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Terre des Éléments

Les enfants d'Eolia


elfe
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Lorsque Suyvel revint à elle, elle réalisa immédiatement deux choses : elle avait survécu à leur glissade infernale dans le tourbillon de boue... mais elle ne s'en était pas sortie indemne. Son bras gauche s'était brisé comme une paille durant la chute. Et une cassure si grave nécessitait d'être réduite avant d'être soignée, même par magie. Il y avait des limites à ses pouvoirs de guérisseuse. Redresser un membre cassé avec un seul bras valide était pour le moins délicat, aussi l'offre d'Elfe fut-elle la bienvenue. Suyvel ne savait rien des compétences de la guerrière en la matière mais, puisqu'elle se proposait, elle supposa qu'elle avait quelque expérience.

Supposition qui semblait s'avérer exacte, au vu de la manière dont Elfe empoigna le bras cassé, et cela sans hésitation. L'infirmière improvisée lui présenta aimablement un morceau d'étoffe dans lequel elle finit par mordre, se doutant bien que ce ne serait pas un luxe inutile.

Elfe dit qu'elle allait compter jusqu'à trois avant d'opérer. Suyvel opina du chef, comptant mettre à profit ce petit délai pour se préparer psychologiquement à ce qui allait suivre. Mais lorsque la guerrière compta un, elle agit sans attendre. Et la douleur fulgura dans le bras de la magicienne. Une douleur blanche, nue, électrique, qui lui écorcha les nerfs avant de se muer en monstrueux élancements. Suyvel serra désespérément les dents sur le bâillon improvisé mais providentiel, incapable ne serait-ce que de crier. Quelques larmes roulèrent sur ses joues déformées par l'effort insensé de ses muscles maxillaires. Quand l'odieux supplice s'atténua enfin, l'elfe noire gisait au sol, épuisée, brisée, laminée.

Dès qu'elle se sentit en mesure d'incanter correctement, elle posa sa main droite sur son bras blessé et entama la litanie de guérison. Elle eut un peu peur d'avoir surestimé ses forces, de ne pas être en mesure d'énoncer correctement la formule du sortilège... mais celui-ci prit finalement effet comme prévu. Et la venue de la guérison signa le départ de la douleur. Suyvel sentit ses forces lui revenir et elle se releva lentement, guettant tout signe d'une autre blessure. Mais en dehors de celle qu'elle venait de traiter, elle ne déplorait que des ecchymoses et des écorchures. Enfin, pour ce qu'elle en voyait, car elle était couverte de boue des pieds à la tête. Et sa tenue en était imprégnée, alourdie et gluante.

Répugnant !

Une autre chose lui trottait en tête. Un petit point à tirer au clair. La drow apostropha fraîchement Elfe :

« Dites-moi, seriez-vous incapable de compter jusqu'à trois ? Je croyais votre peuple très érudit. Bon, je sais qu'on ne peut pas attendre de prodige en la matière de la part d'une combattante, mais tout de même ! »

Ce petit compte soldé, la magicienne s'intéressa à son environnement.

« Mais où sommes-nous donc tombées ? »

De toute évidence, elles se trouvaient dans une cavité souterraine, en forme de boyau. En examinant les parois, Suyvel découvrit des marques révélatrices.

« Ce n'est pas une grotte naturelle... ce sont des pioches qui l'ont formée. Nous ne sommes pas loin des Cimes et je sais que les nains ont beaucoup creusé la roche sous les montagnes, à la recherche de filons de minerais divers. Nous sommes probablement dans une de leurs anciennes galeries... »

Elle continua ses investigations quelques instants, puis reprit :

« L'avantage des tunnels, c'est qu'il n'y a que deux directions possibles. L'inconvénient est que les deux ne sont pas forcément bonnes. »

Elle réfléchit quelques instants, et une idée lui vint. Elle prononça une brève formule et elle fut alors capable de visualiser les mouvements de l'air. Ceux-ci étaient faibles dans cette galerie, mais ils existaient néanmoins. Il y avait donc une entrée d'air quelque part, plus loin.

« Les courants d'air vont nous guider. En avant, c'est par ici. »

Et elle s'enfonçait dans le tunnel de mine lorsqu'elle parut se souvenir d'une chose et s'arrêta pour fouiller dans sa besace. Elle laissa échapper une exclamation désolée. Puis elle revint rapidement vers l'endroit où elle s'était réveillée et le détailla du regard. Comme sa recherche ne donnait manifestement pas les résultats escomptés, elle se mit à fouiller la boue de ses mains, rapidement, presque frénétiquement.

Mais rien.

Ce n'est pas possible, il doit être là, il faut qu'il soit là... !

Ses doigts effleurèrent une surface dure. Un objet dissimulé dans la fange. Elle s'en empara et le souleva à bout de bras, dans un cri de plaisir et de soulagement.

« Cinq-Ents ! »

Elle dégagea l'orbe de son manteau de boue.

« J'ai bien cru l'avoir perdu... Sans lui, mes capacités magiques seraient bien limitées. Mais me voilà de nouveau armée et apte à faire face en cas d'imprévu. Bon, on y va ? »

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Comme Elfe l'avait supposé, l'opération n'est pas indolore pour Suyvel. Celle-ci mord sauvagement l'étoffe qu'elle lui a tendue, puis reste immobile pendant un moment qui paraît fort long à Elfe. Enfin, la magicienne semble reprendre le dessus et fait appel à ses compétences en magie pour guérir son bras. La guerrière l'observe avec curiosité. Le spectacle de la magie à l'œuvre lui a souvent paru fascinant, et là elle le découvre à travers son infravision. Le mana qui afflue provoque une cascade de formes éthérées, changeantes et évanescentes, dans des tons chatoyants et inhabituels. Même dans ces circonstances préoccupantes, elle ne peut s'empêcher d'apprécier l'étrange beauté de la chose.

Et son efficacité également. Car bientôt l'elfe noire se relève d'elle-même, manifestement en bien meilleure forme. La guerrière se sent soulagée. Elle n'aurait pas aimé avoir à la traîner partout comme un poids mort, ou pire : à l'abandonner sur place. Cela va à l'encontre de tous ses principes. Elle n'aura heureusement pas à l'envisager.

A ce moment, Suyvel lui lance une remarque quelque peu cassante sur ses capacités intellectuelles.

« Dites-moi, seriez-vous incapable de compter jusqu'à trois ? Je croyais votre peuple très érudit. Bon, je sais qu'on ne peut pas attendre de prodige en la matière de la part d'une combattante, mais tout de même ! »

Elfe s'amuse de cette pique.

Pas de doute, elle va mieux ! songe-t-elle en riant sous cape.

Elle décide d'expliquer la raison de son geste.

« On m'a toujours dit que la douleur est d'autant plus grande si on la pressent, si on l'anticipe. J'ai donc choisi de vous faire croire que j'opérerai en ayant compté trois, et j'ai agi par surprise. Pour prendre votre douleur de court, pour la minimiser. »

Puis Elfe voit Suyvel s'intéresser à leur environnement, et finalement lui faire part de ses conclusions.

« Ce n'est pas une grotte naturelle... ce sont des pioches qui l'ont formée. »

La guerrière roule des yeux.

« Oui, ça je l'avais vu, merci. »

Après tout, elle est mineuse, elle connaît mieux le sujet qu'une herboriste comme Suyvel. En revanche, lorsque celle-ci lui parle des nains qui auraient creusé ce tunnel, elle doit bien admettre qu'elle ne sait pas grand-chose à ce propos. Cela dit, cela ne les aide en rien. Elle préfèrerait que l'elfe noire lui donne une idée de la direction à suivre, par exemple.

Ce qu'elle ne tarde pas à faire, après avoir prononcé un de ses sortilèges. Elfe en reste muette. Elle ne s'attendait pas à cela.

Décidément, la magie peut servir à bien des choses... C'est pratique, en fait.

Les deux femmes vont pour partir le long du tunnel lorsque Suyvel semble prendre conscience d'une chose. Elfe la voit faire demi-tour et aller fouiller le tas de boue dans lequel elles se sont réveillées.

« Beurk, tu n'en as pas eu assez, ou quoi... ? »

Mais la raillerie meurt sur ses lèvres lorsqu'elle réalise ce que la magicienne est en train de faire. Elle cherche quelque chose, de toute évidence. Une chose qui ne peut être que... l'écrin de Cinq-Ents, qu'Elfe lui a barboté dans le feutré. Elle a présumé que l'elfe noire mettrait cette perte sur le compte de leur chute mais, maintenant, à voir l'énergie qu'elle déploie à creuser la vase, sa conviction à ce sujet s'étiole.

Et si elle comprend la situation ? Si elle m'accuse du larcin... ?

A cette pensée, un frisson glacé lui descend le long du dos. La peur d'être prise au piège s'insinue dans son esprit. Où donc pourrait-elle fuir ? D'ailleurs, à quoi bon ? Suyvel saurait toujours où la retrouver : au village du Souffle... Non, la situation d'Elfe commence à ressembler à un cul-de-sac, une voie se terminant par un mur infranchissable sur lequel s'inscrivent les désagréables conséquences de son geste condamnable.

Quelques instants s'écoulent. Une éternité pour la guerrière.

Un cri de joie vient mettre fin à cette situation. Suyvel se redresse, en brandissant... son orbe !

« C'était... Cinq-Ents que tu cherchais ? »

Elfe va pour pousser un long soupir de soulagement, mais elle le retient juste à temps. Elle a bien failli se trahir toute seule ! Elle n'est pas découverte, ce n'est pas le moment de dévoiler la culpabilité qui la taraude. Elle croit l'elfe noire suffisamment perceptive pour ne pas passer à côté d'un comportement aussi révélateur de faits cachés. Elle guette la suite : par association d'idées, la magicienne va-t-elle penser à son écrin... ? Il n'en est heureusement rien. Tout à la joie d'avoir retrouvé son arme, elle part gaiement en avant.

Du coup, elle laisse Suyvel les guider le long du tunnel qui s'étend sur une longueur interminable. Leur progression n'est pas aisée non plus : il y a des éboulis, des passages barrés, des affaissements du tunnel, des crevasses au sol... Leur petit périple souterrain n'a rien d'une agréable balade.

Après un difficile parcours de plusieurs centaines de mètres, les deux taupes improvisées parviennent à l'extrémité de la galerie, qui débouche à l'air libre. Elfe jette des regards en tous sens. Autour d'elles se dressent les formes altières de monts rocheux et enneigés qui ne peuvent être que les Cimes. Les aventurières se trouvent dans une petite vallée encaissée, coincée entre les montagnes. Elles ne sont manifestement pas encore sorties d'affaire...

Pour l'heure, Elfe est contente d'être sortie de la grotte et apprécie la quiétude du lieu, son air pur et vif, la végétation et les arbres qui s'y dressent paisiblement, à l'abri de tout. C'est toujours la nuit et quelques oiseaux nocturnes lancent parfois un chant discret. Un chant différent vient titiller ses oreilles pointues et elle s'avance en fouillant les lieux du regard, jusqu'à ce que l'origine du bruissement lui soit révélée : un petit torrent de montagne s'écoule des hauteurs en une fine cascade qui tombe au fond de cette vallée. Une vision qui fait naître une envie impérieuse en elle : celle de prendre un bain, d'enfin se débarrasser de toute cette vase qui la colle.

Seulement, réalise-t-elle aussitôt, il va y avoir un petit souci. Le mince filet d'eau suffira à peine à doucher convenablement une personne à la fois. Elle lance un coup d'œil sur son côté : Suyvel l'a suivie et a également vu la cascade.

Zut !

Elfe n'a aucune envie de laisser la place à l'elfe noire, qu'elle juge responsable de leur situation présente et de leur bain de boue en particulier. Alors, sans plus attendre, elle se met à courir de toute la vitesse de ses jambes d'elfe, tout en lançant à la magicienne :

« La dernière à l'eau est une trollette ! »

Une trollette, ou troll femelle, est, selon les critères des elfes sylvains, une créature lourde, pataude, moche et qui pue.

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Suyvel écouta Elfe lui faire réponse sur son absence apparente de synchronisation. La magicienne songea que l'argument était recevable "“ et partait d'une bonne intention "“ même s'il était discutable. Elle n'était pas persuadée que sa douleur en ait été atténuée de quelque façon que ce soit. Et si c'était néanmoins le cas... elle préférait ne pas imaginer ce qu'aurait été sa souffrance si elle avait dû la subir dans son intégralité. Quoi qu'il en fût, la guerrière avait été d'un secours appréciable, aussi la drow choisit-elle de ne pas insister.

D'ailleurs, toutes deux furent bientôt concentrées sur les obstacles qui gênaient leur progression, et l'incident fut vite oublié.

Au bout de ce parcours difficile les attendait une découverte inattendue : celle d'une vallée de montagne, étroite et close. Elfe manifesta un plaisir évident à cette vue, Suyvel fut plus partagée : elle préférait les grottes aux forêts mais cette étape fut moins laborieuse que la précédente. Toutefois, elles n'étaient pas encore sorties d'affaire.

La voix d'un cours d'eau parvenait à leurs oreilles sans qu'elles puissent le situer exactement. Derrière un pan de roche, elles finirent par découvrir une étroite chute d'eau.

í” joie ineffable.

Dans son état de crasse, Suyvel aurait tué le premier venu pour un seau d'eau, voire un mouchoir humide. Alors, pour une cascade à l'onde pure, que n'aurait-elle pas fait !

Le hic, c'était que le torrent de montagne était bien mince. Il n'était pas question d'en profiter à deux en même temps. Et Elfe, qui marchait en tête, avait bien évidemment repéré la chute d'eau providentielle, véritable don de Posicillon. Et elle partageait l'enthousiasme de la drow. A tel point qu'elle partit comme une flèche en lui lançant :

« La dernière à l'eau est une trollette ! »

Suyvel, qui allait pour lui réclamer la primauté du bienfait liquide, en resta interdite l'espace d'une seconde. Puis les mots firent leur chemin dans sa tête et l'esprit de compétition, très vif chez les drows, reprit ses droits. Dans un cri étranglé d'indignation, elle se rua vers la chute d'eau, sur les talons d'Elfe. Enfin presque, car la guerrière avait profité de son hésitation pour lui mettre plusieurs mètres dans la vue.

Très vite, elle réalisa que cet avantage de départ pouvait être décisif. Pour avoir pu apprécier les sprints d'Elfe durant leur combat, Suyvel savait que la guerrière était aussi rapide qu'elle, en dépit de son armure. Les cottes elfiques étaient réputées pour leur légèreté. Elle ne la dépasserait pas facilement. Peut-être même ne parviendrait-elle pas à la rejoindre.

Ce n'est pas vrai... ! Juste parce qu'elle m'a truandé quelques pas au départ !

De dépit, elle en était rendue à envisager de se jeter sur Elfe pour la plaquer au sol lorsqu'une bien meilleure idée naquit dans son esprit. Le souvenir d'un sortilège qui pouvait l'aider dans cette situation. Les mots lui vinrent aux lèvres tout naturellement.

Un sort de hâte.

Il permettait au lanceur de bénéficier d'un surcroît temporaire de vitesse, lié au souffle favorable des vents. Tel était le pouvoir des aéromanciens. Ce fut donc littéralement transportée par les esprits de l'air que Suyvel passa devant Elfe en trombe, un sourire triomphant aux lèvres.

« Tu disais quoi, à propos de trollette ? »

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Elfe court sans se retourner, de toute la vitesse dont elle est capable. Elle perçoit les bruits de pas de Suyvel, derrière elle, mais elle est sûre de pouvoir maintenir son avance sur elle. A condition de ne pas se laisser distraire.

Il faut que j'arrive la première !

Galvanisée par la pensée d'une victoire facile, elle trouve encore les forces pour accélérer... puis elle entend des mots qu'elle ne comprend pas et qui n'augurent rien de bon. Manifestement, la magicienne est en train de recourir à l'un de ses sortilèges. L'inquiétude monte dans l'esprit de la guerrière.

Elle ne va pas m'attaquer de nouveau, quand même... ? Pas pour si peu ?

Presque inconsciemment, Elfe se tend, prête à encaisser le choc d'un coup venant de derrière... mais rien ne vient. En fin, rien de derrière, car sur son côté, elle aperçoit brusquement Suyvel qui a fait une remontée spectaculaire et même qui la dépasse !

Comment peut-elle aller à cette vitesse ? C'est impossible !

Ses yeux d'elfe lui permettent de deviner des mouvements éthérés dans l'air qui entoure Suyvel. Ce ne peut être que le sort dont elle a perçu les sonorités.

Alors elle peut augmenter son allure par la magie... ?

Cette révélation lui donne un rude coup au moral. Dans ces conditions, quelles chances lui reste-t-il ?

Mais c'est de la triche !

L'indignation la submerge. En même temps, elle oublie qu'elle-même a tout fait pour prendre l'elfe noire par surprise au départ. Cela dit, elle a beau essayer d'accélérer encore, elle ne peut rien faire pour empêcher Suyvel de la dépasser et la distancer rapidement. Désespérée, Elfe voit la victoire lui échapper sans pouvoir rien y faire. A moins que...

Le fouet !

Elle vient de se rappeler de la présence, à sa ceinture, de l'arme qu'elle a prise à la magicienne.

Non, je ne peux pas...

Elfe n'aime pas ce genre d'arme, et encore moins l'idée d'en frapper quelqu'un dans le dos. Une camarade de faction, de surcroît. Mais ses scrupules déclinent au fur et à mesure que Suyvel augmente son avance. Si elle ne fait rien, il sera bientôt trop tard. Le fait de s'être emparé de cette arme lui semble maintenant providentiel. Presque un signe du destin.

