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Terre des Éléments

Les enfants d'Eolia


elfe
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« Youhouuuuuuu! »

Tel est le cri qu'Elfe pousse alors que le wagonnet dévale les rails à une allure infernale. Elle se demande si elle a bien fait de choisir ce mode de transport, conçu par des nains, qui ne sont pas réputés être des amis des elfes. Mais d'après ce qu'elle a entendu, tout le monde s'en sert, alors ce ne doit pas être vraiment dangereux...

De fait, les rails se redressent alors que la pente s'adoucit ; dès lors, la vitesse du chariot de mine décroît progressivement, jusqu'à s'arrêter à l'entrée d'une caverne plus vaste. Un endroit désert si ce n'est ces petites créatures pleines de piquants qui baguenaudent lentement.

« On dirait... de gros hérissons ? Ouh, ce qu'ils sont mignons ! » fait Elfe, attendrie par ce spectacle inattendu.

Et elle s'approche de l'un d'eux. Un peu trop pour son propre bien, car aussitôt la bestiole dresse ses défenses et gratifie Elfe d'un coup de sa redoutable queue armée sur la main.

« Waouille ! »

Ca m'apprendra à être gentille avec les animaux. S'ils sont tous aussi caractériels dans le coin, ça promet, songe-t-elle.

Sans plus s'attarder, elle se hâte vers la sortie, tout en pensant au but de son expédition.

Ah ! Elle en avait parcouru du chemin, depuis son départ d'Aéris et son arrivée sur les terres de Melrath Zorac. Que d'aventures palpitantes, partagées avec quelques compagnons de route, venus d'Aéris également, et notamment Gyu, un jeune humain, un magicien avec lequel elle s'est vite entendue. Tous deux ont fait les quatre cents coups ensemble et multiplié les sorties pour le moins aventureuses. Au fil du temps, une rivalité amicale s'est installée entre eux. C'est à qui des deux abattra le monstre le plus dangereux, résoudra le plus promptement tel ou tel problème d'un habitant du coin, ou accomplira une mission confiée par leur faction...

Comme elle ne manque pas d'audace, Elfe pense avoir un peu d'avance sur son ami et néanmoins rival. Elle songe avec émotion au jour où elle a abattu sa première fourmi soldat. Quel combat cela a été ! Et surtout, à son retour, comment elle a paradé devant Gyu ! Elle en sourit encore alors que les souvenirs lui reviennent en tête, en même temps qu'elle grimpe à une échelle de corde. En haut, la lumière du jour. Sa destination. Le marais d'IssCaNak.

Enfin, elle se hisse à la surface et inspire l'air frais à plein poumon... pour se mettre immédiatement à tousser. Une odeur indicible lui assaille les narines. Elle sent son cœur se soulever devant une telle pestilence. Et que dire de son estomac... Elfe pense qu'elle n'aurait pas dû écouter son parrain. Kronan le Babar lui répète à l'envi qu'avant de partir en mission, il faut bien manger et toujours se resservir deux fois, surtout s'il y a du steak de tortogriffe au menu.

Là, présentement, le steak veut manifestement aussi partir à l'aventure, mais de son côté !

Une main sur la bouche et le nez, Elfe fait connaissance avec son nouvel environnement. L'endroit est bien vert, voilà qui lui rappelle les grandes forêts de son enfance. Il faut dire que la région ne manque pas d'eau, comme elle constate en s'extrayant d'une mare boueuse. Elle croise bientôt les premiers autochtones. Des humains mais... quelle est donc cette étrange couleur de peau ? On dirait presque des orques...

Ca doit être à cause de l'endroit, en conclut Elfe. à force de vivre dans un pays aussi insalubre et pestilentiel...

Elle songe que Gyu sera bientôt tout aussi vert... mais de jalousie. Lorsqu'elle lui racontera qu'elle a été se balader au marais, seule... et sans lui !

Car c'est bien là sa motivation première. Cela fait longtemps que tous deux entendent parler de cette région et qu'ils envisagent d'y effectuer une reconnaissance... un jour. Il faut préciser que tous leurs amis du Souffle d'Eolia les ont mis en garde contre les dangers du coin, autrement plus redoutables que ceux qu'ils ont déjà croisés sur Melrath Zorac. Mais aujourd'hui Elfe se sent prête. Et au lieu d'en parler à son ami magicien, elle a décidé de frapper un grand coup et d'y aller de son côté. Elle lui rapporterait quelques trophées arrachés aux créatures du secteur et le pauvre Gyu mettrait longtemps à se relever d'un tel exploit. Le sourire aux lèvres, la guerrière sort sa fidèle masse d'armes et se met en quête de quelque monstre à occire.

La chasse se révèle fructueuse. Mantoreligieuse, crapolangue, plantovor... aucune de ces créatures ne lui tient tête bien longtemps. Finalement, elle se dit que ses compagnons du Souffle ont dû exagérer les périls encourus... jusqu'à ce qu'elle croise un démon ailé. Là, pour la première fois, elle préfère battre prudemment en retraite et file vers le sud.

Un chemin qui l'amène à l'entrée d'un village.

Parfait ! Il doit y avoir une auberge ici. Autant prendre un peu de repos avant de repartir.

De fait, un villageois lui indique fort obligeamment l'établissement qu'elle recherche. Elfe y prend une chambre et commande immédiatement un grand baquet d'eau chaude. Elle n'en peut plus de la fange qui lui colle aux bottes, et surtout de l'odeur innommable. Elle donne ses chausses et sa cotte de mailles à nettoyer, puis s'immerge avec délice dans son bain.

Deux heures plus tard, elle se décide à en sortir, l'eau étant désormais à peine tiède. Elle a alors envie de manger un morceau. L'occasion également de faire un tour à la taverne de l'auberge et de rencontrer des gens du cru. Que va-t-elle trouver à se mettre ? C'est là une circonstance particulière pour elle, et elle voudrait soigner son entrée, faire un peu impression... Après quelques essais, elle opte pour une robe blanche et se dirige vers le salon. En haut des marches, elle est prise d'une légère hésitation, alors que quelques regards se tournent vers elle...

elfe_b10.jpg

Elle descend lentement l'escalier, tout en dévisageant l'assistance. Une faune bigarrée se révèle à ses yeux, une belle brochette d'aventuriers hauts en couleurs, pour la plupart bien plus expérimentés qu'elle, à n'en pas douter. Elle trouve le chef de la taverne et lui commande son repas. En attendant, elle prend un verre et se dirige vers une table où il y a encore de la place. L'endroit semble très fréquenté, voire surpeuplé. Elle vide tranquillement son verre et, son repas n'étant pas encore arrivé, demande une autre boisson.

Elfe songe aux rencontres de la journée, aux combats qu'elle a menés, lorsque des murmures viennent troubler ses pensées. La guerrière perçoit immédiatement une présence particulière. Une femme vient de faire son entrée, et une bonne partie de l'assemblée l'a remarquée. Il est vrai qu'elle passe difficilement inaperçue. Cette allure si particulière, cette peau sombre comme le jais, cette longue chevelure blanche comme le lys...

Une elfe noire ! songea-t-elle.

Elle réalise immédiatement qu'elle l'a déjà vue.

Evidemment ! Au village du Souffle d'Eolia. Elle fait partie de la faction.

Une pensée rassurante. Malgré son apparence, la nouvelle arrivante n'est pas une ennemie. Elfe la voit répondre de bonne grâce à quelques saluts et sollicitations diverses, la drow semble en terrain de connaissance ici. Elle ne l'a manifestement pas remarquée. Néanmoins, lorsqu'elle décide de prendre place à une table, c'est à celle de la guerrière qu'elle se pose. Il faut dire qu'elle n'a guère le choix, étant donné l'affluence de clients. Pour autant, l'elfe noire ne semble pas l'avoir remarquée.

Et maintenant... ?

Elfe hésite sur la conduite à tenir. Se lever et partir ? Pas très poli envers une personne qui appartient à sa faction. L'ignorer ? Possible, mais combien de temps la drow allait-elle mettre avant de la repérer ? Une minute ou deux, pas davantage. Et alors Elfe serait bien avancée... L'aborder ? L'idée semble incongrue au vu des relations entre leurs peuples. Mais après tout, puisqu'elles se sont rangées sous le même étendard... Le cœur battant un peu plus vite, elle se décide à l'interpeller.

« Bonsoir. »

Au même moment, le serveur vient fort opportunément lui servir son deuxième verre d'hydromel. Elle pousse la corne remplie du nectar doré vers l'elfe sombre et ajoute :

« Tenez, je vous l'offre. Je n'ai pas très soif. »

Elfe guette avec circonspection la réaction de son interlocutrice, se demandant si elle va accepter d'engager la conversation.

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Pour Suyvel, la journée avait été tranquille, passée en étude d'ouvrages sur l'herboristerie. Les heures s'étiraient paresseusement et prenaient tout leur temps pour céder leur place. Bercée par ce rythme lent et monotone, la journée touchait néanmoins à sa fin. Et en fin d'après-midi, lorsqu'elle referma ses livres, la drow entendait bien passer une soirée plus mouvementée. Pourquoi pas une petite excursion à la taverne ? Il devrait y avoir du monde et elle n'avait pas envie de rester seule.

Suyvel ouvrit sa penderie et réfléchit à ce qu'elle allait porter. D'humeur aventureuse, elle jeta son dévolu sur une tenue légère, voire minimaliste, et plutôt provocante... selon des critères drows. Des humains l'auraient sans doute qualifiée autrement. D'attentat à la pudeur, par exemple. Mais quand bien même on le lui aurait dit, Suyvel s'en serait moquée. Probablement parce qu'elle n'entendait pas grand chose à la pudeur des humains. Elle se souciait de tels concepts comme d'une guigne. La seule chose qui l'intéressait sur l'instant était l'effet qu'elle produirait en se montrant.

Et de fait, lorsqu'elle fit son apparition dans la grande salle, elle suscita un ample murmure, dans l'assistance masculine surtout. Des regards appréciateurs, quelques hommages empressés et un ou deux sifflets vinrent à sa rencontre. Satisfaite de cette attention, elle se prit au jeu et avança d'un pas lent, répondant aux salutations courtoises et aux compliments galants. Elle en rajouta encore en glissant des regards incendiaires, en offrant quelques sourires complices et en passant les doigts dans sa chevelure, pour mettre le feu à la salle... ainsi qu'aux regards qui croisaient sa route.

elfe_m10.jpg

La taverne était comble ce soir-là. Suyvel songea qu'elle n'aurait que l'embarras du choix, ce n'était pas le gibier qui manquait. Par contre, les tables étaient prises d'assaut. Elle s'assit là où elle le put. Alors qu'elle en était encore à choisir son menu "“ mais pas celui que l'on trouve sur la carte de la taverne "“ une voix féminine parvint à ses oreilles.

« Bonsoir. »

Suyvel tourna la tête et s'avisa que l'une de ses voisines de tablée venait de la saluer. Toutefois, lorsqu'elle la vit, elle ne répondit pas. Probablement parce que les muscles de sa mâchoire se crispèrent quelque peu. Les traits de la jeune femme ne laissaient aucune place au doute quant à ses origines.

Une elfe !

Une haine ancestrale séparait leurs deux peuples. Si Suyvel n'avait pas de raison personnelle de haïr les elfes de la surface, ses maîtres lui avaient inculqué cette aversion et elle était devenue comme un réflexe. Depuis son départ, ses diverses rencontres avec des représentants de la race elfique lui avaient permis de relativiser les choses et de comprendre que ce qu'on lui avait enseigné était largement erroné, au moins en partie. Pour autant, ce sentiment de détestation perdurait.

Passées la surprise et cette réaction épidermique, la drow réalisa que cette elfe en particulier ne lui était pas inconnue. Elle fronça les sourcils, puis se souvint. Et se détendit un peu.

Le village du Souffle d'Eolia. Elle est de la faction.

Suyvel se remémora dans quelles circonstances elles s'étaient rencontrées. La magicienne passait maintenant beaucoup de son temps au marais et n'était guère présente au village du Souffle. Toutefois, elle y passait régulièrement et, si le besoin s'en faisait sentir, elle y officiait comme guérisseuse. Bien sûr, les mages ne manquaient généralement pas pour cela, mais elle était une des plus expérimentées. Et un jour, alors qu'elle remplissait ses obligations, elle avait vu venir de nouvelles recrues. Notamment un jeune humain, un mage, Gyu, qu'elle avait d'ailleurs fini par prendre sous son aile, et cette elfe, une guerrière. Ces deux-là traînaient souvent ensemble et semblaient s'entendre comme larrons en foire. Elle leur avait dispensé des soins "“ même à l'elfe "“ mais les deux femmes n'avaient pas échangé un mot.

Suyvel la détailla quelque peu. La guerrière ne passait pas inaperçue. L'elfe noire songeait qu'au vu de son style vestimentaire, elle cherchait à attirer les regards "“ elle aussi. C'est alors qu'elle remarqua son médaillon... l'emblème d'Aéris. Une sœur venue des Terres sacrées d'Eolia. En revanche, la drow butait sur un point précis... le nom de l'elfe.

Comment s'appelle-t-elle donc, déjà ?

Alors que la magicienne restait songeuse, la guerrière se tourna à nouveau vers elle et lui proposa même un verre. Légèrement étonnée, elle réalisa qu'elle la dévisageait depuis un moment, sans mot dire. Sa première pensée fut de refuser... puis elle se ravisa. Elle avait déjà commis un impair diplomatique il y a peu, elle n'avait pas envie de récidiver.

Chassant de devant ses yeux quelques mèches rebelles, elle prit le breuvage offert.

« Salutations... et merci pour le verre. »

Leurs regards se croisèrent. Suyvel remarqua avec intérêt la couleur sombre des yeux de l'elfe, qui contrastaient avec sa peau et sa chevelure. Pour autant qu'elle le sût, les elfes de la surface avaient les yeux clairs. Elle-même n'avait pas des yeux d'une couleur répandue chez ceux de sa race "“ qui étaient en général rouges ou jaunes "“ mais c'était la première fois qu'elle apercevait une elfe avec de tels iris. à moins que... elle ne le fût pas réellement?

« Etes-vous seule ? Si un peu de compagnie vous tente, je serais heureuse que nous fassions connaissance.»

Suyvel ne savait pas très bien ce qu'elle allait pouvoir raconter à la guerrière, mais la curiosité avait été la plus forte... comme d'habitude.

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Elfe remarque le premier regard peu amical de l'elfe noire, qui paraît surprise, peut-être même contrariée, qu'une elfe lui adresse la parole. Les choses semblent mal engagées. Puis elle lit dans les yeux violets que la magicienne la reconnaît. Celle-ci se met à la détailler, d'une façon plus neutre... mais toujours en silence. Gagnée par un certain malaise, Elfe commence à avoir du mal à respirer. Elle tente de briser la glace en offrant le verre d'hydromel. Sans vraiment y croire. Et pourtant...

