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Terre des Éléments

Chasse au vert


Sheelah
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Sans bruit, je quitte la taverne du lac, avec un dernier regard en direction de l'archer. Un léger sourire que je n'arrive pas à cacher est monté à mon visage depuis quelques jours. Douce parenthèse à mon visage, qui m'aurait semblé impossible il y a encore quelques semaines. Je ne sais comment elle a fait, peut-être est-ce un simple concours de circonstance, que je me suis simplement réveillée au bon moment. Elle ne peut pas être à l'origine de leur arrivée, ce serait lui donner un pouvoir qu'elle n'a pas. Mais je ressens quand même le besoin d'aller la voir, de la remercier, puisse-t-elle m'entendre ou non.

 

Une légère appréhension flotte tout de même en moi, n'hésitant pas à m'envahir au moindre faux pas, à la moindre légère baisse d'attention de ma part. On ne sort pas si facilement d'un deuil. Il y a des choses ancrées en moi, des peurs, des angoisses qu'un rien peut faire réapparaître. Des choses qui existaient bien avant sa mort à elle.

 

La plus forte, celle qui m'a faite me recroqueviller, là-bas, tant de mois, je la connais bien. Je ne me leurre même plus à son propos, sans pour autant le crier à la face des gens.

 

L'abandon.

 

Cette peur, terrible, qui s'insinue parfois en moi sans que j'y prenne garde. Qui me glace le sang, me fait parfois suffoquer.

 

Et pourtant, alors même que je me serais accrochée aux jupes de Kaimi si je m'étais écoutée, je l'avais laissé. Juste comme ça, comme si c'était simple. Comme si ça allait de soi. La laisser partir, ne plus lutter. Pleurer en silence ma douleur. Ne pas lui cacher ces larmes. Mais ne pas les transformer en chantage. Il ne pouvait pas y avoir de chantage entre nous. Elle ne me demandait pas de prier Fimine, sa Déesse, je ne lui demandais pas de l'abandonner pour moi.

 

Sa mort ne devait pas, ne pouvait être différente. Je ne pouvais lui abandonner ma vie, et elle me donner sa mort. Quand bien même était-ce là ce qui nous aurait permis de rester ensemble.

 

-Je t'entends dans tes silences.

 

Mais tu es morte à présent, tu n'es plus là pour entendre.

Et pourtant, mes pas me dirigent tout de même vers ta tombe. Parce que, même si je ne suis plus seule, même si tu as accompli ma dernière volonté, ma dernière demande, même si tu m'as montré la voix, montré d'autres personnes vers qui tendre, j'ai tout de même besoin, parfois, de me retourner vers toi. Et par-là même de retourner en moi-même.

 

Peut-être te dirais-je juste merci, peut-être t'en dirais-je un peu plus, peut-être même rien. Retrouver tout simplement le calme de la fontaine, au cœur des bois.

Ce secret enfoui en deux cœurs différents.

 

Je crierai. Je hurlerai. Je me débarrasserai de cette souffrance qui m'engourdit, puis je reviendrai, comme si de rien était, avec ce sourire à mon visage. Jusqu'au prochain cri qu'il me faudra pousser. La vie est un cycle, ma douleur à l'identique.

 

-Tout nous vient de notre enfance.

 

Je me demande si le guerrier a su à quel point cette petite phrase a résonné en moi.

 

En silence, je me coule dans la forêt. Mes membres se délient. Retrouvent avec plaisir les sensations que seuls les arbres peuvent leur donner. Le sable qui coule partout là-bas, de l'endroit que je viens de quitter, n'a plus raison d'être ici. Je me fais l'effet d'être une autre, plus libre. Un frémissement d'impatience me gagne, ma gorge vibre. Un cri en sort. De rage d'abord, de douleur. Un cri pour expulser tout ce que j'absorbe et que je vais devoir apprendre à délivrer ailleurs qu'en forêt. Puis un cri de joie, un rire. Mes bras s'ouvrent en grand, ma tête se penche en arrière. Je respire la forêt, je respire ce lieu que je connais depuis ma naissance, ce lieu avec lequel j'ai appris à vivre.

 

Ce lieu dont il faudrait que je me détache un peu plus, afin de mieux savoir vivre là où les arbres ne sont pas rois.

Mais l'heure n'est pas à l'apprentissage.

 

Je cours vers la fontaine, les yeux brillants. Je sais qu'elle ne sera pas là-bas, mais je suis tout de même contente d'y retourner. Joie et course sont stoppées nettes par les images qui apparaissent entre les branches du saule pleureur. J'ai l'impression de recevoir un coup au ventre, ma respiration se bloque, je me plie en deux. Devant moi, pillant la tombe de Kaimi, plusieurs orcs. Mon souffle n'est retrouvé que pour crier. Un cri de rage, bien plus fort que celui poussé un peu plus tôt dans la forêt. Je n'arrive pas à réfléchir correctement, à me dire qu'il y en a trop pour une personne seule, de ma force. Toutes pensées cohérentes disparaissent. Je me précipite vers eux, incantant un sort avec toute la rage qui me possède.

Modifié (le) par Sheelah
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« Kaimi ! Tu es... en vie ?! »

 

Le ton était sidéré. Les mots, prononcés dans un souffle.

 

Incrédule, Suyvel regardait celle qui avait été sa protégée et dont la mort lui avait été rapportée. C'était il y avait plus de dix jours.

 

A ce moment-là, l'elfe noire était en mission loin de Melrath Zorac. Néanmoins certains esprits de l'air, avec lesquels elle entretenait des contacts amicaux, lui avaient apporté la rumeur d'une terrible nouvelle.

 

« La jeune magicienne de Terra, Kaimi... elle a quitté le monde des vivants. »

 

Suyvel en était restée sans réaction, comme étourdie par une gifle trop violente. Puis le déni s'était installé en elle : elle avait refusé d'y croire. Mais les vents étaient catégoriques.

 

« Son âme a quitté son corps et elle erre désormais sur les hauteurs de ce monde, parmi les morts et les esprits en peine... »

 

Avec l'acceptation était venue la colère. Mais Suyvel était loin, il n'y avait, à l'Académie où elle se trouvait, personne qu'elle aurait pu tenir pour responsable du décès de la jeune Terrane. Ses désirs de vengeance s'éteignirent donc sans consumer autre chose qu'eux-mêmes. Car sa tâche ne pouvait être remise. Il en était ainsi. Elle dut composer avec cette réalité. Et ce n'était que trois jours après qu'elle avait finalement entamé le long chemin de retour vers Melrath Zorac.

 

Arrivée à destination, elle fut incapable de trouver une information pertinente sur ce qui s'était passé. Les circonstances de la disparition de Kaimi semblaient inconnues de tous. Beaucoup ne savaient même pas qu'elle était morte. Quant à lui dire où se trouvait le corps... pas un n'en avait le plus petit début d'idée. Suyvel dut faire un gros effort pour ne pas passer sa rage et sa frustration sur l'un de ces ignares.

 

Fort heureusement, les vents vinrent combler ce gouffre d'ignorance.

« L'âme de Kaimi a trouvé le repos. Ses restes mortels ont reçu une sépulture décente et ainsi la jeune humaine a-t-elle pu rejoindre le séjour de la Mère de la Terre, Fimine, Sa Divine Protectrice.

- Une sépulture... ? Mais où cela ?

- En Irliscia. »

 

Et donc Suyvel avait repris sa marche. Direction le sud et ses grandes forêts, où elle espérait bien retrouver cette tombe. Des sentiments tumultueux se faisaient entendre en elle. Elle se reprochait de ne pas avoir été là pour Kaimi au moment où elle en aurait eu besoin, et dans le même temps, sa raison lui soufflait qu'elle ne pouvait être en permanence derrière sa protégée. Si son destin était de disparaître, l'elfe noire n'aurait fait que retarder l'échéance, mais cela ne l'aurait pas rendue moins inéluctable. On ne pouvait pas se cacher du destin... il vous retrouvait toujours.

 

Alors elle marchait, en quête de la sépulture de sa protégée, pour au moins honorer convenablement sa mémoire. Ce fut alors qu'un cri véhément retentit au loin sous les frondaisons épaisses de la forêt. Fronçant les sourcils, Suyvel hâta le pas vers la source du trouble, tout en se faisant la plus discrète possible. Elle désirait d'abord voir ce qui se passait avant de décider de la suite.

 

Et au détour d'un bosquet, elle la vit.

 

La jeune magicienne se battait au milieu d'une bande d'une demi-douzaine d'orques. Suyvel avait entamé l'incantation d'un sort offensif en découvrant les peaux-vertes mais ses mots s'étranglèrent au fond de sa gorge lorsque ses yeux se posèrent sur la magicienne.

 

C'était une jeune femme, et elle arborait les couleurs de Terra. Incrédule, Suyvel regardait sa protégée qui s'était relevée des morts pour faire face aux orques. Les mots finirent par franchir ses lèvres :

« Kaimi ! Tu es... en vie ?! »

 

Un instant, Suyvel crut que les vents s'étaient moqués d'elle, qu'ils lui avaient joué un tour cruel. Mais elle chassa cette idée bien vite. Elle les connaissait, jamais ils ne lui auraient infligé pareil tourment. Kaimi avait-elle réussi à faire croire à tous la nouvelle de sa propre mort ? Ou bien avait-elle reçu la grâce de la résurrection ?

 

Suyvel aurait eu des centaines de questions à poser à la jeune femme mais, à cet instant précis, elle n'en avait rien à faire. Préparant un sort de châtiment sacré, elle se rua en avant pour se porter au secours de sa protégée. Alors qu'elle n'était plus qu'à une quinzaine de mètres des belligérants, elle ressentit enfin l'aura de la magicienne. Elle était assez limitée, plus faible que dans son souvenir, ce qui l'inquiéta... Puis elle réalisa qu'elle était légèrement différente en nature, tellurique certes, mais moins sombre. Et comme elle commençait à voir la jeune femme plus en détail, elle eut un doute.

 

Non... ce n'est pas Kaimi !

 

Elle s'était leurrée.

 

Sans doute inconsciemment ses yeux avait-ils voulu reconnaître la jeune magicienne, et son esprit croire à son retour. En fait, elle ignorait qui était celle qui se battait au milieu des orques. Mais elle décida que ce qui était important, c'était la présence des orques. Profitant qu'ils étaient concentrés sur la jeune magicienne, Suyvel frappa de son sort la nuque du maraudeur orque le plus proche. Ce dernier n'ayant pas senti venir l'attaque, il mourut sans comprendre. L'elfe noire, profitant de son élan, bondit sur un autre qui se tournait dans sa direction avant qu'il puisse se mettre en défense. Le katar de l'elfe noire luit d'un éclat froid alors qu'il s'enfonçait dans le cœur de la créature vociférante.

 

Suyvel bondit en arrière pour se protéger d'une éventuelle contre-attaque d'un des comparses de l'orque et prépara un nouveau sortilège. Les maraudeurs étaient encore quatre contre deux...

Modifié (le) par Suyvel
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Agir avec discrétion aurait peut-être été une meilleure idée, une façon de faire plus logique pour une personne seule. Si je n'avais pas agis si vivement, ni laissé mes sentiments prendre totalement possession de moi comme ça, peut-être aurais-je agi différemment. Mais ça n'était pas le cas... Bien au contraire. Je courais et de ma bouche s'échappait un flot d'incantation. J'agissais sans même réfléchir.
La colère occupait totalement mon esprit. Je n'arrivais même pas à me rendre compte qu'il n'y avait aucune logique dans mes actes, aucune réflexion. J'agissais, et c'était tout. 
Ils avaient pillé la tombe de Kaimi ? Et bien, ils devaient payer. Rien d'autre ne comptait. Même pas ma propre sécurité.
 
En temps normal, jamais je n'aurais attaqué une troupe d'orcs, même si la plupart n'avaient que des armes rudimentaires entre les mains. J'avais vu, dans ma course, ce qui pouvait passer pour le chef de leur groupe. Un peu plus grand que les autres, il avait quant à lui une sorte d'épée. Il ne me vint cependant pas à l'esprit de l'attaquer lui en premier, alors même qu'il semblait être le plus dangereux.
 
Passé la surprise de voir une petite chose comme moi leur courir après, les orcs se mirent en position. Mon sort atteignit l'un d'entre eux à la gorge. Il tomba en arrière, les mains sur sa blessure d'où sortait des gerbes de sang. Ses borborygmes furent très rapidement couvert par les cris de ceux qui étaient encore debout.
 
Je tentais de rester en arrière, à quelques pas d'eux, mais ils étaient bien trop nombreux. Ils me coupèrent même la retraite en direction des arbres, consciemment ou non, ce qui m'empêcha de grimper, comme j'avais l'habitude de le faire.
 
L'ineptie de mon action commença à germer en moi lorsqu'un premier coup s'abattit sur ma cuisse droite. Je continuais cependant à distribution sort sur sort, sans voir sur quel orc ils tombaient. Fatigue et douleur étaient bien plus fortes que ma colère, qui retombait petit à petit, me laissant chancelante, affaiblie. Et surtout, tout à fait consciente à présent des risques inconsidérés que j'avais pris, et de ma stupidité.
 
Me soigner ou continuer d'attaquer ?
Essayer de fuir ?
Me laisser emporter par le nombre ?
 