Ses mains décident pour elles et déroulent la lanière de cuir de ses hanches. Puis elle se saisit du manche et lève le fouet en se mordant les lèvres.

Désolée, je n'ai plus le choix.

SHLAAAAK!

La lanière s'enroule vivement autour des chevilles de la magicienne, la faisant immédiatement tomber au sol. Cette vision gomme les réticences d'Elfe. Elle grimace un sourire de victoire.

A cette vitesse, elle a dû se faire mal... Bien fait ! Ca lui apprendra à ne pas se servir de ses sorts.

Lorsqu'elle passe à la hauteur de l'elfe noire, elle lâche le manche du fouet.

« Tiens, c'est à toi, je crois. Et je t'attendrai à la chute d'eau, la trollette. »

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Suyvel était ravie. Elle venait de dépasser Elfe "“ et probablement de la dégoûter à vie de la course de vitesse "“ et la fin de la course n'était plus qu'une formalité. La victoire était déjà sienne. Telle était la pensée qui occupait son esprit.

L'instant d'après, allongée sur le sol de tout son long, et sonnée par le rude choc d'une chute à une telle vitesse, la victoire lui semblait brusquement moins évidente.

Que s'est-il passé ?

Elle se rappela avoir eu la sensation d'être saisie aux chevilles juste avant de tomber. Elle jeta un œil sur ses jambes et vit qu'elles étaient effectivement entravées par une lanière. A ce moment, Elfe passa à côté d'elle et lâcha l'autre extrémité d'un objet aisément identifiable : un fouet. Chez la magicienne, la surprise le disputa à l'indignation. La surprise de voir Elfe en possession d'une telle arme, qu'elle n'avait pas remarquée parmi son équipement. L'indignation que la guerrière ait porté la main sur elle, alors qu'elle-même avait évité de recourir à de tels expédients.

En même temps, elle luttait pour se dégager de la lanière. Etroitement serrée autour de ses mollets, elle offrit une résistance acharnée, laissant présager que, le temps que Suyvel se dégage, Elfe serait déjà arrivée à la chute d'eau. D'ailleurs, celle-ci la dépassait à cet instant.

« Tiens, c'est à toi, je crois. Et je t'attends à la chute d'eau, la trollette. »

Le sang de la drow ne fit qu'un tour.

« Tu ne perds rien pour attendre ! Je vais te "“

Une pensée interrompit cette réplique lourde de promesses de représailles.

C'est à moi... ? Comment cela : à moi ?

Elle baissa à nouveau les yeux sur l'arme enroulée sur ses chevilles.

Mon fouet !!!

Suyvel faillit s'étouffer de rage.

Et en plus elle me vole mon arme et elle l'utilise contre moi ?!

La flamme de la colère fut vite étouffée par une idée nouvelle. Le fait que la magicienne fût immobilisée par son propre fouet lui ouvrait des perspectives intéressantes.

Les drows avaient coutume d'apposer des dweomer, des enchantements nés de leur magie, sur les armes qu'ils maniaient. Suyvel avait acquis suffisamment de pouvoir et de connaissances sur le sujet pour être en mesure de créer les siens propres. Et son fouet avait été l'objet d'une de ses expériences en la matière.

Elle toucha la lanière et ordonna :

« Hele'Syorva, vaelí« tel hyrio ! » (1)

Et le fouet obéit.

Ses spires autour des jambes de la magicienne s'élargirent d'elles-mêmes et tombèrent au sol en cercles concentriques. Une chose de réglée. Mais ce n'était pas l'essentiel de l'idée qui était née dans l'esprit revanchard de la drow. Elle se saisit vivement du fouet et chercha la guerrière du regard. Elle la vit, toujours en pleine course, qui s'éloignait d'elle. Trop à son goût.

Maintenant ou jamais !

Prenant appui sur sa main gauche, Suyvel se projeta en avant autant qu'elle le put. Dans le même temps, elle lançant le bras droit loin devant elle, pointant le fouet vers Elfe et essayant de l'en rapprocher au maximum.

« Hele'Syorva, fuvilia ena ! » (2)

Les spires du fouet se détendirent comme un ressort et la lanière fusa vers les jambes d'Elfe. Il s'en fallut d'une fraction de seconde que celle-ci soit trop loin pour que le fouet puisse l'atteindre. Mais la chance ne fut pas de son côté. Pas cette fois-ci en tout cas.

Stoppée net dans son élan, la guerrière chuta sèchement.

Chacune son tour !

Encore un peu sonnée, Suyvel se releva et se dirigea d'un pas tranquille vers la chute d'eau. Elle passa devant Elfe qui se battait désespérément avec le fouet pour dégager ses chevilles prisonnières. La drow sourit. Elle savait que Hele'Syorva ne la lâcherait pas facilement. Il faudrait à la guerrière des trésors d'énergie et de persévérance pour en venir à bout.

Elle prit donc tout son temps pour la dépasser et la gratifia d'un sourire amusé.

« Qui est une trollette ? »

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(1) Python Noir, relâche tes anneaux.

(2) Python Noir, immobilise-la.

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Elfe court le cœur léger. Elle a écarté sa concurrente et la chute d'eau l'attend. Elle savoure par anticipation les délices de ce bain tant souhaité... et patatras ! Elle se retrouve le nez dans l'herbe.

Qu'est-ce que... J'ai trébuché ? Glissé ?

Elle veut se relever mais ses jambes refusent d'obéir. Elles ne veulent plus se désolidariser l'une de l'autre. Elfe tourne la tête pour voir ce qui la gêne... et elle découvre le fouet qui enserre ses chevilles.

Hein ?!? Elle s'en est déjà dépêtrée ?

La guerrière pensait qu'il faudrait du temps à Suyvel pour se débarrasser de cette entrave. Manifestement, l'elfe noire sait s'en aider dans ce genre de cas. Ca tombe mal... c'est le cas de le dire ! Elfe plie les jambes pour atteindre la lanière et tente de se libérer frénétiquement, soucieuse de perdre le moins de temps possible. Toutefois elle semble devoir n'arriver à rien.

Mais ce n'est pas vrai ! C'est quoi, ce fouet ?

Elle a perçu la voix de Suyvel qui prononçait deux phrases mais elle n'y a compris goutte. C'était de l'elfique noir, probablement. Elle n'entend rien à cette langue. En revanche, cela lui donne des soupçons sur la nature du fouet.

Ensorcelé... ? Quelle cochonnerie !

Ses doigts se crispent sur la lanière, essayant de la dérouler, mais celle-ci reste tendue comme une corde de violon. Elle a l'impression d'être prise dans une étreinte ophidienne. Impossible de s'en défaire promptement. Une autre idée lui vient : un couteau ! Il faut qu'elle tranche le lien de cuir.

« Oh noooooon ! »

Le cri de détresse lui a échappé. Elfe réalise avec fatalisme qu'elle n'a pas de lame sur elle. Elle a oublié son poignard. Cruelle négligence. Une étourderie qui va lui coûter la victoire...

Bref, le temps que la guerrière parvienne enfin à vaincre la résistance du fouet, Suyvel est depuis longtemps arrivée à la chute d'eau. Elle a ôté ses vêtements gadoueux et s'adonne aux plaisirs du bain, avec une expression de satisfaction qui rend Elfe malade de jalousie. La magicienne prend tout son temps et, lorsqu'enfin elle semble se décider à y mettre fin, c'est pour ramasser ses vêtements et commencer une lessive méticuleuse.

Dépitée, Elfe va s'asseoir sur un rocher un peu plus loin et reste là, les bras croisés, la mine boudeuse, à ressasser sa mauvaise humeur.

Les magiciennes, ce sont toutes des tricheuses. J'aurais dû gagner. Et puis elle fait exprès de traîner... Elle m'énerve, elle m'énerve !

Et ainsi de suite. Puis Suyvel finit par s'éloigner de la chute d'eau. Elfe se lève en ronchonnant puis se hâte vers le bain tant souhaité. Quittant son armure, elle s'y immerge avec bonheur. Lorsqu'elle se sent enfin de nouveau propre, son humeur s'est améliorée considérablement. C'est en chantonnant un air bien connu dans son clan sylvain qu'elle s'attèle au nettoyage de sa cotte et de ses bottes.

Une fois sa tâche terminée, elle se rhabille rapidement. La nuit est fraîche. Mais ses vêtements ne la réchauffent pas. Ce serait plutôt l'inverse... Elle cherche Suyvel du regard et lui dit :

« Je ne sais pas où aller pour sortir d'ici, mais je propose que nous nous mettions en route sans tarder. Avec nos fringues mouillées, on va attraper la crève si on reste là ! On a intérêt à marcher, ça nous réchauffera. »

D'autorité, Elfe prend la tête de leur marche et toutes deux font le tour de cette petite vallée fermée par les montagnes. Bien sûr, il n'est pas question de se livrer à une escalade aussi longue que dangereuse pour sortir de ce lieu ! Il leur faut trouver une issue plus praticable. Si les nains ont creusé la galerie dans laquelle elles sont tombées, eux-mêmes devaient disposer d'une voie d'accès à ce val. C'est ce qu'elles recherchent. Et elles trouvent sans grande difficulté.

Elles trouvent même plus que ce qu'elles espéraient, en fait. Elles repèrent une quinzaine de tunnels qui s'enfoncent dans les montagnes avoisinantes. Certains sont barrés mais peuvent être forcés, deux sont obstrués par des gravats et un dernier s'est effondré. Cela leur laisse une douzaine de chemins possibles. Les deux femmes se lancent des regards indécis. Où aller ? Rien n'indique quelle galerie les mènera hors des Cimes.

Elfe a horreur de l'inaction, aussi prend-elle une décision énergique.

- On prend celui-là, décrète-t-elle en indiquant un passage.

Suyvel n'a pas vraiment l'air convaincue mais la guerrière insiste.

« Faites-moi confiance, j'ouvre la marche. Suivez-moi. »

Et sans même lui laisser l'occasion de répondre, Elfe s'enfonce dans le souterrain. Il s'agit d'un long couloir, à la section carrée, soutenu par des étais massifs placés à intervalles réguliers. L'ouvrage est très ancien mais sa qualité évidente saute aux yeux de le mineuse qu'est Elfe et la conforte dans son choix.

Néanmoins, après plusieurs centaines de mètres, le couloir devient irrégulier et débouche sur une grotte d'apparence naturelle. Mais ce n'est pas ce qui retient l'attention des deux exploratrices... car au milieu de la caverne se tient une énorme créature. Son corps annelé, massif et écailleux, doit mesurer une vingtaine de mètres, et se termine par une tête reptilienne, dotée d'une gueule qui semble capable d'avaler les deux elfes en une seule fois. Elfe n'en croit pas ses yeux.

Un grand ver !

Car il s'agit bien d'un dragon, même s'il n'est pas de l'espèce de ceux qui planent au-dessus de Melrath Zorac. Celui-ci est dépourvu d'ailes et appartient manifestement à une variété cavernicole. Roulée sur elle-même, la bête semble dormir profondément. Elfe voit là une occasion en or massif d'accrocher une pièce rare à son tableau de chasse.

- J'y vais, murmure-t-elle à la magicienne qui a l'air de ne même plus oser respirer.

Suyvel lui fait de grands gestes mais Elfe n'en a cure. A pas de loup, elle se rapproche du dragon, Sûl'Til tenue fermement à deux mains, prête à estourbir la bête si elle fait mine de broncher.

Et elle parvient juste devant la tête du monstre. Elle s'apprête à frapper, lorsqu'elle est prise d'un doute. Elle retient son coup et examine la bête. Puis elle tend l'oreille. Rien.

C'est bien ce qui me semblait...

Elfe se retourne vers la magicienne et prononce à haute voix :

« Il est mort.»

Suyvel prend un air complètement affolé, aussi Elfe précise-t-elle :

« Il ne respire pas. Je n'entends aucun souffle. Rien du tout. »

La magicienne n'a pas l'air rassurée pour autant. Elle semble avoir une confiance très moyenne dans le jugement de la guerrière.

« Ca ne risque rien, je te dis ! Tiens, regarde... »

Et elle abat sa masse sur le museau gigantesque.

Elle entend Suyvel étouffer un cri tant bien que mal. Elfe jette un coup d'œil dans sa direction. Elle a envie de rire en la voyant si craintive. Ce n'est pas l'image que l'elfe noire donne d'habitude. De plus, elle n'a aucune raison d'avoir peur. Le monstre n'a pas bougé. Même pas frémi.

Lorsqu'Elfe se concentre à nouveau sur le dragon, elle aperçoit son propre reflet dans un œil jaune luisant, de la taille d'une assiette.

Tiens, il avait les yeux ouverts ? Je n'avais pas remarqué...

Elle fait un pas de côté... et l'œil de serpent bouge pour suivre son mouvement, posant sur elle un regard aux qualités presque hypnotiques. Elfe déglutit laborieusement.

dragon10.jpg

Trente secondes plus tard.

Les deux aventurières remontent le tunnel qu'elles ont suivi, mais dans l'autre sens. Et cette fois, elles le parcourent à une vitesse hallucinante, certainement motivées par la présence sur leurs talons du dragon furieux. Elles découvrent à cette occasion la capacité de mouvement de ce monstre : il a beau être énorme et très lourd, il est rapide et ne se laisse pas distancer. Une autre caractéristique, qu'elles ignoraient toutes deux, est la profondeur du sommeil de telles créatures, qui rend leur souffle faible et presque indétectable.

Enfin, Elfe aperçoit l'issue de la galerie. Elles vont à nouveau déboucher dans la vallée de montagne. La mineuse a enfin une idée pour les sortir de cette périlleuse situation. Elle hurle à Suyvel :

« Frappe les étais à gauche ! Je m'occupe de ceux de droite. »

Elles terminent leur parcours en démolissant effectivement les poutres de bois sec et cassant, l'une à l'aide de sorts, l'autre à grands coups de masse. Comme Elfe l'espère, le tunnel ne supporte pas ce traitement bien longtemps. Un grondement lui signale que son plan est un succès. Derrière elles, des pans de roc s'effondrent, bloquant leur poursuivant.

Et elles surgissent à l'air libre, juste à temps pour éviter de mourir écrasées sous quelques tonnes de roche. Elles mettent fin à leur course infernale. Elfe, hors d'haleine, prend appui à un arbre et s'y adosse. Les jambes flageolantes, elle se laisse glisser le long du tronc pour s'asseoir. Finalement, elle arrive à articuler :

« Bon... ce n'est pas bien grave, il reste encore onze tunnels. »

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  • 2 weeks later...

Courbée en avant, les mains sur les genoux, Suyvel tentait de reprendre son souffle, tout en passant mentalement en revue "“ avec effarement "“ les évènements récents.

Je n'y crois pas, je ne peux pas y croire...

Que la guerrière soit assez intrépide pour s'en prendre à un monstre de cette taille, Suyvel pouvait le concevoir. Cela dénotait néanmoins un manque criant de lucidité : croire qu'elle aurait été capable de terrasser un monstre aussi gigantesque revenait à se bercer d'illusions.

Ce n'est pas du courage... Elle est totalement inconsciente !

Là où la magicienne bloquait vraiment, c'était quand elle revoyait Elfe abattre négligemment son arme sur le dragon prétendu mort. Sans vérification, sans précaution. Sans chercher à achever la bête, juste au cas où.

Quelle truffe, cette fille !

Et elle avait bien failli les faire tuer. Dévorer tout cru, pour être précise.

Pour son propre bien, il faudrait l'enfermer, cette folle !

Suyvel enrageait en songeant à cette désinvolture coupable, voire suicidaire à ses yeux.

Je devrais lui coller une bonne paire de gifles, peut-être que ça lui remettrait les idées en place !

Elle envisagea même un instant de s'occuper d'Elfe plus sérieusement... de la punir à la mode drow... par exemple en lui arrachant du dos, à coups de fouet, jusqu'au dernier centimètre de peau.

Suyvel chassa cette idée.

Non seulement cela ne lui apporterait rien, mais en plus il lui faudrait la soigner après coup si elle ne voulait pas l'abandonner sur place. Et puis Elfe avait tout de même réparé son erreur... Elle avait eu assez de lucidité pour penser à faire tomber le plafond de la galerie. Cette idée les avait sauvées.

Ce constat fit progressivement fondre la colère de la drow.

Mais lorsqu'Elfe lâcha ce commentaire détaché...

« Bon... ce n'est pas bien grave, il reste encore onze tunnels. »

... Suyvel se redressa d'un coup. Ce fut d'un ton raide qu'elle répliqua :

« Oui, alors soyons clair... Je prends la tête de nos futures explorations. C'est moi qui choisis le prochain tunnel. Et tu te contentes de suivre, sans toucher à rien. Des objections ? »

Le tout accompagné d'un regard qui dissuada Elfe d'opposer la moindre remarque.

Lorsqu'elles se sentirent remises de leurs émotions, elles examinèrent les passages restants. Rien ne les distinguait vraiment, hormis les barricades qui fermaient certains d'entre eux... Mais Suyvel s'arrêta devant un tunnel, intriguée. L'herbe, à cet endroit, semblait marquée, couchée de façon irrégulière, comme si elle avait récemment subi le passage d'un et même plusieurs individus. Elle n'était guère calée en pistage et désigna d'un signe de tête sa découverte à Elfe. La guerrière n'en savait guère plus qu'elle, mais elle convint qu'il s'agissait certainement de traces de bottes, et récentes. Le lieu ne semblait pas totalement abandonné, après tout. D'un commun accord, les deux aventurières s'engagèrent dans le tunnel.