« Salutations... et merci pour le verre. »

Elle lui répond. Et poliment en plus. Elfe en est presque surprise, mais se sent aussitôt un peu mieux. L'angoisse qui lui écrase la poitrine relâche légèrement son étreinte. Leurs regards se mêlent et la guerrière ne voit nulle animosité dans les yeux de son interlocutrice.

« êtes-vous seule ? Si un peu de compagnie vous tente, je serais heureuse que nous fassions connaissance. »

Cette fois, un véritable soulagement l'envahit. Délicieuse sensation de sérénité retrouvée. L'elfe noire accepte sa compagnie et va même jusqu'à proposer la discussion. Elfe n'osait plus l'espérer. Mais elle a finalement réussi son approche.

« Oui, je suis venue seule. Et je serais ravie que vous joigniez à moi. Parler avec les gens d'ici me permet d'en apprendre plus sur cette contrée qui ne m'est en rien familière. C'est la première fois que je viens ici, pour tout vous dire. Oh ! j'oublie de me présenter... On m'appelle Elfe, et vous ? »

Ainsi s'amorce le début de la connaissance. Elfe sait que la magicienne doit avoir beaucoup à lui apprendre sur IssCaNak, et elle choisit de la lancer d'abord sur ce sujet. Mais d'autres questions, plus profondes, plus impérieuses, se lèvent en elle... Elle ignore ce qu'elle apprendrait de cette elfe noire aux allures particulières, mais elle sait ce qu'elle a véritablement envie de lui demander. Elle l'intrigue.

Elfe n'a jamais rencontré d'elfe noire. Mais ce qu'elle en a entendu dans les récits et les légendes de son peuple des forêts lui a donné une image peu reluisante de cette race. Franchement sinistre, en fait.

... des tueurs qui surgissent des ténèbres en hurlant comme des démons ! Ils frappent comme la foudre, tuant tous ceux qu'ils croisent. Femmes, enfants, rien ne suscite la pitié chez eux ! Leurs visages hideux sont déformés par la haine et le mal qui les consument depuis des millénaires...Mauvais, tous mauvais. Et les pires sont les femelles. Sorcières vicieuses, adeptes de la plus noire des magies, servantes dévouées de Lloth la maudite...

Plusieurs bribes des récits d'autrefois lui reviennent en mémoire et tournent en rond dans sa tête. Elle a toujours cru à leur véracité, bien qu'elle n'ait jamais pu la vérifier de ses yeux. Et pourtant...

Et pourtant la représentante du peuple drow assise à ses côtés semble contredire ses certitudes. Elle présente un joli visage, aux traits nets, bien dessinés, loin des images presque démoniaques véhiculées par les contes des elfes. Hormis la couleur de sa peau et de ses cheveux, elle ressemble étrangement à... à une elfe, tout bonnement. Aucun signe évident d'une quelconque corruption, d'une dégénérescence. Et puis il y a le fait qu'elle l'a vue accomplir ses œuvres de guérison. Elle n'est donc pas fondamentalement mauvaise. Enfin, elle utilise la magie blanche, comme les elfes... C'en est presque troublant.

Oui, plus Elfe y songe, plus l'elfe noire l'intrigue.

Elle a envie d'en savoir plus sur elle.

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« On m'appelle Elfe, et vous ? »

í€ ces mots, Suyvel comprit pourquoi le nom de la guerrière ne lui était pas revenu. Quand bien même elle l'aurait entendu au village du Souffle d'Eolia, elle l'aurait pris pour une allusion í€ son peuple et non pour son patronyme. Elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. De dépit.

Elfe... ça ne peut être qu'un surnom qu'un humain lui aura donné. Et on sent que celui qui l'a affublée de ce sobriquet a dû drôlement se creuser la tête pour le trouver...

La guerrière s'était présentée et s'enquérait de son nom. Suyvel répondit obligeamment :

« Suyvel Adele Hycate Trajek'Towardh Ayflesh, magicienne d'Aéris. »

Elle porta sa main í€ son cou et y saisit son propre pendentif sacré qu'elle leva vers les yeux d'Elfe, attestant de ses dires. Avisant brusquement l'air í€ moitié affolé de l'elfe, elle haussa un sourcil. Puis elle comprit. Evidemment. L'énoncé complet de son nom avait une fâcheuse propension í€ semer la panique chez ses interlocuteurs.

« Vous pouvez m'appeler Suyvel. »

Un sourire amusé devant l'évident soulagement de la guerrière.

« Je suis toujours heureuse de rencontrer une sœur aéride... »

Suyvel surprit l'expression dubitative d'Elfe et son regard hésitant, voire circonspect. Logique. Elle ne pouvait pas la blâmer d'être sur ses gardes en présence d'une elfe noire.

« ... même si, et vous n'aurez pas manqué de l'observer, nos origines divergent. J'ai connu la nuit (1) dans la cité de Menzoberranzan, en Outreterre. Et vous-même ? êtes-vous une Sylvaine ? De quelle région venez-vous ? »

Suyvel songea après coup que sa question pouvait ressembler í€ une mise en cause de la lignée d'Elfe, si elle était bel et bien de sang elfique pur. Les elfes noirs avaient tendance í€ être abrupts dans leurs relations aux autres. Des années de vie au contact des humains avaient permis í€ Suyvel d'arrondir les angles de ses propos, mais pas complètement. Elle jugea bon de préciser :

« Une magicienne digne de ce nom ne s'arrête pas aux apparences. Elle s'en méfie. Et puisque nous parlons apparences, je suppose qu'Elfe est un surnom ? »

Une autre question titillait la curiosité de Suyvel. Les elfes constituaient une race forte de grandes capacités dans les arts magiques. Celle qui se tenait lí€ était-elle capable d'en user ? Certes, la drow savait qu'Elfe s'était présentée comme guerrière auprès du Souffle d'Eolia. Mais elle pouvait fort bien avoir d'autres capacités qu'elle aurait tues.

Tout en prêtant l'oreille í€ la réponse d'Elfe, Suyvel activa son sens de la magie pour se faire une idée de l'aura de la guerrière et d'une éventuelle affinité avec la magie.

_____________________________________________________________

(1) Expression drow équivalente í€ celle de "˜voir le jour' chez les humains.

Modifié (le) par Suyvel
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Elfe écoute l'elfe noire se présenter. Son nom se rallonge au même rythme que le regard dubitatif de la guerrière. Elle reste bouche bée de l'importance d'un tel nom. Elle a rencontré dans sa vie des personnes aux noms parfois complexes, saugrenus ou imprononçables. Le sien est agréable à entendre, sûrement plaisant à énoncer mais d'une longueur affolante. La magicienne remarque l'air légèrement paniqué de sa voisine et lui propose un diminutif tout à fait appréciable.

Elfe remarque que Suyvel lui montre son appartenance à Eolia, tout comme elle. En effet, elle n'a pas retiré son pendentif lorsqu'elle a changé de tenue. Elle aurait pu, mais elle a appris à apprécier sa bienveillante déesse. Et elle n'hésite pas à afficher sa foi en public.

Finalement, l'elfe noire devient un peu plus bavarde. Tant mieux, cela va faciliter ce premier échange. Et elle lui évite de poser trop de questions. Elfe lui décoche un sourire, mais cela ne dure pas. Car celles que lui adresse sa compagne aéride la dérangent un peu, notamment lorsqu'elle lui demande l'endroit d'où elle vient. N'est-ce pas mettre les siens en péril que de dévoiler leur lieu de résidence à une elfe noire ?

« Oui, je suis effectivement issue d'un clan sylvain. Mes parents, ma famille, mes amis... vivent dans les grandes forêts, loin de la Terre des Eléments, au sud-ouest, bien au-delà du grand fleuve Sirendar. »

Elfe est volontairement restée imprécise. Très vague, même. Néanmoins cela constitue une réponse en soi. Elle choisit de dévier légèrement du sujet initial pour éviter que Suyvel ne lui demande des détails.

« Il y a de cela quelques années, mon clan a accueilli un jeune humain qui se destinait à l'étude de la magie. Il avait déjà beaucoup voyagé et m'a raconté bien des choses sur le vaste monde par-delà les arbres. J'ai toujours eu envie de mener une vie d'aventures et ses récits m'ont décidée : j'ai choisi de l'accompagner dans la suite de son voyage. »

« De plus, cet apprenti magicien prétendait que la voie qu'il suivait était supérieure à celle des armes, qui est la mienne. Je n'allais pas le laisser dire une chose pareille ! Depuis, je le suis partout et je suis fermement résolue à lui montrer à quel point il se trompe. »

« Lorsque nous sommes tous deux arrivés devant les terres élémentaires, mon choix s'est porté sur Aéris. Pourquoi ? Peut-être à cause de la couleur de son étendard... Le jaune m'évoque Ur... le soleil, dans la langue de mes semblables. Ur et sa chaleur... oui, je n'ai jamais aimé le froid. Et surtout l'élément de l'air me rappelle Sûl, l'esprit du vent avec lequel mon peuple a une grande affinité. Sûl m'a enseigné la liberté... D'ailleurs, ne dit-on pas libre comme l'air ? »

« J'imagine que vous l'avez déjà deviné... Cet humain, ce magicien... il s'agit de Gyu, bien sûr. »

Elfe prête attention aux propos de Suyvel sur les apparences.

« Seulement les magiciennes ? Ne serait-il pas mieux que toutes personnes partagent cette vision des choses ? Quant à mon nom... c'est vrai que j'ai maintenant tendance à utiliser ce surnom que les humains m'ont donné. En réalité, je m'appelle Elerinna. »

Elfe sent vaguement l'air changer, rien de dangereux ni d'inquiétant. La guerrière n'y prête guère attention. Jusqu'au moment où son arme vibre contre sa hanche. Lui renvoyant la naissance d'une magie à laquelle ses origines font écho.

« Et vous-même, que faites-vous loin des vôtres ? Si vous voulez bien me permettre cette indiscrétion. »

De nature curieuse, elle ne peut s'empêcher de demander...

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Elfe parla de ses origines, du clan sylvain qu'elle avait laissé loin derrière elle. Suyvel ignorait presque tout de ces elfes, de leur mode de vie, de leur culture... Il faut dire qu'étant donné son exécration pour cette race, elle ne s'était jamais intéressée à la question. Mais en ce jour, tout était en train de changer. Cette discussion "“ totalement inimaginable pour elle il y a quelques minutes encore "“ dévoilait un charme sulfureux : celui de l'inconnu. Et attirée par ce mystère imprévu, elle s'apprêtait à soumettre Elfe à un interrogatoire en règle lorsqu'une ombre sur son visage la fit changer d'avis. Sa compagne ne semblait pas à l'aise avec le sujet. Elle choisit "“ à contrecœur "“ de brider sa curiosité et de la laisser d'elle-même revenir sur le sujet, si elle le souhaitait.

D'ailleurs Elfe lui parlait d'une rencontre avec un humain et des raisons qui l'avaient poussée à quitter les siens. Puis de ce qui l'a conduite à rallier Aéris. Elle évoqua le nom d'un esprit du vent, Sûl, et ce que cette entité lui avait apporté, sa soif d'aventure, son envie de découvrir le monde et son exigence de liberté. Alors qu'elle l'écoutait, l'elfe noire sentit quelque chose remuer au plus profond d'elle-même. Une chose qui semblait faire écho aux paroles d'Elfe. Comme une chose fragile qui se serait brisée au simple son des mots de la guerrière, qui continuait à discourir sans remarquer le trouble de la magicienne. Comme une vieille blessure qui se serait finalement réouverte. La liberté... une valeur qu'elle partageait, et qui lui avait déjà coûté beaucoup. Un mal-être s'abattit brièvement sur Suyvel... mais de façon intense. Elle s'efforça de garder un visage impénétrable. Pas question de paraître faible devant une elfe de la surface.

Pour finir, Elfe nomma celui qui était responsable de son départ : Gyu. Un nom qui fit ressurgir un petit sourire sur le visage de Suyvel. D'abord parce qu'elle appréciait le jeune magicien, et ensuite parce qu'au vu de leur complicité évidente, elle ne trouvait pas surprenant d'entendre que Gyu ait été présent dès le début des pérégrinations d'Elfe. L'un n'allait généralement pas sans l'autre. Ce soir-là faisait partie des exceptions notables.

La guerrière relevait sa remarque sur les apparences en lui adressant une question, à laquelle l'elfe noire répondit.

« Non, pas seulement les magiciennes, bien sûr. Cette vision serait, je crois, bénéfique à tous... à part peut-être ceux qui profitent des autres et de leur crédulité. »

La question d'Elfe en disait long sur elle... en dépit de sa jeunesse apparente, elle semblait déjà expérimentée et avertie. Probablement pas le genre à se laisser berner facilement. Peut-être avait-elle appris cette leçon à ses dépens... mais Suyvel s'abstint de toute remarque. Elle se demanda également l'âge que pouvait bien avoir Elfe. Passé un certain cap, les races elfiques étaient très peu marquées par le passages des ans. Suyvel se souvint de certaines de ses semblables qui, à quatre cents ans, paraissaient presque aussi jeunes que d'autres qui n'avaient pas vécu la moitié de leur siècles. Il était donc délicat de déterminer l'âge de son interlocutrice, mais à la fraîcheur de certains de ses propos, Suyvel eut l'intuition d'entendre une femme jeune, probablement plus qu'elle.

Elfe finit de se présenter en lui dévoilant son nom réel. Elerinna... Suyvel avait lu que les elfes de la surface avaient tendance à porter des noms riches en sens, souvent en rapport avec la nature chère à leur cœur. Sa connaissance de la langue des elfes de la surface était théorique et sûrement perfectible, mais elle aurait parié que son nom signifiait "˜couronnée d'étoiles' ou quelque chose d'approchant. Un joli nom pour un joli brin d'elfe.

L'investigation magique que l'elfe noire avait entreprise ne révélait rien de significatif. Sa compagne semblait être ce dont elle avait l'air : une guerrière, pas une magicienne. Lorsqu'un écho étrange lui parvint. Cela ne venait pas d'Elfe, mais...

« De par ma classe, je m'intéresse à la magie sous toutes ses formes. Si ce n'est pas trop personnel... porteriez-vous quelque objet magique ? »

Le sourire en coin qu'elle affichait laissait entendre qu'elle connaissait la réponse à la question.

Puis vint l'inévitable question sur sa présence en ces terres. Suyvel s'assombrit (si si, en dépit de son teint naturellement sombre, elle y arrivait encore... au figuré, bien sûr !), comme à chaque fois qu'elle se trouvait devoir parler des siens.

« Sachez simplement que j'ai quitté la Cité des Araignées. De mon propre chef. Et si je ne suis pas aujourd'hui près de mes semblables, c'est que j'ai mes raisons. De sérieuses raisons. La première d'entre elles étant le peu d'estime que je leur porte. »

Une inspiration profonde, puis elle lâcha le poids qui l'étouffait :

« Pour tout vous dire, vous avez devant vous une fugitive. Une exilée volontaire. Certainement vouée au sacrifice, condamnée à mort, si ses semblables lui remettent la main dessus un jour. »

Etonnant comme il était parfois plus simple de dire certaines choses à une quasi-inconnue. Néanmoins, elle préféra ne pas s'appesantir sur le sujet.

