui revint enfin, Suyvel articula lentement :

 

« Les Oiseaux Roc... vont-ils revenir sur ces terres ? »

 

Ils avaient quitté ces contrées depuis fort longtemps. Ces trois-là n'étaient-ils que de passage ? Avaient-ils été simplement retenus ici un moment par la capture de l'oisillon ?

 

Ou bien leur présence était-elle le signe du début de leur retour ? Le signe qu'Eolia, de nouveau, leur envoyait ses enfants ? Le signe qu'à nouveau, la Dame de l'Air se penchait sur ce pays brisé par la guerre ? Qu'elle lui accordait à nouveau son attention ? Qu'elle le bénissait ?

 

Suyvel sourit en songeant qu'un jour prochain, les dragons de Melrath Zorac pourraient bien avoir la mauvaise surprise de découvrir que la maîtrise des cieux leur était contestée. Avec de tels rivaux, leur règne sans partage ne serait plus que souvenir lointain...

 

 

Ceci n'est pas la FIN, c'est un nouveau commencement.

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  • 3 weeks later...

[hrP]

 

Juste un petit mot au sujet de ce long récit...

Commencé en février 2012
Fini en décembre 2012

Toutes les réponses compilées, ce récit comporte :
- 51.000 mots
- 255.000 caractères (305.000 avec les espaces)

Il remplit 114 pages dans un document Word.
Pas encore de quoi faire un roman, mais c'est un début. ^^

Merci à tous ceux qui ont suivi cette histoire.
En espérant que vous y avez pris plaisir. icon_smile.gif

[Fin HRP]

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