Le souci était qu'une fois à l'intérieur, il n'y avait plus de piste à suivre. Le sol rocailleux ne révélait aucune marque lisible pour l'une ou l'autre. Et la galerie comportait régulièrement des bifurcations. Elles durent donc décider de leur chemin au petit bonheur la chance. Leur situation se compliqua encore lorsqu'elles arrivèrent dans une voie sans issue. Un boyau plus étroit avait néanmoins été creusé dans le sol.

Les deux femmes échangèrent un regard. Elfe ne semblait pas enthousiaste à l'idée de jouer les taupes, et à vrai dire Suyvel ne l'était guère davantage, mais la perspective d'un demi-tour l'enchantait encore moins. Et la drow avait vécu assez longtemps dans le royaume souterrain pour ne pas s'effrayer de ce genre de situation. Aussi se coula-t-elle dans l'orifice sans plus tergiverser. Une fois au fond, elle vérifia que le passage n'était pas obstrué et fit signe à Elfe de la rejoindre. Celle-ci hésita un instant puis finit par obtempérer, dans un soupir de résignation.

Elles avancèrent d'abord courbées, puis à quatre pattes, et parfois en rampant dans les passages les plus exigus. Cela dura un long moment. Non que le boyau fût très long, mais leur progression était fortement ralentie. Enfin, Suyvel vit que le tunnel tournait vers le bas et semblait déboucher dans un espace plus vaste. Elle fit signe à Elfe d'attendre et descendit prudemment en assurant ses prises. Les parois étaient presque verticales et plutôt glissantes. Bientôt, elle n'eut plus rien à quoi s'accrocher, mais elle discernait le sol, deux ou trois mètres plus bas. Alors elle se laissa tomber et se reçut sur ses pieds, sans encombre.

Elle appela Elfe et attendit que la guerrière la rejoigne. Puis elles progressèrent dans la galerie bien plus large qu'elles venaient d'atteindre. Suyvel pensait avoir perdu depuis longtemps la piste qui l'avait décidée à suivre ce tunnel, lorsque l'écho de voix encore éloignées parvint jusqu'à ses oreilles. Elle fit immédiatement signe à Elfe de s'arrêter et leva un doigt impératif devant ses lèvres.

Chut...

Lorsque la magicienne fut sûre qu'elles n'étaient pas repérées, elle se remit à avancer, mais lentement, silencieusement, et en profitant des nombreuses cachettes qu'offrait l'endroit.

La galerie tournait légèrement sur la gauche, puis continuait en s'élargissant. Au-delà du tournant, une faible lumière dansait sur les parois irrégulières. Ce ne pouvait guère être que la lueur d'une flamme. Et de fait, lorsqu'elles eurent passé le virage, elles découvrirent une scène inattendue.

Autour d'un petit feu de camp s'étaient rassemblés cinq hommes.

Suyvel resta un moment à les observer sans bouger, à distance prudente. Elfe, qui se tenait en arrière comme convenu, ne devait pas voir grand-chose de sa place car elle la rejoignit d'elle-même. Découvrant la scène, elle s'exprima, manifestement soulagée :

« Ah, génial ! On a trouvé du monde. Ils vont pouvoir nous indiquer comment sortir d'ici. »

Et aussitôt, elle quitta l'abri de leur cachette pour s'avancer vers eux. Suyvel devina soudainement ce qu'elle avait en tête.

Ah non, ça suffit ! Elle ne va pas recommencer ! Pas deux fois de suite !

La drow bondit sur la guerrière, la heurtant au niveau des hanches et lui ceinturant le haut des cuisses de ses bras. Elfe tomba dans l'instant, plaquée au sol dans les règles de l'art. Elle lâcha néanmoins un hé ! étouffé mais suffisamment fort pour être perçu dans ce milieu clos. Suyvel lança un coup d'œil angoissé dans la galerie... et vit qu'un des humains s'était éloigné du feu de camp pour venir dans leur direction. Il avait dû les entendre car, manifestement, il fouillait les ténèbres du regard.

Long instant d'incertitude.

Qui se transforma en légère panique lorsqu'Elfe releva la tête.

Elle va protester et trahir notre présence !

Sans hésiter, Suyvel lança la main en avant de façon à la plaquer sur l'arrière de la tête de la guerrière et lui coller le nez au sol sans ménagement.

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Lorsque Suyvel lui a dit de la suivre sans toucher à rien, Elfe n'a pas protesté, consciente qu'elle les avait mises en grand danger.

Mais là, quand Suyvel parle de s'enfoncer dans ce boyau étroit, elle trouve que la magicienne exagère.

Elle me prend pour une taupe ?

Elle connaît les dangers que présente ce genre de passage et ce ne sont pas les embranchements qui manquent plus haut. Elles ont juste à revenir un peu sur leurs pas. Rien de grave. Mais l'elfe noire a l'air entêtée, pour ne pas dire obtuse. Et elle s'y engage.

Pourvu que le passage soit bloqué !

Mais Suyvel lui dit de la rejoindre. Elfe lève les yeux au ciel, enfin... au plafond, étant donné l'environnement.

Ce n'est pas mon jour de chance...

Et la voilà forcée de progresser pliée en deux, et même de ramper. Avec, pour tout panorama, le popotin de la magicienne.

Super, vraiment super... pourquoi ai-je accepté de la suivre, moi ?

Et pour couronner le tout, le boyau finit par descendre à la verticale.

Bon, là, elle va bien être forcée de faire demi-tour...

Mais Suyvel persévère et y descend. Pour lui dire un peu plus tard de l'imiter. Elfe soupire. En ronchonnant, elle s'exécute, en prenant toutes les précautions possibles pour ne pas tomber. Seulement, au bout de quelques mètres, les parois n'offrent plus aucune prise sûre, et ce qui doit finir par arriver se produit : Elfe dérape et tombe en arrière, fesses les premières. Une courte chute qui n'est pas si douloureuse que prévu. Elle a eu assez de chance pour atterrir en terrain meuble.

Ouf.

Elle est indemne. Et elle se trouve dans un nouveau tunnel, bien plus large. Finalement, Suyvel semble avoir eu raison. Ca en valait probablement la peine.

En revanche, elle ne voit pas la magicienne.

« Suyvel ? »

Un instant de silence, puis un grognement.

« Oui. »

Elfe n'en localise pas la provenance.

« Où es-tu ? »

Elle se sent un peu perdue, soudainement.

« Juste là. »

La voix étouffée semble venir de tout autour d'elle. L'inquiétude gagne la guerrière.

« Je ne te vois pas ! »

Elle perçoit quelque chose qui ressemble à un juron indistinct, puis la voix étouffée grogne :

« Cherche sous tes fesses. »

Elfe bondit sur ses pieds comme si on venait de lui aiguillonner l'arrière-train. Horriblement gênée, elle découvre le corps de Suyvel allongé sur le sol, qui a bien involontairement amorti sa chute.

« Heu, désolée... »

C'est tout ce qu'elle trouve à dire dans l'instant. Elle s'empresse de l'aider à se relever. La magicienne, qui semble à moitié furieuse, époussète sa tenue tout en s'éloignant d'elle. Elfe cherche quelque excuse à lui présenter mais n'en a pas le temps. Suyvel se retourne vivement en lui adressant un geste éloquent : silence.

Elfe en est à se demander le pourquoi de cette requête soudaine lorsqu'elle perçoit des voix lointaines. L'excitation la gagne.

Nous ne sommes pas seules !

L'elfe noire se remet à avancer mais lentement et en se cachant. La guerrière la suit à distance, sur un mode tout aussi furtif. Puis elle avise une lueur au-delà d'un virage et Suyvel s'immobilise. De là où elle se trouve, elle voit peut-être la source de cette lumière, mais Elfe non. Elle fronce les sourcils et ronge son frein en silence. Après une interminable attente d'au moins cinq secondes, elle n'y tient plus et choisit de rejoindre la magicienne. Là, elle découvre le feu de camp et le petit groupe qui l'entoure. Un sourire éclaire son visage.

« Ah, génial ! On a trouvé du monde. Ils vont pouvoir nous indiquer comment sortir d'ici. »

Et elle s'avance aussitôt vers le campement improvisé. Elle n'a pas fait dix pas qu'elle ressent un choc violent au niveau des reins.

« Hé ! »

Elle se retrouve face à terre, un peu sonnée. Néanmoins, elle se doute bien de ce qui vient de se passer : ce ne peut être que Suyvel qui lui a sauté dessus, et sans aucun doute pour éviter qu'elle ne révèle leur présence. Pourtant, Elfe n'a rien vu d'inquiétant dans le petit groupe d'humains qui se tient plus loin... Aurait-elle raté quelque chose ?

Elfe relève la tête pour observer la scène et réévaluer un danger potentiel mais aussitôt elle sent une main lui heurter l'arrière du crâne et lui coller le nez au sol. Un sol de pierre dure.

« Ouille ! »

Elfe se débat un peu pour essayer de se libérer ou au moins de trouver une position moins inconfortable mais la magicienne la tient fermement. Laborieusement, elle arrive à tourner la tête... et comme son oreille vient se coller au sol, c'est à ce moment qu'elle l'entend.

Un bruit de pas qui s'approche d'elles.

Elle cesse immédiatement de lutter. Et de bouger. Elle retient même sa respiration.

Un moment de doute s'installe. Puis Suyvel finit par la lâcher et l'aider à se relever. Elfe risque alors un œil par-dessus le pan de rocher qui les abrite : elle aperçoit une silhouette humaine qui s'éloigne.

Il ne nous a pas vues...

Néanmoins, la raison de la méfiance de la magicienne envers ce groupe d'humains reste pour elle un mystère. Elfe l'interroge du regard.

Qu'est-ce qui cloche ?

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Suyvel capta le regard intrigué d'Elfe et comprit l'interrogation muette qu'il traduisait. Elle lui murmura :

« Nous ne savons pas qui ils sont ni ce qu'ils font là... Mais pour quelle raison des humains viendraient-ils bivouaquer ici ? »

Elle vit Elfe rouler des yeux. Il devait y avoir des centaines d'explications possibles, Suyvel le savait bien... Mais une semblait plus évidente que les autres, et motivait l'attitude de la magicienne. Celle-ci attendit sans mot dire que la guerrière en vienne à la même hypothèse qu'elle.

Ils sont là parce qu'ils se cachent.

Bien entendu, ils pouvaient avoir de fort bonnes raisons de se cacher. Ou d'extrêmement mauvaises aussi. Par exemple, s'il s'agissait de criminels en fuite. Mais comment savoir ? Elle ne voyait qu'une chose à faire, mais elle hésita. Ce fut Elfe qui la devança et prit la décision pour elle.

« Approchons-nous discrètement d'eux. Nous les observerons et nous les écouterons si possible. On devrait bien finir par comprendre leurs motivations. »

Aucune hésitation. Aucune crainte. C'était bien une proposition dans le style casse-cou de la guerrière. Suyvel aurait voulu refuser mais elle ne voyait pas mieux à proposer, alors elle acquiesça. Et les voilà toutes deux à progresser courbées en avant, à pas de loup. D'abri en abri, elles se rapprochèrent d'une douzaine de mètres, jusqu'à atteindre un emplacement qui leur paraissait correct "“ ni trop lointain pour voir, ni trop proche pour ne pas être vues.

Elles y demeurèrent un long moment, observant chaque fait et geste et tentant de capter la moindre bribe de conversation. Hélas, les humains ne semblaient guère bavards, et les quelques phrases prononcées étaient sans grand intérêt, ou trop décousues pour être vraiment compréhensibles. Néanmoins, les deux espionnes improvisées finirent par comprendre que les humains étaient en fait un groupe de mercenaires, engagés par on ne sait qui pour accomplir on ne sait quoi... Tout ceci était bien flou. En revanche, à leur évidente satisfaction, il était facile de saisir que leur tâche était terminée. Une tâche qui avait peut-être quelque chose à voir avec la haute caisse bâchée qui reposait le long d'une paroi du tunnel.

Un cri animal déchira soudain l'air tranquille de la galerie de mine. Un cri bref, sur un mode plaintif. Une sorte de piaillement, mais très puissant. Quel oiseau pouvait bien pousser un tel cri ? Suyvel en était à se poser cette question lorsque la bâche sur la caisse se mit à bouger et flotter, comme si quelqu'un la tirait par un coin... et elle finit par glisser, découvrant non pas une caisse, mais une cage de trappeur, en rondins épais, de deux mètres de haut.

Une vision qui la sidéra. Non pas celle de la cage, mais de son occupant.

Un oiseau. Assez démesuré pour occuper la plus grande part de cette vaste cage. C'était lui qui, en saisissant la bâche de son bec et en tirant dessus à travers les barreaux, l'avait fait choir.

í€ côté d'elle, Elfe semblait partager son ébahissement.

« Wouahouuu... qu'il est grand, cet oiseau. Je n'avais encore jamais vu un géant comme celui-ci. »

Suyvel resta sans voix un moment, puis finit par articuler d'une voix incertaine :

« Et encore... ce n'est qu'un oisillon. »

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  • 2 weeks later...

Elfe écarquille les yeux et reste suffoquée d'une telle affirmation. Finalement, tout ce qu'elle parvient à faire est de répéter :

« Un oisillon ?! »

Cela paraît inconcevable. La guerrière en demeure bouche bée.

« Un oisillon ? Tu en es sûre ? »

Suyvel semble plongée dans l'observation de l'extraordinaire créature mais finit par lui répondre :

« Oui, certaine. Je lui donnerais un mois ou deux, pas plus.

- C'est tout ? Mais alors... il va encore grandir ? balbutie Elfe, effarée par cette idée.

- Oh oui. Et pas qu'un peu, crois-moi.

- Mais... de quelle espèce d'oiseau peut-il bien s'agir ? Je n'en connais aucune qui puisse atteindre des tailles pareilles... !

- Tu n'as jamais entendu parler de l'Oiseau Roc ? » la questionne Suyvel dans un froncement de sourcil.

A l'énoncé de ce nom, quelques lointains souvenirs reviennent à l'esprit de la guerrière. Les érudits de son clan lui ont parlé de cette race quasi-mythique de créatures ailées. Ils hantaient les hauteurs de ce monde il y a déjà longtemps. Des oiseaux tellement gigantesques qu'ils pouvaient emporter une vache dans les airs. Réputés assez forts pour soulever des rochers qu'ils laissaient ensuite tomber sur leurs cibles au sol. Puis ils ont disparu. On les dit éteints, ou partis vers d'autres cieux.

Sauf que... la preuve vivante que ces oiseaux n'ont pas disparu se tient devant elle, à piailler sa détresse avec véhémence. í€ tel point que l'un des humains se dirige vers la cage et flanque un grand coup de gourdin en travers des barreaux, pour faire un maximum de bruit. Effrayé, l'oiseau essaie de se reculer sans vraiment y parvenir, tellement il est à l'étroit dans sa cage. L'homme en profite pour la recouvrir de nouveau. Un faible cri de protestation accompagne son geste. Elfe entend le geôlier qui ricane :

« Attends un peu qu'on te livre à notre commanditaire... Tu vas moins ouvrir le bec, je crois ! »

Et ses compagnons de s'esclaffer avec lui.

Elfe serre les mâchoires. Voir des humains tourmenter un tout jeune animal n'est pas le genre de spectacle qu'elle apprécie. Cela l'offense même. Elle pose la main sur l'épaule de Suyvel et ses doigts se contractent fortement, comme pour appuyer ce qu'elle s'apprête à dire. Que la magicienne sache qu'elle est très sérieuse.

« Libérons-le. »

La vue d'un animal prisonnier suffit à heurter le moins sensible des elfes sylvains. Alors lorsqu'il est maltraité, cela devient intolérable pour eux. Et Elfe n'a pas aimé le sous-entendu de l'homme concernant ce qui arriverait à l'oiseau lorsqu'il serait remis à l'employeur de ces humains. Elle est bien décidée à tout entreprendre pour éviter que cela n'arrive.

Reste à trouver le moyen d'atteindre l'objectif qu'elle s'est déjà assigné. Le mieux serait évidemment d'y parvenir sans violence inutile. Elle chuchote à l'oreille de Suyvel :

« Il faudrait que je me glisse jusqu'à la cage... mais elle est vraiment proche de ces hommes. Et en plus, le feu l'éclaire plutôt bien. Ca va être compliqué. í€ moins que... tu connaisses un sortilège qui pourrait m'aider ? Quelque chose pour me dissimuler à leur regard ? Ou bien pour attirer leur attention ailleurs, le temps que j'opère ? Ou pour leur flanquer une grosse frousse, qu'ils s'enfuient et abandonnent la cage et l'oisillon ? »

En même temps, elle a de plus en plus envie de donner une bonne leçon à ces trappeurs pour leur forfait. Et la guerrière en elle se rebiffe à l'idée d'agir autrement que les armes à la main. Tiraillée entre son désir de sauver l'oiseau sans heurt et celui de punir les fautifs, elle finit par ajouter :

« Sinon on peut aussi les attaquer, ne serait-ce que pour les mettre en fuite. Bon, ils sont cinq et nous deux, mais avec l'avantage de la surprise, on devrait pouvoir gérer ce petit groupe sans trop de problèmes. Je passe devant et je les charge. Toi, tu restes à couvert et tu les arroses de sorts ? Bon, c'est peut-être risqué de se séparer... et s'ils te trouvent, tu vas te retrouver en difficulté, je suppose. Le mieux serait sans doute qu'on avance ensemble ? Tu les frappes de loin avec tes projectiles et je me charge de tous ceux qui auront la mauvaise idée de venir t'attaquer au contact. Et toi, tu restes juste derrière moi et tu me soignes en cas de coup dur. Ca t'irait comme ça ? »

Sans même s'en rendre compte, Elfe s'est saisie de Sûl'Til et ses doigts se serrent compulsivement sur le manche de l'arme. Elle brûle déjà d'en découdre.