Soudain, je vis l'orc à l'épée brandir quelque chose de brillant dans sa main. Ma gorge se serra lorsque je compris ce qu'il avait prélevé dans la tombe de Kaimi. Cela permis à ma colère de reprendre le dessus et, bien que blessée, je me mis en devoir d'atteindre l'orc.
Une voix parvint à mes oreilles, humaine cette fois-ci, mais mon esprit était trop concentré sur l'ennemi pour que j'y fasse réellement attention.
Je le vis regarder derrière moi, comme si je n'existais déjà plus pour lui. L'expression qui passa sur son visage fut trop rapide, je n'étais pas certaine d'avoir bien lu... Ce pourrait-il... Ce pourrait-il qu'il ait eu peur de quelque chose ? Il se mit alors à parler sans qu'aucune de ses paroles ne me soit compréhensible, et les orcs restant prirent la fuite.
 
Je n'y comprenais rien et voulu les poursuivre mais, en voyant l'état dans lequel ils avaient mis la tombe de Kaimi, mes jambes me lâchèrent. J'étais vidée, blessée "“ je sentais du sang couler le long de mon bras droit. L'Unique seul savait où se situaient mes autres blessures, j'étais pour le moment bien trop exténuée et sous le contre coup de mon action pour ressentir la douleur. 
 

 

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Les maraudeurs étaient encore quatre contre deux mais, manifestement, ils devaient juger que c'était déjà trop peu, car ils rompirent le combat pour prendre la poudre d'escampette. Suyvel s'était attendue à plus de résistance de la part d'orques, toujours avides de combats, mais ceux-là n'avaient pas l'air de combattants émérites. Juste quelques maraudeurs peu expérimentés et mal équipés. Du coup, elle ne réagit pas immédiatement, laissant quelques secondes d'avance aux fuyards.

 

L'elfe noire n'en eut pas moins envie de les poursuivre. L'assaut, très bref, avait un goût de trop peu pour elle. Et puis, avec les orques, on n'était jamais sûr qu'ils fuyaient pour de bon ou qu'ils n'allaient pas revenir avec des renforts. Malgré tout, elle prit un instant de plus pour aviser et s'assurer de son environnement.

 

Un bref coup d'œil autour d'elle lui apprit deux choses : la première, que les orques avaient perdu trois des leurs, et non deux ; la Terrane devait en avoir abattu un avant son arrivée. Avec des effectifs presque réduits de moitié, il était plus compréhensible que les orques choisissent la retraite. La seconde, que la jeune femme était bien mal en point, à tel point que ses jambes refusèrent de la porter plus longtemps. Elle semblait à bout de forces mais, à en juger par les blessures multiples dont elle souffrait, cela pouvait s'avérer plus grave.

 

Suyvel choisit donc d'ignorer sa soif de sang orque et se porta au niveau de la magicienne. Ses mains vinrent saisir ses épaules avant qu'elle ne s'effondre complètement, la maintenant assise sur ses talons. Anticipant une réaction de méfiance, l'elfe noire murmura quelques mots apaisants :

« Si vous êtes une ennemie des orques, alors vous n'avez rien à craindre de moi. Vous vous êtes bien défendue, mais vous voilà en piteux état... Or il se trouve que je possède des talents de guérisseuse. Laissez-moi faire, je vais vous remettre sur pied. »

 

Et sans attendre véritablement de réponse, l'Aéride inspecta les blessures de la Terrane et commença à réciter la formule du Soin de Bien-ître, un sortilège suffisamment étendu pour traiter toutes les lésions en une fois. Suyvel sentit l'afflux de mana venir à elle, son corps qui réagissait à cette puissance tranquille, et s'employa à la changer en énergie régénératrice. Le flux de mana passa dans la personne de la Terrane, refermant les plaies et galvanisant son métabolisme. Suyvel discerna avec satisfaction l'efficacité du traitement sur la jeune femme.

 

Lorsque ce fut fini, l'elfe noir rompit le lien et subit le contrecoup du traitement. Ce sortilège se révélait assez gourmand et la fatigue lui tomba dessus comme un sac de sable sur les épaules. Elle n'en était pas inquiète pour autant : elle savait que ce phénomène était normal et très passager. Néanmoins, elle choisit de s'asseoir quelques instants, en respirant amplement l'air frais et chargé des riches arômes de la forêt...

 

Sa compagne restait silencieuse, aussi au bout d'un petit moment posa-t-elle la main sur son bras en lui demandant :

« Comment vous sentez-vous ? »

 

Puis, après un instant de réflexion :

« Je ne crois pas que nous nous connaissions ? Je m'appelle Suyvel. »

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  • 2 weeks later...

Mes yeux hagards fixaient ce qu'il restait de la tombe de Kaimi. Son corps n'était plus là, mais ce n'était pas une surprise pour moi. Je savais, pour avoir déjà vu ce phénomène à l'œuvre, que certains corps disparaissaient purement et simplement. Je n'avais jamais réellement compris le phénomène. Était-ce vraiment, comme certains avaient tenté de m'expliquer, les Dieux élémentaires qui rappelaient à eux leurs disciples ? J'avais cependant des doutes. Pour Fimine, je pouvais appréhender la chose.  Les corps disparaissaient dans la terre, changeaient de forme. Ils étaient toujours là, mais d'une autre façon m'avait expliqué Kaimi. Si elle avait eu raison, alors un jour pousserait ici une nouvelle plante, un nouvel arbre, qui serait elle.

Pour les disciples de Vulfume, je m'étais imaginée qu'il suffisait de brûler les corps, chose des plus barbares, surtout après avoir vu mon propre père succomber aux flammes. Mais il devait sans doute y avoir une différence entre brûler un corps mort et un corps vivant... Et puis, rien ne me disait que ce genre de coutume avait cours. Seulement mon imagination débordante. Qui avait imaginé le même procédé pour les disciples de l'eau et de l'air. Je m'imaginais donc des êtres mourants se changeant en eau et, plus difficile, se changeant en air ou en minuscule branleil.

Mon père ne m'avait jamais expliqué ce qu'il se passait lors de la mort de quelqu'un croyant à l'Unique. J'étais donc réduite à imaginer la chose, d'autant plus que sa propre mort avait été pervertie par les Dieux élémentaires.

Pour Kaimi, la chose avait été plus simple. Je n'avais pas eu de questions à me poser. Elle avait ses propres convictions, et je l'aimais trop pour ne pas les respecter. Et, bien que je sache que sa tombe n'était qu'une enveloppe dans laquelle je ne trouverai plus jamais son corps, seulement les objets qui, à mes yeux, lui étaient rattachés, la voir ainsi, béante, trou noir dégorgeant de terre, la nausée me montait à la gorge.

Cette tombe, c'était un peu une façon de la continuer, certes morbide, et de laquelle allait jaillir une nouvelle vie, si elle ne m'avait pas menti. Sur ce dernier point cependant, j'étais des plus sceptiques. Non pas que je n'avais jamais vu la magie de Fimine à l'œuvre, je préférais cependant me dire que la mort comme la création de la vie devait revenir à l'Unique, et uniquement à Lui.

 

 

En sentant un poids sur mes épaules, un soupir s'échappa de mes lèvres. Le touché était beaucoup trop doux pour être orc. Quand bien même l'aurait-il été que j'étais pour le moment trop lasse et dépitée pour faire quoi que ce soit. Ni signe de rébellion, ni regard vers la personne qui me touchait. Je m'en moquais, tout simplement. Qu'il ou elle fasse ce qu'il ou elle voulait de moi. Je combattrais plus tard cette chape de plomb qui m'engourdissait. Pour le moment, elle était par trop agréable.

 

La voix me parvint comme dans un brouillard, étouffée, mais je la repoussais. Je n'étais pas prête à l'entendre. Petit à petit, mon corps se réchauffa, la douleur reflua, tant celle physique que mentale, bien que cette dernière ne disparu pas complètement.

 

Je ne savais pas ce qu'elle me faisait, cependant, je me laissais faire, sans un mot, sans un geste. Cela me faisait du bien, me ramenait à la réalité, me faisait reprendre conscience de ce qui m'entourait. Cela seul comptait.

Reprendre pied.

Petit à petit, je sentais que je reprenais le contrôle de mon corps, que j'arrivais à me tenir plus droite, à ne plus fixer d'un air ahuri la tombe béante. Ce fut cependant sa main sur mon bras, sa main chaude, qui irradiait à travers le tissu de ma chemise, qui me fit revenir totalement à moi "“ et prendre conscience de tout ce que j'avais fait.

 

-Suyvel...

Je vous connais.

 

Mon visage se tourna vers elle, fixa le sien. Un instant la surprise du se peindre sur mes traits. Je savais pourtant, qu'elle était ainsi. Kaimi m'avait un peu parlé d'elle. Mais il est une chose de se voir esquisser les traits d'une personne et une autre de les voir devant soi.

 

-Kaimi m'avait parlé de vous.

 

Mais l'inverse n'est peut-être pas vrai.

 

-Je suis... Sheelah.

 

D'une main, je montre la tombe violentée.

 

-Ils me l'ont volé.

Modifié (le) par Sheelah
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« Suyvel... Je vous connais. »

 

Cette phrase troubla l'elfe noire, d'une façon qu'elle peina à s'expliquer. Elle avait eu de nouveau l'impression de reconnaître Kaimi. Pourtant, elle était maintenant sûre qu'elle ne connaissait pas la jeune humaine et cependant... la Terrane disait la connaître. Son visage lui était inconnu, elle n'en avait jamais contemplé les traits délicats et empreints d'une infinie tristesse. Sa voix aussi lui était étrangère. Tout comme sa longue chevelure châtain, qu'elle portait déliée.

 

Alors pourquoi ?

 

Pourquoi la jeune femme lui évoquait-elle encore Kaimi ? Comme si elle avait porté en elle une chose indéfinissable, que l'elfe noire aurait instinctivement ressentie...

 

« Kaimi m'avait parlé de vous. »

 

L'Aéride dressa l'oreille.

 

Elle connaissait Kaimi ?

 

Kaimi étant Terrane également, cela paraissait très plausible. Et expliquait peut-être cette curieuse sensation. Si la jeune femme avait été proche de Kaimi, peut-être était-ce une sorte de réminiscence... comme une empreinte que Kaimi aurait laissée sur cette jeune humaine, au fil du temps. Un lien presque tangible entre elles. Si fort qu'il tardait à se désagréger même après la mort.

 

« Je suis... Sheelah. »

 

Un nom qui n'était pas inconnu de Suyvel. Elle se souvint que Kaimi l'avait prononcé à quelques reprises. Le nom d'une sœur d'armes, d'une compagne de route et d'aventures... et d'une consœur magicienne, également. La façon qu'avait eue Kaimi de le prononcer respirait la confiance et l'estime.

 

Probablement une amie proche...

 

Ce qui expliquait vraisemblablement la tristesse insondable de son expression. Suyvel reprit la parole :

 

« Kaimi avait fait quelques allusions à toi en ma présence, Sheelah. J'aurais aimé qu'elle soit encore là pour nous présenter... »

 

Suyvel, sans s'en rendre compte, avait d'emblée tutoyé la Terrane. Peut-être parce qu'elle utilisait le "˜tu' avec Kaimi...

 

L'elfe noire avait beau ne pas être douée pour l'empathie et les sentiments nobles en général, elle ne put pas ne pas identifier l'immense affliction qui passa comme un nuage sur le doux visage de la jeune humaine. Suyvel se mordit la lèvre en se disant qu'elle aurait dû faire plus attention à son choix de mots. Elle-même avait trop souffert de la disparition prématurée de sa protégée pour vouloir infliger cela à qui que ce soit. Elle posa donc une main compatissante sur celle de Sheelah. La Terrane avait sans doute eu le même but que l'Aéride : venir se recueillir sur la tombe de Kaimi.

 

La tombe...

 

Suyvel se souvint qu'elle se trouvait à la fontaine d'Irliscia, là où était précisément censée se trouver la tombe de Kaimi. Machinalement, elle tourna la tête, cherchant du regard un monument funéraire. Et ce fut à cet instant qu'elle le vit.

 

Le trou noir, béant dans le sol.

 

Et derrière lui, la stèle, inclinée, branlante, menaçant de tomber pour de bon.

 

Une crainte horrible envahit son esprit.

 

Ils n'ont tout de même pas... ?!

 

Mais Sheelah mit fin à son déni de réalité.

 

« Ils me l'ont volé. »

 

Suyvel se redressa d'un coup, comme si une lance venait de la piquer. Elle se dirigea d'un pas raide et incertain vers le trou, pour l'examiner de plus près. Elle redoutait ce qu'elle s'attendait à découvrir : le corps sans vie de sa protégée. Elle risqua un coup d'œil...

 

... et ne vit rien d'autre qu'un trou vide.

 

La magicienne fronça les sourcils. Si c'était la tombe de Kaimi, où était donc sa dépouille ?

 

A moins que... les orques ne l'aient emportée... ?

 

Elle réfléchit rapidement. Les quatre fuyards ne portaient pas de corps. Sinon elle l'aurait vu, elle en était sûre. Elle faisait donc fausse route. Ce fut alors qu'elle se remémora une discussion qu'elle avait eue avec un nécromant Terran de sa faction, Olendyl. Ce dernier lui avait expliqué les rites funéraires du culte de Fimine. Dans cette religion, l'inhumation était bien plus qu'une façon de traiter convenablement un mort. C'était son point de départ vers la vie après la mort... l'assurance de son repos éternel, ou de sa réincarnation peut-être.

 

Kaimi a déjà rejoint la Mère de la Terre...

 

Et cette pensée avait quelque chose de réconfortant pour Suyvel. Bien qu'elle ne fût pas une adoratrice de Fimine, elle ne doutait pas que la déesse prendrait soin de sa fidèle.

 

Néanmoins, la profanation de la tombe posait problème. Dans la religion de Fimine, la sépulture d'un mort était sacrée et ne devait pas être dérangée, sous peine de troubler le repos du disparu. Suyvel évalua les dégâts et se demanda ce qui devait "“ et pouvait "“ être fait. Reboucher le trou semblait à sa portée mais le ferait-elle convenablement vis-à-vis des principes religieux du culte de Fimine ? Indécise, elle se tourna vers Sheelah.