« La situation ici devient tendue, pour ne pas dire critique ; on parle d'une attaque imminente. D'une armée entière d'orques à nos portes. Il y avait déjà eu des petits groupes repérés dans le marais. J'en avais moi-même abattu trois. Puis il y a eu cette première grosse alerte du côté de l'Académie. J'imagine que vous en avez entendu parler. Et tout laisse croire qu'il ne s'agit que d'un début... »

Un déclic s'opéra dans son esprit.

« ... mais peut-être cette menace d'invasion est-elle la raison de votre présence aujourd'hui ? Il est vrai que, si vous savez vous battre, vous êtes doublement la bienvenue ici. Je crois que, lorsque les orques attaqueront, nous aurons besoin de tous les combattants disponibles... »

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í€ l'expression de son visage, Elfe sait que Suyvel n'a manifestement aucune envie de parler de ses origines. Pourtant, elle lui répond, brièvement et de toute évidence sincèrement, même si l'évocation du sujet semble douloureux pour elle.

Elfe ne se permet aucun commentaire, elle ne veut pas la juger, ce n'est ni son droit ni son intention. En revanche, elle sent sa curiosité s'accroître après avoir entendu la brève réponse de l'elfe noire et de sa situation envers les siens, une foule de questions lui trotte en tête : que s'est-il passé exactement, à quand remonte cet exil, que risque vraiment Suyvel si les siens la retrouvent, cela peut-il s'arranger un jour... Malgré l'envie qui la dévore, elle décide d'en rester là pour l'instant. Un jour, peut-être se permettra-t-elle d'aller plus loin dans ses questions afin d'en savoir plus sur l'elfe noire. Une culture qui lui est méconnue malgré son apprentissage, sans doute ses professeurs eux-mêmes n'en savent que ce qu'ils ont pu apprendre par des témoignages détournés voire déformés... Les elfes de la surface connaissent finalement si mal leurs cousins du monde souterrain.

Puis Suyvel en vient à parler du présent, de la menace qui pèse. Des déductions naissent dans son esprit. Elfe se recule dans son siège, un air grave au fond des yeux. Oui, elle a entendu parler de l'alerte à l'Académie il y a peu mais, comme elle est nouvelle sur ces terres, elle ne comprend pas ce que cela signifie vraiment... Oui, elle est au courant pour les orcs. Malgré tout, elle ne vient pas pour eux, du moins pas vraiment. Si besoin est, elle sera là pour assurer la défense de cette contrée, du moins c'est une possibilité... mais en aucun cas une certitude. La guerrière se pose beaucoup de questions à propos des orcs. Elle en a entendu parler mais ne les a pas encore rencontrés. Elle espère un peu que cette expédition sur IssCaNak sera l'occasion pour elle de découvrir cette race et la menace réelle qu'elle représente. Et accessoirement de savoir si elle-même peut être d'une quelconque aide face à ces créatures d'une férocité réputée.

« J'espère pouvoir être utile face aux orcs... En fait, j'aimerais bien en voir un et le combattre si possible. Ca me donnerait une idée de ce que je peux faire contre eux ou non. Voyez-vous, là d'où je viens, il n'y a pas de clans d'orcs. Mon peuple n'a jamais eu à les affronter, du moins pas sur ses terres. Nos seuls ennemis sont des tribus de trolls sylvestres, des brutes sans cervelle. Nous essayons de protéger les arbres de leurs haches. »

Une réponse limpide, ne dissimulant rien de ses intentions. Puis Elfe repense à la question de la magicienne quant à sa possession d'objets magiques. Elle n'a pas voulu répondre tout de suite, le temps d'y réfléchir prudemment. Elle décide de jouer franc-jeu... ou presque. Ses yeux se baissent vers son poignet auquel luit un bijou d'argent.

« Oui, j'ai là un bracelet offert par mes parents qui me permet de rester en contact avec eux, d'une certaine manière... Il leur suffit de visualiser l'objet en esprit, de réciter l'incantation appropriée et ils savent aussitôt si je vais bien, si je suis toujours en vie... »

í€ ce bracelet pend une jolie gemme, dont Elfe se garde de parler à Suyvel. Une pierre qui, unie à une certaine clé, pourrait un jour lui permettre d'ouvrir une certaine serrure qui... La guerrière met fin à cette pensée. D'ailleurs elle a autre chose à montrer à la magicienne, pour répondre entièrement à sa question. Elle se tourne sur sa gauche pour prendre le sac qu'elle a posé juste à son côté et en sort vivement sa masse d'armes. Elle a préféré ne pas s'en séparer ce soir. D'abord car elle ne connaît pas l'endroit, ensuite car elle se sent plus en sécurité avec elle, et enfin car elle peut plus facilement veiller dessus. Elle dépose son arme sur la table à la stupéfaction de Suyvel.

« Voici Sûl'Til, ma fidèle amie, je suppose que c'est elle que vous avez ressentie. C'est effectivement un objet magique, offert par Sûl à mon peuple. Mon clan me l'a transmis à mon départ, pour que l'esprit de l'air veille sur moi où que j'aille. Elle m'offre ses capacités uniques. Mais c'est également une responsabilité : j'en ai désormais la garde. í€ aucun prix ne devra-t-elle tomber entre de mauvaises mains. »

Elfe fait courir son doigt sur les arêtes de métal d'une blanche brillance. Au contact de la peau de la guerrière, elle réagit, dégageant une aura de magie qui lui est propre. La magie de l'esprit du vent. Une aura tranquille, paisible, puis qui s'agite par instants, comme une brève rafale de vent. Plus Elfe communie avec elle, plus le phénomène s'amplifie. Atteint un certain seuil, la masse d'armes jouit d'une puissance différente, selon de nombreux critères. Mais tout ce que voit la magicienne est le spectacle dansant de l'harmonie des vents. Tantôt paisibles, tantôt furieux.

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Ainsi, la guerrière n'avait jamais fait face aux orques ? Suyvel songea, non sans ironie, qu'elle ne perdait pas grand chose à rester dans l'ignorance... sauf qu'avec la guerre qui couvait, il était infiniment préférable qu'Elfe sût à quoi s'attendre. Même si rien ne valait l'expérience personnelle, Suyvel pouvait toujours l'éclairer un peu.

« Dans ma prime jeunesse, j'ai appris à connaître les orques. La menace constante qu'ils représentent pour toute civilisation. Leur mode de vie est basé uniquement sur le combat et la guerre. Ils se cherchent sans cesse de nouveaux champs de bataille. Mais les orques ne bâtissent rien. Lorsqu'ils déboulent quelque part, ils tuent tout le monde et rasent ce qui ne les intéresse pas. Les seuls prisonniers qu'ils font sont là pour leur servir d'esclaves. Ou de garde-manger, en cas de disette. Lorsqu'un orque a faim, il n'est pas très regardant sur la provenance de la viande... »

« Mes semblables se servent parfois des orques comme chair à canon dans leur guerre contre ceux de votre race. Mais toute alliance avec les orques ne peut être qu'éphémère. Dès qu'ils n'ont plus d'adversaires face à eux, ils s'en cherchent de nouveaux... y compris parmi leurs "˜alliés'. C'est pourquoi les drows ne manquent jamais de chasser et tuer les orques. Pour les empêcher de se regrouper et de former une menace trop sérieuse. Et leur rappeler qui sont les plus forts. Car les orques ne respectent que la force. Oh, et aussi pour en capturer certains. Les orques fournissent aux drows une main-d'œuvre robuste et bon marché. A Menzoberranzan, il doit y avoir des centaines d'orques réduits en esclavage. »

« Toujours est-il que je n'aimerais pas voir ces terres ravagées par les orques. Personne ne l'aimerait, en fait... mais certains sont trop ignorants ou trop aveuglés par d'hypothétiques bénéfices à court terme pour s'en rendre compte. Il faut avoir vu ce que les orques peuvent faire pour comprendre que nul n'a intérêt à se liguer avec eux... »

Puis, en réaction à la demande de Suyvel, Elfe sortit sa masse d'armes et la posa prestement sur la table. La magicienne en resta médusée. Elle écouta la guerrière lui parler de son arme puis se dit qu'étant arrivée récemment, celle-ci n'était pas forcément au courant des usages en vigueur. Elle lui fit remarquer :

« Dans l'enceinte de la taverne, il est d'usage de garder les armes rangées. Il y a d'autres lieux pour cela. Le dojo, par exemple. En fait, à peu près partout... sauf précisément ici. »

D'un léger signe de tête, Suyvel indiqua l'assistance à Elfe. Lorsque celle-ci jeta un coup d'œil circulaire, elle vit une trentaine d'yeux interrogateurs voire réprobateurs fixés sur elle. Suyvel fit un léger geste d'apaisement. Pas de problème. Les regards finirent par se détacher des deux femmes.

La magicienne s'en détourna pour se concentrer sur l'arme dévoilée à sa curiosité. Elle ne fut pas déçue. Sur un plan thaumaturgique, ce qu'elle voyait relevait du sacré. Une essence de magie qui lui évoquait furieusement celle de la divine Dame de l'Air, sa déesse. La force des vents, contenue dans un objet matériel et s'en dégageant à la volonté du porteur... Elle aurait juré la chose impossible. Et pourtant elle contemplait cette puissance éolienne. Changeante mais stable, puisque la masse d'armes ne donnait aucun signe de corruption ou de désintégration.

La vision de cette harmonie mystique la renvoyait à une autre arme. Une arme qu'elle connaissait bien.

Cinq-Ents.

« Je ne sais pas si cela vous intéressera, mais je pourrais vous montrer une chose qui "“

Elle s'interrompit. Elfe venait de passer son doigt sur le métal de l'arme, déclenchant un changement dans l'aura de l'objet. De paisible, elle devint brièvement agitée, voire tempétueuse. Que cela signifiait-il donc ? Etait-ce lié aux capacités magiques de l'arme, qu'elle ne pouvait qu'imaginer ? Suyvel s'abîma dans une profonde réflexion, captivée par ce spectacle inattendu.

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Elfe écoute attentivement l'histoire de Suyvel. Celle-ci lui brosse un portrait peu élogieux de ce que sont les orcs, et elle semble bien les connaître. Elle est sans doute dans le vrai, et la guerrière prend bonne note de ce qu'elle entend mais, pour l'heure, elle ne se sent pas directement concernée. Elle est venue ici pour découvrir le marais et aussi pour poursuivre une quête personnelle. Que les orcs se fassent menaçants n'est pas sa principale préoccupation. Elle n'a pas vraiment conscience du danger qu'ils peuvent représenter. Mais avec ce que l'elfe noire vient de lui dire, elle sait un peu plus à quoi s'en tenir avec eux.

Lorsque la drow évoque l'utilisation que son peuple fait des orques contre les elfes de la surface, la guerrière ne peut s'empêcher de lui adresser un regard de reproche. Bien que son clan n'ait jamais eu à déplorer d'attaques de maraudeurs drows ou d'orcs, Elfe se sent horrifiée par cette idée, et solidaire du malheur de tous les elfes sylvains ainsi agressés et assassinés. Elle se rend néanmoins compte qu'en tenir rigueur à sa compagne serait déplacé. Après tout, elle a quitté son peuple. Et elle semble sincèrement préoccupée par la sauvegarde de ces terres des ravages des orcs.

Son arme dévoilée semble ravir la magicienne, mais elle tique un instant, pour finalement lui dire qu'il est interdit d'exhiber les armes ainsi en ce lieu. La guerrière soupire, elle ne rangera pas sa fidèle masse pour autant. Elle acquiesce au dire de Suyvel qui est retournée à la contemplation de l'objet magique.

Une question lui vient à l'esprit. Récemment, de nouvelles recrues ont fait leur entrée au Souffle d'Eolia. Dont plusieurs aventuriers très expérimentés. Et surtout... un elfe noir. Elfe l'a croisé et il lui a fait forte impression. Mais ce qui la trouble, c'est que deux représentants de la race drow, très rares sur ces terres, viennent préciser s'enrôler dans la même faction. La coïncidence lui paraît peu plausible.

« J'ai vu qu'un de vos semblables s'est joint à nous... un certain Yazrain. Il m'a eu l'air d'un homme de magie accompli. Serait-il votre maître ? Avec la dissolution de la Fraternité des Initiés, son ancienne action, vous deviez vous inquiéter pour lui... J'imagine que vous êtes à l'origine de son arrivée parmi nous ? »

La magicienne commence à parler, attisant ainsi l'intérêt de son interlocutrice. Mais elle s'arrête en plein milieu de sa phrase. Elfe fronce les sourcils, mi-surprise par ce brusque arrêt, mi-contrariée. L'elfe noire semble maintenant complètement absorbée par l'observation de sa masse d'armes.

« Que vouliez-vous me montrer ? Je suis intriguée. »

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« J'ai vu qu'un de vos semblables s'est joint à nous... un certain Yazrain. Il m'a eu l'air d'un homme de magie accompli. Serait-il votre maître ? Avec la dissolution de la Fraternité des Initiés, son ancienne action, vous deviez vous inquiéter pour lui... J'imagine que vous êtes à l'origine de son arrivée parmi nous ? »

í€ ces propos, Suyvel dévisagea Elfe, lui lançant un regard qui dénotait son incompréhension. Puis l'entendement lui vint... et elle partit d'un grand éclat de rire. Qui perdura, se muant en véritable fou-rire. Elle fut bientôt secouée des pieds à la tête par d'immenses vagues d'hilarité, qui se succédaient sans temps mort. Elle prit appui sur la table tout en se tenant les côtes de l'autre bras, luttant pour reprendre son souffle entre deux hoquets. Lorsque ce fut à peu près fait, elle leva une main en direction d'Elfe, en un geste d'excuse.

« Pardonnez-moha ha ha ! Ne croyez surtout pas que je me moque de vhou hou hou... C'est l'idée que je m'inquiète pour luhi hi hi ! Excusez mon hilarithé hé hé... »

« Je vous explique... D'abord, sachez que, si Yazrain et moi appartenons à la même race, je le connais somme toute très peu. Mais surtout, c'est l'idée que je puisse être inquiète au sujet d'un mâle qui m'a tant amusée ! »

Le regard perplexe que lui décocha Elfe fit réaliser à Suyvel que ses propos devaient être à peu près aussi clairs que sa peau, la nuit, dans une mine d'obsidienne.

« Hum, pardon, c'est vrai que vous ne connaissez pas la culture drow. Sachez que la société drow repose sur le matriarcat. Un système de maisons nobles, régies par des matrones. Les mâles y ont un statut inférieur. Par leurs compétences et leur valeur, ils peuvent acquérir un statut respectable, mais toujours au service d'une protectrice. Un homme ne peut guère exister par lui-même. Si vous ajoutez à cela l'absence de moralité et de sentimentalité de mes semblables, vous comprendrez aisément l'incongruité de l'idée d'une femme s'inquiétant du sort d'un homme ! »

« Même si tout est différent ici, même si Menzoberranzan est loin... cette pensée reste plaisante. »

Suyvel attendit un signe qu'Elfe avait saisi le côté cocasse de son propos pour son interlocutrice.