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Suyvel n'avait jamais posé les yeux sur un Oiseau Roc, et pourtant elle identifia celui-ci au premier regard. Elle avait lu un certain nombre de traités de zoologie, qui traitaient entre autres de cette espèce, d'où sa connaissance du sujet. L'avantage de fréquenter assidûment les bibliothèques. Et les illustrations qu'elle avait pu contempler en détail ne lui laissaient aucun doute sur le spécimen qu'elle observait maintenant.

Elfe, en revanche, semblait ignorer à qui elles avaient affaire. Suyvel lui fit part de ses conclusions puis se consacra entièrement à l'observation contemplative de l'oisillon. Elle savait qu'elle tenait là une occasion unique d'en apprendre un peu plus sur une race mythique et elle n'aurait pour rien au monde voulu manquer le moindre détail nouveau à sa portée.

Son étude fut néanmoins écourtée par l'intervention d'un des hommes qui frappa les barreaux de la cage avant de la recouvrir de la bâche tombée, masquant ainsi l'oiseau aux yeux de la drow. í€ ce moment, la guerrière vint poser sa main sur l'épaule de la magicienne, l'étreignant si vigoureusement que Suyvel se demanda si elle n'allait pas la lui broyer.

« Libérons-le. »

Une courageuse proposition, bien dans le style suicidaire de la guerrière. La première envie de Suyvel fut d'y opposer un refus catégorique, mais elle hésita. Si elle pouvait ne serait-ce qu'approcher l'oiseau, le risque n'en valait-il pas la peine ? Si elle pouvait le tirer de là, elle tiendrait alors une opportunité extraordinaire de mener une étude sans véritable précédent, sur un sujet vivant. Elle aurait matière à publier des articles documentés, voire un livre entier !

Elle ne parvenait pas à une décision, son envie combattant sa raison.

Et puis un autre souvenir lui revint en mémoire. Un fait qu'elle avait lu dans les ouvrages traitant de l'Oiseau Roc. Sa filiation. Les oiseaux étaient tous, à des degrés divers, des créatures bénéficiant de l'amour d'Eolia. Mais la déesse avait contribué à l'apparition de l'espèce de l'Oiseau Roc. Elle lui avait insufflé un peu d'elle-même et depuis elle gardait un œil sur sa création. C'était un de ses protégés.

Un des enfants d'Eolia.

Dès lors, la présence des deux Aérides qu'étaient Elfe et Suyvel était-elle fortuite ? La coïncidence paraissait un peu trop énorme. Fallait-il y voir la main de la déesse ? La Dame de l'Air avait-elle guidé leurs pas jusqu'ici ? Avait-elle formé le dessein que ses deux fidèles secourent l'oiseau en détresse ? Suyvel sentit la tête lui tourner. Si la volonté d'Eolia était effectivement que les deux femmes se portent au secours de l'oiseau captif, comment la drow pourrait-elle feindre d'ignorer son appel ? Comment pourrait-elle encore la prier si elle tournait le dos à l'un de ses miracles ?

En fait, à ce stade de ses réflexions, elle savait déjà qu'elle répondrait à l'appel de sa déesse.

Elle écouta donc Elfe lui faire part de ses propositions tactiques. Bien qu'elle tînt la guerrière pour une inconsciente notoire, elle lui reconnaissait une compétence dans la stratégie militaire qui lui faisait défaut. Néanmoins, ses propositions d'approche furtive ou de diversion n'enthousiasmèrent pas la drow. Soit qu'elle ne connût pas de sortilège approprié aux projets de la guerrière, soit que ceux-ci impliquaient de révéler leur présence, ce qui lui semblait peu judicieux.

Aussi, lorsqu'Elfe suggéra la manière forte, se rangea-t-elle rapidement à cet avis.

Restait à fixer les détails de l'assaut. Se séparer présentait un risque évident mais pouvait permettre de prendre un avantage au début de l'attaque. Suyvel y voyait néanmoins une limite assez évidente.

« Dans une forêt, j'aurais totalement confiance dans tes capacités à mener une attaque furtive, mais ici, dans une grotte, et avec la lumière du feu de camp, je ne parierais pas lourd sur tes chances de réussite... »

D'un autre côté, rester groupé était pour elles la garantie d'une protection réciproque, Elfe protégeant la magicienne, et Suyvel soignant la guerrière ou frappant leurs ennemis à distance. Mais ceux-ci étaient cinq, et la drow fit observer la présence d'arcs et de carquois sur plusieurs d'entre eux. Si elles déclenchaient un assaut au contact, elles seraient débordées par le nombre. Et à distance, probablement criblées de flèches avant d'avoir pu causer beaucoup de dégâts dans les rangs adverses.

Un instant, la situation leur parut insoluble.

Puis Suyvel eut une idée. S'appuyant sur la première proposition d'Elfe, elle y ajouta une nuance de taille : que ce soit la magicienne qui s'approche furtivement de leurs ennemis pour les prendre au dépourvu. Et une fois la surprise passée, la guerrière n'aurait plus qu'à profiter du désordre pour charger les survivants sans se faire abattre par les archers.

Elfe protesta, arguant que la magicienne n'était pas taillée pour cela et qu'elle allait se mettre toute seule dans les ennuis. Suyvel sourit. D'une part parce qu'elle était agréablement surprise que l'elfe sylvaine se soucie ainsi de sa santé, et d'autre part parce que c'était vraiment inattendu de la part d'une guerrière casse-cou comme elle. En gros, elle lui recommandait la prudence dont elle faisait elle-même fi à longueur de temps. La drow ne capitula pas pour autant et argumenta sa proposition.

« Mon peuple a l'habitude des cavernes. Je suis dans mon milieu naturel, et je sais m'y prendre pour approcher quelqu'un sans me découvrir. Une fois au contact, quoi que tu en penses, je peux frapper vite et fort, et leur causer beaucoup de dommages avant qu'ils n'aient eu le temps de réagir. Après, bien sûr, je serai en péril... mais je compte sur toi pour ne pas trop traîner en route et venir me sortir de là. »

Elles débattirent encore un moment, puis Elfe se rendit aux arguments de la drow. Suyvel enleva alors sa tunique de magicienne, laissant apparaître un justaucorps sombre et dépourvu de manches. Sur son bras gauche était fixé l'étui de son fidèle katar. Elle se débarrassa de son sac qui allait l'encombrer et y piocha un large morceau d'étoffe noire, qu'elle enroula sur sa tête et noua autour de sa blanche chevelure, la faisant disparaître. Entre sa peau sombre et sa tenue qui ne l'était pas moins, rien n'attirait l'œil. Ainsi préparée, Suyvel se coula dans les ombres du tunnel, progressant tantôt rapidement, tantôt très lentement, mais toujours sans un bruit. Elle marchait courbée en avant ou à croupetons selon les abris dont elle disposait. Puis vint le moment où elle approcha du feu. La lumière devenait trop vive pour espérer ne pas être remarquée si un des humains jetait un regard dans sa direction à un moment où elle n'était pas entièrement cachée. Alors elle redoubla de vigilance et de patience, restant blottie derrière des pans de rocher jusqu'à ce qu'aucun des humains ne regardent vers elle, pour recommencer à progresser.

Et au prix de longs efforts, elle parvint effectivement à se glisser tout près de deux d'entre eux. Avec mille précautions, dans un bruit feutré et imperceptible, Suyvel fit glisser son katar hors de son fourreau.

L'heure de vérité s'annonçait.

La danse de mort allait commencer.

Mais pour qui sonnerait le glas ?

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Elfe est satisfaite de voir la magicienne adhérer à ses projets offensifs. Elle l'est moins lorsque Suyvel lui confie son optimisme très mesuré quant à ses chances de succès.

« Dans une forêt, j'aurais totalement confiance dans tes capacités à mener une attaque furtive, mais ici, dans une grotte, et avec la lumière du feu de camp, je ne parierais pas lourd sur tes chances de réussite... »

Un instant, Elfe a envie de balayer l'argument et de foncer dans le tas, mais elle doit bien admettre que Suyvel n'a pas tort. C'est vraiment très risqué. Alors elle choisit de se faire une raison, de mauvaise grâce. Puis l'elfe noire se propose pour aller elle-même au contact. Là, Elfe ouvre de grands yeux.

« Tu veux y aller, toi ? Mais c'est n'importe quoi ! Fragile comme tu l'es, tu vas te faire massacrer... »

Bien que le commentaire soit maladroit et un peu vexant, il tire à Suyvel un sourire amusé. Celle-ci expose les raisons de sa conviction et Elfe se laisse peu à peu gagner par sa logique, même si elle craint toujours pour la vie de sa sœur de faction. Et puis la magicienne sort une phrase qu'elle n'attendait pas d'elle : elle compte sur la guerrière pour venir la sortir d'affaire dès que les choses s'envenimeront. Elfe en reste muette de surprise.

Suyvel lui fait confiance.

Elle croit en ses capacités. Assez pour mettre sa vie en jeu dans cet assaut.

Se sentant honorée, Elfe ne songe plus à contester l'idée mais bien à être digne de la foi que lui porte la magicienne. Alors elle consent à la laisser opérer à sa guise. La guerrière l'observe avec intérêt se préparer pour cet assaut. Une fois son vêtement clair ôté et ses cheveux si blancs masqués dans une coiffe de tissu noir, l'elfe noire est difficilement décelable. Avec son infravision, Elfe pourrait la détecter sans effort, mais ici, avec la lumière du feu de camp qui lui interdit cette possibilité, elle doit s'en remettre à sa vision ordinaire. Et lorsque Suyvel quitte leur cachette, elle devient une ombre qui se fond dans le décor. Elfe est encore capable de la discerner un moment, de la voir se glisser vers le groupe d'humains, puis elle commence à la perdre de vue par moment. Et d'un coup, elle disparaît. Purement et simplement. Elfe a beau scruter du regard l'endroit où se trouvait Suyvel l'instant d'avant, elle est incapable de la retrouver. Petit instant de panique. Comment vont-elles coordonner l'assaut si elles ne se voient pas ?

Heureusement, la guerrière finit par retrouver l'elfe noire lorsque la lumière des flammes l'atteint passagèrement.

Elle a autant avancé que cela ?!

Elfe est impressionnée. Suyvel a couvert une vingtaine de mètres sans qu'elle la voie une seule fois. Elle est maintenant toute proche des humains, et la guerrière est certaine que ceux-ci ne se doutent de rien.

S'ils savaient ce qui les attend...

Pour un peu, Elfe les plaindrait presque. Lorsqu'elle était encore dans son clan sylvain, elle a entendu nombre d'histoires sur les raids nocturnes et meurtriers des elfes noirs. Elle ignorait alors quelle était la part de vérité dans ces récits. Maintenant qu'elle en a une à l'œuvre sous les yeux, elle comprend la crainte qu'inspire cette race des tueurs redoutables. Une personne capable de se faufiler de la sorte sous votre nez ne peut être qu'une menace mortelle.

La guerrière voit la magicienne tirer une lame.

Alors elle sait se battre au poignard ?

Elle est curieuse de voir ça, mais elle sait que ce n'est pas le moment. Suyvel va attaquer d'un instant à l'autre et, dès que les humains vont concentrer leur attention sur la magicienne, elle va devoir en profiter au mieux pour leur foncer dessus sans perdre un instant. Pas question de se laisser distraire de cet objectif. Sinon elle risque d'arriver trop tard pour sauver l'elfe noire. Ce serait comme si elle l'abandonnait à leurs ennemis.

Et ça, elle ne se le pardonnerait jamais.

Serrant Sûl'Til dans ses doigts, Elfe se prépare au plus grand sprint de sa vie.

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  • 2 weeks later...

Suyvel était tendue comme la corde d'un arc.

Elle serrait nerveusement la garde de son katar, tout en guettant l'instant le plus propice à une frappe décisive. En même temps, elle savait qu'elle ne pouvait rester indéfiniment là à attendre, si près de ses ennemis. A tout instant, l'un d'entre eux pouvait la repérer. Il lui fallait se décider, et vite.

Elle s'avisa que l'individu assis le plus près d'elle se penchait sur sa droite, créant un angle mort exploitable par la drow pour approcher sans être vue de lui, et offrant son flanc gauche à ses coups. Alors elle bondit, souplement et dans un silence presque parfait. Malheureusement, un des hommes qui se tenait presque en face d'elle tourna la tête dans sa direction et ouvrit des yeux ronds de surprise. Toutefois le mercenaire assis n'avait rien remarqué, aussi put-elle déclencher son attaque comme elle l'avait escompté. Elle lui bloqua le cou dans son bras droit pendant qu'elle dardait son katar vers le cœur de l'homme, à travers son dos. Mais la lame vint à bloquer entre deux côtes et ne pénétra pas suffisamment pour infliger des dégâts létaux. Suyvel dut enchaîner et frapper une seconde fois, puis une troisième, avant de sentir que l'humain se relâchait, à l'agonie ou déjà mort.

Elle avait passé plus de temps que prévu à lui régler son compte. Et le râle de sa victime finit d'alerter ses compagnons sur la présence d'un indésirable. Tous tournaient le regard vers la drow, certains portaient déjà la main à leur arme. Le plus proche d'elle était encore assis et constituait une cible tentante, mais il se trouvait de l'autre côté du feu de camp, et Suyvel allait donc se trouver obligée de faire un crochet pour l'atteindre.

Plus le temps !

Le premier mercenaire à l'avoir vue se tenait debout et plus loin. Néanmoins elle pouvait le rejoindre sans détour. Faute de mieux, elle se rua sur lui de toute la vitesse dont elle était capable. Elle voulait absolument éliminer un second adversaire avant le début de la bataille rangée. Sans cela, le rapport de forces serait trop à leur désavantage.

Mais l'avantage de la surprise s'envolait déjà et elle sentait que tenir cet objectif allait s'avérer ardu. Puisque la discrétion n'était plus de mise, autant changer de tactique. Se souvenant de celles de Kronan, son barbare de compère, elle poussa un cri strident destiné à perturber l'ennemi.

La résolution du rôdeur s'était-elle fissurée à la vue du sort de son compagnon ? La vue de la sombre silhouette qui courait droit sur lui, une lame ensanglantée à la main, suffit-elle à briser son courage ? Vit-il en Suyvel quelque noir démon des profondeurs que leur présence avait réveillé ? Les hurlements de Suyvel y furent-ils pour quelque chose ?

Toujours est-il que l'homme lâcha l'arc qu'il avait empoigné et tourna les talons.

Dans un instant de pure panique, il détala vers un embranchement du tunnel, en hurlant comme s'il avait toute la population des enfers sur ses talons. Suyvel fut si surprise de cette réaction qu'elle finit par s'arrêter. D'ailleurs, l'homme fuyait si vite qu'elle n'était pas sûre de pouvoir le rejoindre. Et puis elle discerna Elfe qui arrivait à la rescousse. La guerrière se chargerait aisément du fuyard. Mieux valait se tourner vers une autre cible.

Toutefois, cet arrêt imprévu fut une erreur.

Car parmi les trois humains qui demeuraient, il y avait un second rôdeur, qui lui n'avait pas perdu ses moyens ni son sens de l'opportunité. Il avait déjà bandé son arc et, lorsque la magicienne cessa de courir, elle lui offrit une magnifique fenêtre de tir.

L'arc claqua.

Le trait meurtrier fila droit vers le crâne de la drow. Au dernier instant, alertée par le bruit, elle tourna la tête vers l'archer, ce qui lui évita de finir le cerveau en brochette. Malgré tout, la pointe de flèche vint durement heurter sa tempe avant de filer le long de l'os, lui ouvrant la chair en une longue estafilade.

Le choc arracha un léger cri à Suyvel, qui tournoya sur elle-même avant de s'affaisser au sol, inconsciente.

Laissant Elfe seule face à deux guerriers et deux rôdeurs, dont un fuyard.

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Tapie derrière son rocher, Elfe n'en peut plus d'attendre. L'inaction et la tension du moment lui scient les nerfs. Alors qu'elle grimace de contrariété, elle voit Suyvel qui se décide enfin à agir. Celle-ci bondit sur un humain assis à côté de l'endroit où elle se terrait. Dans l'instant, la guerrière est debout et fonce vers le petit groupe. Elle essaie néanmoins de garder un pas le plus léger possible, pour éviter d'être détectée trop tôt. Cette crainte paraît infondée, tant les mercenaires sont obnubilés par la drow qui vient de leur tomber dessus.

Alors qu'elle n'a pas parcouru la moitié du chemin, Elfe voit Suyvel charger un humain qui se carapate illico en hurlant. Comme il s'éloigne du groupe et n'est manifestement plus attentif à ce qui peut se passer, il constitue une cible tentante. Mais il ne vient pas vraiment vers Elfe, il semble plutôt se diriger vers l'entrée d'une autre galerie toute proche. Elfe hésite un instant. Doit-elle l'intercepter, au prix d'un détour qui va lui prendre du temps ? Et surtout, doit-elle frapper un homme qui a jeté ses armes pour fuir ? L'idée lui déplaît.

Tchac !

Le son trop familier de la corde d'un arc retentit. Elfe craint un instant d'avoir été prise pour cible par un archer. Mais nul projectile ne l'atteint ou ne siffle à ses oreilles. Elle en est rassurée, jusqu'à ce qu'elle voie que Suyvel est touchée. Et cette vision la glace d'horreur.