 

Un instant ! Elle est Terrane... elle doit savoir ce qu'il convient de faire.

 

Suyvel revint donc vers la jeune femme et lui demanda doucement :

 

« Le mieux serait de réparer les dégâts mais je ne connais pas les rituels appropriés... tu pourrais m'éclairer ? »

 

Puis elle songea à ce que la Terrane venait de dire.

 

Ils me l'ont volé.

 

Si Kaimi était retournée à la Terre, comme l'imaginait Suyvel, alors cela n'avait pas de sens.

 

« Ils te l'ont volé... ? Mais de qui parles-tu ? »

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J'aurais vraiment voulu lui répondre. Lui dire que, moi aussi, j'aurais aimé que Kaimi me présente à elle. Oui, j'aurais voulu le lui dire. Mais les mots sont restés coincés dans ma gorge.

Mais ça n'avait guère d'importance de toute façon. A quoi bon lui dire ? A quoi bon prononcer ces paroles, rendre mon envie réelle, alors que je sais très bien que cela ne pourra pas se faire ? Pour qu'elle le sache, m'aurait dit Kaimi. Non pas que ça aurait changé quelque chose, mais au moins l'aurait-elle su.

Dire les choses... Cela avait toujours été une source de conflit plus ou moins prononcés entre nous. Je n'avais jamais compris à quoi cela pouvait servir d'exprimer mes sentiments, alors même que je savais que les connaître ne changerait rien aux positions de Kaimi. Quant à elle, elle ne comprenait pas pourquoi j'éprouvais tant de difficultés à lui parler.

 

Mais Suyvel ne savait rien de tout cela. Elle n'avait d'ailleurs pas attendu que je réponde, et avait bondi vers la tombe. Mes sourcils se froncèrent tandis que je suivais des yeux ses mouvements. Amie ou non de Kaimi, elle avait intérêt de faire attention à ce qu'elle allait manigancer. Je venais de combattre des orques, je n'étais sûrement pas à une elfe près.

Enfin... Pas sûre que Kaimi aurait apprécié.

Mais l'elfe ne semblait pas avoir de mauvaises intentions. Elle se contentait de se tenir là, devant la tombe.

Que pouvait-elle bien voir qui la tienne dans un tel état de concentration ?

 

Mes yeux ne la quittaient pas. Je n'arrivais pas à me décider. Une partie de moi se sentait en confiance à ses côtés, tandis qu'une autre ne se décidait pas, restant méfiante.

Cela devait plus tenir de la jalousie que j'avais ressentie à l'égard de Suyvel à chaque fois que Kaimi me parlait d'elle.

 

Lorsqu'elle revint vers moi, sa requête fut accueillie par un étonnement, presque un hébétement stupide. Que venait-elle de me demander ? De l'éclairer à propos de rituels ? Ahah... Kaimi n'avait pas du lui parler dans les détails de moi...

 

Me sentant assez en forme pour me relever, je lui fis face. Mes bras étaient ballants, et mon étonnement n'avait toujours pas disparu.

 

-Je n'y connais rien en rituel.

Je ne suis pas Tellurique.

 

Enfin, pas vraiment. Un peu, mais... Je n'avais aucune envie de me lancer dans une explication.

 

-Je l'ai mise en terre parce que je ne savais pas ce qu'il fallait faire d'autre.

 

Et puis je me mis à marmonner, dans un éclair d'honnêteté.

 

-Et parce que je ne voulais pas que quelqu'un d'autre la touche, ou s'occupe d'elle.

 

Je lui jetais alors un regard de défis, comme pour lui dire d'essayer de me le reprocher.

 

-On ne m'a volé personne.

 

Je marquais une légère pause, indécise.

 

-Enfin... Si. On m'a volé Kaimi.

D'une certaine façon.

 

Nouvelle pause, léger regard vers la tombe.

 

-Les orques. Ils ont volé le diadème de Kaimi.

C'est stupide. Ce n'est qu'un objet après tout. Mais... Elle me l'avait donné. 

 

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« Je n'y connais rien en rituel. Je ne suis pas Tellurique. »

 

Suyvel la considéra d'un œil surpris. Elle n'avait pas réfléchi à cette éventualité.

 

Ce n'est pas parce qu'elle est Terrane qu'elle est obligatoirement une fidèle de Fimine... Pas de chance ! Cela ne m'aide guère.

 

« Je l'ai mise en terre parce que je ne savais pas ce qu'il fallait faire d'autre. »

 

Sheelah, sans vraiment savoir à quoi s'en tenir, avait fait au mieux selon les croyances de Kaimi. Mais pour ce qui était d'effacer l'outrage de la tombe vandalisée... Suyvel soupira. Elle allait donc devoir s'en tenir au peu qu'elle en savait. Et ni l'une ni l'autre ne serait en mesure de dire une prière à la Mère de la Terre pour qu'Elle bénisse la dernière résidence de Kaimi et lui accorde la paix de l'âme.

 

« Et parce que je ne voulais pas que quelqu'un d'autre la touche, ou s'occupe d'elle. »

 

L'étrange déclaration tira Suyvel de ses pensées et elle lança un regard intrigué à la jeune humaine, cherchant à l'évaluer un peu plus précisément. Son ton avait eu quelque chose de particulier "“ un son de défi, ou de méfiance, peut-être... Quant aux mots, ils suggéraient une possessivité exacerbée, voire une jalousie avérée, qui ne pouvaient provenir que de sentiments forts, ou de liens puissants.

 

Elle tenait beaucoup à Kaimi.

 

Cette prise de conscience atténua chez l'elfe noire le ressentiment né de la déclaration un peu hostile de l'humaine. Et puis, si Suyvel s'était attachée à sa jeune disciple, elle n'avait jamais cherché à tisser des liens exclusifs autour d'elle ; elle ne percevait pas Sheelah comme une rivale. La jalousie de la jeune Terrane ne rencontrait pas d'écho en elle. Enfin, elle n'aurait pas fait mieux concernant les funérailles de Kaimi... L'Aéride leva donc une main en signe d'apaisement envers Sheelah.

 

« Tu étais très proche d'elle, c'est donc ton droit... et tu as bien agi. Kaimi a eu de la chance d'avoir une amie telle que toi. »

 

Un instant de flottement. Suyvel supposa que Sheelah cherchait à percevoir la véracité de ses dires, ou bien ses intentions. Mais ses mots suivants firent l'effet d'une bombe à l'elfe noire.

 

« On ne m'a volé personne. Enfin... Si. On m'a volé Kaimi. D'une certaine façon. »

 

Suyvel eut la détestable impression qu'une main froide lui courait le long de l'échine.

 

Volé Kaimi ?

 

Impatiemment, elle attendit la suite, n'osant pas parler. Elle ne voulait pas couper Sheelah ou la brusquer, de peur qu'elle renonce à vider son sac.

 

« Les orques. Ils ont volé le diadème de Kaimi. C'est stupide. Ce n'est qu'un objet après tout. Mais... elle me l'avait donné. »

 

L'elfe noire la regarda d'un air effaré. Elle la fixait sans mot dire. Sans même la voir réellement. Comme si le monde se fissurait sous ses pieds.

 

Ils ont fait cela ? Ils ont vraiment fait cela ?!

 

Brusquement, Suyvel retrouva l'usage de ses jambes. Elle se mit à courir dans la direction que les orques avaient prise dans leur fuite, tout en s'époumonant :

 

« Maudits ! Maudits ! Maudits !!! »

 

Elle s'arrêta très vite. Elle ignorait quel chemin les profanateurs avait suivi. Et ils avaient plusieurs minutes d'avance désormais. Etant donné la vitesse à laquelle ils avaient déguerpi, ils devaient être loin. L'elfe noire eut un hurlement de rage et d'impuissance.

 

Je n'aurais jamais dû les laisser filer. J'aurais dû les tuer tant que je les avais sous la main. J'aurais dû écouter mon instinct... les abattre, tous, jusqu'au dernier. Nous n'en serions pas là !

 

Et Suyvel proféra mille noires malédictions sur les fuyards. Mais aussi justifiée que fût sa colère, les frondaisons de la forêt qui seules entendirent ses mots ne parurent guère s'en émouvoir...

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Une amie telle que moi... Léger coup au cœur. Mon regard se détourne vers le saule pleureur. J'ai envie de crier que je n'étais pas son amie. Que j'étais bien plus que ça. Au lieu de quoi, je me concentre sur l'arbre. Sans cesse il pleure. L'a-t-elle remarqué ? A-t-elle vu les larmes de pluie qui tombent de ses feuilles ? A-t-elle remarqué comme il se tient courbé, toutes branches baissées ? Comme s'il avait déjà abandonné.

Mais abandonné quoi ?

 

Et puis elle se met à crier, à courir, comme si la folie l'avait attrapé. Je suis trop hébétée pour réagir. J'ai envie de lui dire que c'est un simple diadème, que ce n'est pas la peine de réagir comme ça. Pourquoi les gens accordent-ils tant d'importance à ces trucs ? Ce n'est qu'un diadème, il doit bien y en avoir d'autres ailleurs !

Alors bon, d'accord, c'est le diadème de Kaimi, et ça m'ennuie assez qu'ils l'aient volé. Mais tout de même, à ce point...

Elle doit être folle en fait. C'est la seule explication logique que je vois.

Maudits ? Ahah. Elle est même drôle tiens. Elle fait dans la malédiction aussi ? J'ai envie de lui faire remarquer que c'est trop tard maintenant, à part si ses malédictions font dans la longue distance.

 

Malédiction long courrier par Suyvel.

 

Et voilà que je me mets à pouffer de rire.

 

Sacrée petite femme que voilà.

 

Une fois calmée, je m'approche d'elle, une idée en tête.

 

-Je suppose que ça veut dire que vous allez m'aider à récupérer le diadème.

 

Ce n'est même pas une question. En fait, ça pourrait même passer pour de la suffisance, en y réfléchissant bien, et cette idée me dérange. Avoir vu la tombe de Kaimi dans cet état n'est pas une excuse pour être désagréable.

 

-Merci pour votre aide, et pour vos soins.

 

Je lui adresse un petit sourire.

 

-En ce qui concerne le diadème... J'ai quelques notions de filature en forêt, et si nous avions le temps, cela pourrait convenir. Cependant, je ne connais pas assez, pas du tout même, cette forêt, et les orcs semblent aller vite.

Mais peut-être que vous avez quelques notions ?

 

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Sa colère un peu calmée, Suyvel se tut pour l'heure, en profitant pour reprendre son souffle. Elle ne fit pas attention à Sheelah qui s'était approchée.

« Je suppose que ça veut dire que vous allez m'aider à récupérer le diadème. »

 

Suyvel lui adressa une grimace qui ressemblait vaguement à un amer sourire.

« Dans l'intérêt de Kaimi, ce serait préférable, oui... »

 

Silence.

 

L'elfe noire croisa alors le regard de Sheelah qui dénotait une certaine incompréhension, la forçant à se rappeler ce qu'elle lui avait dit deux minutes plus tôt.

 

Elle n'est pas une fidèle de Fimine. Elle ne connaît pas les rituels.

 

L'Aéride préféra détourner la conversation.

« ... mais les orques se sont enfuis, et nous ne les retrouverons pas aisément, maintenant. »

 

La Terrane prit alors la peine de la remercier. Suyvel ne s'y était guère attendu. Elle lui fit un geste de la main pour lui signifier que ce n'était rien.

« Je n'allais pas laisser ces orques s'en prendre à la tombe de Kaimi et à toi impunément, tout de même. Et pour les soins... disons que c'est en mémoire de Kaimi... »

 

Elle ne précisa pas qu'elle avait cru reconnaître sa protégée disparue en Sheelah et garda pour elle la véritable raison de son intervention. La jeune femme reprit :

« En ce qui concerne le diadème... J'ai quelques notions de filature en forêt, et si nous avions le temps, cela pourrait convenir. Cependant, je ne connais pas assez, pas du tout même, cette forêt, et les orcs semblent aller vite. Mais peut-être que vous avez quelques notions ? »

 

Suyvel examina la proposition et répondit lentement :

« J'ai toujours le temps quand il s'agit de traquer des orques... Par contre, pour ce qui est de les retrouver... ta proposition est plus que bienvenue. Et même si cette forêt n'est pas le lieu que je préfère (elle serra les dents sous l'effet de l'euphémisme) je l'ai parcourue à de nombreuses reprises. A nous deux, nous pourrions peut-être remettre la main sur ces profanateurs. »

 

L'elfe noire tira son katar de son fourreau et se perdit dans la contemplation des reflets de sa lame, comme si elle y trouverait une réponse à ses interrogations. Finalement, tournant la tête vers Sheelah, elle sourit d'un air sombre.

« D'accord. Allons chasser de l'orque. »

 

L'Aéride tendit la main vers le levant.

« Ils sont partis dans cette direction. Vois si tu peux trouver leur piste... ? »

 

Et quelques minutes plus tard, elles étaient parties sur les sentiers forestiers d'Irliscia. Pour la tombe, elles avaient essayé de la refermer au mieux de leurs possibilités et de leurs connaissances, mais ce n'était de toute manière que du provisoire. Pendant que Sheelah s'escrimait à trouver des traces du passage de la bande de pillards, Suyvel s'interrogeait. Devait-elle lui décrire les enjeux réels de cette chasse à l'orque ? D'abord, elle n'était pas certaine de ce qu'elle allait avancer, n'étant pas de l'Eglise de Fimine. Et puis elle craignait que cette nouvelle ne troublât Sheelah, qui devait se concentrer sur ce qu'elle faisait. Ce n'était certainement pas le meilleur service à lui rendre. Que cela lui apporterait-il d'apprendre ce que Suyvel savait ?