Puis la guerrière relança Suyvel sur les propos qu'elle avait commencés mais pas terminés. Ils ne lui avaient néanmoins pas échappés, et elle manifestait maintenant un certain intérêt. La magicienne sourit, toujours heureuse de rencontrer une personne aussi dévorée par la curiosité qu'elle l'était elle-même.

« Oui, effectivement, je voulais vous montrer quelque chose, mais l'endroit n'y est guère propice. Je vous propose donc de quitter l'auberge un petit moment. »

Devant l'hésitation d'Elfe, elle ajouta :

« Je sais que le marais n'est pas un lieu plaisant pour une balade, même de jour, et qu'il fait nuit noire. Mais nous n'irons pas loin... juste à la sortie du village, en fait. »

Suyvel n'appréciait guère les marais. En particulier la faune locale, et surtout la partie qui semblait s'intéresser à elle comme en-cas potentiel. En revanche, l'idée de sortir de nuit ne la dérangeait en aucune façon. Ayant passé sa prime jeunesse dans le monde souterrain, et douée d'infravision comme tous les siens, les ténèbres étaient pour elle un lieu familier et presque rassurant.

Comme les elfes de la surface bénéficiaient également d'une bonne vision nocturne, Suyvel escomptait que la guerrière ne ferait pas d'objection particulière à cette petite sortie tardive.

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Elfe regarde Suyvel s'esclaffer sans comprendre pourquoi.

Elle est bizarre, cette fille... celles de sa race sont-elles toutes comme ça ?

Au visage de la guerrière, la magicienne décide de lui expliquer la cause de son fou-rire. Elle l'écoute attentivement et, en effet, elle a une fort bonne raison de rire. On lui a parlé de la race des elfes noirs il y a longtemps, notamment du fait que les femmes dominent la société drow, mais elle n'a jamais eu l'utilité de telles informations et ne s'est pas attardée sur le sujet.

Après son explication, Elfe ne trouve plus Suyvel si étrange que cela. Elle a eu une réaction logique.

Hé ben... j'ai l'impression que les hommes de sa race ne doivent pas rigoler tous les jours, dans leur monde.

Ce qui lui fait penser de nouveau à Yazrain. Elfe a supposé, étant donné sa puissance, qu'il était le supérieur de Suyvel, mais sachant ce qu'il en est de la place des hommes dans la société drow, elle se demande comment ces deux-là peuvent se comporter ici, entre eux. Un instant, elle imagine leur rencontre et ce qu'elle en suppose lui tire un sourire amusé.

Ca n'a pas dû manquer de piquant, hihihi !

Suyvel revient au sujet qui l'intéresse et qu'elle a coupé pour se plonger dans l'examen de Sûl'Til. Elle lui propose de sortir. Elfe n'en a pas trop envie, après cette longue marche dans la gadoue. Ne connaissant pas encore bien les lieux, elle préfère ne pas s'y aventurer la nuit. Mais la magicienne la tranquillise et la guerrière accepte de la suivre. Elle range sa masse dans son sac, puis se lève à la suite de l'elfe noire. Celle-ci se dirige vers les escaliers menant aux chambres et elle la rattrape, se posant à la hauteur de sa compagne de la soirée.

« Retrouvons-nous dehors dans un quart d'heure, d'accord ? »

Une fois sur le palier, elles se quittent, chacune rentrant dans sa chambre pour se changer en vue de leur sortie nocturne.

elfe_b11.jpg

Elfe retrouve sa cotte de mailles parfaitement nettoyée et la passe pour la seconde fois de la journée. Puis elle rassemble ses effets personnels et boucle son sac à dos. Le règlement de l'auberge est formel : lorsque l'on quitte l'établissement, même pour peu de temps, il faut libérer la chambre.

Elle sort de l'auberge sous les regards encore lourds de reproche pour son geste, auxquels elle ne prête pas plus attention que cela, focalisée sur ce qu'elle va bien pouvoir découvrir. D'ailleurs, Suyvel est déjà là, à l'attendre. Elle songe avec un amusement dissimulé que sa tunique de magicienne est heureusement bien moins sommaire que sa tenue d'intérieur. Elles se mettent aussitôt en route, à travers les rues désertées du village.

Curieuse, Elfe demande :

« Que voulez-vous me montrer ? »

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Elfe la relançait sur ses propos inachevés et Suyvel lui proposa alors une sortie nocturne. Bien que peu enthousiaste au début, la guerrière se laissa convaincre. Et elles furent bientôt hors de l'auberge, dans la fraîcheur de la nuit, arpentant les rues grossièrement pavées du village. La noirceur se faisait pressante, malgré les étoiles qui dispensaient encore une faible clarté. Suyvel n'en avait cure mais l'air nauséabond lui fit plisser les narines, comme souvent. Ce que les marais d'IssCanak pouvaient être déplaisants à ses sens elfiques ! Tout lui répugnait : l'odeur qui imprégnait les vêtements, le bruit visqueux de succion de la vase, la marche rendue lente et pénible, la fange qui collait aux bottes...

« Que voulez-vous me montrer ? »

La question d'Elfe la tira de ces considérations ronchonnes. Suyvel sourit en songeant qu'elles venaient à peine de quitter l'auberge. Sa compagne se révélait bien impatiente. Mais il était certain que seule la curiosité avait pu la pousser à la suivre en ces lieux.

« L'Equilibre », répondit-elle.

Une réponse parfaitement sibylline. Impropre à contenter la bouillante guerrière. Lorsque celle-ci ouvrit la bouche, Suyvel, qui attendait ce moment précis, ajouta :

« Ma vision de la nature de notre monde. »

Elle n'en dit pas plus, la laissant cogiter sur ce qu'elle avait en tête. Elfe sembla s'enfoncer dans un abîme de réflexion, laissant à Suyvel le temps de les guider hors du village et de repérer un endroit propice à son projet. La drow avisa une petite clairière ceinte d'une végétation très dense sur la plus grande partie de ses limites. Un lieu dégagé d'où l'on pouvait voir venir quiconque y entrerait, ce qui préserverait les deux femmes de toute incursion surprise. Mais presque impossible à épier de l'extérieur, ce qui arrangeait doublement Suyvel. Elle ne tenait pas à affoler quelque villageois noctambule qui viendrait à passer à proximité.

Lorsqu'elle fut à peu près au centre de la clairière, Suyvel s'arrêta et se tourna vers Elfe. L'expression impatiente que la guerrière affichait lui dit clairement que la faire mijoter plus longtemps reviendrait à la porter à ébullition. Satisfaite de cette attention accrue, elle sourit.

« Le spectacle de votre masse d'armes m'a renvoyée à ma propre arme, qui m'a permis de mener une expérimentation intéressante très récemment. Notre monde semble se résumer à une dualité et une opposition constante. Bien et Mal. Loi et Chaos. Vie et Mort. Lumière et Ténèbres. Il en va de même pour la magie : les magiciens usent de magie blanche, les nécromants de magie noire. Dans tout cela, on retrouve le concept du karma : les extrêmes s'opposent mais s'équilibrent. Les gens pensent généralement que ces dualités sont instables et destructrices, chaque composante cherchant à détruire l'autre. Ce que j'ai découvert me pousse à penser que cette vision est fausse ou, à tout le moins, largement erronée et incomplète. »

L'expression d'ennui qui se peignait progressivement sur le visage d'Elfe signala à Suyvel qu'elle aurait intérêt à écourter son laïus pour en arriver à des faits plus tangibles.

« Je me suis récemment lancée dans des recherches fondamentales sur la nature de la magie, et voici ce que j'ai découvert. Tout d'abord, voici une aura de magie blanche. Observez bien. »

En tant que magicienne, Suyvel recourait à la magie blanche. Elle éveillait généralement son aura sans effort, sans même y penser vraiment, tant cela lui était devenu naturel. Mais là, elle dut se concentrer légèrement sur ce qu'elle faisait car elle devait manifester son aura, invisible d'ordinaire, à une personne qui ne bénéficiait pas du sens de la magie. Elle devait donc rendre sa magie perceptible par les sens physiques de la guerrière. En l'occurrence, la vue.

Sous les yeux d'Elfe apparut une aura claire qui illumina les deux femmes. Un nuage évanescent, d'un blanc miroitant, fait de volutes éthérées, de vapeurs tourbillonnant lentement, sereinement. Au beau milieu de cette nébuleuse de lumière, la peau de Suyvel, d'ordinaire si sombre, en paraissait gris clair. Lorsqu'elle jugea que la démonstration eut suffisamment duré, Suyvel laissa son aura décroître et s'éteindre.

« Pour la suite, je vais avoir besoin de ceci. »

Suyvel fouilla dans une petite besace qu'elle portait en bandoulière et en sortit un coffret serti de saphirs, d'améthystes et d'opales. Le regard d'Elfe étincela autant que les gemmes, mais la magicienne se méprit sur le sens de ce regard.

« Magnifique, n'est-ce pas ? Mais la présence de ces pierres n'a pas de motivation esthétique. Elles sont là pour concentrer le flux magique à l'intérieur de l'écrin. »

Elle ouvrit alors la boîte, révélant une sphère sombre, palpitante de magie. Elle s'en saisit doucement et l'en sortit, puis rangea l'écrin.

« Vous avez bien voulu me dévoiler Sûl'Til, je ne pouvais faire moins que vous présenter mon arme. Et comme je le disais, elle va m'être utile pour la suite de mes explications. »

Sous les doigts de Suyvel qui l'entouraient délicatement, qui l'effleuraient presque sensuellement, l'orbe semblait maintenant s'embraser d'une flamme noire.

« Voici Penthis Sylvaniaí«. »

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Lorsque Suyvel répond d'un mot "“ l'équilibre "“ à sa question, Elfe ne peut s'empêcher de protester devant un propos si laconique. í€ moins que ce soit le vague parfum de mystère... Quoi qu'il en soit, elle va pour demander des explications quand l'elfe noire consent à préciser sa pensée en quelques mots supplémentaires.

La nature de notre monde ?

Elfe en reste muette. Elle n'a jamais pensé à ce genre de choses. Trop abstraites pour une guerrière, presque philosophiques. í€ vrai dire, certains membres de son clan en parlaient parfois en sa présence, mais elle ne s'y est jamais vraiment intéressée. Du coup, elle se demande si elle ne va pas au-devant de grandes révélations.

Est-ce que les magiciens voient des choses qui restent cachées à tous ceux qui ne pratiquent pas leur art ?

Pour une fois, elle envierait presque Gyu de son savoir. Elle regrette fugacement que le magicien ne soit pas à ses côtés, puis rejette ce sentiment. Le connaissant bien, elle sait qu'il se serait ligué avec l'elfe noire pour se moquer de l'ignorance de la guerrière, et elle se serait sentie encore plus seule.

Entre-temps, Suyvel les a menées jusqu'à une clairière en bordure du village. Les voici seules, et cette pensée n'a rien de rassurant pour Elfe. L'endroit n'est pas vraiment engageant et sa compagne la rend un peu nerveuse, même si elle a confiance en une sœur de faction. La magicienne se lance alors dans un discours sur la dualité du monde et le concept de karma. Elfe l'écoute poliment et tente de suivre, même si son intérêt a tôt fait de décliner. Puis Suyvel lui révèle son aura, et c'est une vision qui captive la guerrière. Cette lumière diffuse, blanche et douce, la sérénité qui s'en dégage... Elle ressent la magie à travers son corps et le bien-être s'invite en elle. Aussi est-ce un peu à regret qu'elle voit Suyvel mettre fin à la démonstration.

La magicienne sort alors un coffret paré de pierres précieuses. Elfe ne peut s'empêcher de le dévorer du regard.

Wouawww ! Ce qu'elles sont belles ! Il doit y en avoir pour une petite fortune...

En tant que mineur de profession, elle extrait elle-même des pierreries, et elle apprécie la beauté de l'ouvrage. Mais ce qui lui fait vraiment impression, c'est la vision des opales. Elle les trouve magnifiques et Elfe n'en a jamais vu sur ces terres.

« Pourriez-vous me dire d'où viennent ces opales ? »

L'envie transparaît clairement dans les yeux de la guerrière, mais Suyvel ne semble pas comprendre ce qui traverse l'esprit d'Elfe à ce moment. Cela vaut certainement mieux. La magicienne est heureusement davantage concentrée sur ce qu'elle fait et raconte. Elle ouvre la boîte et en sort un orbe de mage, puis fait disparaître le coffret dans sa besace, au grand regret de la guerrière. Selon ce qu'elle dit alors, il s'agit de son arme, et l'énoncé de son nom interpelle la jeune elfe sylvaine.

Penthis Sylvaniaí« ? J'ai bien entendu ?

Un nom surprenant, non pas pour un orbe "“ encore que ! "“ mais surtout de la part d'une elfe noire qui vient d'un monde dépourvu de végétation et dont les semblables détestent les arbres.

Car Penthis Sylvaniaí«, en langue humaine, signifie Cinq Ents.

Un nom qui la ramène loin en arrière, lorsqu'elle était encore parmi les siens. Les elfes sylvains vivent en harmonie avec les arbres de la forêt. Ils ont depuis des temps très anciens passé des pactes avec les arbres et leurs gardiens, les puissants Ents "“ ou Sylvaniens, selon la langue. Ses semblables ont le plus grand respect pour les arbres, qu'ils traitent en êtres vivants et en amis. Aucun elfe ne menacerait jamais un arbre d'une hache. Bien au contraire, ils veillent sur eux. En échange de quoi les Ents leur ont appris à tirer des arbres le bois dont ils ont besoin sans blesser ni amputer les arbres, par un procédé qui semblerait relever de la magie aux yeux d'étrangers. Les Ents ressemblent aux arbres, mais ils n'en sont pas, ne serait-ce que parce qu'ils peuvent se déplacer. Ils sont les gardiens des grandes forêts de ce monde. Autant dire que les elfes noirs n'ont aucune affinité avec eux.

Mettant fin à cette éclosion de souvenirs, Elfe exprime son étonnement à haute voix.

« Penthis Sylvaniaí« ? Pourquoi lui avoir donné un tel nom ? »

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Alors qu'elle sortait l'écrin de son orbe, Suyvel reçut une question de la guerrière à laquelle elle ne s'attendait pas.

« Pourriez-vous me dire d'où viennent ces opales ? »

Suyvel leva un sourcil.

« Pour autant que je le sache, elles ont été extraites de gisements trouvés à IssCaNak, pas très loin d'ici, d'ailleurs. í€ l'occasion, je pourrais vous y emmener... mais le plus simple serait sans doute de demander à certains de nos mineurs émérites de vous les montrer. »

Puis Elfe enchaîna avec une question bien plus pertinente, sur le nom de son orbe. Suyvel laissa filer un sourire.

« Très bonne question. Le maître tisserand qui a assemblé cet orbe pour moi m'a déclaré qu'il s'agissait très exactement du cinquantième orbe de ce genre créé sur la Terre des Eléments. (1) Il m'a semblé qu'il s'agissait là d'un fait significatif... aussi ma fantaisie m'a-t-elle poussée à lui trouver un nom qui y fasse référence. Cinq-Ents. Même s'il n'a rien à voir avec les gardiens de vos forêts, ma chère. »

Ayant satisfait la curiosité de sa compagne, Suyvel choisit de revenir à son propos initial.