Ce n'est pas vrai ! Pas maintenant ! Tiens bon ! Encore quelques instants et je suis là !

Mais la magicienne reste sourde à ses prières et tombe au sol.

Tu devais tenir ! Tu me l'avais promis !!!

Son impuissance à faire quoi que ce soit pour empêcher cela la met dans une rage folle.

« Noooooooooon !!! »

Elle n'a pu retenir ce cri de frustration et les trois humains encore combatifs se tournent vers elle. Le plus proche est un guerrier grand et lourd qui choisit de charger la nouvelle arrivante. Peu avant le choc, il lève à deux mains sa hache de bataille, qu'il abat puissamment sur Elfe, en un coup à fendre le bois. La vivacité est heureusement dans le camp de la guerrière et celle-ci évite la frappe en se glissant sur le côté gauche de l'homme. Elle en profite pour glisser une contre-attaque foudroyante : Sûl'Til vient briser le genou du mercenaire, qui s'effondre et se rattrape sur les mains. Il n'a le temps de rien d'autre que déjà Elfe enchaîne et abat sa masse sur la nuque de l'homme. Son casque ne suffit pas à le protéger et un craquement écœurant annonce à Elfe le succès de son attaque.

Un de moins !

Une flèche lui siffle aux oreilles, lui rappelant que sa situation reste précaire. L'archer n'a pas réussi à l'ajuster, mais elle soupçonne que la proximité de son compagnon y est pour quelque chose. Maintenant qu'il est mort, le rôdeur ne va plus avoir de raison de prendre de précaution particulière. Elle analyse rapidement la situation. Le rôdeur est encore à une quinzaine de mètres d'elle et son dernier compagnon, un autre guerrier, marche tranquillement à la rencontre d'Elfe, en tirant une épée et une dague. S'il ne semble pas vouloir commettre l'erreur de se précipiter comme l'a fait feu son collègue, il a l'air d'être prêt à s'interposer entre Elfe et le rôdeur. Ce qui paraît logique. Elfe décide d'exploiter la configuration des lieux qui limitent la mobilité des combattants et tente d'approcher le rôdeur tout en gardant le guerrier exactement entre eux deux.

S'engage une sorte de danse à trois. Elfe se rapproche en louvoyant, le guerrier tente de lui couper la route et le rôdeur essaie de s'écarter pour trouver une ligne de tir dégagée. L'Aéride voudrait assaillir directement le rôdeur mais il devient vite évident que le guerrier ne lui en laissera pas la possibilité. Elle va devoir en passer par lui d'abord.

Alors finissons-en tout de suite !

Elfe choisit une feinte à la tête, puis elle dévie son coup en un arc de cercle vers la hanche de l'homme. Celui-ci lève d'abord sa dague pour protéger son visage puis, réalisant le piège, pivote avec célérité pour interposer son épée, qui pare le coup. Poursuivant son geste, il effectue un tour complet sur lui-même et darde sa dague vers le visage d'Elfe. Celle-ci ne peut se dégager à temps et doit bloquer l'attaque.

Il est rapide ! Et habile...

Deux mauvaises nouvelles. Elle va avoir du mal à s'en défaire rapidement. Et derrière lui, son ami archer s'active, risquant à tout moment de la terrasser de loin. Si le combat dure, ses chances de vaincre vont aller en diminuant. Et elle voit Suyvel, inerte, qui se vide de don sang. Alors elle décide de s'en tenir à son intention première, quoi qu'il puisse lui en coûter : faire le maximum pour en finir tout de suite.

Elle charge le guerrier puis lance sa masse en un arc de cercle, de la droite vers la gauche. L'homme pare le coup avec son épée mais doit reculer sous la puissance de l'attaque. La masse passe devant lui sans le toucher, en écartant néanmoins son épée. C'était ce qu'Elfe attendait. Profitant de son élan, elle relance sa charge tout en maintenant l'arme du guerrier de côté et le heurte de l'épaule droite. Celui-ci, pris de court, ne peut esquiver ce coup de boutoir ni rester debout sur ses jambes.

Le chemin est libre !

Aussitôt, Elfe reprend sa course vers le rôdeur. Pas question de prendre le temps d'achever le combat contre le guerrier : l'archer en profiterait pour l'abattre. Bien que l'homme soit surpris, il réalise qu'il est en danger mais aussi que sa ligne de tir est dégagée. Alors il tente de lâcher une flèche avant qu'Elfe n'arrive sur lui. La guerrière a beau foncer, elle voit bien qu'il va y parvenir. Alors elle joue sa dernière carte.

« Sûl'Til, j'en appelle à ton pouvoir ! »

Et elle frappe dans le vide, à plusieurs mètres de l'archer. Une onde de choc naît de ce coup et balaie successivement la flèche décochée et le rôdeur, qui tombe à la renverse. Dans les secondes qui suivent, Elfe est sur lui et le frappe. Elle n'aime pas s'acharner sur un ennemi à terre mais là, elle n'a pas le choix. Il lui reste un adversaire.

A peine y a-t-elle songé qu'une douleur atroce lui transperce la hanche. Elle vient de prendre un coup d'épée. Le guerrier a suivi son assaut et est arrivé à sa hauteur plus vite qu'elle ne le pensait. Blessée, Elfe fait face. Sa situation est meilleure qu'auparavant, puisque l'homme est désormais seul, mais avec sa hanche dans cet état, la guerrière va être fortement ralentie. Elle réalise qu'elle va devoir encore prendre de sérieux risques pour l'emporter.

Le guerrier attaque de nouveau et Elfe interpose sa masse, bloquant l'épée déjà couverte de son sang. Aussitôt, celui-ci enchaîne et pique de la dague vers le flanc gauche de la guerrière. Sa masse retenue par l'épée, Elfe ne peut guère qu'encaisser le coup. Sa cotte de mailles n'y suffit pas et la lame pénètre ses chairs. Serrant désespérément les dents, Elfe donne une secousse pour repousser l'épée et abat sa masse sur la main du guerrier qui teint la dague. Le coup la brise certainement, à en juger par le braillement de l'homme. Alors qu'il recule pour reprendre une posture défensive, Elfe le prend de court et balance sa masse de bas en haut. Un coup puissant que le guerrier ne parvient pas à esquiver et qui lui brise le menton, mettant fin au combat.

Elfe tombe à genoux, blessée à deux reprises et perdant son sang. Elle s'appuie sur Sûl'Til pour ne pas s'écrouler, puis se force à se relever et avance d'un pas incertain vers l'elfe noire qui gît toujours. La guerrière s'effondre à côté d'elle puis, dans un grognement, lève une main pour prendre le pouls de la magicienne.

Son cœur bat. Il est encore temps.

Elfe tire deux potions de guérison de son sac. Elle fait avaler tant bien que mal la première à Suyvel. La seconde est pour elle-même. Alors seulement, elle se permet de souffler un peu. Et elle patiente, guettant les effets du breuvage médicinal sur sa compagne inconsciente.

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  • 2 weeks later...

Lorsque Suyvel reprit enfin conscience, sa première impression fut qu'un bûcheron fou avait profité de son évanouissement pour lui scier le crâne. Tout en grimaçant, elle se redressa en position assise et porta la main à sa tempe, découvrant la blessure qui lui avait été infligée. Devant elle, Elfe la fixait d'un regard à moitié soulagé.

« Comment te sens-tu ? s'enquit la guerrière.

- Comme quelqu'un qui vient de se faire trépaner, je dirais... Que s'est-il passé, au juste ?

- Une flèche t'a touchée à la tête. Et pendant que tu faisais une petite sieste, je me suis chargée de l'archer et de ses petits copains.

- Alors le combat est fini... ?

- Ah oui, je te le confirme. Si tu voulais te battre, il fallait rester avec moi. Là, c'est trop tard, rigola franchement Elfe.

- Heu... bravo à toi, alors. Et tu t'en es sortie indemne, en plus ?

- Presque, presque. L'un des guerriers était plus habile que ses camarades.

- Quoi ? Fais-moi voir cela. Je vais te soigner.

- Merci, mais j'ai déjà pris une potion de guérison, ça va aller. Et puis surtout, tu ferais mieux de t'occuper de toi. Tu verrais l'état de ta tête ! Déjà qu'elle n'est pas terrible au naturel, mais alors là... »

Suyvel décida de suivre le conseil plutôt que de tenter de riposter à la pique envoyée par la guerrière. La douleur très vive la gêna considérablement dans sa concentration, qui était le préalable requis à l'utilisation d'un sort quel qu'il fût. Après quelques minutes d'efforts et d'essais infructueux, elle parvint néanmoins à réciter convenablement la formule. L'apaisement vint.

Sa tête allait de mieux en mieux lorsqu'elle fut frappée par le son puissant d'un piaillement hors norme.

Suyvel regarda vers la source du cri. Évidemment, Elfe n'avait pu rester tranquille et était allée soulever la bâche qui recouvrait la cage. Et bien entendu l'oisillon manifestait son plaisir à la vue de la lumière du feu de camp. A moins que ce fut de constater qu'une personne s'intéressait à lui. Elfe avait entamé un monologue.

« Pauvre petit, n'aie pas peur, on est des amies, on va s'occuper de toi. On va te libérer de cette affreuse cage, puis on te fera sortir de cet endroit... »

Si le terme "˜petit' pouvait se justifier étant donné le jeune âge de l'oiseau, Il fit néanmoins sourire Suyvel en considération de la taille imposante de la créature. Celle-ci était déjà aussi grande que la guerrière. Par contre, sa méthode d'approche ne semblait guère fructueuse : bien que l'oisillon n'en fût pas plus inquiet, il s'agitait de plus en plus. Suyvel s'approcha et vint poser la main sur l'épaule d'Elfe.

« Attends, je vais tenter autre chose... »

Dès que la guerrière lui eût cédé la place devant la cage, la magicienne considéra l'oiseau en silence, à travers les barreaux. Il était trop excité pour qu'elle tente de le libérer ainsi : il risquait d'être incontrôlable. Elle avait une idée de la façon dont elle pourrait le calmer, mais ce sortilège exigeait un composant bien précis, qu'elle ne possédait pas. Heureusement, il n'allait pas lui faire défaut : en s'agitant dans sa cage, l'oisillon avait perdu quelques plumes duveteuses. Suyvel coula tout doucement la main entre deux barreaux sous le regard vigilant de l'oiseau et s'empara de l'une d'elles. La ramenant devant son visage, elle murmura une formule qu'elle avait rarement employée.

Un sortilège d'empathie animale.

Une vague de surexcitation envahit soudainement la tête de la magicienne. Le sort venait d'établir la connexion entre son esprit et celui de l'oiseau. Celui-ci était bien près de s'affoler et c'était cela que l'elfe noire ressentait. Patiemment, tranquillement, elle essaya d'instaurer une grande sérénité dans ses pensées. L'oiseau parut réceptif, car il se calma progressivement, jusqu'à cesser complètement de s'agiter dans sa cage.

A ce stade, Suyvel jugea qu'il était prêt pour l'étape suivante. Elle tira son katar et trancha les cordages qui maintenaient la cage fermée. Puis elle tira sur la porte, qui s'ouvrit en raclant le sol irrégulier. L'oisillon observa la scène d'un œil intéressé, puis risqua une serre en dehors de la cage. Voyant que rien de mauvais ne lui arrivait, il s'enhardit et sortit complètement. Suyvel sourit avec satisfaction.

« Bien ! Il nous faut encore guider notre ami vers l'air libre. Et pour cela, commençons par trouver notre chemin. »

Ce fut seulement à cet instant que l'elfe noire s'avisa d'un détail : seuls quatre cadavres d'humains reposaient sur le sol du tunnel. Elle se tourna vers la guerrière.

« Dis-moi, Elfe, où se trouve donc le cinquième corps ? Je ne le vois pas.

- Tu ne le vois pas parce qu'il n'y a rien à voir. Le dernier mercenaire n'a pas demandé son reste. Tu lui as fait un drôle d'effet ! Il a pris ses jambes à son cou et comme tu étais touchée, j'ai préféré voler à ton secours plutôt que de lui courir après. Et vu comment il a détalé, je dirais qu'on n'est pas près de le revoir ! »

Suyvel sentit une émotion s'instiller en elle.

Elle grandit, gagna en intensité jusqu'à la démanger fortement.

Ce n'était pas le moment, pourtant. La magicienne tentait de garder un contrôle empathique sur l'oiseau. Maintenir ce sort actif requérait une certaine concentration. Se laisser distraire par d'autres considérations pouvait lui ruiner cet effort. Forte de cet argument, sa raison combattit donc son envie.

Pas bien longtemps.

Brusquement, Suyvel marcha droit sur Elfe. Lorsqu'elle arriva devant elle, elle la gifla à la volée.

Aussi fort qu'elle put.

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Elfe songe au chemin que toutes deux pourraient suivre désormais. Il en existe plusieurs possibles qui s'ouvrent devant elle... peut-être celui que le fuyard a emprunté ? Dans sa panique, il semble logique de penser que l'homme cherchait à sortir d'ici, et au plus vite. Elle en est là de ses réflexions lorsqu'elle voit Suyvel surgir devant elle et lui coller une beigne.

Une tarte monumentale, en fait.

Elfe reconnaît le style de Kronan. Une baffe d'ours. Appliquée du plat de la main, lancée en arc de cercle, du haut vers le bas, avec la rotation du tronc pour appuyer le coup avec le poids du corps. Une technique qu'elle connaît bien, puisqu'elle-même a eu droit à quelques cours du barbare sur la question.

Kronan assure qu'il est possible d'assommer une personne normale avec une seule mandale bien envoyée. Elfe ne l'a jamais vraiment cru jusqu'à ce qu'elle soit le témoin d'une altercation dans une taverne. Kronan est coutumier du fait. Les barbares ont deux passions dans la vie : la bière et les gnons. Et ils les aiment forts tous les deux. Ce qui explique probablement que Kronan passe autant de temps dans les débits de boisson.

Bref, ce jour-là, le barbare se querellait pour la énième fois, avec un inconnu, un pilier de bar. Ce genre de conversation a tendance à se terminer invariablement de la même façon... Le type a fini par faire un geste menaçant envers Kronan et par prendre une baffe. Elfe l'a vu faire deux tours complets sur lui-même, avant de tomber au sol. Et il n'a plus bougé. Il avait eu son compte. Certes, il était alors déjà bien imbibé de divers liquides plus ou moins alcoolisés, mais tout de même... Cette démonstration de technicité a impressionné Elfe. Et depuis ce jour, elle a suivi consciencieusement les leçons du barbare sur le sujet.

Apparemment, elle n'est pas la seule.

Sous la force du coup, la guerrière effectue un demi-tour involontaire, en déséquilibre arrière, et doit faire un pas rapide pour éviter de tomber. Elle porte la main à sa joue brûlante avant de tourner vers l'elfe noire un regard rempli d'incompréhension.

Elle m'attaque encore... ?

Mais elle sait déjà qu'il ne s'agit pas de ça. Pas ici, pas maintenant. Et surtout, pas de cette façon. C'est totalement autre chose.

Lorsque la surprise passe et lui rend sa voix, c'est pour la laisser s'exclamer :

« Mais qu'est-ce qui te prend ? Tu es folle ou quoi ?! »

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  • 2 weeks later...

« Folle ? Folle ? Folle de rage, oui ! »

La colère s'était emparée de Suyvel. Néanmoins, elle vit qu'Elfe n'avait pas compris la raison de son geste. Aussi vociféra-t-elle :

« Tu n'as pas tué le dernier humain ! »

La guerrière, remise de sa surprise, se rebiffa.

« Et alors ? Il n'était plus une menace ! Il avait même lâché ses armes. Et moi je ne tue pas les gens désarmés ! C'est une question d'honneur pour tout combattant digne de ce nom. Et puis je te signale que j'ai préféré voler à ton secours, avant que tu te vides de ton sang ! Bravo pour ta gratitude ! »

Exaspérée, Suyvel leva les yeux au ciel, même si ce dernier était masqué par des milliers de tonnes de roche.

« Tu voulais me sauver ? Bravo pour ton sens des priorités ! J'aurais bien pu tenir une minute de plus, le temps que tu terrasses ce fuyard. Il ne t'est jamais venu à l'esprit que ces cinq gaillards-là n'étaient peut-être pas seuls ici... ? »

Elfe, qui allait pour continuer à protester vigoureusement, en resta muette, bouche bée. Non, manifestement, elle n'avait pas envisagé cette possibilité. Suyvel poursuivit sa remontrance.

« Grâce à toi, il a fort bien pu aller chercher des renforts ! Et s'ils reviennent à dix ou vingt, on fait quoi ? Hein ? On espère qu'ils feront preuve de l'honneur des combattants que tu me vantes, et qu'ils ne profiteront pas de l'avantage numérique pour nous massacrer ? »

Chez la magicienne, la colère fit place à l'amertume.

« En voulant me sauver, tu nous as peut-être condamnées toutes les deux. »

Silence. Chacune mesurait le péril dans lequel elles se trouvaient désormais.

En définitive, ce fut Elfe qui y mit fin, en disant à mi-voix :

« Ca, on ne peut pas le savoir... Mais le mieux serait de ne pas traîner ici. Il faut avancer. »

Suyvel soupira.

« Quelle autre possibilité aurions-nous, de toute façon ? »

Elles discutèrent un instant de la voie à prendre. Celle qu'avait suivie le fuyard semblait à la fois la plus prometteuse et la plus risquée. Ce fut néanmoins celle-là qu'elles adoptèrent, en espérant que ce serait le chemin le plus court pour sortir de la montagne. Une fois dehors, elles pourraient facilement disparaître. Tant qu'elles restaient dans le souterrain, elles étaient presque piégées.