 

De savoir ce qui est réellement en jeu ici, tout simplement.

 

Et puis Kaimi avait toujours parlé d'elle en termes élogieux. Elle lui avait accordé son amitié. Cette jeune Terrane méritait sûrement qu'on lui fasse confiance. Elle avait été très proche de Kaimi, elle avait droit à la vérité. Tout en marchant, Suyvel prit une inspiration et se résolut à aborder le sujet :

« J'ai déjà eu l'occasion de parler des rites funéraires dans la religion de Fimine avec l'un de ses tenants, un nécromant en qui j'ai confiance... La sépulture des morts est consacrée à Fimine, elle ne doit donc pas être dérangée en quoi que ce soit. Cela s'étend aux objets offerts aux disparus... »

 

Une pause, le temps de choisir ses mots.

« Si des objets sont enlevés à une tombe, cela contribue à la profaner. Remédier à cette souillure implique de remettre la sépulture dans son état initial, et donc... d'y replacer tout objet qui en aurait été soustrait. Refermer la tombe ne suffira pas s'il y manque quelque chose. Sheelah ? »

 

Lorsque la jeune femme se tourna vers elle, Suyvel lui prit les bras d'une poigne vigoureuse tout en soudant son regard au sien. Son expression était mortellement sérieuse.

« Si nous ne retrouvons pas ce diadème, si nous ne parvenons pas à restaurer complètement la sépulture... je crains que l'âme de Kaimi ne puisse plus jamais connaître le repos. »

Modifié (le) par Suyvel
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Suivre la trace de quelques orques n'allait sûrement pas être compliqué. Il s'agissait peut-être de ma première rencontre avec cette espèce, et donc de ma première chasse à l'orque, mais, si j'en croyais les histoires, il n'y avait rien de plus simple à suivre.

Je ne devais cependant pas croire que cela allait être des plus simples. Je n'avais pas traqué quelque chose depuis plusieurs mois. Ici, il suffisait en effet d'avoir quelques pièces d'or sur soi pour s'assurer un repas chaud en auberge. Et pour les pièces d'or... Et bien, la mort de Kaimi me permettait de voir venir. Et puis, j'avais trouvé à vendre facilement ce que je trouvais.

Un marchand me prenait chaque plume que je trouvais pour faire ses matelas et oreillers. Un autre utilisait les fleurs de cactus pour ses potions. En bref, pour celui qui savait se débrouiller, il y avait toujours moyen de trouver de quoi gagner sa subsistance.

 

Et puis, j'avais subis beaucoup trop de changements en quelques mois, qui me faisaient rester dans les limites du monde que je connaissais. Ainsi, pendant de longs mois, à part mes venues à la tombe de Kaimi, je ne sortais guère de Melrath Zorac, sauf pour aller à l'Est.

Cependant, cette sorte de trêve, bien que m'ayant permis de me reprendre, allait bientôt devoir cesser. Je ne pouvais rester éternellement cachée à Melrath Zorac. Surtout pas maintenant que j'avais trouvé de nouveaux compagnons.

Et puis, je commençais à ressentir l'envie d'aller voir ailleurs, de découvrir de nouveaux endroits. Le Dîn m'avait ainsi proposé de me mener à la mer, et j'attendais cette balade avec envie. Voire même avec excitation.

 

Cette chasse à l'orque constituerait donc une sorte d'entrainement, de remise à niveau pour moi. J'avais déjà constaté que je n'étais pas réellement de taille à affronter tant d'orques à la fois et, même si je ne doutais pas de la force de Suyvel, je me disais qu'il allait falloir que nous réfléchissions à un plan d'action.

Les suivre oui, mais me jeter une deuxième fois sans réfléchir entre leurs lames, pas question.

 

Il allait donc falloir que je retrouve les habitudes gagnées après des années d'entrainement avec mon père dans la forêt de Terra. Que je retrouve mon pas, sûr et léger. Mes gestes vifs et précis.

 

La piste empruntée par les orques était bien visible. Ils n'avaient pas pris la peine de faire attention à la nature les environnant. Était-ce par pure indifférence envers elle ou par simple empressement de quitter les lieux ?

Je n'arrivais pas à me dire qu'une espèce telle que les orques pouvaient négliger autant l'endroit où ils vivaient. Mais, après tout, ne faisions-nous pas de même, en tant qu'humains ?

 

Tout en observant les traces laissées par les orques, j'écoutais d'une oreille que j'efforçais d'être attentive les propos de Suyvel. Elle avait le chic pour me surprendre. Mes yeux étaient plantés dans les siens, pourtant, je ne la voyais plus. Mon expression devait s'être assombrie. Une impression terrible d'échec s'abattit sur moi.

Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ?

Étais-je donc à ce point incapable de la protéger, même dans la mort !

 

D'un clignement d'œil, je repris contact avec la réalité, avec Suyvel.

 

-Alors il va falloir trouver un plan pour les abattre, et un bon, car à deux, je doute que cela se fasse facilement.

 

 

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Comme Suyvel l'avait craint, Sheelah sembla accuser le coup, son expression se décomposant et son regard se perdant dans le vague. Toutefois, cet abattement fut de courte durée. La Terrane cligna des paupières et répondit d'une voix catégorique :

« Alors il va falloir trouver un plan pour les abattre, et un bon, car à deux, je doute que cela se fasse facilement. »

 

Cette volonté de retrouver les orques parut un excellent signe à l'Aéride. La jeune humaine avait plus de ressources qu'il n'y semblait, et elle aurait certainement besoin de toute cette détermination sous peu.

 

Et d'un plan.

 

La remarque était frappée au coin du bon sens. Suyvel examina l'idée sous plusieurs angles.

 

« Hé bien, nos ennemis ne sont plus que quatre... et ils ne sont guère aguerris. Lorsque nous les rejoindrons, je pensais leur tomber dessus aussi brutalement que possible pour ne pas leur laisser le temps de s'organiser ou de fuir encore...

 

- Je peux essayer de vous aider en attaquant à distance, ou en vous soignant... Mieux vaut que j'évite le contact comme lorsque vous m'avez trouvée.

 

- Oui, fort bien, répondit l'Aéride. Et si jamais certains d'entre eux s'en prenaient à toi directement, tu n'aurais qu'à m'appeler, et je ferais en sorte de t'assurer l'appui nécessaire.

 

- Ca me va... » La Terrane parut hésiter. « Mais s'ils étaient plus nombreux ? Si ces quatre-là faisaient partie d'un groupe plus conséquent ? Ou même... s'ils croisaient un autre groupe d'orques ? Ce serait presque pire !

 

- C'est effectivement un risque, concéda l'elfe noire. Lorsque nous les approcherons, il nous faudra vérifier en premier lieu leur nombre exact. Si jamais ils étaient plus nombreux que prévu... hé bien, nous aviserions à ce moment-là. Mais il n'est pas grand-chose que nous pourrions accomplir à deux face à un groupe d'orques un peu conséquent ou expérimenté. A part l'observer et le filer, pour savoir où il planque son butin, notamment...

 

- Mais à quoi cela nous servirait-il si nous ne pouvions pas le récupérer ? objecta l'humaine.

 

- C'est simple : nous pourrions attendre la nuit et, à la faveur de l'obscurité, je me ferais fort de reprendre ce qui appartient à Kaimi. Je suis assez douée pour me faufiler sans être vue, mais pas en plein jour.

 

- Et c'est tout ? On prend le diadème et on s'en va ? On ne les tue pas après ce qu'ils ont fait à Kaimi ?! »

 

L'idée de ne pas châtier les profanateurs de tombe semblait ne pas ravir Sheelah. Suyvel la détailla du regard. La jeune humaine ne lui avait pas paru particulièrement vindicative jusqu'ici, et elle avait peut-être sous-estimé son désir de vengeance. Un sentiment qu'elles partageaient, puisqu'il était en train de tenailler Suyvel. L'elfe noire se sentit une certaine empathie pour la jeune humaine. Néanmoins, elle était pragmatique, et pas suicidaire pour un sou. Si le rapport de force était par trop à leur désavantage... il faudrait bien composer. Elle haussa les épaules.

 

« Nous pourrions toujours essayer de trouver des renforts à Melrath Zorac, auprès de la garde par exemple, ou même aller au campement que l'armée possède en Irliscia. Avec un groupe de soldats, nous serions alors en mesure d'affronter les orques, en mettant un maximum de chances de notre côté. Et si l'armée refuse de nous épauler, je pourrai toujours aller plaider notre cause auprès d'une de nos régentes...

 

- Oui, mais ça va être long, non ? Et les orques pourraient avoir décampé dans ce laps de temps. D'ailleurs, j'ai cru comprendre qu'ils avaient une base dans la région ?

 

- Effectivement, plus à l'est, ils ont établi un campement à l'abri de puissantes murailles. Ils y sont très nombreux et là, même l'armée ne pourrait pas grand-chose pour nous.

 

- Pourquoi ne pas aller là-bas directement alors ? Avant que l'idée d'aller se terrer dans leur base ne leur vienne, si ce n'est déjà fait ?

 

- Je suis d'accord, leur campement fortifié pourrait bien être leur objectif actuel, étant donné qu'il se trouve dans la direction qu'ils ont empruntée. Il faut les intercepter avant qu'ils n'y arrivent. Hâtons-nous. »

 

Et les deux femmes pressèrent le pas, tout en continuant à échanger des idées tactiques sur l'affrontement qui se profilait. Tout à leur discussion, elles ne perçurent pas une présence sous le couvert des feuillages épais...

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  • 3 weeks later...

Elle ne semble pas connaître les silences, reprenant sans cesse la conversation lorsque je la laisse, posant des questions, faisant des propositions. N'a-t-elle donc jamais mené de chasse pour parler ainsi sans être plus préoccupée que ça par ce qui nous entoure ?

Ne se rend-elle pas compte qu'en parlant ainsi, sans faire attention à la portée de nos voix réunies, nous pourrions attirer plus que des orcs ? Je ne connais que très peu les êtres qui peuplent cette forêt, mais de nombreuses personnes m'ont suffisamment mise ne garde pour qu'une légère appréhension monte en moi au fur et à mesure que nous discutons.

Je ne sais cependant comment lui faire remarquer sans risquer qu'elle le prenne mal. Peut-être devrais-je moins prendre en considération ce qu'elle peut ressentir, si cela nous sauve la vie ?

 

Du coin de l'œil, j'aperçois quelque chose qui arrive vers nous avec rapidité et comprends qu'il est à présent trop tard. Nous ne sommes plus seules "“ si nous l'avions réellement été... Elle doit l'avoir remarqué elle aussi car je n'ai pas besoin de me forcer à crier. D'un bond vif, nous nous écartons l'une de l'autre, et plus particulièrement de la flèche qui est à présent fichée devant nous dans la mousse.

Un cri du côté de ma compagne me fait comprendre qu'elle sait qui est le propriétaire de la flèche. De mon côté, je n'en ai pas la moindre idée. Plus j'avance dans les terres de ce monde, plus je m'éloigne du petit monde de Terra, et plus je me rends compte de mes nombreuses carences.

Jusqu'à présent, j'ai toujours réussi à faire sans, ou à mettre en avant mes compétences en herboristerie, mais cela n'a qu'une utilité limitée.

 

Des orcs, dont certains ne portent même pas d'armes, apparaissent alors depuis les fourrées.

 

orc1recrue.png

 

Ils n'ont cependant pas d'arc. Sans doute que d'autres se cachent encore parmi les arbres. Un petit coup d'œil du côté de Suyvel me permet de voir qu'elle a déjà commencé à en tuer certains. Je ne connais pas l'arme qu'elle utilise, mais il serait sans doute utile que je m'en procure une si jamais je devais encore me battre à l'avenir. Ainsi, avec un poignard, même sans énergie magique, ou même si je suis fatiguée, je pourrais me défendre un minimum.

 

Mais pour le moment, je n'ai que ma magie. Je n'arrive pas à voir combien d'orques sont présent car deux d'entre eux me tombent directement dessus. L'un d'eux se retrouvent bientôt à terre, tandis que je recule devant l'autre, fatiguée par l'usage de la magie sur son compagnon.

 

Le dernier me regarde d'un air retord et me sourit d'un air étrange, dévoilant ses dents. Je n'arrive pas à déterminer s'il va m'attaquer ou non, et je n'ai pas encore repris mon souffle, qu'un orque un peu plus grand apparaît derrière lui et de la main l'attrape et l'envoie valser plus loin.

 

orc1epee.png

 

En le voyant, arme à la main, j'ai du mal à déglutir.

Je recule rapidement, tandis qu'il me suit, et me prends les pieds dans des racines. Du coin de l'œil, je vois que Suyvel est elle aussi occupée avec un orque, et qu'elle ne peut donc pas, une fois de plus, me venir en aide.

Après être tombée au sol, je décide de préparer un nouveau sort plutôt que de perdre du temps à me relever. De toute façon, il me rattraperait sans aucun doute.

 

Je murmure une incantation le plus rapidement possible tandis que je le vois lever son arme. Une expression de surprise passe sur son visage, sans que je comprenne ce qui a pu la provoquer. Un étrange son s'échappe alors de sa bouche tandis que je le vois tomber vers moi.

En voyant une telle masse me tomber dessus, j'en perds le fil de mon incantation et ne peux que me protéger en tendant les bras vers lui pour essayer de le faire dévier. Mes poignets se font douloureux lorsqu'il arrive sur moi, mais heureusement j'arrive à pousser suffisamment sur le corps pour qu'il ne s'écrase pas entièrement sur moi.