« Revenons-en à la nature de la magie et de notre monde. Je vous ai montré une aura de magie blanche... Voici son antithèse. »

La drow, il y a de cela des décennies, avait commencé par étudier la magie noire à Sorcere, l'université de magie de Menzoberranzan. Et là-bas, la magie blanche n'était pas une option du cursus. Depuis, elle avait abandonné la pratique de la sorcellerie et son aura de naguère s'était éteinte. Complètement. Enfin presque.

Presque... car lorsqu'elle était entrée en possession de Cinq-Ents, l'orbe envoûté né de la puissante magie noire d'un nécromant, elle avait senti quelque chose se réveiller en elle.

Une chose sombre et familière.

Une force qui ne demandait qu'à sourdre des méandres de son esprit.

Suyvel se concentra, cherchant à entrer en résonance avec la magie de Cinq-Ents. Cela lui était plus difficile, maintenant qu'elle avait abandonné la sorcellerie... mais elle y parvenait encore. Et ce soir de nouveau, au bout de quelques instants de méditation, elle y réussit.

Son aura de sorcière se déploya. Elle n'était pas, loin s'en faut, aussi puissante que son aura de magicienne. La faute en était à son long manque de pratique dans cet art. En revanche, elle inspirait une sensation plus marquante. Toute en menace latente, voilée. Elle lui enveloppa les épaules comme un manteau de nuit et tomba le long de ses bras en une pluie de neige noire. La drow était déjà peu visible la nuit, mais là elle semblait devoir s'y fondre à tout instant, y disparaître.

Suyvel ressemblait désormais à un nuage d'orage. La violence était présente. Contenue mais ne demandant qu'à se déchaîner.

Puis elle relâcha sa concentration et son aura décrût rapidement. La menace s'évanouit. La magicienne regarda la guerrière.

« Une aura de magie noire... mais vous l'aviez compris, j'en suis bien sûre. Cinq-Ents m'a permis de restaurer cette partie de mon aura qui s'était éteinte. Et bien plus encore. Car maintenant que je suis capable de faire appel aux deux sources de magie, je me livre à des expériences de recherche. Et c'est ainsi que j'ai récemment découvert... l'Equilibre. »

Suyvel observa un instant de silence, laissant Elfe suspendue à ses paroles. Un sourire.

« Voyez par vous-même. »

La magicienne se concentra profondément cette fois. Ce qu'elle allait tenter était délicat à réaliser. Elle y était certes déjà parvenue, mais chaque nouvelle tentative n'en était guère facilitée pour autant. Ce n'était pas vraiment une question de puissance, plutôt de maîtrise. De dosage. Il lui fallait faire appel à ses deux auras en même temps, ce que beaucoup de mages considéraient comme impossible par nature.

Les sots.

Telle était la force de la certitude née de l'ignorance... ou des idées reçues enfoncées par des tiers dans la tête de ses confrères. Des idéologies qui, au mieux, leur imposait une certaine conception biaisée et étriquée du monde et qui, au pire, leur gangrenaient l'esprit. Ayant rejeté tout endoctrinement, Suyvel se sentait libre d'explorer des pistes laissées à l'abandon. Pas de tabou. Pas d'interdit. Surtout dans sa quête du savoir.

Alors qu'elle plongeait dans une méditation de plus en plus profonde, l'air autour d'elle commença à changer. Une légère lumière tremblota autour de sa personne, puis une bulle sombre parut prendre progressivement forme, comme pour contenir cette aura blanche. Plus l'enveloppe prenait de substance, plus la lueur semblait s'intensifier. Jusqu'à atteindre un niveau inquiétant. Des rais de lumière blanche et noire vinrent nimber la clairière d'une lueur irréelle et menaçante.

Et tout explosa.

La sphère sombre qui contraignait l'aura blanche finit par se contracter brutalement, expulsant la lumière. Une explosion d'une grande violence, mais sur le plan magique. Physiquement, les deux femmes n'en ressentirent aucun désagrément.

L'aura de Suyvel venait de changer radicalement.

Désormais irradiaient de sa personne des filaments éthérés blancs et noirs qui ondoyaient doucement autour d'elle, comme cheveux légers dans une brise d'été. En une danse lente et hypnotique, ces filaments se mouvaient, et pourtant jamais les blancs et les noirs n'entraient en contact ni ne cherchaient à se détruire mutuellement. Incompatibles et pourtant indissociables. Isolés mais unis au sein d'une même aura, paisible, harmonieuse.

Suyvel finit par rouvrir les yeux.

« Voici le visage de l'Equilibre. »

Elle chercha Elfe du regard.

« Bien sûr, cette aura n'est d'aucun secours dans la pratique de la magie. Les sorts que je connais "“ qu'ils proviennent de la magie blanche ou de la sorcellerie "“ ne peuvent fonctionner s'ils sont alimentés par une telle aura, car ils n'ont pas été conçus pour. Il faudrait que je recrée les sorts en question pour les adapter à cette forme de magie, ce qui représente un travail énorme. »

Finalement, l'elfe noire laissa la fleur blanche et noire née de son aura s'étioler et mourir.

« Alors, qu'en dites-vous ? »

________________

(1) Fait véridique.

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Ainsi donc, aux dires de l'elfe noire, il y a des gisements d'opales au marais ? Elfe se félicite d'être venue. Décidément, elle a beaucoup à découvrir ici ! Elle note dans un coin de sa tête d'en parler à Kronan. Il saura probablement la renseigner de façon détaillée.

Puis Suyvel lui explique le choix du nom de son orbe, Cinq-Ents. Pas de raison profonde. Pas de considération mystique. Un simple jeu de mots. Surprise, Elfe en reste sans réaction.

Apparemment, même les elfes noires peuvent parfois avoir le sens de l'humour... noir, bien entendu, hihihi !

Cette réflexion a le mérite de détendre la guerrière. La drow lui paraît maintenant moins... inquiétante, plus proche d'elle qu'elle ne s'y attendait. C'est alors que Suyvel se pare d'une nouvelle aura, très différente de la première, très sombre et malveillante. Elfe se rend compte alors que le fossé qui les sépare sera encore long à combler. Et elle comprend pourquoi les sorcières drows inspirent une telle crainte à ses semblables. Personne ne peut rester insensible à la menace que projettent les ténèbres de leur aura. Elfe en a un frisson. Son esprit n'a pas peur, mais son corps semble réagir de lui-même.

Heureusement, la démonstration est assez brève. Lorsque l'aura couleur aile de corbeau disparaît, Elfe respire plus librement. La magicienne lui explique alors brièvement ce qu'elle vient de voir.

« Une aura de magie noire... mais vous l'aviez compris, j'en suis bien sûre. »

La guerrière hoche la tête nerveusement.

Pour ne pas comprendre une telle évidence, faut vraiment le vouloir !

Suyvel lui reparle alors de l'Equilibre.

Cette fois, on y est.

Elfe trépigne presque sur place, impatiente de découvrir ce que l'elfe noire a à lui révéler. Mais au lieu de le lui expliquer, elle propose de le lui montrer. Sauf qu'au début, Elfe a l'impression que rien ne se passe. Puis elle commence à discerner une nouvelle aura diffuse, bipolaire et instable. Des forces qui croissent en intensité. Une lutte entre magie blanche et magie noire. Jusqu'à atteindre un seuil franchement alarmant.

í€ ce stade, Elfe se sent ballottée entre la lumière et les ténèbres qui parviennent maintenant jusqu'à elle en un ballet plus ou moins menaçant. Elle a envie de faire quelques pas en arrière puis songe que Suyvel ne lui a rien dit. Peut-elle bouger sans risque ? Elle le lui demanderait volontiers maintenant... mais elle n'ose pas, de peur de déconcentrer la magicienne. Qui sait ce qu'il adviendra en tel cas ? Se mordant les lèvres, elle se force à rester sur place, sans broncher. Au fond d'elle, sa curiosité, fascinée par le spectacle, exulte et crie victoire.

L'explosion de cette aura lui fait regretter de ne pas avoir bougé. Brièvement, car elle se rend très vite compte qu'elle n'est en rien affectée par la vague de magie qui déferle sur la clairière.

Et Suyvel ?!

Brusquement très inquiète, elle cherche des yeux la magicienne, espérant qu'elle n'a pas déclenché un cataclysme qui lui serait fatal. Mais lorsqu'elle la voit, elle est immédiatement rassurée. L'elfe noire va visiblement très bien. C'est alors qu'Elfe découvre un spectacle inédit. Ses yeux s'écarquillent d'eux-mêmes.

Mais c'est quoi, ça... ?

L'aura de Suyvel ne ressemble désormais à rien de ce qu'elle a déjà pu voir au cours de son siècle d'existence. Des effluves blanches et noires de magie ondulent autour d'elle en un mouvement lent et paisible. Elfe est très réceptive à la sérénité qui se dégage de cette vision. Des souvenirs heureux refont surface dans son esprit. Une sieste dans un arbre cinq fois centenaire... des jeux dans l'herbe haute avec d'autres enfants elfes... son cœur qui s'emballe à la vue d'un jeune homme inconnu... La guerrière sursaute.

Qu'est-ce qui m'arrive ?

Les regards des deux femmes se croisent. Suyvel reprend la parole.

« Voici le visage de l'Equilibre. »

Alors... c'est ça ?

Elfe en reste songeuse. Lorsqu'elle pense à ce qu'elle a éprouvé devant cette scène, elle oscille entre ravissement et angoisse. Ravissement dû aux images qui ont surgi de son passé. Angoisse née de l'impression d'avoir perdu le contrôle de ses pensées.

Est-ce qu'elle m'aurait lancé un sortilège ?

L'elfe noire répond involontairement à cette interrogation en lui expliquant que ces sorts ne sont pas adaptés à une telle forme de magie. Elfe en est tranquillisée.

« Ah, tant mieux... c'est joli mais ça ne sert à rien, quoi. »

Des mots légers, nés d'un soulagement sincère. Car si la simple présence de cette aura a un tel pouvoir, sur elle ou sur d'autres personnes, des sortilèges basés sur cette forme de magie pourraient produire des effets imprévisibles. Qu'est-ce que l'elfe noire ne pourrait pas accomplir, armée de la sorte ? Elfe préfère ne pas l'envisager...

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Un peu fatiguée par l'effort de concentration, mais fière d'avoir réussi cette démonstration de maîtrise de la magie, Suyvel attendit avec satisfaction et confiance les impressions d'Elfe, dans le détail. Et la guerrière lui livra une seule phrase... un commentaire lapidaire.

« Ah, tant mieux... c'est joli mais ça ne sert à rien, quoi. »

Les yeux couleur améthyste s'arrondirent de surprise.

Joli ?

Ce qu'Elfe venait de voir pouvait remettre en cause la conception que beaucoup avaient de la nature du monde qui les entourait, et tout ce qu'elle trouvait à dire, c'était qu'elle trouvait cela joli ?!

Mais ce fut la fin de sa phrase qui la vexa le plus.

Ca ne sert à rien.

Les sourcils de la drow se froncèrent. Elle avait la désagréable impression qu'on venait de lui lancer un gant mouillé au visage. L'appréciation d'Elfe lui semblait pleine de dédain.

Elle ne vit pas le soulagement qui sous-tendait ces propos : concentrée durant toute l'expérience, Suyvel n'avait absolument pas perçu l'effet produit par son aura équilibrée sur la guerrière. Elle s'en tenait aux mots, et ceux-ci paraissaient presque cinglants de mépris.

Une voix railleuse s'éleva dans l'esprit de Suyvel.

« Alors, tu te laisses marcher dessus par une de nos pires ennemies, maintenant ? Tu n'as plus aucune fierté, ma pauvre. »

L'elfe noire sentit la moutarde lui monter au nez.

Non mais de quel droit se permet-elle ?!

La voix sembla se nourrir de cette colère et grandit dans son esprit.

« Tu aurais dû le pressentir... Tu te souviens de ce que cette petite péronnelle t'a dit à la taverne ? »

Ce fut alors que certains mots prononcés par la guerrière lui revinrent en mémoire, sous un jour nouveau.

« De plus, cet apprenti magicien prétendait que la voie qu'il suivait était supérieure à celle des armes, qui est la mienne. Je n'allais pas le laisser dire une chose pareille ! Depuis, je le suis partout et je suis fermement résolue à lui montrer à quel point il se trompe. »

Suyvel n'avait pas relevé le propos lorsqu'elles se trouvaient à l'auberge... mais avec l'éclairage de la dernière réflexion d'Elfe, il prenait une tout autre perspective aux yeux de la magicienne.

Croit-elle la voie du guerrier supérieure à celle du mage ?

Suyvel était naturellement persuadée de l'inverse. Néanmoins, elle savait que tout était relatif et variable, en fonction des circonstances et des individus. Par exemple, face à certains guerriers confirmés du Souffle, elle ne se permettrait pas de pavoiser et de revendiquer une quelconque supériorité de son art.

Et voilà que cette combattante, qui était encore novice, se permettait de porter un tel jugement.

La voix retentit de nouveau dans sa tête, toujours moqueuse.

« Tu en es surprise ? Vraiment ? Enfin, à quoi t'attendais-tu de la part de l'un de nos ennemis héréditaires ? Tes maîtres t'ont pourtant décrit la façon dont ses ancêtres nous ont chassé du monde de la surface. En notre présence, ils étaient tout sourire et bonté, mais dès que nos aïeux leur tournaient le dos, ils complotaient contre eux. On ne peut pas leur faire confiance ! Ils sont faux, retors et fourbes. Mais bien sûr tu ne veux jamais y croire... et tu te laisses embobiner. Tu es vraiment trop crédule ! »

Suyvel serra les poings. La colère grondait en elle.

Instinctivement, elle usa de sa perception magique pour sonder l'environnement et en explorer les éventuelles potentialités... et de fait, son investigation lui permit de trouver quelque chose. Une découverte inattendue, qu'elle saurait exploiter à son avantage.

La voix intérieure de la drow fit silence, mais Suyvel sentait son sourire malveillant s'agrandir à la pensée du dessein qui maintenant mûrissait dans son esprit.

Ce fut sur un ton doucereux que la drow s'adressa à Elfe.

« Je songe à ce que vous m'avez dit à la taverne... Vous croyez donc que votre talent de guerrière peut vous permettre de surclasser les pouvoirs de Gyu ? »

Ses yeux s'étrécirent.

« De surclasser la magie ? »

Son regard se fit glacial, son ton coupant.

« De surclasser ma magie ? »

Les mots lui vinrent à la bouche sans même qu'elle y pense vraiment, comme un réflexe. Ceux d'un sortilège offensif. Suyvel créa une sphère lumineuse qu'elle projeta droit sur Elfe. Un sort mineur, certes. Pas de quoi tuer la guerrière. Mais si elle ne se défendait pas efficacement, elle pouvait fort bien être blessée par cette attaque.