Elles progressèrent donc le long du tunnel, en entraînant l'oiseau derrière elles. Celui-ci suivit en trottinant sans trop protester, piaillant brièvement par moments, sur un mode plaintif, pour exprimer son impatience de sortir de cet environnement clos. Elles franchirent plusieurs embranchements.

Le passage montait, maintenant, en une pente régulière. Elles le suivirent sur une longue distance. Suyvel se demandait si ce tunnel avait une fin tant elles avaient marché... et s'il s'agissait bien d'un choix judicieux. Comme chemin le plus court vers l'air libre, il y avait sans doute mieux en la matière.

Brusquement, elle vit Elfe qui se figeait à ses côtés. La guerrière tendit un doigt incertain vers l'extrémité du tunnel qui se découpait, loin devant elles, sur un ciel nocturne étoilé.

Suyvel eut du mal à croire ce qu'elle voyait, tant cette vision s'était fait attendre.

L'instant d'après, remplies d'allégresse, les deux femmes couraient vers la sortie.

Alors qu'elles en étaient tout proches, une immense silhouette improbable s'encadra devant l'issue, leur barrant le passage. Surprises, elles s'arrêtèrent sur place, à distance respectueuse, pour essayer de comprendre ce à quoi elles faisaient face.

Un instant, elles crurent que la forêt envahissait le souterrain. Car la silhouette qui emplissait leur champ de vision évoquait un arbre. Puis elles devinèrent la nature de l'arrivant.

Un ent.

Suyvel leva un sourcil d'incompréhension.

Un sylvanien ? Ici ? Que viendrait-il faire dans un souterrain ?

Elle connaissait fort mal ce type de créature, mais savait qu'elles étaient réputées vivre au milieu des forêts antiques du monde de la surface, et ne jamais les quitter. Lorsqu'elle vivait dans le royaume souterrain, elle n'en avait jamais aperçu un. Alors pourquoi ici, dans cette grotte ?

« Je vous attendais. »

Les deux femmes regardèrent l'ent avec surprise. La voix ne cadrait pas avec la créature si grande et si... végétale. On aurait dit une voix humaine. Ce fut seulement à ce moment que Suyvel le vit.

Un homme. Perché dans les branches de l'ent, assis tranquillement sur l'une d'elles. Un humain entre deux âges, le cheveu encore noir mais le front haut. Il était vêtu de robes d'un vert sombre et d'un manteau brun. La magicienne crut un instant qu'il s'agrippait à une branche de l'ent, mais ce qu'il tenait entre les mains était indubitablement un bâton de mage, taillé dans une branche torsadée.

Le visage de Suyvel exprima toute la défiance que lui inspirait l'individu. Celui-ci continua :

« L'avantage de l'endroit, c'est qu'il existe fort peu d'issues. J'ai donc parié que vous sortiriez par la même que mon veule employé. »

Il désignait d'un doigt une tête qui pendait, attachée par les cheveux, à l'une des branches de l'ent. Les deux femmes reconnurent le rôdeur qui leur avait faussé compagnie.

« Je ne supporte pas les mercenaires qui prennent la fuite lorsqu'ils sont à mon service. »

Suyvel avisa avec dégoût d'autres têtes coupées, dans un état de décomposition plus ou moins avancé, qui ornaient les branches de l'ent.

« Quoi qu'il en soit, vous n'irez nulle part ! »

La bouillante guerrière ne put s'empêcher de riposter à cette provocation.

« Essayez donc de nous en empêcher ! »

L'homme sourit.

« Mais certainement. Bleufresne, obture-moi cette issue tout de suite. »

L'ent pivota et saisit un énorme rocher qu'il roula devant l'entrée de la grotte. Celle-ci disparut entièrement derrière le roc, les privant de la lumière des étoiles.

Le spectacle de cette liberté qui leur était ainsi refusée étreignit le cœur de Suyvel.

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  • 2 weeks later...

Lorsqu'elle voit l'ent, Elfe se sent presque en sécurité. Ces nobles gardiens des forêts du monde constituent traditionnellement des alliés des elfes sylvains. Ils vivent en bonne intelligence avec eux, dans les forêts, et leurs intérêts sont souvent convergents. L'homme, quant à lui, lui inspire un sentiment très mitigé. Mais lorsqu'il attire son attention sur les ornements macabres de l'ent, Elfe est prise d'un doute sur les éventuelles bonnes intentions de la créature.

Elle se rappelle d'anciens récits de son peuple. Par le passé, le Chaos a pu corrompre certains ents, qui ont formé une nouvelle espèce à part : les ents noirs. Ceux-là ne cherchent plus à protéger les arbres mais à propager la souillure des Dieux du Chaos sur le monde. Elfe scrute intensément le sylvanien qui se dresse devant elle. Fait-il partie de cette catégorie ? Elle ne décèle aucun signe de corruption.

Dans le doute, elle choisit d'interpeller l'humain qui l'accompagne. Ce qu'elle fait avec toute l'autorité dont elle est capable.

« Nommez-vous ! »

L'homme ne semble guère impressionné pour autant. Il ricane :

« A quoi bon vous dire mon nom ? Qu'en feriez-vous ? Toutes les deux, vous êtes déjà mortes. »

Il pointe alors le doigt vers les deux femmes.

« Vous êtes d'agaçants moucherons. Je suis celui qui va vous écraser d'un revers de main. »

Indignée de tant de mépris, Elfe va répondre vertement lorsqu'elle se souvient que l'homme est assis sur un ent. Avec un allié pareil, il peut sans doute se permettre de parler de la sorte... Néanmoins, Elfe se demande pour quoi le sylvanien semble accepter la compagnie d'un tel individu. Ca l'intrigue fortement. Alors elle demande :

« Vous êtes qui ? Ou quoi ? »

L'homme sourit avec satisfaction.

« Un druide. Un zélé serviteur de la Déesse Noire. »

z_drui10.jpg

Elfe fronce les sourcils. Un druide ? Cela explique que l'ent le suive. En revanche, elle n'a jamais entendu parler de cette déesse.

« La Déesse Noire ? Quelle est donc cette divinité ?

- La ténébreuse mère de la nature sauvage et hostile, génitrice des monstruosités qui hantent le monde.

- Jamais entendu parler !

- Les humains de ces terres lui donnent souvent le nom de Fimine. »

Elfe reste suffoquée d'une telle affirmation.

« Je ne suis peut-être pas une adepte de Fimine, mais je connais suffisamment son culte et ses prêtres pour dire que la Déesse de la Terre n'est pas celle que vous dites !

- Les gens de ces terres, pour la plupart d'entre eux en tout cas, se méprennent fondamentalement sur la nature et les ambitions de Fimine. Leur vision est faussée par leur incapacité à comprendre la Déesse Noire et le culte qu'ils lui vouent n'est que fadaises et pitreries. Fimine ne prête aucune attention à de telles vanités. Le temps venu, elle dévorera ces idiots. Elle ou sa monstrueuse progéniture »

L'homme est manifestement persuadé de ce qu'il dit et Elfe hésite. Elle finit par l'interroger :

« Vous êtes un druide ? Comment un protecteur de la nature peut-il tenir un tel langage ?

- Justement, je protège la nature, telle que la Déesse Noire la souhaite réellement. Y compris des humains qui ne la révèrent pas comme il se doit. Y compris des aberrations comme l'exécrable créature que vous traînez avec vous. »

Il pointe le doigt vers l'oisillon qui les accompagnait.

« Lorsque la Déesse Noire m'a révélé la présence de cette chose infecte sur ces terres, je l'ai fait traquer par des mercenaires. Et maintenant que je la tiens, je vais l'immoler au nom de ma Déesse, afin que cette créature abjecte soit purifiée de la souillure d'Eolia et puisse renaître sous une autre forme, digne de la Déesse Noire et entièrement à son service ! »

Elfe s'emporte violemment.

« Pas temps que je vivrai ! »

Le druide noir ricane.

« Je te l'ai dit, petit moucheron : tu es déjà mort. Alors tais-toi donc. »

Elfe regarde du côté de Suyvel, espérant que la magicienne soit toujours à ses côtés dans ce qui s'annonçait comme une bataille difficile. Elle cherche des mots susceptibles de lui donner un peu de cœur au ventre.

« Tu craignais que le fuyard revienne avec des renforts et qu'ils nous écrasent sous le nombre ? Tu vois, ce n'était pas la peine de t'en faire... Ils ne sont que deux. On est en nombre égal. »

L'elfe noire tourne vers elle des yeux fatigués.

« Elfe ?

- Oui ?

- Tais-toi ou je te t'en recolle une. »

Décidément, tout le monde veut qu'elle la boucle.

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  • 2 weeks later...

Suyvel sentait que la situation devenait plus que délicate.

Elle ne savait que peu de choses au sujet des druides noirs, mais elle était avertie qu'ils servaient le Chaos et qu'ils constituaient une société secrète des plus dangereuses. Ils n'étaient pas réputés nombreux "“ cela dit, étant donné le mystère qui entourait leur secte, bien malin aurait été celui capable de dire leur nombre réel "“ mais ceux qui parvenaient à développer leurs pouvoirs obscurs pouvaient représenter une menace très sérieuse.

Malheureusement pour la magicienne, ses options se trouvaient fort réduites. Fuir ? Pas question d'abandonner l'oiseau. Lui permettre de s'enfuir ? Mais elle n'avait aucune issue vers laquelle le guider. Capituler et rendre les armes ? Le druide en profiterait pour sacrifier l'oiseau. Et Suyvel n'oserait plus jamais prier Eolia après une telle faute. Enfin, le druide était un homme... et une drow ne capitulait pas facilement devant un mâle. Par principe. Question de dignité !

Non, décidément, elle allait droit vers un inévitable affrontement.

L'ennui était qu'elle ignorait tout de leurs adversaires et de leurs chances de l'emporter face à eux. Le druide lui-même mit fin à l'hésitation de la magicienne, en lançant un ordre bref à l'ent.

« Bleufresne, écrase ces ennemis de Fimine ! »

z_ent_10.jpg

Le sylvanien étendit une vaste main noueuse vers le druide. Des doigts ligneux le saisirent par la taille, puis le posèrent précautionneusement sur le sol de la grotte. Alors l'être végétal se tourna vers les deux Aérides et marcha sur elles de son pas raide. Le druide, lui, resta en arrière, immobile et souriant d'un air supérieur. Manifestement, il avait la plus grande confiance en la capacité de son compagnon à trucider les deux aventurières.

Suyvel entendait bien lui montrer à quel point il se trompait.

Elle avisa Elfe, à côté d'elle, qui se tendait, son arme à la main. Elle songea qu'elle pourrait, par quelque sort bien choisi, préparer et faciliter l'attaque de la guerrière qui se faisait désormais imminente "“ Suyvel avait vite réalisé que, dès qu'il y avait du grabuge, Elfe ne connaissait qu'une seule tactique : foncer dans le tas sans attendre et taper jusqu'à ce que plus rien ne bouge. Et elle avait un avantage auquel le druide ne pouvait pas s'attendre : elle avait étudié la sorcellerie, il y a bien longtemps, parmi ses semblables, avant de devenir magicienne. Si aujourd'hui elle n'était que l'ombre de la sorcière qu'elle aurait pu devenir, des malédictions fort simples restaient à sa portée et pouvaient s'avérer décisives.

Brandissant Cinq-Ents, Suyvel produisit une aura de magie noire afin de pouvoir recourir aux sorts qui lui avaient été enseignés à Menzoberranzan. Elle choisit de lancer Faiblesse sur l'ent. Cette créature était puissante, c'était son principal atout. Faiblesse l'en priverait en réduisant cette puissance et en évitant à Elfe d'avoir à subir trop de dommages en cas de coup subi. Les mots lui vinrent aux lèvres sans effort, alors qu'elle n'avait pas récité l'incantation depuis des décennies. Et elle sentit que le sort prenait effet. Elle sourit.

« Elfe... Tu peux l'att "“

L'elfe noire parlait toute seule. La guerrière chargeait déjà. Si Suyvel avait imaginé qu'elle attendrait son signal, elle s'était bercée d'illusions.

Elle reporta son attention sur le sylvanien, puis sur le druide, et vit que celui-ci marmonnait des paroles qu'elle ne pouvait saisir à cette distance. Elle n'eut néanmoins aucun doute sur le fait que l'homme prononçait quelque formule magique. Lorsque le sort prit effet, elle le reconnut immédiatement.

Abrogation de la magie.

Un contre-sort, utile pour annuler les sorts qui s'appliquaient à une cible donnée. Il ne fallait pas être devin pour comprendre que le druide venait de lever la malédiction qui pesait sur l'ent. Du coup, Elfe était en plus grand danger. Il lui fallait l'aider, et sans délai. Suyvel pesta. Si le druide ne donnait toujours l'air de vouloir se mêler du combat, il n'avait pas pour autant l'intention de la laisser libre d'agir comme elle l'entendait.

La drow arrêta sa stratégie sur un sort de magie blanche, plus puissant et directement offensif, et surtout qui ne pouvait être annulé. Lorsque les sons quittèrent sa gorge, des flammes naquirent dans l'air, au gré des signes cabalistiques tracés par l'extrémité de ses doigts fins. Des lumières changeantes et vacillantes illuminèrent les murs de la caverne, les chargeant de motifs éphémères. La magicienne assembla ces flammèches dansantes en une sphère flamboyante qu'elle projeta vers l'ent.

La boule de feu dévora l'espace qui la séparait de sa proie en rugissant.

Tout comme celle qui vint en sens inverse.

Les deux projectiles se télescopèrent et explosèrent en une gerbe de flammes. Incrédule, Suyvel regarda le druide qui affichait un sourire moqueur. C'était lui qui avait fait cela, bien sûr. La magicienne avait bien entendu parler de la possibilité de contrer une boule de feu par une autre, mais elle avait toujours jugé le procédé peu fiable et franchement risqué. Il fallait un niveau de maîtrise du sort assez considérable pour parvenir à un résultat satisfaisant. Suyvel commençait à être franchement inquiète. Cet adversaire était-il à leur portée ?

Il lui fallait tenter autre chose. Elle se rabattit sur les bénédictions de son arsenal et lança un sort de hâte sur Elfe. Un charme typiquement aéride, né de la magie des vents. La guerrière était vive et rapide, bien plus que l'ent à la taille impressionnante. En augmentant encore cette qualité naturelle, Suyvel espérait donner à Elfe un avantage suffisant pour frapper plus vite et éviter plus facilement les coups adverses.

Autre avantage : Suyvel doutait que le druide puisse dissiper un tel sort. Celui-ci prononça néanmoins une nouvelle formule. La drow sentit un sortilège prendre effet, non pas sur Elfe mais sur le sylvanien. Bien qu'elle ne connaisse pas ce sort, elle parvint à l'identifier pour l'avoir souvent vu décrit dans des ouvrages traitant de la magie terrane : Bouclier. Il réduisait considérablement les dégâts reçus en mêlée.

Un choix très tactique du druide : il contrebalançait l'avantage offensif d'Elfe en en conférant un défensif à l'ent.

Suyvel, ne sachant plus que tenter encore, tourna son regard vers la guerrière, se demandant comment elle allait gérer ce périlleux affrontement.

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Elfe répugne à faire ce qu'elle s'apprête à accomplir : s'en prendre à un ent. Elle les considère comme de nobles créatures, généralement bienveillantes et plutôt pacifiques. Mais celui-ci les attaque et se range du côté d'un homme au cœur noir. Un homme qui a menacé de sacrifier l'oisillon. Et ça, il n'en est pas question. Elle préfèrerait attaquer directement le druide, mais tourner le dos à l'ent serait une folie. Alors elle le charge, Sûl'Til brandie haut.

L'explosion des deux boules de feu lui fait un peu peur. Elle se demande fugitivement si elle a bien raison de monter en première ligne. Mais l'excitation du combat la gagne déjà et relègue ce genre de doutes au second plan. En revanche, elle comprend que Suyvel ne va pas lui être d'une grande aide, si le druide contrecarre tous ses sorts. Alors elle a recours à ses capacités propres.

La caverne s'emplit brusquement des échos d'un redoutable cri de guerre.

Elfe applique les tactiques barbares de son parrain, Kronan : semer l'effroi dans le cœur de l'adversaire pour saper sa volonté et sa combativité. Malheureusement, le sylvanien n'en a pas l'air franchement affecté. Peut-être ces créatures ne sont-elle pas sensibles à de telles techniques ?

La question quitte l'esprit d'Elfe lorsque celle-ci se rend compte que la magie de Suyvel se concentre sur elle. La guerrière se sent incroyablement leste et légère. Ses mouvements deviennent d'une grande facilité. Elle devine ce que la magicienne tente : Gyu a déjà usé de ce sort sur elle et elle en reconnaît les effets. Elle sait donc quoi en attendre.

Elfe se rue sur l'ent et le frappe de sa masse. Une première fois. Puis une seconde. Elle s'écarte vivement pour éviter une riposte, puis repart à l'assaut de plus belle. Bientôt, les coups pleuvent sur un ent totalement dépassé par la célérité surnaturelle de la guerrière.

Logiquement, un tel déséquilibre dans un duel devrait conduire à une défaite rapide du protagoniste défavorisé.