 

Je remarque alors, dans le dos de l'orque, une nouvelle flèche.

Prise d'une inspiration subite, je lève les yeux vers les branches, et croise un regard au doux mordoré...

Modifié (le) par Sheelah
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Son attention un peu trop accaparée par leur conversation et leurs plans, Suyvel ne vit venir les orques que trop tard. Ils étaient déjà tout autour d'elles, la fuite n'était plus possible. L'elfe noire, douée d'une ouïe fine, avait pensé éventer toute attaque de ce genre, mais il n'en avait rien été. Sans doute les orques s'étaient-ils tenus immobiles, parfaitement discrets. Ce qui ne pouvait signifier qu'une chose.

 

Embuscade !

 

Elles avaient été attendues.

 

Une question lui vint à l'esprit.

 

S'agit-il des pillards que nous poursuivions ? Ont-ils finalement décidé de se battre ?

 

Voyant les premiers orques s'élancer vers elles, l'Aéride s'interrogea à ce sujet. Ils avaient bien l'allure des maraudeurs qu'elles poursuivaient. Mais elle ne les reconnaissait pas pour autant. De plus, ils avaient l'air plus nombreux... nettement plus que les quatre fuyards, en tout cas. L'urgence de la situation présente lui fit néanmoins reléguer la résolution de cette question à plus tard. L'heure était à l'action.

 

De fait, les orques eurent droit à une réception plus musclée qu'ils ne l'avaient imaginée, ce qui les étonna "“ surtout si on tenait compte de l'effet supposé de surprise lié à l'embuscade. Le premier qui se précipitait vers l'elfe noire fut fauché par un sortilège de Châtiment Sacré et ne s'en releva pas. Le second n'entendit qu'un claquement sec et se retrouva au sol, sur le dos, sans bien comprendre comment il avait atterri là. Et il ne put se redresser, car la lanière tendue du fouet de Suyvel lui ceignait les chevilles et lui interdisait de poser les pieds au sol. Un troisième combattant, qui avait réussi à approcher la drow, fit siffler son épée en un ample geste à l'horizontale, au niveau du cou. L'elfe noire esquiva l'attaque en fléchissant ses jambes à une vitesse imprévue, ce qui lui permit de passer sous la garde de son adversaire et de le gratifier d'un méchant coup de katar, lui perçant la bedaine. L'orque beugla, fit deux pas en arrière, la main crispée sur son ventre, et tomba à genoux.

 

En voyant leur première ligne abattue si aisément, les autres orques auraient pu prendre peur et s'enfuir. Mais ils étaient encore nombreux, plus même que Suyvel ne l'avait pensé de prime abord, et ils étaient sûrs de déborder les deux aventurières. L'elfe noire eut un regard du côté de Sheelah, qui s'était écartée d'elle. La Terrane faisait face à deux maraudeurs, et elle se débarrassa de l'un d'eux assez vite. A cette vue, l'Aéride espéra que la jeune femme tiendrait bon. Toutefois, elle était consciente qu'elle ne devait pas laisser les orques submerger Sheelah si elle voulait lui laisser une chance de s'en tirer. Il lui fallait donc en occuper le plus grand nombre, faire en sorte qu'ils se mobilisent contre elle uniquement.

 

« Mauviettes ! J'ai connu des petites gobelines qui se battaient mieux que vous !!! »

 

Une clameur de rage s'éleva des rangs des orques alors qu'ils se ruaient à l'assaut. Suyvel eut un sourire sombre. La provocation avait produit l'effet escompté. Maintenant, elle allait devoir se montrer à la hauteur du défi. Ces orques ne la valaient certes pas mais le nombre était par trop de leur côté... Les vaincre tous s'annonçait difficile. Périlleux, même.

 

L'elfe noire fit tournoyer son fouet autour d'elle, cinglant les orques imprudents, et distribua généreusement les coups de katar, tentant à tout prix de garder ses adversaires à distance. S'ils la serraient de trop près, c'en était fini d'elle... Dans le même temps, elle récita une incantation, celle d'un sortilège d'illusion, qui pourrait lui être fort utile dans les présentes conditions. Lorsque la litanie prit fin, un rugissement lui répondit en écho... et un tigre sauvage bondit d'un arbre, pour se ruer sur les peaux-vertes. Une illusion un peu sophistiquée, car animée et sonorisée, mais rien de plus qu'une illusion tout de même : les griffes de l'animal ne tranchaient rien, ses crocs ne mordaient pas même l'air. Il fit néanmoins forte impression aux orques qui le virent leur foncer droit dessus, et leurs rangs se disloquèrent. Nombre d'entre eux se détournèrent de l'elfe noire, ou reculèrent précipitamment, ou tentèrent de se regrouper un peu plus loin... La scène virait au pandémonium. Un chaos que l'elfe noire mit à profit pour se dégager de tout encerclement et frapper tout orque un peu isolé ou distrait. Suyvel savait que cette confusion ne durerait pas. Durant ce court répit, elle devait amonceler les cadavres !

 

Un cri lui parvint. D'autres ne tardèrent pas à lui faire écho. Un sérieux flottement naquit dans les rangs des orques.

 

Que se passe-t-il donc ?

 

Ce n'était pas le tigre, elle en était sûre. Les orques avaient compris le stratagème et étaient en train de se regrouper pour relancer l'assaut. Un bref sifflement lui fit alors lever les yeux : des flèches s'abattaient sur le groupe d'orques ! Les deux aventurières recevaient une aide inattendue de la part d'archers, invisibles dans les arbres.

 

Les elfes sylvains !!!

 

Suyvel laissa passer un cri.

 

Pas de surprise. Ni de peur.

Plutôt de l'indignation.

 

De quel droit viennent-ils interférer dans mon combat ?

 

Dès qu'il s'agissait des elfes, la drow n'était plus très objective. Elle oublia d'emblée qu'ils étaient en train de la tirer d'un beau guêpier et s'acharna à tuer de ses mains le plus grand nombre d'orques, avant que la pluie de traits la laisse sans cible.

 

Alors leurs sauveteurs se laissèrent choir de leurs perchoirs avec grâce, et s'avancèrent vers les deux magiciennes. Des rôdeurs elfes. Celui qui les commandait fit un geste amical à leur endroit et leur parla en ces termes :

« Bienvenue, ennemies des orques. Mon nom est Ril-Gan. Mes hommes et moi suivions cette bande de maraudeurs depuis un petit moment. Nous hésitions sur la meilleure tactique à suivre, mais votre arrivée a quelque peu précipité les évènements. Ravi d'avoir été là au bon moment... »

 

Il eut un regard un peu plus appuyé sur Suyvel.

 

« ... et de vous revoir, elfe noire. »

 

L'Aéride resta interdite un instant.

 

Il me connaît ?

 

Soudainement, un souvenir lui revint à l'esprit. Lors de sa première tentative de contact avec les elfes, elle avait croisé un groupe de rôdeurs, et délibérément frappé le meneur. (1) Pas de chance pour elle : il s'agissait du même groupe. Un peu embarrassée, elle répondit d'un ton rogue :

« Je ne me rappelle pas vous avoir invité à vous mêler de ce combat, capitaine. »

 

L'elfe eut un sourire narquois.

 

« J'ai cru bon de sauver votre peau sombre des épées orques, pensant que vous y attachiez quelque valeur. Je sais bien que la reconnaissance n'est pas le point fort des drows, alors un simple merci suffira... »

 

Suyvel sentit la moutarde lui monter au nez, mais elle se maîtrisa et songea à une riposte plus perfide. Un sourire artificiel aux lèvres, elle mima une légère révérence.

 

« Mille grâces, gentil capitaine. Au fait, comment va votre mâchoire... ? »

 

Le sourire de l'elfe s'effaça de son visage. Lors de leur première rencontre, Suyvel l'avait gratifié d'un solide uppercut. Le souvenir en était encore vif. D'autant que, pris par surprise, il aurait eu le dessous dans ce pugilat sans le prompt secours de ses hommes. Les elfes noires étaient d'une force physique prononcée, particulière à leur race. Ril-Gan n'avait jamais eu affaire à l'une d'entre elles auparavant et l'avait découvert à ses dépens. Il grommela :

« Vous m'aviez pris par surprise. Dans un combat loyal, vous n'auriez pas eu la moindre chance. Oh, excusez-moi d'user de tels termes en votre présence : je sais que les drows ignorent le concept de loyauté... »

 

Suyvel se sentit d'autant plus raillée que les propos de l'elfe n'étaient pas dépourvus d'une certaine vérité "“ même si elle avait largement abandonné les préceptes de ses semblables. Elle se crispa sous l'insulte et sa main se dirigea vers son fouet, enroulé à sa ceinture...

 

----------------------------------------------------

(1) Voir 'petites trahisons entre amis', acte 2.

http://www.terre-des-elements.net/forum/index.php?showtopic=7553&p=68689

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A ce regard s'ajoute un sourire lorsqu'il voit que je l'ai découvert. D'un petit bond, le voilà à mes côtés. Préférant devancer toute proposition, ou absence d'aide pour me relever de sa part, je me redresse, un peu chancelante sur mes deux jambes encore. La peur en est autant responsable que la fatigue.

Du coin de l'œil, je remarque qu'il n'est pas seul, et que d'autres personnes sont en train d'aider Suyvel à tuer les derniers orques encore vivants. Ainsi armée, ensanglantée par l'Unique sait quel sang, elle a un air farouche qui lui va bien.

 

N'ayant aucune connaissance des querelles entre les deux peuples, je me détourne d'elle, ne doutant pas un instant qu'elle saura se débrouiller avec leur aide. D'autant plus que je suis bien trop fatiguée. Je ne serais qu'un poids pour eux si j'allais rejoindre la bataille.

Mon regard se pose alors sur l'homme qui m'a aidé. Voyant qu'il n'hésite pas à me détailler de la tête aux pieds, je décide de faire de même. Finalement, mon regard se concentre sur son visage.

Son sourire n'a pas quitté son visage. Il semble quelque peu amusé, mais par quoi ?

Il me laisse le dévisager sans parler, attendant sans doute que mon inspection soit finie.

 

Il ne ressemble pas à un homme. J'ai du mal à réaliser ce qu'il est "“ ce qu'ils sont. Ce n'est qu'en jetant un autre coup d'œil à Suyvel pour voir que la bataille est terminée que je comprends. Mes yeux écarquillés semblent être la réponse qu'il attendait.

Son sourire tire un peu plus vers l'amusement tandis qu'il porte une main vers sa poitrine et fait un très léger mouvement d'inclinaison à mon endroit.

 

-Vous n'avez rien à craindre de nous.

 

Un simple hochement de tête pour réponse, je ne sais de toute façon pas quoi lui dire.

Un elfe... J'aurais du me douter que j'en rencontrerais un jour. Après tout, depuis que j'étais arrivée à Melrath Zorac, de nombreuses choses qui ne faisaient parti que des contes que mon père me racontait étant enfant étaient apparues comme réelles. Alors... Pourquoi pas les elfes ?

 

-Merci pour...

 

Du menton, je désigne l'orque au sol.

Il ne doit pas être très bavard non plus, puisque son éternel sourire me répond, ajouté à quelque chose qui pétille dans ses yeux.

 

Mon regard ne cesse de retourner vers Suyvel. Je n'entendais pas ce qu'ils se disaient, mais j'avais vu l'elfe perdre son sourire. Que pouvait-elle bien lui avoir dit ? Sûrement pas que les orques avaient pillé la tombe de Kaimi. Les elfes n'en avaient sans doute rien à faire.

 

Un sursaut me ramène à l'elfe aux yeux mordorés. Sans que je ne m'en rende compte, il a posé une main légère contre mon bras. Son sourire est toujours là, mais je devine au léger froncement de ses sourcils qu'il a entendu, lui, l'échange de paroles. D'une poussée légère, je sens qu'il me propose d'aller auprès des siens.

A pas légers, mais avec une rapidité certaine tout de même, nous nous dirigeons tous deux vers le groupe. Suyvel et celui qui semble être le chef du groupe ne nous ont pas encore remarqué.

 

A présent que je suis près d'eux, je sens toute la tension qui se dégage.

Allons nous gagner d'autres ennemis ? Je ne me sens pas le poids contre des elfes.

 

Le geste de Suyvel ne passa pas inaperçu, tant pour moi que pour les elfes. Que faisait-elle donc ? Pourquoi soudain n'arrivait-elle plus à réfléchir ?

A petits pas, le sourire aux lèvres comme si rien de grave n'était en train de se passer, je me dirige vers elle.

 

Jouer l'idiote...

 

Je saisis sa main dans les miennes, souriant à qui mieux mieux, juste avant qu'elle ne saisisse son fouet, et me mets à parler d'une voix forte, avec le plus d'enthousiasme possible.

 

-Quelle chance nous avons Suyvel !

La forêt est grande, et si riche pour qui sait le voir !

 

Puis, me tournant vers l'elfe qui m'avait sauvé, je repris :

 

-Grand merci à vous et aux votre messire elfe !

Sans vous, nous ne pourrions pas poursuivre notre quête.

 

Je prends soin d'accentuer le mot « quête », espérant leur faire comprendre que nous avons un but ici, et pourquoi pas que nous avons besoin d'aide.

 

-Malheureusement, je crains qu'avec cet assaut d'orques, nous ayons du mal à retrouver ceux que nous cherchons, et qui ont pillé la tombe de Kaimi... Si j'étais plus douée en filature, cela ne serait pas un soucis, et Suyvel a bien assez à faire d'essayer de me protéger sans en plus devoir se charger de tout le reste.