Dans l'esprit de Suyvel, la voix retentissait, plus forte que jamais.

« Vas-y, balaie cette saleté d'elfe sylvaine ! Fais-lui payer son mépris ! Qu'elle rampe à nos pieds ! Vengeance ! »

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Dans son soulagement, Elfe n'a pas remarqué le changement d'expression de l'elfe noire. Aussi est-ce avec le même détachement qu'elle répond à sa première interrogation.

« Vous croyez donc que votre talent de guerrière peut vous permettre de surclasser les pouvoirs de Gyu ?

- Oui, et je m'emploie à le lui prouver tous les jours, juste histoire de le remettre à sa place "“ la seconde place, bien sûr. Cela lui évite de prendre la grosse tête. Et puis cette petite rivalité nous incite à aller de l'avant, afin de surpasser l'autre... »

La voix de Suyvel, maintenant plus dure, finit par éveiller vaguement son attention.

« De surclasser la magie ? »

Elfe continue néanmoins sur sa lancée, tout en se demandant où la magicienne veut en venir.

« Oui, car c'est la voie du guerrier "“ vaincre les armes à la main toutes sortes d'adversaires. La magie et ses adeptes en font évidemment partie... »

Et c'est à ce moment qu'elle commet une maladresse inconsciente, en précisant maladroitement sa pensée.

« Il faut dire que les mages ne sont pas les adversaires les plus coriaces ! Leur manque de condition physique et de protection contre les armes de guerre en fait des cibles faciles. Certes, leurs sorts leur permettent de frapper de loin généralement, mais dès qu'ils sont au contact, ils perdent l'avantage... »

Suyvel l'interrompt sèchement.

« De surclasser ma magie ? »

Elfe en reste muette.

Alors c'est à ça qu'elle pensait ?

En repensant à leur échange dans son ensemble, elle réalise soudainement le malentendu qui s'est installé entre elles deux. Son visage s'éclaire d'une lueur de compréhension alors que sa main droite se lève en signe d'apaisement.

« Que votre... ? Vous n'y êtes pas du tout ! Je ne parlais pas de... mais que faites-vous ? »

Si Elfe ne va pas au bout de son explication, c'est qu'elle voit Suyvel lever une main menaçante et incanter quelque formule occulte qui n'augure rien de bon. Une sphère lumineuse apparaît promptement entre ses doigts qui semblent tracer des symboles cabalistiques dans l'air de la nuit.

« Hééé ! Vous ne pensez tout de même pas à... ? Mais arrêtez ça ! »

La voix d'Elfe est proche de la panique maintenant. Un doute horrible sur les intentions de Suyvel s'insinue dans son esprit. Et si la drow l'attaquait ?

Mais qu'est-ce que je vais faire ?!

Epineuse question. Il s'agit d'une sœur de faction, après tout. Si elle la combat, elle peut la blesser "“ la tuer, peut-être. Elfe doute que le Souffle d'Eolia la félicite pour avoir pris la vie d'une camarade. Certes, elle pourra faire valoir qu'elle ne faisait que se défendre, mais cela risque fort de lui retomber dessus malgré tout.

D'un autre côté, ne pas résister pourrait être bien plus dangereux, si l'elfe noire est décide à commettre l'irréparable.

Reste éventuellement la fuite. Mais dès que l'idée lui vient à l'esprit, sa fierté de guerrière la rejette avec fougue. D'ailleurs, rien ne dit que Suyvel la laisserait se défiler...

Cette réflexion ne lui a pris qu'un instant, mais cela a été suffisant pour que la magicienne achève son sortilège. Le projectile lumineux bondit vers la guerrière. Absorbée par ses pensées, elle ne réagit avec toute sa promptitude habituelle. Au dernier moment, néanmoins, elle se courbe et esquive ainsi l'attaque... du moins en partie. Car la sphère lumineuse vient malgré tout frapper son épaule au passage. Elfe se raidit pour encaisser au mieux.

Elfe n'est pas spécialement inquiète. í€ force d'entraînements avec Gyu, elle reconnaît sans problème ce type de sort : une attaque lumineuse basique. Elle sait qu'elle peut la subir sans grand dommage. Et elle a confiance dans la protection que lui octroie sa cotte de mailles. Les elfes sont d'habiles artisans et cette armure est une de leurs œuvres. Une petite merveille de robustesse et de légèreté.

Mais lorsque le coup la heurte, c'est avec une violence inattendue. Elfe réprime à grand peine un cri de surprise et de douleur. En dépit de sa protection, son épaule a subi des dégâts et la lance furieusement.

Mais ce n'est pas vrai ?! Et dire que j'ai à moitié esquivé le sort... Qu'est-ce que ça aurait été si je l'avais pris en entier !

Elfe réalise soudain son erreur. Simple question d'habitude. Elle est tellement familière des combats avec Gyu qu'elle a imaginé qu'avec n'importe quel mage, ce serait plus ou moins la même chose. Mais Suyvel n'est pas Gyu.

Elle n'y va pas avec le dos de la cuillère, cette peau de vache !

La drow est plus puissante que le jeune mage. Et elle frappe pour tuer.

Cette dernière pensée éclipse le dilemme d'Elfe. Une brusque vague de colère la submerge et balaie ses derniers scrupules. Elle se saisit de Sûl'Til et fonce droit sur Suyvel, son arme tenue à hauteur de hanche. Une fois sur elle, elle compte lui balancer sa masse sous le menton. Il sera probablement difficile à la drow de continuer à incanter ses fichus sorts avec une bonne fracture de la mâchoire.

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Suyvel vit que son attaque avait porté, du moins en partie, et qu'Elfe ne semblait pas s'en être sortie indemne. Elle jugea donc que l'entrée en matière était satisfaisante : elle allait lui rabattre son caquet, à cette petite prétentieuse !

En attendant, elle avait à faire face à un problème plus immédiat : Elfe lui fonçait dessus, sa masse d'armes à la main. Et au vu de son expression, elle ne doutait pas que la guerrière allait s'en servir sans retenue ! De plus, son approche était rapide. Malgré tout, ce n'était pas suffisant pour surprendre Suyvel. D'abord parce qu'elle aussi, en vertu de son sang, bénéficiait de la même vivacité, et ensuite parce qu'elle avait prévu cette réaction.

La voix railleuse s'éleva derrière son esprit.

« Que s'imagine-t-elle, cette maudite elfe sylvaine ? Que nous n'avons jamais fait face à des guerriers ? Montre-lui donc comment les sorcières de notre peuple traitent ses semblables ! »

Presqu'inconsciemment, Suyvel sourit.

Oui. Oui, je vais lui montrer.

L'elfe noire étendit son bras droit devant elle et pointa l'index vers Elfe. Plus précisément, vers ses pieds. Et elle prononça rapidement quelques mots. Aussitôt, un jet de gaz jaillit de la tourbe dans laquelle pataugeaient les deux femmes, juste devant la guerrière ! Un véritable geyser qui vint séparer les belligérantes et dont la violence projetait de la boue alentour. Elfe en reçut un peu au visage, ce qui l'aveugla brièvement et la força à suspendre sa charge. Dans un grand éclat de rire, Suyvel enchaîna sur un second projectile lumineux, qu'elle lança à travers le rideau de gaz, droit sur la guerrière.

C'était là la trouvaille que la magicienne avait faite en sondant l'environnement avant le début des hostilités. Sous leurs pieds, sous la boue du marais, se trouvait une vaste poche de gaz divers, qui s'accumulaient là depuis longtemps, au rythme de la décomposition des végétaux. La magie aéride étant basée sur la maîtrise de l'air, Suyvel connaissait les sorts qui lui permettaient de faire surgir cette masse de gaz prisonnière de la terre. Certes, sur un plan offensif, elle ne pouvait pas en espérer grand-chose. Mais sur un plan défensif, cela pouvait lui apporter un avantage décisif.

En revanche, elle-même n'était pas immunisée contre la gêne visuelle produite. La colonne de gaz dissimulait sa cible à sa vue, et elle avait donc lancé sa seconde attaque au jugé. De fait, le projectile passa à la droite d'Elfe, qui s'était légèrement déportée sans que la drow s'en soit rendu compte. Ainsi la magicienne perdit-elle immédiatement l'avantage de l'offensive, repris grâce à la surprise de cette méthode de défense.

Suyvel s'éloigna prestement du geyser, en essayant de le garder entre Elfe et elle. Elle comptait en profiter pour remettre de la distance entre elles deux. Mais Elfe avait recouvré la vue et contourné l'obstacle, si bien qu'elle pût repérer sa cible et se lancer à sa poursuite. L'elfe noire avait voulu prendre du champ pour pouvoir se poster et frapper à distance, mais elle réalisa qu'elle n'avait pas assez d'avance pour cela. La faute en était au marais, qui ralentissait considérablement ses mouvements. Mais il jouait aussi bien contre la guerrière.

Suyvel mit brusquement fin à sa course et pivota pour faire face à son adversaire. Elfe crut tenir là une opportunité d'en finir et chargea de plus belle. Lorsqu'elle fut à trois mètres d'elle, l'elfe noire fit appel au même sort de jaillissement, créant un nouveau geyser devant la guerrière, mais légèrement sur sa gauche. Elfe s'écarta sur sa droite pour contourner l'obstacle qui cette fois ne l'avait pas surprise, tout juste ralentie, et leva son arme tout en poussant un cri de guerre.

Au même moment, Suyvel pointa l'autre main vers les pieds d'Elfe et un troisième geyser s'éleva juste où elle se trouvait, mettant immédiatement fin à l'attaque. Suyvel avait calculé son premier coup de manière à amener la guerrière là où elle le souhaitait. En ricanant, elle se mit à distance sans qu'Elfe puisse l'en empêcher cette fois. Lorsqu'elle fut en mesure d'attaquer, elle ne s'en priva pas, mais Elfe avait recouvré la vue et para le projectile avec sa masse.

S'engagea alors un combat incertain. Elfe tentait d'approcher sa cible, Suyvel faisait surgir un nouveau geyser pour l'arrêter puis s'éloignait et attaquait de loin. Elfe parvenait à esquiver ou bloquer ses projectiles magiques, puis chargeait de nouveau. Et ainsi de suite. Tant et si bien que la clairière fut bientôt emplie de geysers.

Suyvel sourit avec malice. C'était à ça qu'elle avait souhaité arriver. Elle modifia alors sa stratégie. Au lieu de faire surgir de nouvelles colonnes de gaz, elle se contenta de passer de l'une à l'autre pour se soustraire à la vue de son adversaire. Et dès qu'elle l'apercevait entre deux geysers, elle lui lançait un de ses projectiles magiques. Puis elle s'esquivait de nouveau. Une véritable partie de cache-cache s'engagea alors entre les deux femmes.

Suyvel avait déployé une véritable stratégie de harcèlement, classique chez les drows dans ce type d'affrontement. La voix moqueuse, dans sa tête, ne dissimulait pas son plaisir.

« Ha ha ha ! í€ ce rythme-là, elle ne tiendra pas bien longtemps ! Elle va s'épuiser à charger de la sorte. Et comme elle n'arrive à rien, elle va bientôt douter. Dès qu'elle donnera des signes de faiblesse, dès que sa volonté de vaincre se fissurera... tu la briseras ! Je veux la voir ramper à nos pieds. Peut-être même nous suppliera-t-elle d'épargner son insignifiante existence ? Quelle douce vengeance ce serait ! Si jamais elle en arrive à ce point, laisse-lui croire un instant que nous acceptons... puis porte-lui le coup de grâce ! »

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Alors qu'Elfe se rue sur la magicienne, elle a l'impression brutale que le sol explose sous ses pas.

Un puissant jet de gaz monte devant elle, projetant des saletés alentour, et jusque dans ses yeux. í€ moitié aveuglée, elle est bien obligée de mettre fin à son assaut. Elle n'est pas assez inconsciente ni désespérée pour tenter de se battre dans de telles conditions. Elfe passe une main sur son visage pour enlever le gros des projections qui la gênent tandis que de l'autre, elle serre Sûl'Til, brandie devant elle en une posture de défense. Elle ignore ce que l'elfe noire a en tête mais elle est conscients de sa position de faiblesse. Une nouvelle attaque paraît probable... en tout cas, c'est probablement ce qu'elle ferait à la place de Suyvel.

Elle choisit de ne pas rester immobile et se décale sur sa gauche. D'abord parce que la colonne de gaz lui cache la magicienne et qu'elle préfèrerait la garder bien en vue, et ensuite parce qu'une cible mobile est plus difficile à toucher. Bien lui en prend : un second projectile lumineux déchire le nuage de gaz et passe à sa droite, la ratant d'un mètre. Manifestement, Suyvel n'entend pas lui laisser de répit.

Cette pensée attise sa colère.

Elle va voir !

Juste à ce moment, Elfe repère de nouveau la drow qui tente de s'éloigner.

Ah non, pas de ça ! Attends un peu !

La guerrière s'élance de nouveau. Elle ne va pas aussi vite qu'elle le pourrait normalement, à cause du bourbier dans lequel elle avance. Mais l'elfe noire a exactement le même problème et elle ne prend aucune avance. Mieux, Elfe rattrape progressivement son retard. Cela accroît son désir d'en découdre et elle lance une provocation au dos de la drow.

« Cesse de fuir et affronte-moi ! »

Ce qu'elle fait presque aussitôt. Elfe ne pensait pas que cette pique fonctionnerait aussi bien, mais elle est ravie de l'aubaine et accélère encore pour arriver sur son adversaire le plus vite possible.

Ne pas lui laisser le temps d'incanter !

En d'autres lieux, hors du marais, elle y serait sans doute parvenue. Mais dans les conditions actuelles, elle ne peut empêcher Suyvel de prononcer quelques mots, et voici qu'une nouvelle colonne de gaz s'élève devant elle... mais un peu sur sa gauche.

Là, tu t'es ratée, miss magie !

D'un simple pas à droite, elle évite l'obstacle sans avoir à trop ralentir et fonce sur Suyvel, la masse levée. Et le monde disparaît dans un nuage de gaz fétide. La drow a lancé le même sort deux fois de suite. Et la deuxième fois, c'était juste où la guerrière se tenait. Elle a manifestement très bien calculé son coup.

C'était un piège ! Quelle garce !

Aveuglée, suffocante, elle est bien obligée de s'arrêter pour la seconde fois. Sa gorge la brûle, ses yeux sont inondés de larmes. Des larmes salvatrices qui chassent les projections boueuses et lui rendent la vue juste à temps pour voir venir un projectile lumineux. Levant Sûl'Til à deux mains, elle le pare sans coup férir.

Une course-poursuite s'engage. Elfe tente d'approcher la magicienne mais celle-ci crée geyser sur geyser pour l'en empêcher. La guerrière enrage de ne pas pouvoir lui mettre la main dessus mais ne se décourage pas. Au bout d'un moment, c'est la clairière tout entière qui ressemble à un champ de geysers. Et la drow en profite pour se jouer d'elle, se cacher à sa vue, changer de direction, lui lancer un de ses sorts, puis courir et disparaître de nouveau.