Mais ce n'est pas ce qui semble devoir se produire. L'ent encaisse de nombreux coups, mais ne semble pas sérieusement touché pour autant. Elfe finit par s'interroger : comment est-ce possible ? Certes, son écorce doit lui offrir une bonne protection, et l'ent est énorme, mais tout de même... La guerrière brandit une arme enchantée, forte de la puissance de l'esprit des vents. Même un ennemi aussi coriace que l'ent ne peut y être invulnérable. D'ailleurs, il porte la marque des coups infligés par Sûl'Til. Des traces superficielles. Trop pour cela soit normal. Elfe se rappelle avoir entendu le druide réciter un sort. Aurait-il lancé un enchantement quelconque sur l'ent ?

La guerrière est furieuse et redouble d'ardeur dans ses attaques, tout en invectivant le sylvanien.

« Tu as recours à la magie du druide ! Trop lâche pour m'affronter par tes seuls moyens, hein ? »

Instinctivement, elle s'est exprimé en elfique. Une langue que l'ent comprend. Et bien qu'Elfe ne s'y attende pas, il se donne la peine de répondre, d'une voix épaisse et grondante.

« Bleufresne... n'est pas... un lâche. »

Surprise, la guerrière n'en poursuit pas moins son assaut. Le sylvanien aussi d'ailleurs. Mais elle décide de continuer à le vilipender.

« Tu sers un druide noir ! Tu es un être corrompu ! Un ent noir !

- Pas un... ent noir ! Les ents noirs sont mauvais... ennemis de la nature...

- Si c'était vrai, tu ne servirais pas un druide noir ! Menteur ! Tu renies tes propres actes !

- Bleufresne n'est pas... un menteur ! Et l'humain n'est pas... un druide noir. C'est un vrai druide... ! Un ami de la nature... Un fidèle de Fimine.

- N'importe quoi ! C'est un druide noir ! Pourquoi un fidèle de Fimine t'aurait-il ordonné de nous attaquer ?

- Parce que vous êtes... les ennemis de la nature.

- Moi ?! Une ennemie de la nature ? Je suis une sylvaine ! Mon clan a toujours vécu dans le respect des arbres ! »

Pour la première fois, l'ent semble hésiter. Cela n'échappe pas à Elfe. Son adversaire serait-il en conflit avec lui-même ? Ou bien... le druide noir le tiendrait-il sous son influence pernicieuse ?

Un souvenir vient effleurer la surface de sa conscience. La réminiscence d'un chant collectif. Un appel traditionnel aux protecteurs de la forêt, que ses semblables utilisent parfois lorsqu'ils souhaitent attirer les ents et solliciter leur aide.

Elfe choisit de suivre cette impulsion et entonne la liturgie de son clan. Elle cesse de frapper l'ent, se contentant de danser autour de lui de manière à échapper à ses vastes bras. Les attaques du sylvanien se font bientôt hésitantes. Il regarde successivement le druide puis l'elfe, en donnant l'impression de ne plus trop savoir où il en est. L'Aéride en profite pour tenter sa chance.

« Je ne suis pas ton ennemie. Lui l'est. »

L'humain réalise ce que la guerrière est en train de faire et ricane :

« Pauvre sotte ! Tu crois le libérer de mon contrôle? Mais tu n'es pas assez puissante pour rivaliser avec moi en matière de magie !

- Effectivement, je ne le suis pas, » concède Elfe à regret.

L'ent la dévisage, puis regarde son maître de nouveau. Il pivote lentement et se met à marcher d'un pas pesant vers lui. Elfe sourit d'un air triomphant.

« Mais lui l'est bien assez ! Il a suffi que je lui rappelle les traités de mon peuple avec ses semblables pour qu'il se souvienne de ce qu'il est... et qu'il rejette tes maudits sortilèges ! »

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  • 2 weeks later...

Suyvel suivait le combat avec appréhension. Comme elle le redoutait, le sylvanien, sous l'effet du sort de Bouclier, encaissait aisément les coups de la guerrière. En revanche, celle-ci constituait une proie insaisissable pour l'ent aux gestes lents. La magicienne cherchait désespérément une idée lumineuse pour influer sur le cours des choses, une idée qui ne serait pas aussitôt contrée par les pouvoirs du druide, mais rien ne venait. D'impuissance et de frustration, elle serrait convulsivement les poings.

Lorsqu'elle vit l'ent se tourner contre son maître, la magicienne en resta stupéfaite. Elfe, qui n'était pourtant pas magicienne, avait manifestement pris en défaut les pouvoirs du druide. Suyvel ignorait presque tout des accords entre les ents et les elfes sylvains, mais elle se réjouit de leur existence : cela avait conféré à Elfe un levier d'action inattendu.

Le druide noir, lui, fulminait.

« Idiot ! Tu oses te dresser contre moi ? Subis ma colère ! »

Et il entonna une rapide incantation. Des flammes s'allumèrent dans l'air entre ses mains et se mirent à tournoyer, avant de s'assembler en une boule de feu qu'il projeta sur l'être végétal. Un choix logique et parfaitement adapté à l'adversaire. Les sylvaniens, de par leur nature cellulosique, étaient particulièrement vulnérables au feu. Un unique sort de ce genre pouvait les terrasser en peu de temps. L'ent n'avait pas encore attaqué le druide qu'il était déjà mort.

Sauf qu'une autre boule de feu vint percuter de plein fouet celle du druide, la faisant exploser avant qu'elle n'atteigne sa cible. Lorsque l'humain tourna un regard rageur vers l'elfe noire, celle-ci souriait d'un air entendu.

Pas de ça.

Suyvel était très satisfaite d'elle. C'était la première fois qu'elle tentait une telle interception et elle n'était pas peu fière d'avoir réussi son coup... et rendu la monnaie de sa pièce à son adversaire.

Le druide avait en même temps perdu l'initiative et du temps. L'ent le mit à profit pour venir au contact et abattit son poing sur l'homme. Suyvel regarda la scène d'un œil intéressé. Elle aimait bien voir ses ennemis s'entredéchirer. Sauf que le coup n'atteignit jamais le druide. Le poing de l'ent fut bloqué par un obstacle invisible, et généra une gerbe d'étincelles bleutées. La magicienne leva un sourcil alarmé.

Il dispose d'une sphère de protection !

Ce genre de sortilège défensif pouvait mettre une personne à l'abri de toute attaque, au moins temporairement. Il y avait bien une limite à la capacité d'absorption des dégâts mais Suyvel doutait de connaître un sort suffisamment puissant pour dépasser ce seuil.

L'ent, lui, ne connaissait pas ce genre de doute. Grondant sa colère, il frappa de nouveau, puis encore, à chaque fois plus fort. Si la sphère tenait toujours, sa forme semblait s'altérer quelque peu. Et le druide, qui devait garder une concentration permanente pour maintenir le sort actif, parut vaciller passagèrement. Il essayait de prononcer un autre sortilège, mais les coups du sylvanien semblaient nuire à ses capacités. Lorsque ce dernier réunit ses deux poings pour les abattre violemment sur la sphère, celle-ci menaça de se disloquer. Le druide tomba à genoux. Il subissait le contrecoup.

Suyvel crut que la partie était jouée.

Le druide leva les mains devant lui, achevant la formule qu'il tentait de réciter depuis un moment. Des volutes de vapeurs vertes naquirent de ses mains et vinrent s'enrouler autour de l'ent.

z_drui11.jpg

Celui-ci les regarda mais ne parut guère s'en soucier. Du moins au début. Car peu après, l'être végétal se mit à geindre alors que son corps émettait des craquements inquiétants.

Incrédule, Suyvel vit la forme du sylvanien changer, s'altérer par endroits. L'écorce se gondolait, se fissurait, changeait de couleur ou d'aspect... L'ent hurla.

L'instant d'après, il explosait.

La magicienne observa pétrifiée les effets du sort. Une telle puissance ne pouvait que la laisser rêveuse... Elle n'avait pas identifié le sortilège en question "“ un sort chaotique de destruction, très certainement "“ mais elle se doutait quel seul un mage de haut rang pouvait avoir recours à de telles formules. Plus elle découvrait les capacités du druide et plus elle s'inquiétait de leurs chances de venir à bout d'un tel adversaire.

Ce dernier reprenait son souffle, toujours agenouillé, lorsqu'il leva les yeux sur les deux Aérides.

« Désolé, j'ai besoin d'un peu de temps pour récupérer. Mais je vous laisse entre de bonnes mains... »

Il arracha un pendentif qu'il portait à son cou et le jeta au sol, plusieurs mètres devant lui.

« Apparais, Gondarmong, et détruis mes ennemies ! »

Sous le pendentif, le sol se souleva.

Il enfla comme si une bulle de gaz allait en crever la surface, mais c'était la roche qui se dressait, se déformait, jusqu'à dessiner une silhouette massive et minérale.

Un immense élémental de terre.

Il étendit une main titanesque et se saisit d'un rocher qu'il leva au dessus de sa tête, raclant le plafond au passage, sans même y prêter attention. Et il lança le bloc de roche droit sur Elfe ! Prise au dépourvu, celle-ci hésita un instant. Un instant de trop.

Suyvel préparait un sort lorsque le géant rocheux déclencha son attaque. La magicienne changea de cible au dernier moment et projeta un souffle de magie blanche sur le rocher. Le coup, puissant, était néanmoins insuffisant pour désintégrer la masse pierreuse du projectile. Mais il le fit dévier suffisamment de sa trajectoire initiale pour qu'il s'écrase à la gauche de la guerrière, avec fracas.

Suyvel vit l'élémental chercher un nouveau rocher à lancer. Aussi n'hésita-t-elle pas. Sa sœur d'armes ne tiendrait pas face à une telle puissance de tir. La drow s'époumona :

« Cours, Elfe, couuuuuurs ! »

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Effarée par la monstrueuse silhouette qui s'extrait du sol, Elfe tarde à réagir à l'attaque. Lorsque le rocher vient emplir son champ de vision, elle se reprend et veut l'éviter. Mais elle sait que c'est déjà trop tard. Heureusement, un sortilège qu'elle n'attendait pas vient frapper le roc et celui-ci s'écrase à ses pieds, avant de passer à sa gauche en roulant.

Merci Suyvel !

Bien que la guerrière n'ait pas vu d'où venait le sort, elle se doute bien de qui vient d'intervenir pour lui éviter de finir comme une crêpe sur le mur de la grotte. Et même si, étant donné les circonstances, elle ne prend pas le temps de la remercier, elle lui en est très reconnaissante. Par contre, lorsque la magicienne lui crie de se sauver, là, elle trouve qu'elle exagère.

Elle veut que je fuie ? Sans même combattre ?!

Ce n'est pas le genre de l'impulsive guerrière. Alors elle ignore l'injonction et charge, selon son habitude.

Voyons un peu de quel bois tu es fait, toi !

Elle a bien fait reculer un ent, elle ne voit pas pourquoi elle ne viendrait pas à bout d'un élémental, même s'il est encore plus gros. Et elle sait par expérience que Sûl'Til peut infliger de rudes dégâts à de telles créatures. Et celle-ci lui donnant l'air d'être aussi lourde que lente, elle ne doute pas de pouvoir le frapper à sa guise.

Sauf que le géant de pierre abat brusquement son poing sur le sol. Il en résulte une telle onde de choc que la guerrière est jetée à terre. Alors le colosse lève l'autre main et tente d'écraser Elfe. Elle roule vivement de côté et évite un sort horrible de justesse. Elle croit s'en être sortie et pense à reprendre l'offensive lorsqu'elle repère un geste inattendu de son adversaire. D'une main, il touche le plafond de la caverne.

Mais que fait-il... ?

La réponse ne tarde pas à arriver. L'élémental lance la main en avant, dans la direction d'Elfe, et une pluie de débris rocheux fuse dans sa direction. La guerrière ouvre des yeux horrifiés.

Je ne peux pas éviter autant de projectiles !

Et vu leur taille, elle s'imagine mal les encaisser. Alors qu'elle se voit déjà broyée et ensevelie sous l'averse solide, un tourbillon d'air se forme devant elle et disperse les fragments de roche, la laissant indemne. Une protection providentielle qui ne peut être l'œuvre que d'une personne.

Encore sauvée, merci Suyvel !

Se sentant épaulée, elle veut relancer son attaque. A ce moment précis, le géant de pierre plonge la main dans le sol... et une stalagmite pousse brusquement juste devant la guerrière ! Dans son élan, elle manque de s'empaler sur la pique de pierre, et ne doit qu'à ses réflexes d'éviter le pire. Aussitôt son équilibre repris, elle veut continuer à avancer sur l'ennemi mais d'autres stalagmites surgissent en tous sens, menaçant à chaque instant de la percer. Elle multiplie les esquives et les sauts agiles pour se mettre à l'abri mais les pointes rocheuses apparaissent partout où elle va et se multiplient à vue d'œil. A tel point qu'Elfe est bientôt presque prisonnière d'une forêt de barreaux de roche.

Comme sa mobilité s'en trouve fortement entravée, c'est ce moment que choisit l'élémental pour lui lancer un nouveau projectile massif. Elfe le voit arriver mais se trouve trop gênée dans ses mouvements pour pouvoir l'esquiver. Elle se croit perdue.

De nouveau, un souffle de magie blanche vient dévier le rocher volant qui, au lieu d'écraser la guerrière, percute et fracasse les stalagmites sur la gauche d'Elfe. Avisant cette opportunité, elle fonce dans le passage ainsi ouvert, s'éloignant au plus vite de l'élémental. Elfe s'est fait peur sur ce coup-là et elle décide que, finalement, la fuite n'a rien de honteux... dans certaines circonstances.

Dès que la guerrière met un peu de distance entre le géant de pierre et elle, les attaques par stalagmites cessent. Ce pouvoir doit avoir une portée limitée. Néanmoins, les tirs de rocs continuent. Elle jette un regard du côté de Suyvel. La magicienne n'a pas bougé et semble couvrir leur retraite avec ses sortilèges. Avec succès pour l'instant. Elfe décide donc de la laisser faire et de s'occuper plutôt de l'oiseau, en essayant de l'entraîner à sa suite dans les galeries. L'oisillon ne se montre pas rétif et accepte de lui emboîter le pas, probablement apeuré par l'élémental, les chutes de pierre et les sorts qui fusent.

Elfe ne sait pas bien où elle va, mais elle sait qu'elle ne restera pas ici une minute de plus.

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Suyvel désespérait.

Malgré son injonction, la guerrière continuait de tenter d'attaquer l'élémental, avec une obstination qui frisait l'aveuglement. La magicienne fit tout ce qu'elle put pour la couvrir, heureusement avec succès, mais elle craignait d'être dépassée d'un instant à l'autre. Et surtout Elfe n'avait même pas encore porté un coup au géant de pierre. Continuer sur cette voie relevait de l'inconscience, voire de la folie pure.

Et puis, au bout d'une énième attaque de l'élémental qui rata Elfe de bien peu, celle-ci finit par tourner les talons et revenir en courant sous une pluie de rochers. Suyvel s'appliqua à tous les détourner, l'un après l'autre, pour protéger la guerrière. En même temps, elle réfléchissait rapidement à ce qu'elles pourraient bien faire désormais. L'issue si proche leur était refusée. Elles ne pouvaient plus avancer et, même si elles y étaient parvenues, il leur aurait encore fallu déplacer l'énorme bloc de pierre qui obstruait le bout du tunnel. Autant dire qu'elles n'avaient aucune chance... Si elles ne pouvaient plus aller de l'avant, la voie à suivre s'imposait d'elle-même.

« Elfe ! Il faut faire demi-tour. Suis la galerie et tente de trouver un autre chemin vers l'extérieur. Et emmène l'oiseau ! »

Suyvel ne regarda même pas du côté de la guerrière, concentré qu'elle était à intercepter les projectiles de la créature. Elle ne bougea pas, continuant à couvrir la retraite d'Elfe jusqu'à ce qu'elle n'entende plus ses pas.

Alors elle commença elle-même à reculer.

Il n'était que temps. L'élémental avait fini par réaliser l'inanité de ses attaques à distance et se rapprochait de la magicienne pour tenter une autre tactique. Suyvel n'avait aucune envie de savoir laquelle. Lorsqu'elle vit du coin de l'œil qu'elle approchait d'un virage dans le tunnel, elle décrocha et s'enfuit à toutes jambes, laissant son adversaire massif sur place. Une pluie de débris rocheux vint cribler l'endroit où elle s'était tenue l'instant d'avant, la laissant sauve. Une fois hors de vue, elle sut qu'elle disposait d'un petit répit.

Elle commença par avaler une potion de mana, histoire de reconstituer ses réserves d'aura qui s'amenuisaient. Ensuite, à coup de souffles de magie blanche, elle fit tomber dans le tunnel tout ce qui pourrait entraver la progression de l'élémental. Le géant de pierre passait à peine dans le tunnel, même à quatre pattes. Tout obstacle le gênerait donc... mais Suyvel savait bien que cela ne lui ferait gagner que peu de temps, étant donné la puissance physique irrésistible de la créature.

Elle ne s'attarda donc qu'un minimum de temps et, lorsque son ennemi parut au détour du tunnel, elle détala sans attendre.

La drow suivit sans problème la piste de la guerrière. Son infravision lui permettait de détecter les traces thermiques laissées par Elfe et par l'oisillon. Elle poursuivit donc son chemin, franchissant les embranchements sans hésiter et ne s'arrêtant que lorsqu'elle trouvait un moyen de ralentir son ennemi.

Les galeries de mine qu'elle arpentait montaient en pente douce. Suyvel se dit que la guerrière devait privilégier cette piste afin de trouver une issue. C'était logique et bien raisonné de sa part. A force de monter, elles allaient bien finir par déboucher à l'air libre !