 

D'un geste, je désigne l'elfe aux yeux mordorés.

 

-Vous l'avez bien vu, vous qui m'avez sauvée, malgré le talent de Suyvel, un rien peut me faire succomber.

 

Et je finis là ma tirade, les yeux posés sur l'elfe, sans jamais avoir regardé celui qui semble être le chef de leur troupe ni avoir lâché la main de Suyvel.

 

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Deux mains fraîches se posèrent autour de la sienne. Suyvel avait à peine remarqué Sheelah qui se faufilait jusqu'à elle, happée qu'elle était par son algarade naissante avec le capitaine elfe.

 

- Quelle chance nous avons, Suyvel ! La forêt est grande, et si riche pour qui sait le voir !

 

L'elfe noire leva les sourcils, un peu déconcertée. Qu'est-ce que la jeune humaine voulait donc dire par là ? Sans s'en rendre compte, cela la détourna un peu de son interlocuteur et contribua à faire redescendre sa température interne. Elle vit aussi que l'un des rôdeurs elfes se tenait près de la Terrane, dans une posture quelque peu protectrice, et Sheelah s'adressa d'ailleurs exclusivement à lui.

 

- Grand merci à vous et aux votre messire elfe ! Sans vous, nous ne pourrions pas poursuivre notre quête.

 

Notre quête.

 

Deux mots qui la ramenaient à la raison de leur présence ici.

 

- Malheureusement, je crains qu'avec cet assaut d'orques, nous ayons du mal à retrouver ceux que nous cherchons, et qui ont pillé la tombe de Kaimi...

 

Sheelah avait apparemment tiré la même conclusion qu'elle : les orques qu'elle recherchaient ne figuraient pas au nombre des assaillants. Leur traque allait devoir se poursuivre. Et si, par malheur, les traces des fuyards se mêlaient à celles de leurs assaillants ou même à d'autres groupes d'orques, elles auraient beaucoup de mal à retrouver les pillards. La simplicité de ce constat, amer mais lucide, la fit vaguement grincer des dents.

 

La jeune femme poursuivit, en un geste vers l'elfe qui se tenait derrière elle :

 

- Vous l'avez bien vu, vous qui m'avez sauvée, malgré le talent de Suyvel, un rien peut me faire succomber.

 

Alors c'était ça.

 

Malgré la tentative de diversion de Suyvel, Sheelah s'était trouvée en délicate posture, et ce rôdeur l'avait tirée de ce mauvais pas. L'Aéride se sentit un peu gênée "“ pour ne pas dire vaguement coupable "“ de n'avoir point réussi à garder la jeune femme hors de la mêlée. Elle avait pensé y parvenir sans trop de mal, mais elle était partie du fait qu'elles traquaient quatre fuyards. Face à un groupe plus nombreux, elle n'avait pu éviter de fâcheux ennuis à Sheelah.

 

L'elfe aux yeux mordorés, toujours souriant, inclina légèrement la tête en un geste courtois.

 

- Mon nom est Vandil, jeune damoiselle. Et notre devoir est de secourir tous ceux que les orques pourraient menacer, du moins si cela est en notre pouvoir. N'est-ce pas, capitaine ?

 

L'interpellé acquiesça lentement, ayant recouvré une partie de sa sérénité.

 

- Ril-Gan, capitaine de ce détachement, fit-il en s'adressant à Sheelah. Si je comprends bien, vous cherchiez des orques, mais pas ceux-là ?

 

Sheelah opina du chef et s'étendit sur le fait que le petit groupe de pillards risquait fort de demeurer introuvables pour elle. Ril-Gan enchaîna :

 

- Nous n'avons pas croisé d'autre groupe orque aujourd'hui, je n'ai donc aucune piste à vous suggérer. Je ne peux guère que vous souhaiter bonne chance dans vos recherches, si vous choisissez de poursuivre.

 

Ce à quoi Vandil sembla objecter :

 

- Capitaine, en tant que pisteurs confirmés, nous pourrions retrouver les fuyards en question. Notre devoir n'est-il pas d'éliminer toute menace orque ? Un petit groupe de pillards est assurément à notre portée, et cette jeune personne (il désignait Sheelah) a assurément besoin d'aide.

 

Ril-Gan secoua lentement la tête.

 

- Nous veillons à la sécurité du royaume sylvestre, avant toute chose. Une traque comme celle-ci pourrait nous éloigner un peu trop de notre périmètre de surveillance et nous faire faillir à notre devoir. Je regrette de ne pouvoir vous aider mais je ne puis me permettre de détourner tout un détachement pour cela...

 

Vandil ne semblait pas vouloir renoncer pour autant.

 

- Cela ne prendrait sans doute pas longtemps, capitaine. Et puis, pouvons-nous décemment prétendre faire notre devoir si nous abandonnons cette jeune humaine aux orques ?

 

Ril-Gan hésita mais cela ne dura guère.

 

- Elle a choisi de les poursuivre, j'imagine que c'est en toute connaissance de cause quant aux risques encourus. Et nous ne pouvons préjuger avec certitude du temps que nous prendrait le pistage de ce groupe...

 

Il s'interrompit, puis reprit, comme frappé d'une idée subite :

 

- Mais je puis peut-être me passer d'un de mes hommes le temps de mener cette tâche à bien... Damoiselle ? Que diriez-vous si Vandil ici présent (il fit un signe du menton vers l'elfe aux yeux mordorés) vous accompagnait dans votre expédition ? Il est bon pisteur et pourrait veiller à votre sécurité, qui semble lui tenir tant à cœur...

 

Il eut ensuite un regard en coin vers Suyvel, un regard pétillant de malice.

 

- Et en outre, je ne puis vous laisser seule en compagnie d'une drow, ce serait irresponsable de ma part.

 

Suyvel sursauta sous l'affront et se raidit, prête à envoyer une réplique bien sentie à la tête du capitaine qui se payait la sienne. Mais le contact des mains de Sheelah, toujours serrées sur la sienne, la fit hésiter.

 

Elle surprit le regard bienveillant que Vandil posait sur Sheelah. L'elfe semblait ravi de la proposition de son capitaine "“ et de faire un bout de chemin en compagnie de la jeune femme...

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  • 3 weeks later...
Ainsi, l'elfe qui m'avait sauvé s'appelait Vandil. Sans lâcher la main de Suyvel, je suivais des yeux l'échange qu'il avait avec son chef, sans les interrompre. Mieux valait les laisser parler entre eux, quand bien même ce qu'ils disaient me concernait. Il y avait certains moments où il valait mieux laisser les choses se faire d'elles même. D'autant plus qu'il semblait que j'avais trouvé en Vandil un allié précieux. 
 
Une légère rougeur monta à mes joues après la réflexion de Ril-Gan, d'autant plus qu'en observant du coin de l'œil Vandil, je vis ce même sourire amusé qu'il avait eu plus tôt. 
 
Quelques instants après, Ril-Gan et les siens partirent, nous laissant seules avec Vandil. Restait en moi une gêne persistante que renforçait son regard qui ne me quittait pas. C'était pourtant une bonne chose qu'il soit ici, et j'y avais participé. Ce n'était pas tant le fait qu'il soit un elfe qui me gênait. C'était certes perturbant d'en avoir vu tant, et si différent de Suyvel, mais cela n'expliquait pas ma gêne actuelle. Cela venait plutôt de sa façon si franche de me fixer. Je ne savais comment m'y soustraire.
 
Sans m'en rendre compte, je m'étais mise à serrer avec force la main de Suyvel entre les miennes. Je la lâchais donc avec rapidité, tout en m'écriant un « pardon » qui valait d'abord pour la douleur que j'aurais pu lui causer, mais aussi peut-être un peu pour lui avoir pris la main sans rien lui demander, pour lui avoir imposé une proximité qu'elle n'appréciait peut-être pas. 
 
Mon regard croise celui de Vandil, et de nouveau je me sens un peu gênée. Alors qu'il n'y a aucune raison pour que je le sois. Je ne vais pas me laisser perturber par un elfe tout de même. Mais, dans le même temps, il faut peut-être que je joue à la femme faible, ayant besoin de protection, puisque c'est cette optique-là qui lui a, il me semble, donné envie de venir avec nous. De toute façon, dans cette forêt, j'ai l'impression d'être minuscule, et de pouvoir trépasser avec bien peu de choses. Si encore je pouvais monter aux arbres, je serais un peu plus rassurée. Mais on ne peut pas suivre la trace d'orque de si haut. 
 
Vandil me regarde, semblant attendre quelque chose de ma part. Un sourire monte à mes lèvres tandis que nous échangeons un regard, complice me semble-t-il. A travers ce sourire, j'ai l'impression qu'il me dit qu'il a compris le jeu auquel j'ai joué un peu plus tôt, avec son chef. Cet échange de sourire permet aussi à ma gêne de disparaître simplement.
 
-Je m'appelle Sheelah, et voici Suyvel. Je vous remercie d'avoir proposé de nous aider. C'est important pour moi de retrouver ces orques.
 
Ma mine est redevenue sérieuse. Kaimi n'est jamais bien loin de mes pensées, et plus encore l'outrage des orques vis-à-vis de sa tombe. A mes mots, Vandil acquiesce d'un air que je trouve grave, un peu incongru sur son visage après l'avoir vu amusé. Incongru, mais qui lui donne pourtant un air plus sérieux, qui correspond mieux avec l'idée que je me fais des elfes. 
 
-Alors mettons nous en chasse.
 
Un étrange sourire étire ses lèvres, comme si cette idée le mettait en joie. Seuls ses yeux gardent cet air amusé, taquin qui me plait. L'elfe devient chasseur, traqueur. Je le suis sans un mot, adressant seulement un petit sourire content à Suyvel. 
 
Mes yeux ne quittent pas Vandil, attentifs à sa façon de faire. Je sens bien, dans son corps, dans ses gestes, la différence qui existe entre nous. Le gouffre qui nous sépare en terme de traque me semble immense. Mais pas impossible à combler, si j'apprends. 
 
Grâce à lui, nous avançons plus rapidement que lorsque nous n'étions que deux. Vandil me donne même l'impression que, finalement, cette folle quête peut arriver à terme, que l'on va pouvoir récupérer le bien de Kaimi. 
 
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Suyvel se hâtait sur les talons de Vandil. Le rôdeur, sûr de lui, avançait rapidement et sans un bruit. Il possédait manifestement une vaste connaissance de son environnement sylvestre et une grande maîtrise de la traque et du déplacement silencieux. L'elfe noire avait le pas léger, mais elle avait du mal, en forêt, à atteindre ce degré de furtivité. Surtout au rythme qu'imprimait le rôdeur. Suyvel n'avait heureusement pas de mal à suivre, mais un doute lui fit tourner la tête.

 

Et Sheelah ?

 

La jeune Terrane, en dépit de ses craintes, suivait le mouvement sans faiblir ni se plaindre, comme animée d'une flamme qu'elle ne lui connaissait pas "“ du moins, pas encore, étant donné leur rencontre si récente. Et puis, de temps à autre, Vandil marquait une pause, le temps de se repérer, de trouver de nouvelles traces, ou d'examiner quelque plante. Cela leur laissait un instant pour souffler à toutes les deux.

 

Et parfois, l'elfe sylvain les gratifiait d'un commentaire à voix basse :

 

« Quatre orques sont passés ici... Leur pas était hâtif. »

 

« Ils ont piétiné un moment à cet endroit, ils devaient chercher leur route... »

 

« Plusieurs groupes sont passés par ici... celui que nous cherchons est reparti dans cette direction. »

 

Et ainsi de suite.

 

Après l'épisode de l'embuscade, Suyvel n'osait pas vraiment rompre le silence et se contentait d'un vague grognement d'assentiment à chaque déclaration du rôdeur. De toute manière, le pistage ne relevait guère de ses compétences. En outre, elle n'aimait pas cette situation "“ dépendre d'un elfe sylvain "“ même si elle devait reconnaître que sa présence était un atout pour leur expédition. Par bonheur, Vandil ne cherchait guère à établir le dialogue avec elle, ce qui lui convenait parfaitement. Il n'en allait pas de même avec Sheelah : celle-ci portait un intérêt si manifeste à tout ce que le rôdeur disait ou montrait que Vandil ne tarda pas à lui demander si elle souhaitait qu'il lui en dise davantage sur la traque. Suyvel se retrouva donc à maugréer seule en arrière-garde, pendant que Sheelah et Vandil ouvraient la voie de concert, tout en devisant.

 

Elle entendit le rôdeur parler à Sheelah de l'importance de chausses adéquates :

 

« ... celles que vous portez sont parfaites pour les chemins, mais pour parcourir la forêt, sans bruit ni traces, il vous faudrait quelque chose de plus approprié... »

 

Suyvel eut un regard pour les bottes de leur guide.

 

Typique de l'artisanat des elfes sylvains. Des machins de bouseux !

 

Tout en les dénigrant intérieurement, la magicienne se rappela avoir lu que ces bottes elfiques étaient ce qui se faisaient de mieux pour celui qui souhaitait se déplacer silencieusement en forêt. Encore plus fort, avec ces chausses, Vandil ne laissait aucune trace derrière lui, pour autant que Suyvel pût en juger.

 

Les sylvains sont réputés invisibles. Ils ne vous laissent aucune piste pour les retrouver.

 

Elle eut un sourire féroce.

 

Sauf par la magie.