La guerrière sent qu'elle commence à fatiguer. Tous ces sprints en pure perte l'épuisent. Elle s'est imaginée que la magicienne ne tiendrait pas longtemps, mais elle se trompait. Même chose pour les sorts : Suyvel enchaîne projectile sur projectile mais ne semble pas devoir tomber à court de mana. Elfe a beau esquiver ou parer la plupart de ses attaques, quelques unes ont porté. Et en dépit de sa cotte de mailles, elle a subi des blessures, certes légères, mais qui ajoutent à sa fatigue. En tant que combattante, sa frustration atteint des sommets. Elfe finit par hurler :

« Lâche ! Montre-toi ! »

Vaine imprécation. Elle sait bien que l'elfe noire n'en fera rien. Elfe sent qu'elle a drôlement intérêt à revoir sa stratégie.

Un instant ! Et si on jouait à cache-cache à deux ?

Profitant de ce que l'elfe noire fuit une fois encore, la guerrière, au lieu de la suivre, part sur sa gauche et file se dissimuler derrière un des geysers. Puis elle se met à progresser d'abri en abri, tous les sens aux aguets, essayant de localiser son adversaire. Sa tension atteint son paroxysme. Elle devine que celle des deux qui arrivera à surprendre l'autre prendra un net avantage. Décisif, peut-être.

Et la chance finit par tourner.

Alors qu'elle pointe le nez hors de sa cachette, Elfe voit Suyvel s'avancer précautionneusement entre deux colonnes de gaz, tournant la tête de part et d'autre, cherchant la guerrière. Elle se trouve alors à moins de cinq mètres. Elfe attend d'abord que l'elfe noire regarde d'un autre côté, puis fait quelques pas rapides et bondit sur sa cible.

« Je te tiens, maudite sorcière ! »

Elle abat Sûl'Til, brandie à deux mains au-dessus d'elle , en une attaque écrasante. Elle vise la tête et frappe de toutes ses forces, sans plus penser aux conséquences. Elle veut en finir. Ne pas laisser passer une si belle opportunité qui se ne présentera peut-être plus. Gagner ici, maintenant.

Et le coup porte.

Victoire !

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Suyvel était confiante. Elfe ne parvenait toujours pas à l'approcher. Et elle faisait pleuvoir les attaques sur la guerrière. Des attaques certes faibles, mais qui ne risquaient pas d'épuiser ses réserves de mana. Elle pouvait continuer ainsi toute la nuit s'il le fallait. Elle savait que sa stratégie serait payante.

Et puis elle perdit sa cible.

Suyvel s'était éloignée en courant de la guerrière, comme après chacune de ses attaques, et lorsqu'elle se retourna, voilà qu'elle n'était plus là. Surprise, la magicienne hésita, fouillant la clairière du regard. En vain. Pas de trace d'Elfe. Pressentant que cela était anormal, Suyvel choisit de bouger, et fila se dissimuler derrière un autre geyser. Discrètement, elle jeta un coup d'œil alentour. Toujours rien.

Elle n'a pas fui le combat, tout de même ?

La drow réalisa qu'elle avait négligé cette possibilité. Elle en vint rapidement à penser que c'était peu probable. La clairière était assez vaste, Suyvel aurait eu le temps de voir Elfe s'éloigner, en dépit des geysers.

Alors elle se cache ?

L'elfe noire songea soudainement que la guerrière avait pu éprouver le besoin de souffler. Si ses forces commençaient à lui faire défaut, la situation devenait intéressante. Tactiquement, c'était une opportunité à exploiter, ou du moins devait-elle faire en sorte de ne pas lui laisser la possibilité de récupérer.

Bien sûr, pour cela, il fallait qu'elle lui remette la main dessus, et rapidement. Suyvel réfléchit un instant à la meilleure façon de procéder, puis lança un sortilège d'un type entièrement différent de ceux dont elle avait déjà usé jusqu'alors.

Puis elle avança prudemment, silencieusement, les sens en éveil, vérifiant et fouillant chaque angle de vue qui lui était occulté par les colonnes de gaz. Comme elle ne voyait pas sa proie, elle continua à progresser. Alors qu'elle passait entre deux geysers rapprochés, elle jeta un regard sur sa gauche... et entendit des bruits de pas rapides sur sa droite ! Elle pivota vivement pour faire face et vit la guerrière toute proche d'elle qui la chargeait.

Embuscade !

La drow réalisa soudain qu'elle n'avait pas cru la guerrière capable de recourir à ce type de procédé. Et elle s'était mise dans une position délicate. Elle voulut incanter mais il était déjà trop tard. Son geste se transforma en tentative d'autoprotection lorsque la masse d'armes s'abattit sur elle.

Et la traversa de part en part.

La silhouette de Suyvel se brouilla, s'altéra, puis elle fut bientôt dissoute dans les ténèbres, laissant une guerrière médusée et sans adversaire. De fait, la drow ne s'était jamais tenue devant elle. Il s'était agi d'un leurre. Une tactique drow éprouvée s'il en était. Combinée à l'obscurité et à la gêne visuelle des geysers, la supercherie était presque indétectable.

Quinze mètres plus loin, la drow souriait. Elle n'avait pas perdu une miette de la scène qui venait de se jouer. La représentation d'elle-même qu'elle avait créée par magie avait parfaitement accompli son travail. Bon, en déplaçant cette illusion en avant d'elle -même, Suyvel avait pensé pousser Elfe à bouger, la forcer à changer de cachette et donc à se dévoiler. Au lieu de cela, elle l'avait envoyée dans un piège inattendu. Peu importait. Le résultat était là : Elfe était à nouveau dans son champ de vision et, comble de bonheur, elle lui tournait le dos.

í€ cette vue, les mots lui montèrent aux lèvres sans même qu'elle y pense réellement. Ceux d'une incantation offensive très différente des projectiles lumineux qu'elle avait utilisés durant ce combat. Le murmure de sa voix s'éleva dans l'air calme de la nuit. Douces sonorités appelant une grande violence.

Derrière son esprit, sa voix intérieure exultait.

« Cette fois, tu la tiens ! C'est le moment ! Déchaîne toute ta puissance ! »

C'était précisément ce que Suyvel était en train de faire. Lorsque l'incantation prit fin, une boule de feu naquit au creux de sa paume.

« Frappe-la ! Terrasse-la ! Tue-la ! »

Suyvel leva la main. La sphère flamboyait, éclairant la scène d'une lueur dantesque. Elfe ne pouvait manquer de la voir mais il était trop tard. Bien trop tard.

« Et sacrifie-la à Lloth ! La Reine Araignée appréciera que tu détruises une de celles qu'elle abhorre tant. C'est une magnifique occasion de rentrer à nouveau dans ses bonnes grâces. »

Suyvel suspendit son geste.

Rentrer dans ses bonnes grâces ?

De cela, il n'avait jamais été question. La drow avait abandonné le culte de la Reine Araignée en même temps que ses semblables et sa cité. Et maintenant, c'était à Eolia qu'elle adressait ses prières. Elle ne l'avait jamais regretté. Et de toute manière elle n'avait pas l'intention de revenir en arrière.

Emergeant de ses pensées, Suyvel croisa le regard d'Elfe qui s'était retournée. Lentement, elle abaissa la main. Les flammes s'y tordaient furieusement, comme frustrées que la magicienne leur refuse la proie promise. Les deux adversaires se toisèrent sans un mot. Finalement, ce fut la magicienne qui rompit ce silence tendu.

« Si j'avais lancé cette boule de feu, tu serais morte. »

Dans son esprit, elle entendit sa voix intérieure hurler de rage. Mais elle semblait s'éloigner, s'affaiblir. Suyvel put l'ignorer aisément.

« Tu as perdu. »

Un implacable verdict. Adressé aussi bien à Elfe qu'à celle qui avait guidé ses actes.

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Lorsque Sûl'Til s'abat sur son adversaire, Elfe est certaine de sa victoire. Et pourtant... son arme ne rencontre aucune résistance et passe au-travers de sa cible. La guerrière fait quelques rapides pas de plus, déséquilibrée, pour éviter de tomber. Stupéfaite, les yeux écarquillés, elle regarde l'elfe noire dont l'image semble s'évanouir progressivement. Et elle comprend.

Une illusion !

Elle est complètement déroutée. Certes, elle comprend parfaitement la nature de la chose, car Gyu lui a fait la démonstration de quelques tours de ce genre. Mais elle ne s'en est jamais inquiétée. Et elle a une excellente raison pour cela. Comme tous ses semblables, Elfe est dotée de sens perçants et d'une bonne vision de nuit, basée sur le rayonnement thermique. Grâce à cela, elle a toujours pu faire la différence entre la réalité et les mirages créés par je jeune magicien. Et aujourd'hui, elle n'a pas déjoué le leurre destiné à distraire ses sens. Celui-là est plus abouti. L'œuvre d'une elfe noire, dont les mirages doivent abuser des yeux elfes.

Mais alors, c'était un piège ?!

Dans son dos, une lueur soudaine, rougeoyante et menaçante, vient éclairer la scène, comme pour confirmer ses pires craintes. Elfe fait volte-face de toute la vitesse dont elle est capable, certaine de s'être fourrée dans un guêpier inextricable. Elle s'attend à être frappée de plein fouet par une attaque qu'elle ne pourra pas parer ou éviter.

Mais rien de tel ne se produit.

Au lieu de cela, Elfe découvre Suyvel, postée quinze mètres plus loin, qui brandit une boule de feu rugissante... et reste figée sans rien faire. Décontenancée par cette attitude, Elfe reste sur place au lieu de se mettre à l'abri. Elle se contente de lever son arme devant elle, en une position de défense classique. Leurs regards se croisent, se mêlent. Un instant passe lentement, en équilibre instable sur le fil de l'épée du destin. Et elle voit Suyvel abaisser la main, sans attaquer. Pour autant, la boule de feu reste bien présente, toujours aussi menaçante.

Finalement, la drow lui adresse la parole.

« Si j'avais lancé cette boule de feu, tu serais morte. »

Ces mots incitent Elfe à reconsidérer la situation. Elle se croyait engagée dans une lutte potentiellement mortelle, et voilà que Suyvel laisse entendre qu'elle n'avait pas d'intentions fratricides à son égard. Cette agression n'avait-elle été qu'une sorte de jeu ? Pour autant, elle a senti ses coups. Cela la pousse à la méfiance.

« A quoi tout cela rime-t-il ? »

L'elfe noire semble ignorer la question et conclut d'une phrase lapidaire.

« Tu as perdu. »

Une phrase qui pique au vif la fierté de la guerrière.

« Tu crois cela ? Vraiment ? »

Cette fois, le sang déjà bouillant de la guerrière finit de s'échauffer. Elle ne veut pas admettre sa défaite. Elle n'a même pas réussi à toucher son adversaire, ne serait-ce qu'une fois. A ce stade, une reddition serait une honte.

« Ce n'est pas ton petit tour de foire qui va avoir raison de moi, je te le garantis. »

Elfe tente de maîtriser ses nerfs. Elle serre les dents. Ses doigts se crispent sur son arme. Mais rien n'y fait. Brusquement, elle éclate :

« Lance-la donc, ton étincelle ridicule ! »

La guerrière abaisse sa garde. Un geste fou dans des circonstances pareilles. Elle laisse toute latitude à l'elfe noire de la frapper comme elle l'entend. En fait, lentement, elle amène Sûl'Til sur sa droite, à hauteur de hanche... en une posture offensive cette fois.

« Sinon c'est moi qui vais en finir avec toi ! »

Brusquement, elle charge.

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« Tu crois cela ? Vraiment ? »

Suyvel fronça les sourcils. Cette teigne de guerrière n'avait pas l'air décidée à capituler.

Ne pouvait-elle pas admettre l'évidence ? Fallait-elle donc que la magicienne la tue pour qu'elle reconnaisse sa défaite ?

« Ce n'est pas ton petit tour de foire qui va avoir raison de moi, je te le garantis. »

Les lèvres de Suyvel se pincèrent.

Un tour de foire ? Ma boule de feu ? Quelle petite sotte !

La guerrière n'avait pas l'air de réaliser l'étendue des dégâts que pouvait occasionner un sortilège pareil. Et ses mots pour le moins désobligeants aiguillonnaient l'amour-propre de la magicienne.

« Lance-la donc, ton étincelle ridicule ! »

Là, c'était sûr : Elfe cherchait les mots qui blessaient. Suyvel commençait à envisager sérieusement de lui offrir la démonstration de la puissance de son "˜étincelle'. La leçon serait certainement édifiante, mais il lui en cuirait... c'était le cas de le dire ! En fait, il était peu probable qu'elle soit encore en vie pour en tirer quelque profit. L'ultime leçon, en somme : savoir tirer sa révérence en beauté, et partir tout feu tout flamme. Suyvel se départit d'un sourire mauvais.

« Sinon c'est moi qui vais en finir avec toi ! »

Et aussitôt, Elfe se précipita sur elle. Suyvel n'en revenait pas ! La guerrière avait quinze mètres à parcourir avant de l'atteindre. Qu'espérait-elle ? Que croyait-elle ? La prendre de court ? Que la drow resterait sans réaction ? Son sort était actif, elle n'avait plus qu'à lancer sa boule de feu, ce qu'elle pouvait faire en une demi-seconde. Et Elfe n'était même plus en position pour se défendre. C'était de l'inconscience. Pire : de la folie furieuse.

En générant ce sort, Suyvel ne pensait pas devoir l'utiliser pour de bon.

Mais le contrôle de la situation était en train de lui échapper. Et remontée comme elle l'était, Elfe serait maintenant sourde à tout appel à la raison. Que pouvait-elle faire ? Elle se retrouvait prisonnière de la situation. Une situation "“ ô ironie "“ qu'elle avait déclenchée elle-même. Il n'était plus temps de faire appel à un autre sort. Quant à la fuite, elle ne la mènerait nulle part. De toute manière, sa fierté se rebellait à cette idée.

Une sœur de faction, altruiste et bienveillante, aurait pu penser à une autre alternative : opposer la non-violence à la charge de la guerrière, pour la ramener à de meilleurs sentiments et la dissuader. Quitte à la laisser la frapper. Quitte à en mourir s'il fallait en arriver là. Suyvel n'était pas de cette trempe. Elle n'était pas altruiste. Elle n'était pas bienveillante. Un environnement comme Menzoberranzan, d'où elle venait, ne donnait pas naissance à de tels individus. La drow était une survivante avant tout. Sans cela, elle ne serait plus là aujourd'hui. S'il fallait tuer pour survivre, elle en était capable. Et elle le faisait sans sourciller.

De fait, se sentant instinctivement en danger, Suyvel agit par réflexe. Son bras se tendit sans qu'elle y pense réellement et son poignet se plia pour donner l'impulsion nécessaire à l'envol du projectile flamboyant.

Telle une bête fauve, la boule de feu bondit à la rencontre de sa proie, dans un bruit qui évoquait un rugissement de joie.