Alors qu'elle tournait dans un autre tunnel, Suyvel eut la surprise de voir Elfe et l'oiseau plus loin devant elle. Ses yeux s'arrondirent de surprise.

Mais qu'est-ce qu'ils font encore là ?!

Elle pensait leur avoir laissé le temps de mettre beaucoup de distance entre eux. Et voilà qu'elle les avait rejoints ! Il fallait dire qu'ils ne couraient pas. Ils étaient même à l'arrêt complet.

Elfe semblait s'affairer autour de l'oiseau. Quelque chose clochait. Suyvel finit par réaliser ce qui se passait. L'oisillon avait une serre coincée dans une étroite faille au sol. La guerrière s'acharnait pour le décoincer avec la plus grande précaution, ce qui était logique car, si l'oiseau venait à se blesser, il n'irait pas loin. Et elles non plus.

Suyvel faillit se porter à leur secours mais les raclements qui provenaient du tunnel derrière elle étaient éloquents : l'élémental approchait. Alors elle choisit de faire confiance à Elfe et se retourna pour faire face.

Le géant de pierre apparut en bas de la galerie. La magicienne se décida à agir et entama la formulation d'un sortilège.

Cette fois, l'élémental n'essaya même pas de lui lancer quoi que ce soit. Il avança sur elle sans ralentir, arrachant de la tête et des épaules des fragments de roche aux parois trop proches, tel un béhémoth de cauchemar. Devant elle, la drow à la menue silhouette faisait figure d'obstacle dérisoire qui serait broyé instantanément.

Lorsqu'il arriva à cinq mètres d'elle, il stoppa sa charge.

Il resta immobile un instant, puis se mit à tanguer de bord et d'autre, comme s'il était ivre.

Des gouttes de sueur perlaient sur le front de la magicienne, à cause de l'énorme effort de concentration qu'elle devait déployer. Elle avait choisi un sort d'apaisement élémental pour contrer son ennemi. Ce sortilège produisait un champ de plusieurs mètres de rayon dans lequel toute magie issue d'un des quatre éléments se dissipait. Un élémental ne pouvait s'y manifester. L'idée était bonne et semblait fonctionner. Malheureusement, celui-ci était d'une telle puissance que le sort de Suyvel ne suffisait pas à le neutraliser "“ pas entièrement.

Alors elle le maintenait, le renforçait, afin de paralyser le géant de pierre aussi longtemps qu'il le faudrait. Suyvel jetait régulièrement des coups d'œil anxieux du côté d'Elfe, se demandant s'il lui faudrait encore longtemps pour libérer l'oiseau. Car à tout moment, l'élémental pouvait fort bien surmonter sa faiblesse et tuer la drow "“ en lui tombant dessus, par exemple. La magicienne savait que cette situation de statu quo était au mieux précaire.

Enfin, Elfe parut parvenir à libérer l'oiseau ! Mais Suyvel sentait que son aura se tarissait. Elle ne pourrait pas couvrir leur fuite. Pas sans faire une pause. Et son ennemi ne lui en laisserait pas l'opportunité.

Une autre idée surgit à la surface de son esprit. Fébrilement, la magicienne fouilla dans sa poche et en ressortit un petit objet sphérique couleur topaze. Une perle d'air pur.

Suyvel l'avait arrachée à un rocchus jaune trop agressif et l'avait conservée précieusement. Une perle d'air pur recelait la puissance de la magie de l'air et constituait donc un composant fort précieux pour certains sorts dans la pratique de l'aéromancie. La magicienne ne connaissait pas de tels sorts mais avait conservé la perle comme un porte-bonheur. Néanmoins, l'heure semblait venue pour elle de s'en séparer, même si cela lui fendait le cœur.

Levant le cristal mordoré entre trois doigts, elle le lança sur le géant de pierre. Un tir précis qui propulsa la perle d'air pur droit dans la bouche de la créature. Celle-ci eut un soubresaut, puis gronda de colère et de souffrance.

Un élémental de terre était animé par la magie de cet élément. La perle recelait celle d'un autre, l'air. Et ces magies élémentales étaient totalement incompatibles entre elles.

Sous l'effet du conflit entre éléments qui s'éveillait en lui, le géant subissait de graves dégâts magiques. Il tenta de percer sa propre poitrine avec son poing pour en extraire ce qui était en train de le tuer, mais ne parvint qu'à se blesser lui-même. Et puis la douleur fut trop forte. En hurlant, il se redressa tout en tendant les bras, pulvérisant le plafond et les parois. Après quoi il s'effondra sur lui-même, suivi de peu par le tunnel.

Suyvel se hâta de déguerpir avant d'être ensevelie elle aussi.

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Elfe court depuis un bon moment, ne se retournant que pour s'assurer que l'oisillon la suit toujours. Elle suit des galeries qui grimpent sans discontinuer, ce qui lui donne bon espoir d'arriver bientôt à une issue. Un piaillement de détresse vient jeter une ombre sur cet espoir. La guerrière s'arrête et regarde derrière elle : l'oiseau vient de se coincer une serre dans une étroite faille du sol.

Maudite malchance !

Le problème est qu'elle ne peut guère fracasser la roche autour de la patte piégée : elle risquerait de la blesser si elle attaquait les bords de la faille à la masse d'armes. Alors elle essaie d'agrandir la fissure, d'en enlever de petits morceaux friables... elle s'aventure même à tirer sur la patte captive mais ne récolte que quelques coups de bec bien sentis. Elle comprend vite qu'elle aurait tort de persévérer dan cette voie ! Elle perd donc beaucoup de temps en tentatives aussi hasardeuses qu'infructueuses, mais finit néanmoins par arriver à ses fins.

A peine Elfe a-t-elle libéré l'oiseau qu'elle l'incite à reprendre leur course rapide dans les galeries de mine. Mais elle n'a pas fait quelques mètres qu'elle est jetée au sol par une secousse imprévue. Derrière elle, le combat entre l'élémental de terre et la magicienne semble atteindre son point culminant. Le géant gronde et martèle les parois. Elfe est sidérée par cette vision. Qu'est-ce que l'elfe noire a bien pu faire pour le plonger dans un tel état de fureur ? C'est alors qu'il en vient à se frapper lui-même ! Abasourdie, Elfe le regarde faire sans comprendre.

Mais une autre vision, plus inquiétante, vient la détourner progressivement de ce spectacle insolite : celles des parois de la galerie qui se fissurent sous les coups répétés du géant. Des étais sont déjà tombés, d'autres menacent de suivre ou sont endommagés par les coups de l'élémental qui balaie tout ce qui se trouve à sa portée.

Alarmée, elle fait tout pour se remettre debout rapidement et y parvient. Pourtant ce n'est pas chose aisée avec le géant qui frappe irrégulièrement le sol du tunnel, avec une puissance terrifiante. Dès qu'elle est sur ses pieds, la guerrière s'éloigne sans perdre une seconde. Il n'est que temps ! Derrière elle, les choses se précipitent.

L'élémental s'est redressé alors qu'il est bien trop grand pour la galerie dans laquelle ils se trouvent. Résultat, il enfonce le plafond. Dans le même temps, il écarte les bras, et ses poings viennent fracasser les parois. Le tout déclenche un début d'éboulement du tunnel. Les fragments de roche tombent, ricochent et roulent aléatoirement, menaçant de les broyer à tout instant.

Finalement, le géant de pierre est le premier à céder.

Sa structure minérale se désagrège et il tombe en morceaux. Elfe se demande bien quelle force a pu venir à bout d'une créature aussi colossale. Mais les morceaux de son corps viennent s'ajouter à l'avalanche pierreuse qui menace déjà de les happer.

Sauve qui peut !

Dans un fracas épouvantable, la voûte du tunnel cède. Des dizaines de tonnes de pierre chutent dans la galerie, l'obstruant sur plusieurs mètres.

Le cataclysme est néanmoins très localisé, et bref. Dès qu'il semble terminé, Elfe fait les comptes. Elle est indemne. L'oiseau aussi. Il faut dire qu'il ne l'a pas vraiment attendue ! Elle le voit qui s'est arrêté bien plus loin dans la galerie.

Et Suyvel... ?

La guerrière se retourne et scrute les nuages de poussière, prise d'une sourde anxiété. La magicienne a-t-elle été engloutie ? Repose-t-elle sous l'énorme amas rocheux ?

S'est-elle sacrifiée pour vaincre leur ennemi commun ? Elfe a du mal à le croire, et pourtant... Même si ce n'est pas ce que l'elfe noire avait sans doute en tête, il semble que le résultat obtenu soit le même.

Est-ce là le sort funeste qui t'était réservé... ? Tu t'es battue pour nous permettre de nous sauver, mais toi... toi, tu n'as pu te mettre toi-même à l'abri. Y as-tu seulement songé ? Ou bien savais-tu dès le début que cela finirait comme cela... ?

Une quinte de toux vient interrompre le fil des pensées d'Elfe.

La guerrière relève la tête. Dans les nuages de poussière qui gênent sa vue, une silhouette se dessine. Et en claudicant, une certaine magicienne finit par apparaître à ses yeux. Dans un cri de joie étouffé, Elfe bondit à sa rencontre... et la rattrape juste à temps pour l'empêcher de tomber. Visiblement, l'elfe noire a été durement éprouvée ! Elfe l'entraîne un peu plus loin et l'aide à s'asseoir.

Elle finit par lui dire en riant :

« Tu vois, on s'en est encore bien tiré !

- Elfe ? fait Suyvel d'une voix épuisée.

- Oui ?

- Il faudrait vraiment que tu penses à la boucler.

- C'est une idée fixe chez toi !

- Quoi que tu en penses, je pourrais fort bien rouvrir la boîte à claques.

- Ah. »

Etant donné l'état général de la magicienne, la menace ne semble guère sérieuse. En fait, elle amuse la guerrière. Aussi désagréable que puisse se montrer l'elfe noire en cet instant, Elfe est juste trop heureuse de la voir en vie pour se formaliser de ses propos.

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Pour fêter cette victoire durement acquise, Suyvel s'octroya un petit temps de repos. Elle en profita pour ingurgiter une potion destinée à reconstituer ses réserves de mana, puis pour appliquer un sort de soin sur sa jambe blessée dans l'avalanche de pierres.

Et aussi pour rabrouer l'inconsciente guerrière qui était encore capable d'autant de triomphalisme déplacé à ses yeux. Bon, c'était sans doute mesquin, mais cela lui faisait du bien.

Lorsqu'elle se sentit mieux, elle fit quelques pas pour aller examiner l'éboulis.

Le passage par lequel elles étaient arrivées jusqu'ici était totalement obstrué désormais. Des tonnes et des tonnes de roche interdisaient le passage. Même une souris n'aurait sans doute pas pu s'y faufiler. Et aucun des sortilèges dont la magicienne pouvait disposer ne lui permettrait d'en venir à bout. Au moins la situation était-elle claire : il ne leur restait plus qu'à avancer, coûte que coûte.

Alors qu'elle allait s'éloigner de l'éboulement rocheux, Suyvel entendit une voix étouffée par l'obstacle. Elle était néanmoins intelligible et désagréablement familière. Celle du druide noir.

« Ainsi, vous êtes venues à bout de Gondarmong ? »

Machinalement, la drow fit face, même si tout ce qui se dressait devant elle était un chaos de rochers.

« Votre élémental était certes puissant, mais une magicienne digne de ce nom sait contrer de telles créatures.

- Ravi de l'entendre, ricana le druide noir. Notre affrontement sera finalement plus intéressant que je ne l'avais prévu...

- Notre affrontement sera ? Je dirais plutôt : était. Au cas où vous souffririez d'une déficience visuelle, votre élémental a fait tomber la voûte du tunnel. Le combat est donc terminé.

- Parce que vous croyez que c'est terminé ? pouffa l'humain. Vous vous imaginez en sécurité, peut-être... ?

- Le temps que vous trouviez un autre accès jusqu'à nous, nous serons loin.

- Je n'ai nul besoin d'un autre accès. Vous pensez sérieusement être hors de portée ? Pauvres idiotes ! Simples d'esprit ! Je vais vous ramener à la dure réalité des choses, et tout de suite encore ! »

Suyvel vit Elfe venir à ses côtés et faire un pied-de-nez à l'éboulis, suivi d'une série de grimaces qui auraient pu être drôles dans d'autres circonstances.

« Oh le mauvais joueur ! Tu es emmuré par la faute de ton élémental et t'assumes même pas ! Mauvais perdant ! Mauvais perdant ! Mauvais perdant ! »

Suyvel la regarda faire d'un œil surpris, puis finit par lui poser la main sur l'avant-bras.

« Arrête.

- Quoi ? Pourquoi voudrais-tu que j'arrête ? Il l'a bien mérité, non ?

- Si tu le dis... Mais j'ai l'impression d'entendre quelque chose.

- Quoi donc ?

- Si tu faisais silence un instant, j'aurais peut-être une chance de le comprendre.

- Rabat-joie, va. »

Suyvel tendit l'oreille, maintenant qu'Elfe avait fait silence. Elle percevait bel et bien quelque chose venant de l'autre côté de l'amoncellement de rocs. La voix du druide, moins forte et plus... chantante ?

La drow eut l'intuition d'un danger.

« Il est en train de conduire une convocation !

- Quoi ? Il appelle ses hommes ? fit Elfe.

- Non, pas ses hommes... des alliés surnaturels !

- De quel genre ?

- Je n'en sais rien ! explosa la drow. Va lui demander, si tu veux !

- Hé, ce n'est pas une raison pour me crier dessus ! protesta Elfe.

- Il vaut mieux ne pas rester ici. »

Alors que Suyvel s'éloignait, elle vit le sol à côté d'elle se bomber. Elle fit un pas de côté et observa le phénomène. Sous son œil incrédule, une tête prenait forme au fur et à mesure qu'elle sortait de la roche. Puis ce furent des épaules, un torse, des bras... L'entité était manifestement de nature minérale. Elle ressemblait à Gondarmong, mais en plus petit. En bien plus petit. Un élémental de terre, mais mineur. Pas une menace aussi terrible que son grand frère, mais un danger à prendre en compte tout de même. Ceux de son acabit étaient parfois appelés "“ à tort "“ gnomes, à cause de leur petite taille. Elle ne les empêchait pas de disposer d'une puissance physique hallucinante. Un de ces "˜gnomes' pouvait soulever des roches d'une tonne.

Mais ce n'était pas cela qui interloquait la magicienne. Elle ne comprenait pas ce que le druide avait en tête. Elle avait vaincu un élémental bien plus puissant et maintenant il lui envoyait celui-ci ? Qu'en attendait-il donc ? Qu'espérait-il ?

Alors que Suyvel s'apprêtait à prononcer un sort d'attaque pour se débarrasser de l'indésirable, elle entendit Elfe pousser un petit cri. Tournant la tête, elle vit que la guerrière avait sauté prestement lorsque le sol s'était mis à bouger sous ses pas. Un autre élemental s'annonçait.

Il y en a deux !

Les élémentaux de terre pouvaient se déplacer à travers la matière minérale, ils étaient donc des alliés précieux dans ce genre de situation, capables de contourner l'obstacle. Et vu leur force, ils pouvaient sans doute déblayer l'éboulement. C'était sans doute à cela aussi que le druide devait penser.

- Chacun le sien ! hurla-t-elle à Elfe.

Et elle se concentra sur son sort.

En fait, il lui en fallut deux pour venir à bout du petit élémental. Bien qu'ils soient sensibles à ses sortilèges, ils étaient endurants pour leur petit gabarit. De son côté, la guerrière finissait d'exploser le sien à coups de masse d'armes. Suyvel sourit. Elfe avait la chance de posséder une arme adaptée à ce type d'adversaires, et magique de surcroît. Des armes tranchantes étaient bien moins efficaces contre de telles créatures, et elles pouvaient même se briser sur leur corps minéral. Sûl'Til ne présentait pas ce genre d'inconvénient.

Elfe vint vers elle, un sourire satisfait accroché aux lèvres.

« Déjà fini ? Pfff, c'est même pas drôle...

- Non, fit Suyvel sur un ton tendu. Ce n'est pas fini. »

Car le sol se soulevait de nouveau. En trois endroits, cette fois. Puis quatre. Puis cinq. La magicienne considéra le phénomène d'un œil alarmé.

Il est en train de conduire une convocation de masse ?

Elle avait entendu parler de tels sorts, permettant à un invocateur d'appeler des créatures mineures par vagues. Par hordes entières, parfois. Mais seuls des mages de haut rang pouvaient comprendre des formules si complexes et réunir les composants nécessaires au sort, sans parler de la quantité proprement astronomique de mana qu'il devait consommer.

Par tous les démons ! N'y a-t-il donc pas de limite aux pouvoirs de cet homme ?

Les deux Aérides firent face avec vaillance à ce nouveau groupe d'assaillants. Mais de nouveaux élémentaux continuaient d'affluer, remplaçant ceux que les deux aventurières abattaient. A ce rythme, elles ne tiendraient pas bien longtemps. Leurs adversaires revenaient toujours plus nombreux. Suyvel finit par crier :

« Je m'occupe de les retenir ! Emmène l'oiseau et va-t'en ! »

Pour la seconde fois, elle récita la formule de l'apaisement élémental. Le sort prit bientôt effet et les élémentaux qui se manifestaient se figèrent sur place, certains même pas encore dégagés entièrement du sol. Mais elle sentait que d'autres continuaient à arriver, et elle devait sans cesse puiser dans ses réserves de pouvoir pour les arrêter également.

Tôt ou tard, la magicienne atteindrait le point de rupture.

Modifié (le) par Suyvel
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