 

Lors de sa première rencontre avec le groupe de Vandil, c'était de la sorte qu'elle avait repéré leur présence. Elle savoura ce souvenir... puis revint à la réalité présente, pour constater que Sheelah et Vandil s'étaient arrêtés. Le sylvain avait repéré quelques plantes dont il cueillit de larges feuilles et, avec une dextérité presque surnaturelle, il les enroula autour des pieds et des jambes de Sheelah, les fixant à l'aide de cordelette elfique, tout en lui assurant :

 

« ... ainsi, elles ne bougeront pas, et vos traces en seront grandement diminuées... Bon, elles ne pourront vous servir guère plus d'une journée, mais ces feuilles soulageront vos pieds... »

 

Frappé d'une idée subite, il alla fourrager dans un bosquet, puis en revint avec d'autres herbes :

 

« Vous pouvez aussi utiliser ces plantes, la chélidoine et l'asturia, pour masquer votre odeur. Ne sous-estimez pas le flair d'un orque. Portez-les sur vous ou dans vos vêtements, et renouvelez-les régulièrement. »

 

Ensuite, il lorgna du côté d'un lianos. Suyvel savait que ces plantes étaient conscientes et plutôt hostiles, même si elles n'étaient pas très dangereuses. Elle s'attendait donc à du grabuge lorsque le rôdeur s'en approcha... Le lianos réagit à la présence de l'elfe sylvain mais ne montra nulle agressivité. Vandil cueillit une des fleurs de la plante animée en murmurant quelque chose, sans plus de conséquences. Revenant vers Sheelah, il passa la tige de la fleur d'un rose délicat dans la boutonnière du col de sa tunique. Lorsque la Terrane lui demanda quelle était l'utilité de cette fleur, Vandil répondit doucement :

 

« Absolument aucune, si ce n'est qu'elle pare très joliment votre vêtement. »

 

Suyvel, d'où elle était, vit le sourire de l'elfe sylvain. Elle se souvint qu'il avait eu la même expression pour Sheelah lors de l'embuscade. Leur guide ajoutait :

 

« Aussi fraîche que votre teint. »

 

Là, ça commençait à devenir agaçant aux yeux (et surtout aux oreilles) de l'elfe noire. Elle eut envie de dire :

 

Si je dérange, dites-le-moi, je peux vous laisser !

 

Mais se réfrénant, elle se contenta de ronchonner :

 

« Bon, on pourrait peut-être repartir, maintenant... ? »

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  • 4 weeks later...
Le ravissement m'envahit peu à peu, tandis que nous nous enfonçons dans la forêt. Sans oublier le but de notre quête, je me laisse porter par Vandil. Cela fait si longtemps me semble-t-il que personne n'a pris la peine de m'apprendre des choses. Plus encore des choses non magiques comme celles-ci. Retrouver ainsi la forêt d'Irliscia, la découvrir sous un jour nouveau, moins apeurant, moins édifiant, a quelque chose de déroutant. 
 
Et puis, Vandil a une façon de me parler, de m'expliquer les choses... Comme si nous nous connaissions depuis longtemps. C'est une sensation bizarre, qui ne m'est pas arrivée souvent. 
 
De temps à autre, je jette un regard sur Suyvel, ne comprenant pas pourquoi elle reste à l'écart comme ça. Je sais bien qu'elle soit magicienne, mais il est toujours utile de connaître d'autres techniques. Cela pourrait lui sauver la vie, dans d'autres circonstances. 
Enfin... Elle n'est pas seulement forte en magie. Je me souviens qu'elle avait une espèce de lame qui lui permettait de tuer des orques avec une agilité incroyable. 
 
Vandil détourne très vite mon attention de Suyvel, en me touchant soudainement, et d'une façon totalement inattendue. Mais ce n'était là que la suite de son apprentissage. 
 
Pourrais-je revenir le voir, une fois notre quête accomplie ? Le retrouverais-je seulement, dans cette vaste forêt ? Un tel maitre ne pourrait que mettre bénéfique. A coup sûr, lui saurait améliorer mes capacités, et me permettre de trouver une place légitime aux côtés des Sentinelles. 
 
Je ne sais pas encore quelle pourrait être cette place, mais développer de nouveaux talents ne peut qu'être bénéfique... Si je me révèle assez douée pour ça. 
 
J'en suis là, à rêvasser sur de futurs exploits peu certains, lorsque Vandil revient vers moi avec une fleur, et me l'accroche à ma chemise. Je ne peux m'empêcher de sursauter et de pester intérieurement. 
 
Je rêve, je rêve, de grandeur, de choses futures, alors que la réalité est là, devant moi, et que le rêve est bien loin. Qu'il pourrait me faire tuer surtout. Les rêves, c'est pour la nuit Sheelah. Un jour, ça va t'attirer des ennuis...
 
Dans un raclement de gorge, j'essaie de me reprendre, et lui  demande à quoi elle sert. Il a rendu mes pieds plus discrets, a masqué mon odeur. Que peut-il donc manquer pour surprendre un orque hein ?
 
Sa réponse fait changer ce teint dont il parle de couleur et l'interruption de Suyvel est plus que bienvenue. J'en profite pour faire deux pas dans sa discrétion, un peu gênée. Plus parce qu'elle a été mise à l'écart part l'elfe, ou par la façon d'agir de ce dernier ?
Pas très dur à deviner. 
 
Vandil se contente de sourire avec un air amusé, presque... Taquin à Suyvel.
 
-Ne vous inquiétez pas, elfe noire, après cette chasse, votre teint deviendra sûrement aussi frais que le sien...
 
Et avant que l'elfe ne puisse réagir, il se détourne et reprend la chasse. Ce n'est pas le genre de choses qui doit plaire... D'un petit pas, je me rapproche d'elle, lui attrape doucement le bras et, dans un sourire, lui murmure :
 
-Je le trouve très bien moi votre teint. 
 
Une petite tape sur son bras et je pars suivre Vandil. Il semble m'attendre, et me demande parfois si je remarque les traces des orques. Nous continuons d'avancer ainsi dans la forêt. Je trouve de plus en plus facilement des traces d'orques me semble-t-il, et un entrain considérable nait en moi. 
 
Je ne pensais pas que les leçons de l'elfe porteraient si vite leurs fruits. 
Je trouve ça même étrange en fait.
 
Et puis, en regardant la scène dans son ensemble, et pas juste les pas devant moi, je comprends. Nous sommes simplement arrivés tout près d'un campement orques, et les traces sont très nombreuses. Ils n'ont même pas dû prendre la peine de les cacher. 
Mais je ne me sens même pas déçue. Juste...
 
Dubitative.
 
C'est bien joli d'avoir retrouvé nos orques hein, mais je ne pensais pas qu'on trouverait TOUT un campement avec !
 
Un rire un brin hystérique s'échappe de ma gorge sans que je ne puisse le contrôler. Je sens même quelques larmes monter à mes yeux. 
Je me tourne alors vers Suyvel, lui présentant de la main la chose.
 
-Comment allons-nous faire à présent hein ? 
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Le campement orque.

 

Dès le début de leur traque, les deux magiciennes avaient émis l'hypothèse que ce pouvait être la destination des quatre orques qu'elles pourchassaient, au vu de la direction qu'ils avaient prise. Par la suite, la piste avait souvent bifurqué, selon les obstacles rencontrés, et la direction suivie par les fuyards avait semblé moins évidente. Mais au bout de plusieurs heures, Suyvel, qui était venue plusieurs fois aux abords du campement, commença à reconnaître les lieux. Un sombre pressentiment l'agita.

 

Qui se confirma lorsque, au détour d'un dernier bosquet épais, les puissantes murailles de la base orque s'allongèrent devant ses yeux.

 

Ils sont rentrés là-dedans avant que l'on puisse les rattraper.

 

Une pensée qui lui sapait le moral. Et lorsque Sheelah, dont la voix tremblait légèrement, lui demanda :

 

-Comment allons-nous faire à présent hein ? 

 

... elle ne sut que répondre sur l'instant. Mais au moins avait-elle sous la main une personne sur laquelle passer la méchante humeur qui montait en elle. Elle apostropha Vandil d'une voix basse et pleine de morgue :

 

« Félicitations à notre pisteur émérite. Si c'était pour trouver la base orque, j'aurais pu facilement y parvenir sans votre aide ! Et en plus, nous arrivons bien après notre gibier. Mais peut-être que nous aurions pu les rattraper avant si vous ne vous étiez pas arrêté pour nous donner des leçons de ramassage des feuilles mortes... ? »

 

Le rôdeur parut serrer les dents mais ne pipa mot. Il semblait mal à l'aise, et se sentait peut-être vaguement coupable. Ses yeux allaient d'un point à un autre, cherchant probablement une solution... ou une confirmation de leurs craintes. Finalement, il se tourna vers Sheelah, et lui dit d'une voix résignée :

 

« Nos fuyards sont rentrés dans leur base... Nous n'avons plus rien à faire ici. Je vais vous raccompagner vers la cité de vos semblables puis je rejoindrai mon groupe. »

 

Suyvel eut un rictus de dédain.

 

Toi, tu ne connais pas bien Sheelah !

 

C'était également son cas mais, dans cette situation précise, elle pressentait la réponse de la Terrane. Aussi ne fut-elle pas surprise lorsque l'humaine rétorqua vivement :

 

« Je ne peux pas leur abandonner le diadème de Kaimi. Il faut que je le leur reprenne... à tout prix ! »

 

Et Suyvel adressa un petit sourire goguenard au rôdeur déconfit, qui se retrouvait sans allié pour défendre son point de vue. Puis elle se tourna vers Sheelah.

 

« Tu peux compter sur mon appui. Je ne te laisserai pas tomber, moi... en mémoire de Kaimi. Je suis déjà entrée là-dedans. »

 

Lorsque Sheelah lui demanda comment, l'elfe noire parut réfléchir à voix haute.

 

« En fait, par la voie des airs. J'en ai appelé au pouvoir d'un élémental de l'air qui m'a propulsée sur le chemin de ronde. Rapide et efficace, mais vraiment pas discret ! A l'époque, mon but n'était pas de passer inaperçue... Et puis de toute façon, comme tu n'es pas une fidèle d'Eolia, je doute qu'un de ses enfants accepte de te rendre ce service. Hmmm... j'imagine que le plus simple serait d'attendre la nuit. Alors nous pourrions utiliser des cordes et des grappins pour franchir cette muraille... »

 

A ces mots, Vandil, qui s'était enfermé dans un morne silence, répondit vivement :

 

« Escalader ces hauts murs ? Sans un bruit ? Pensez-vous vraiment en être capable ? Ou bien la vie de cette jeune femme ne vaut-elle rien à vos yeux ? En outre... il est un moyen bien plus sûr d'entrer. »

 

Aussitôt, le rôdeur parut regretter ces derniers mots. Mais comme Sheelah tournait vers lui des yeux interrogateurs, il poursuivit, un peu à contrecœur :

 

« Lors de l'assaut de la garde de Melrath Zorac, mes frères d'armes ont ouvert des brèches dans ces fortifications. Certaines sont bien dissimulées à cause de l'épaisseur de la végétation. Les orques ne les ont toujours pas découvertes. Et justement, j'en connais une. C'est un peu loin d'ici, vers le sud, mais nous pouvons y être pour le crépuscule. Et de toute façon, il n'est pas question d'entrer là-dedans avant la nuit. »

 

Il riva son doux regard à celui de la jeune femme.

 

« Si vraiment vous voulez vous y aventurer, je vous accompagnerai. Hors de question de vous abandonner à tous les orques qui pullulent dans ce camp. Et mon peuple est doté d'une excellente vision nocturne. Je serai vos yeux, si vous le permettez... »

 

Suyvel fit la grimace.

 

Et les drows ? Ils sont aveugles dans le noir, les drows ?

 

C'était ce qu'elle avait envie de lui lancer au visage. Néanmoins, l'offre de Vandil ne lui était pas adressée à elle. Et puis sa proposition de les amener à une entrée dissimulée lui semblait de quelque valeur. Elle attendit donc sans mot dire de voir quelle serait la position de Sheelah...

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  • 2 months later...

Je ne sais comment réagir. Je suis pour le moment trop étonnée pour être en colère comme l'est Suyvel. Un étrange vide, que Kaimi a créé en se suicidant, se fait de nouveau sentir. Je ne peux cependant pas abandonner. Et puis, cela n'est pas vraiment dans mon caractère. Je n'ai de toute façon sûrement pas fait tout ce chemin pour repartir. Pas moyen.

 

Encore une fois, Suyvel me montre un soutien indéfectible, et cela me fait un bien incroyable. Et fait grandir le respect que j'ai pour elle.

 

Je ne comprends guère pourquoi elle semble toujours chercher la petite bête avec Vandil, qui ne semble pas la porter dans son cœur non plus. Sans doute une vieille rancœur entre eux. A une autre occasion, cela m'aurait plus irrité qu'autre chose, mais, en écoutant attentivement, je me rends compte que cela sert à mes affaires.

 

Mes yeux ne lâchent plus ceux de Vandil. A présent qu'il a commencé à parler, je ne vois pas comment il pourrait ne pas continuer. Ce serait comme entamer une chanson sans la finir, ou... Ou montrer une bouteille d'alcool à Yareth, mais ne pas la lui donner. Oui, voilà, ce serait la même chose, la même sensation, aussi étrange que cette comparaison puisse être.

 

Fort heureusement, Vandil reprend son discours. Mon être est entièrement tourné vers lui. Je suis dans l'expectative. J'attends, j'attends. Je bois ses paroles, les écoute avec une attention accrue, bien décidée à comprendre le moyen qui existe, et à trouver une solution pour que nous puissions, à notre tour, entrer là-dedans.

 

De nouveau, l'elfe renouvelle son offre, me proposant encore une fois de me suivre. Les battements de mon cœur s'accélèrent tandis que je prends conscience de la chance que j'ai. Je n'arrive pas à comprendre ce qui peut le pousser à vouloir m'aider avec tant de fougue. Pour Suyvel, les choses me semblent plus simples. Elle connaissait Kaimi, elles étaient amies. D'après ce que je connais de leur relation, il est plus que logique que Suyvel veuille retrouver le diadème. Mais pour Vandil, les choses me semblent plus complexes.