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Elfe court aussi vite qu'elle le peut, mais sans se faire d'illusions. Elle n'a aucune chance de rejoindre l'elfe noire avant que celle-ci n'ait pu réagir. La distance est trop grande, la vase trop profonde, trop omniprésente. Et le boule de feu crépite, prête à intercepter toute tentative. La guerrière ne la lâche pas des yeux. Elle pressent ce qui va se passer et elle sait qu'il va lui falloir de sacrés réflexes si elle veut survivre. Sa tension nerveuse culmine alors qu'elle attend l'inévitable.

Sans surprise, Suyvel se décide à lui lancer son projectile ardent. Elfe sent une violente décharge d'adrénaline parcourir son corps et lui mettre les nerfs à vif. Maintenant, tout va être une question de minutage. Et la vélocité de la boule de feu l'inquiète. Pour réussir ce qu'elle a en tête, elle doit agir exactement au bon moment. Elle sent que la marge de manœuvre dont elle va disposer sera ridiculement étroite. Le chas d'une aiguille, à peu près. Elle se ramasse sur elle-même et se tend comme la corde d'un arc.

« Sûl'Til, je m'en remets à toi ! »

Dans ses mains, elle sent la masse qui vibre, qui bourdonne.

Et la guerrière frappe.

Elfe est encore à presque huit mètres de la magicienne, deux de la boule de feu, lorsqu'elle balance sa masse vers le haut et la gauche. Une attaque puissante, portée avec fougue et technique. Le genre de frappe qui laisse augurer la fin du combat. Mais elle est portée dans le vide. La pointe d'acier qui termine l'arme ne rencontre que l'air.

Toutefois, l'arc de cercle ainsi dessiné semble s'imprimer dans l'espace, et même devenir légèrement luminescent. Et de cette ligne de lumière naît une puissance redoutable. Une bourrasque de vent fuse vers l'avant et vient frapper la boule de feu qui menace la guerrière. Celle-ci, fortement déviée, n'explose pas, mais son vol devient erratique et elle finit par s'abîmer dans un des nombreux trous d'eau boueuse qui parsèment la clairière.

L'onde de choc poursuit son chemin à une vitesse sidérante et, en bout de course, frappe l'elfe noire avant de disparaître. La magicienne est trop loin pour que cette attaque soit véritablement dangereuse pour elle. Néanmoins, elle est soulevée par la puissance du choc et jetée à terre.

Tel est le pouvoir de Sûl'Til.

L'esprit de l'air, Sûl, a conféré à cette masse la capacité d'en appeler à sa puissance, sous la forme d'un souffle d'air qui frappe durement tout ce qui se trouve devant lui, sur une courte distance. Cette attaque est très efficace à moins de trois mètres, bien moins au-delà de cinq. De plus, pour déclencher cette attaque, le porteur de Sûl'Til doit préalablement charger l'arme avec son énergie, son désir de combattre. Et c'est seulement atteint un certain seuil qu'Elfe peut avoir recours à cette technique. Là où elle a eu de la chance, durant ce combat, c'est que Suyvel a attendu un long moment avant de lui lancer cette boule de feu. Elfe a eu le temps de parvenir au summum de sa combativité.

Juste à point nommé.

Comme Suyvel ne se relève pas immédiatement, Elfe en profite pour parcourir les derniers mètres et venir se planter juste devant elle, sa masse tendue vers son visage.

« Je t'avais prévenue que ça ne fonctionnerait pas... »

Evidemment, elle ne prend pas la peine de décrire à la magicienne les limitations du pouvoir auquel elle a dû avoir recours pour se sortir d'affaire. Elle ne mentionne pas davantage le fait que Sûl'Til est maintenant déchargée et que, pour générer une autre onde de choc, il lui faudra du temps. Lorsque l'on se trouve en état de faiblesse temporaire, on n'en fait pas étalage. Un principe de base de tout combattant.

La guerrière toise l'elfe noire mais ne poursuit pas l'offensive. Elle l'a mise à terre, elle s'estime satisfaite. Dans d'autres circonstances, elle aurait peut-être profité de l'occasion pour en finir. Mais elle a vu Suyvel retenir sa boule de feu lorsque la magicienne avait l'avantage. Elfe devine que leur combat, aussi sérieux qu'il lui ait paru au début, n'était rien de plus qu'une mise à l'épreuve. En conditions réelles, ou presque. D'ailleurs, les blessures reçues l'incitent à la vengeance, mais elle choisit de les ignorer.

« On en reste là ? »

Passant Sûl'Til dans sa main gauche, elle tend sa main libre, en une invitation à aider Suyvel à se relever.

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Que s'est-il passé ? Mais que s'est-il passé ?

Allongée au sol, estourbie, Suyvel luttait pour retrouver ses esprits. L'instant d'avant, elle était sur le point de mettre fin à ce combat, de façon brutale, d'ailleurs. La boule de feu allait engloutir la guerrière, et alors Elfe avait fait un grand geste dans le vide, comme une ultime bravade, la sphère de flammes avait contre toute attente violemment changé de cap, et puis... plus rien.

Par tous les démons, que s'est-il passé ?

Suyvel avait la sensation d'avoir pris un battant de porte en pleine tête et d'être partie à la renverse. Le problème était qu'elle n'avait rien vu venir. Et maintenant, tout ce qu'elle voyait, c'était une multitude de points lumineux qui dansaient devant ses yeux. Lorsqu'elle parvint enfin à les en chasser, ce fut pour découvrir Elfe qui se dressait devant elle, son arme dirigée vers le visage de la drow. Suyvel examina la situation avec circonspection.

Ce n'était pas ce qui était censé arriver...

Doux euphémisme. La situation était maintenant hors de contrôle et ses perspectives d'avenir, franchement compromises. Pour tout dire, son futur semblait désormais se résumer à cette masse d'armes qui emplissait son champ de vision. Ce fut alors qu'elle eut l'intuition de ce qui s'était produit.

« Ton arme... C'est elle qui t'a sauvée ? »

Elle se rappelait avoir vu la masse d'armes dessiner une faible lueur devant Elfe au moment de sa dernière attaque. L'indice était certes mince, mais pour une magicienne, il était révélateur du déploiement d'une puissance magique. Suyvel répondit elle-même à sa propre question.

« Non... c'est la magie qui t'a sauvée. »

La drow apprécia l'ironie de la situation. Elle avait voulu démontrer la supériorité du mage sur le guerrier et Elfe s'en était sortie en recourant à la magie. Double ironie : la guerrière qui en appelait à la magie et la magicienne qui était battue avec ses propres armes.

Elfe mit fin à ces réflexions d'une courte phrase.

« On en reste là ? »

Suyvel fixa la main que la guerrière lui tendait. í€ vrai dire, la question ne se posait guère. Elle n'était pas en position de soutenir un nouvel assaut, surtout de cette force. Et Elfe avait volontairement écarté son arme de son visage, ce qui la détendit un peu. Aussi ne tarda-t-elle pas à se saisir de la main tendue, de façon vaguement hésitante, avec un sourire un peu penaud.

Une fois sur ses pieds, elle constata avec contrariété l'étendue des dégâts sur sa tenue. Sur son côté gauche, ses vêtements étaient couverts de boue. L'inconvénient de tomber au sol dans les marais. Elle leva les yeux sur Elfe et s'aperçut que la guerrière, de ce point de vue, n'avait pas grand-chose à lui envier. Les geysers provoqués par la magicienne l'avaient mouchetée de saletés diverses des pieds à la tête. Et comme Elfe avait eu la mauvaise idée de se passer les mains sur le visage, elle y avait involontairement dessiné des sillons boueux, pareils à des peintures de guerre. Sauf qu'il y avait mieux à faire en la matière. Etrange tableau d'un artiste improbable.

Les regards des deux femmes se croisèrent. Elfe souriait, manifestement à cause du spectacle qu'offrait la magicienne. En dépit de son agacement, Suyvel pouffa. Ce fut communicatif. Cinq secondes plus tard, elles riaient franchement toutes les deux.

Un moment de camaraderie naissante et bruyante qui fut interrompu par un grand silence.

Les geysers répandaient leur souffle de gaz délétères sur toute la clairière sans discontinuer, depuis que la magicienne les avait créés, ce qui générait un fort bruit de fond... et voilà que tous s'éteignaient en un instant. Elfe interrogea Suyvel du coin de l'œil. Celle-ci lui rendit un regard rempli d'incompréhension. Elle n'avait rien fait pour tarir les colonnes de gaz.

Les geysers expulsèrent un violent nuage avant de se taire de nouveau. Puis ils reprirent leur activité, mais de façon irrégulière.

Les geysers hoquetaient, toussaient.

Suyvel eut soudainement l'intuition d'un danger. Elle saisit le bras d'Elfe pour l'entraîner vers l'issue de la clairière.

« Venez ! Il ne faut pas rester ici ! »

Un pressentiment avéré mais un peu tardif. Sous leurs pieds, le sol de la clairière s'affaissa d'un bon mètre, sans prévenir, créant une vaste dépression qui se mit à drainer l'eau des environs. Puis un gouffre circulaire s'ouvrit au centre de la cuvette. Un véritable vortex se forma autour, avalant l'eau et la boue... et aspirant les deux femmes qui essayaient de se dépêtrer de ce bourbier mouvant. Elles tentèrent bien de s'accrocher à ce qui leur tombait sous la main, mais même la végétation était déracinée, arrachée par la force d'aspiration centrale. Suyvel chercha à se saisir de son fouet pour accrocher quelque point d'ancrage plus lointain mais n'y parvint même pas. Bon gré, mal gré, elles durent suivre le mouvement général. Ce qui les amena fatalement jusqu'au tourbillon, qui les dévora, hurlantes de détresse, et les engloutit dans les entrailles puantes de la terre.

Elles churent dans des ténèbres indéterminées.

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Au bout d'un temps inconnu, Elfe reprend conscience.

Il fait noir ici.

Elle réalise qu'elle a les yeux fermés. Elle veut les ouvrir mais ses paupières renâclent, rechignent à obéir. Enfin, elles obtempèrent. Mais cela n'amène aucun changement notable quant à ce qu'elle voit.

Pas franchement mieux...

Puis elle comprend que son environnement est réellement obscur. Ses paupières n'étaient pas vraiment responsables de cette noirceur. Progressivement, son infravision prend le relais et le décor se dévoile progressivement, en fonctions des différences de chaleur. Elfe tourne lentement la tête de part et d'autre.

Elle se trouve dans une grotte.

La guerrière se souvient de ce qu'il s'est passé. Le tourbillon. Le gouffre. La chute. Au vu des évènements, se réveiller dans une grotte paraît normal. Et elle est en vie, ce qui est l'essentiel. Elle a repris conscience, il lui reste juste à se lever. Elle commence par se redresser, un mouvement fort simple qui provoque une avalanche de douleurs dans son dos. Elfe grimace et laisse échapper une brève plainte, puis choisit de rester assise pour le moment. Elle a subi de nombreuses contusions, probablement durant sa chute, mais rien de sérieux. Il faut dire qu'elle a atterri sur un lit de boue qui recouvre le sol naturel, en pierre dure, de la grotte. La boue qui l'a entraînée dans cette vertigineuse glissade. Celle qui l'a perdue l'a également sauvée. Bienveillante traîtresse.

Elle finit par se lever pour de bon, et se déplie précautionneusement. Une opération qui ne se passe pas trop mal. En revanche, son armure est dans un état pitoyable, couverte de la terre puante des marais. Et on dirait qu'elle-même s'est fait un shampooing aux algues, accompagné d'un masque de glaise. Elle se trouvait déjà crasseuse après le combat, mais là c'est le summum. Elle peste entre ses dents.

Debout sur ses jambes, Elfe regarde alors plus aisément autour d'elle. La source de chaleur la plus évidente est celle d'un corps allongé dans la gadoue, qui ne peut être que celui de Suyvel. Immédiatement, elle se dirige vers elle, mais s'arrête sur place lorsque son pied heurte un objet léger et dur. Elle se baisse et extrait une petite boîte de la boue. Elle l'essuie rapidement d'une main et les pierres précieuses étincellent fugitivement. Elfe ouvre de grands yeux.

L'écrin de Cinq-Ents !

Une trouvaille inattendue, mais qui la ravit. Et à cet instant, une idée vient effleurer son esprit.

Et si... je le gardais ?

Aussitôt, son sens de l'honneur essaie de la repousser.

Je ne peux tout de même pas faire cela à une camarade de faction !

Une camarade de faction qui, s'en souvient-elle, l'a attaquée.

Après tout, ce serait un juste dédommagement...

La magicienne a dû le perdre dans la chute. Et c'est certainement la conclusion à laquelle elle arrivera.

Il ne sera pas perdu pour tout le monde.

Et elle le fait disparaître dans son sac à dos. Finalement, cette petite sortie aura été plus profitable que prévue. Enfin, si elles arrivent à sortir d'ici, bien entendu. Et pour cela, il faut déjà qu'elle réanime la magicienne. Elle se penche enfin sur elle... et c'est à ce moment qu'elle remarque l'angle bizarre que fait son avant-bras gauche. Elfe grimace.

Aïe ! Il a l'air salement amoché ! Cassé...

Elle agrippe l'elfe noire par les épaules et la dégage de la boue avec délicatesse. Elle l'entend vaguement gémir.

Elle revient à elle... tant mieux !

C'est évidemment bon signe. í€ ce moment, Elfe remarque l'arme accrochée à la ceinture de la magicienne. Un fouet. Elle ne sait pas pourquoi mais cette vision la préoccupe. Elle n'aime pas se servir de ce type d'arme, et encore moins en subir les assauts. D'un geste impulsif, elle s'en empare discrètement et l'enroule autour de sa ceinture. Elle serait bien incapable d'expliquer son acte, mais elle se sent mieux ainsi. Et puis elle n'a pas le temps de réfléchir, avec l'elfe noire qui peut se réveiller d'un instant à l'autre. De fait, Suyvel ne tarde pas à ouvrir les yeux. Bien entendu, elle constate rapidement l'état préoccupant de son bras. Elfe l'interroge :

« Vous êtes en mesure de vous soigner vous-même ?

- Oui... enfin... je connais les sortilèges de soins utiles pour guérir les os cassés, mais pour qu'ils soient opérants, il faudrait déjà réduire la fracture...

- Pour ça, je peux aider. »

Suyvel finit par acquiescer, consciente qu'il lui sera difficile d'opérer seule. Elfe se baisse et enserre le coude de l'elfe noire entre ses genoux. Songeant à une chose, elle fouille dans ses poches et finit par trouver un carré de tissu à peu près propre. Elle le plie plusieurs fois et le tend à la magicienne.

« Mordez là-dedans. »

Suyvel hésite puis prend l'étoffe entre ses dents. Elfe continue :

« Je m'occupe de tout. Pensez seulement à vous détendre le plus possible. Je vais compter jusqu'à trois, et je vous remettrai le bras en place. »

Elfe saisit le poignet de l'elfe noire entre ses mains. Elle entend Suyvel inspirer avec appréhension.

« Un... »

Et aussitôt, d'un geste ferme, elle redresse le membre dans un craquement sinistre.

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