 

Le doute me tiraille. Je jette un coup d'œil au campement orque, le corps nerveux, le pied tapant sur le sol. Je n'aime pas ce genre de situation. Pas du tout. Ce n'est pas ainsi que les choses devraient se passer. Qui suis-je pour décider ainsi de la suite des évènements ? Qui suis-je pour mener avec moi deux personnes, peut-être à leur perte ? Je n'aime vraiment pas ça. Ce sentiment. Cette impression de devoir choisir, d'être en position pour. De trouver la meilleure solution, pour tout le monde. Je pourrais, pourtant, faire un choix égoïste. Décider de les envoyer chercher le diadème, me le ramener, au péril de leur vie. Sans doute Vandil irait-il. Un je ne sais quoi dans mon regard me le fait penser.

 

Mais je n'ai pas envie de rester en arrière. Pas envie de les envoyer à la mort, même si je ne les connais que peu, même si je ressens une espèce de jalousie à l'égard de Suyvel.

 

-Pourquoi... Pourquoi ne pas créer une diversion ? Vous vous postez à une entrée du camp, vous faites un tapage d'enfer, vous allumez des feu... Et pendant que vous attirez les orques d'un côté, j'entre dans le camp par un autre pour...

 

Mais je n'ai pas le temps de finir ma proposition qu'un chœur de « sûrement pas ! » m'arrive au visage. Un léger sourire sardonique apparaît à mon visage lorsque je me rends compte que, finalement, ils savent parfois mettre de côté leur petite querelle.

 

Cependant, la réalité me revient rapidement à l'esprit, et le sourire quitte mon visage.

 

-Bon bon... Je n'irai pas seule.

 

Pendant un petit moment, nous tombons dans un silence me permettant de réfléchir à une solution pour entrer là-dedans.

 

-Et si...

Et si on tuait des orques, que tu leur enlèves la peau et qu'on s'en vête !

 

Le regard que Suyvel me jette me semble... Déconcerté. L'idée m'a l'air pourtant bonne. En agissant ainsi, ils ne pourront pas "“ trop vite "“ deviner que nous ne sommes pas des leurs.

 

-Je ne suis pas tanneuse, mais herboriste, me répond-elle calmement.

 

Sa réponse me cloue sur place. Je ne m'y attendais absolument pas. En fait, je n'avais jamais vraiment réfléchit à ses passe-temps. Je me demande ce qui a pu me faire penser qu'elle pouvait préférer tuer et dépecer des bêtes plutôt que récolter...

 

-Ah... Ça va être plus compliqué dans ce cas.

 

Suyvel semble réfléchir un instant puis répond :

 

-Et si nous entrions simplement de nuit, le plus discrètement possible ?

 

C'est, à peu de chose près, ce que Vandil avait proposé, il me semble. Et aussi la seule solution qui me semble faisable. Ou du moins, un peu plus que celles que j'ai proposé. C'est un peu dommage, j'aimais bien l'idée de me déguiser. Mais nous n'avons pas des jours et des jours devant nous. Qui sait combien de temps ils vont continuer à m'aider ?

 

Je n'hésite que très peu de temps. Un hochement de tête pour leur dire que je suis d'accord, et Vandil prend les devants, une nouvelle fois. J'adresse un léger sourire à Suyvel, sans trop savoir pourquoi, et me remets à marcher derrière l'elfe.

 

Personne ne parle, je les sens tous les deux concentrés.

 

Tout en marchant, Vandil ramasse, cueille, coupe diverses plantes, il m'en passe certaines. Que je mange celle-ci pour avoir de l'énergie. Que je passe cette autre sur ma peau pour que mon odeur soit moindre. Je le vois tenter un regard vers Suyvel, mais quelque chose dans son allure le dissuade de lui donner des choses.

La nuit tombe lorsque nous arrivons devant l'ouverture dont l'elfe nous a parlé. Mon cœur bat à toute allure. L'angoisse me saisit. J'ai l'impression de me jeter dans la gueule du loup.

 

Mais il le faut.

 

Pour Kaimi.

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  • 2 weeks later...

Arrivé devant la brèche de la muraille, Vandil se retourna face à Sheelah et Suyvel.

 

« Une fois entrés, nous ne pourrons guère reculer. Il est encore temps de faire demi-tour... »

 

Mais son ultime mise en garde ne rencontra guère d'écho. Seule la détermination se peignait sur le visage des deux femmes qui le suivaient. Alors il renonça pour de bon à les faire changer d'idée.

Le rôdeur s'assura que la nuit était déjà suffisamment obscure puis, rassuré, tira sur des branchages qui dissimulaient à la vue de tous une ouverture dans les défenses orques. Il y passa prudemment la tête pour jeter un long coup d'œil de l'autre côté. Finalement rassuré, il s'écarta un peu et invita les deux femmes à venir partager son poste d'observation.

 

« Pas de difficultés particulières en vue, en tout cas pas devant notre entrée... ils ne l'ont toujours pas repérée, on dirait. Décidément, les orques ne sont pas bien futés... »

 

Il eut un imperceptible gloussement de gorge. Lui non plus ne tenait pas les orques en haute estime.

 

« Bien, nous allons pouvoir entrer. Sheelah, gardez vos pas dans les miens, je vous prie. Elfe noire, vous fermerez la marche. Nous allons nous glisser derrière cette barricade, à gauche, puis nous longerons la rangée de tentes et "“

- Je ne fermerai rien du tout, le coupa Suyvel. Etant donné l'importance du campement, vous ne voulez pas sérieusement que nous restions groupés ? Je partirai de mon côté, sur la droite. Ainsi nous couvrirons bien plus de terrain.

- Mais il y a des feux de camp, là-bas ! objecta le rôdeur.

- D'ici, je vois déjà comment les contourner sans me faire repérer. Ne vous tracassez pas pour moi, je m'en sortirai bien mieux toute seule. »

 

La conclusion de la magicienne était abrupte mais eut au moins le mérite d'éviter de perdre encore quelques minutes à tergiverser. Trouver quelques orques parmi des centaines "“ sans se faire voir "“ s'annonçait long, surtout dans cette base si vaste. La nuit ne durerait pas éternellement. Le temps risquait de leur faire défaut.

 

Alors ils entrèrent en tapinois et, sur un simple signe de tête, ils se séparèrent.

 

Comme elle l'avait prévu, Suyvel n'eut guère de mal à se faufiler parmi les feux de garde et les sentinelles, peu vigilantes, certainement confiantes en leurs murailles "“ trop, manifestement. Toutefois, quelques patrouilles qu'elle vint à croiser lui ôtèrent bien vite tout sentiment de sécurité. L'elfe noire avait beau être aussi discrète qu'une ombre dans la nuit, les orques étaient trop nombreux, et loin d'être tous endormis. Que l'un d'eux vint à passer un peu trop près d'elle, et elle serait repérée à coup sûr. Alors, redoublant de prudence, elle s'enfonça dans le cœur du campement.

 

La magicienne progressait ainsi depuis plus d'une heure, longeant des amoncellements de caisses et d'objets divers, lorsqu'elle aperçut un petit groupe d'orques autour d'un feu. Et en particulier l'éclat lumineux des flammes sur un objet que l'un d'eux brandissait comme un trophée. Suyvel sentit son cœur bondir dans sa poitrine.

 

Un diadème !

 

Alors elle avait finalement retrouvé les quatre pillards. Ceux-ci semblaient fanfaronner devant d'autres orques qui n'avaient pas participé à leur expédition. Suyvel aurait gagé qu'ils étaient en train de leur narrer comment ils avaient, au péril de leur vie, arraché ce butin aux mains d'adversaires bien plus forts et nombreux qu'eux ! Elle ne savait pas si les autres orques prêtaient crédit à leurs dires mais l'un d'entre eux, lui, semblait surtout se passionner pour le diadème. Il se leva et vint posément l'arracher des mains du narrateur. Ce dernier se rebiffa et voulut le reprendre, mais fut écarté d'une bourrade bien sentie, accompagnée d'un grognement sans équivoque. L'orque qui venait de le déposséder était d'une tout autre carrure. Il devait le dépasser d'une tête et peser dans les cent cinquante kilos. Rien d'extraordinaire à cela, d'ailleurs : les orques les plus puissants dépassaient les deux mètres et les deux quintaux. Pas de chance pour le maraudeur dépossédé, surtout lorsque l'on savait que la justice orque pouvait se résumer en un principe unique.

 

Si t'es pas le plus fort, t'as tort !

 

L'orque spolié comprit qu'il avait affaire à trop forte partie, et ses compagnons ne donnèrent guère l'impression de vouloir prendre des horions pour défendre leur butin, qui avait pourtant coûté la vie de trois de leurs camarades. Alors l'orque massif se détacha du groupe et se dirigea d'un pas lourd vers une tente, dans laquelle il disparut. Suyvel sourit en coin.

 

Bien mal acquis ne profite jamais.

 

Puis elle songea qu'il était temps de signaler à ses compagnons qu'elle avait trouvé les orques qu'ils cherchaient. Ce fut alors qu'elle réalisa qu'ils n'avaient pas convenu d'un endroit et d'une heure pour se retrouver. Oubli minime, certes, mais qui pouvait s'avérer ennuyeux.

 

Que faire ? Je ne vais tout de même pas parcourir le camp orque en tous sens en espérant tomber sur eux au petit bonheur la chance !

 

Retourner à la brèche et attendre le matin ? Ca semblait le plus simple, mais... ils devraient alors attendre la nuit suivante pour entrer de nouveau dans le camp. Et alors, les orques seraient-ils encore là ? Et le diadème ?

 

Trop d'incertitudes. On ne peut pas s'octroyer le luxe de temporiser.

 

Devait-elle agir seule, sans les attendre ? C'était une option risquée, mais à considérer. Une autre idée, toutefois, vint lui faire prendre conscience d'une autre possibilité.

 

Un instant ! Si, moi, je ne puis parcourir le camp en tous sens sans être repérée, je connais quelqu'un qui peut le faire sans risque...

 

La magicienne alla donc se mettre à l'écart dans un recoin désert et lança un appel discret aux vents : un nom qui sonnait comme la solution à son problème.

 

« Thelef Aunym'Obyl ! »

 

Et le sylphe répondit à l'appel de celle qu'il considérait désormais comme une amie. Suyvel lui expliqua la situation et lui demanda de porter ses mots à l'oreille de la seule humaine que Thelef trouverait dans ce camp. Le sylphe étant invisible aux yeux des orques et des humains, il ne risquait pas d'être découvert en sillonnant le camp à la recherche de Sheelah "“ sauf si un mage s'avisait de lancer un sort de vision améliorée, mais cela était bien peu probable. Le sylphe s'en fut et Suyvel resta à épier le groupe d'orques. Ces derniers semblaient très abattus, après s'être fait soulager de leur butin, et restaient assis à se lamenter ou ronchonner.

 

Finalement, Thelef fut de retour et lui glissa dans un murmure :

« Mission accomplie, magicienne. Tes amis m'ont suivi jusqu'à toi. »

 

L'elfe noire jeta un coup d'œil alentour et vit, de l'autre côté du feu de camp, deux silhouettes familières qui se tenaient cachées derrière un tas de bois. Sans sa vision nocturne, elle ne les aurait pas repérés. Petit souci : ils étaient de l'autre côté du feu, et ne pouvaient pas la rejoindre directement. Il aurait fallu passer en terrain découvert et éclairé. Suyvel fit un geste à leur intention, auquel Vandil répondit.

 

Parfait ! Ils sont là et ils m'ont vue.

 

Puis elle indiqua d'un geste précis le groupe d'orques encore assis autour du feu de camp. Geste qu'elle regretta aussitôt.

 

Pourvu que Sheelah ne commette pas de folie !

 

Risquant un nouveau coup d'œil du côté de ses compagnons, elle vit que Vandil avait posé les mains sur les épaules de Sheelah. Essayait-il de la calmer ? L'avait-il empêchée de courir sus aux quatre maraudeurs, sans autre forme de procès ? Difficile à dire de là où Suyvel se trouvait.

 

Ce fut ce moment-là que les orques choisirent pour se lever et se diriger vers une autre tente.

 

Aïe ! Pas la même tente que celui qui a pris le diadème... cela aurait été trop simple, évidemment...

 

Et Sheelah ne savait pas que ce qu'elle cherchait avait changé de mains. Cela dit, Suyvel n'était pas persuadée que cela aurait changé grand-chose... Lors de leur traque, plus tôt dans la journée, elles avaient évoqué la possibilité de reprendre le diadème sans chercher à châtier les pillards, et Sheelah avait semblé plus que déçue à cette éventualité.

 

Maintenant qu'elle les tient, même si je pouvais lui dire que ces quatre-là n'ont plus le diadème, il y a fort à parier qu'elle voudrait encore les faire payer pour leur sacrilège... en mémoire de Kaimi.

 

Ce qui était étonnant, en fait. Sheelah lui avait plutôt fait l'impression d'une jeune femme douce, paisible et pas belliqueuse pour un sou. Mais dès qu'il s'agissait de Kaimi, il en allait tout autrement. Pourtant, cette dernière n'était plus du monde des vivants... Cela suscitait quelques interrogations dans l'esprit de l'elfe noire.

 

Quel lien peut bien demeurer si fort, même par-delà la mort ?

 

Dubitative, elle regarda du côté de Sheelah, se demandant ce que la Terrane allait entreprendre...

Modifié (le) par Suyvel
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