Aller au contenu
Terre des Éléments

Louves et égaré


Rhapsody
 Share

Recommended Posts

L'air s'est paré depuis peu d'une amertume dont je peine à trouver l'origine. Des jours qui s'annonçaient prometteurs se sont teintés d'un éclat meurtrier qui affole tous mes instincts de survie. La sensation inaltérable d'être prise à la gorge me hante tandis que je tente d'étouffer ces pressentiments funestes, les mettant sur le compte d'une fatigue générale.

Plusieurs jours que je suis coupée du monde. Personne n'a daigné me contacter, et j'en ai conçu une telle haine à l'égard de mes camarades que j'ai entamé un repli sérieux sur ma personne. Quelques grognements en guise de salutations aux êtres que je croise dans les couloirs des auberges, plusieurs fuites face à des puissances supérieures, un accrochage avec un Au-delà qui a mal tourné... Une routine étouffante propre à me rendre folle... Je n'aime pas cette solitude promptement effrayante. Moi qui vivais en ermitage, je me retrouve dépendante de cela même que je repoussais...

J'ai bien changé, peut être trop...

Il me faut une distraction pour éloigner ces noires pensées, une échappatoire à mes inquiétudes. Trouver une âme tourmentée à aiguiller sur la voie de la déchéance afin d'expier mes propres désespoirs, entraîner un esprit propice dans la folie qui est mienne. Je veux oublier pour un temps cette intuition étrange d'un mal qui rôde. L'idée qui a point en moi est par trop destructrice de tous mes espoirs pour que j'ose lui faire front.

Je me voile probablement la face, mais je ne suis pas encore assez éprouvée pour accepter pareille rémission à ma source principale de bonheur.

Le mal se développe en moi. Depuis Selene, depuis le dernier épisode à Melrath, je le sens plus vivace que jamais, plus meurtrier aussi. Des considérations qui m'auraient auparavant arrêtée deviennent de simples obstacles que je balaie d'un revers de bonne conscience. Les sombres filaments de ma raison dérangée s'agrippent autour de mon cœur blessé pour y injecter leur douloureux poison de doute.

Une présomption par trop inquiétante m'étreint.

A trop retourner cette folie, je risque de sombrer moi-même dans les tréfonds de la bestialité. Ma décision est prise.

Un long sifflement alors que je parcours la forêt qui entoure le domaine. Il se trouvera bien un être en ces lieux pour répondre à mon attente. Je sens à la lisière de mon esprit une demi-conscience craintive mais néanmoins curieuse. Etrange sensation de cette caresse sur mes plaies difficilement cicatrisées. La bête cherche à comprendre ce qui ronge cette nouvelle rencontre. En vain.

Cet instinct tortueux dépasse sa conception plutôt manichéenne des choses, et la noirceur qu'elle perçoit l'incite à s'éloigner, mais je me dois de la retenir. Mes genoux tombent dans la terre meuble alors même que mes doigts s'y enfoncent avec délectation. Après quelques minutes de réflexion, je sens la mère ancestrale s'ouvrir à ma présence. Un baume apaisant se dépose un instant sur mes blessures intérieures, me présentant pour un temps comme plus acceptable pour ce que je décèle maintenant être un canidé.

Le froissement feutré des pattes sur le tapis d'humus se rapproche. Je demeure immobile, ne souhaitant pas briser cet instant de découverte entre nous. Yeux fermés, j'attends que la louve soit plus près encore. Elle s'arrête lorsque sa truffe est suffisamment proche pour inspecter avec plus de détails mon odeur étrange d'humanoïde.

Je lève le regard pour croiser ses prunelles brunes emplies d'une quiétude rassurante. Le temps se fige, l'animal m'observe, me scrute au travers du spectre de tous ses sens dans l'espoir de trouver l'écho à ce qui la fait vibrer. Elle trouve soudain, et l'étincelle de compréhension s'allume au fond de son intelligence.

Une liberté ardente et tenace, une volonté de s'affranchir des barrières morales pour plonger dans un troublant désir d'indépendance. La louve a quitté sa meute, je me perds loin des miens.

Ma main terreuse se lève, effleure la truffe frémissante qui semble me donner son accord avant de se poser sur son large front. Un frisson le long de son corps élancé, l'instinct primaire de fuite qu'elle surmonte pourtant pour en apprendre plus.

Elle sent la douleur qui émane encore de moi, diffuse, cet étrange sentiment de mal à peine camouflé. Elle sent cet intrigant mélange de justice et de noirceur qui, la dépassant pourtant, l'attire à moi. Le message passe entre nous avant que je ne me mette à prononcer quelques mots. La magie crépite dans l'air, faisant se hérisser le poil sombre de la bête qui pourtant, affronte vaillamment cette épreuve.

Les mots se gravent en elle au fur et à mesure que je les dessine dans mon esprit, prêts à ressortir au simple toucher de cette créature. Elle est certes effrayante, mais je ne peux me contenter d'un esprit faible qui la fuirait. Je lui insuffle la volonté de fuite si l'accueil venait à être mauvais. Il ne faut absolument pas qu'elle mette sa vie en danger pour une lubie de nécromancienne.

Finalement, notre tâche commune est achevée. La louve m'adresse un dernier regard scrutateur avant de disparaître dans la pénombre des sous-bois vers une destination qui lui est à elle-même encore inconnue. Je me relève en la fixant des yeux jusqu'à la perdre. Je lui ai promis la seule chose qu'elle attendait réellement.

La fin d'une solitude par trop éprouvante, la compassion d'une sœur tourmentée. Un pacte de louves.

í‚me tourmentée qui reçois cette étrange communication, si le désir de découvrir une sœur de paradoxe t'étreint à la découverte de son existence, regarde les étoiles. En découvrant la brillante sombre, tu trouveras ta route pour rejoindre une compagne d'infortune apte à éclairer ton périple en ces lieux.

Sois courageuse.

La louve glaciale

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Dès la première fois, elles ne m'avaient plus quitté. Et chaque moment de faiblesse était propice à guetter leur retour avec impatience. Frisson d'empressement, sueur sucrée, je les attendais. Haine et amour que je leur vouais de m'avoir présenté Naxorm. Mais la solitude qui m'étreignait ardemment le cœur pesait de tout son poids sur la balance si bien que la raison m'abandonnait et que je les adulais.. Admirables et taquins petits feu follets illuminant la funeste réalité de leurs étincelles ténébreuses.

La folie me gagnait.

Innovant à chacun de leurs ballets diaboliques, elles me charmaient par leurs danses effrénées, me frôlant de temps à autre pour disparaître entre mes doigts envieux. Les dessins lascifs qu'elles crayonnaient dans mon esprit torturé finissaient de m'arracher des murmures d'aliéné. Il me semblait même que par certains moments de totale perdition je leur envoyais des baisers ardents..

La nébulosité finissait de s'épancher dans mon âme, ses filets empoisonnés me dardant de leurs pics foudroyants. Je me brûlais à chacun de leur palper fantomatique, leur teneur glaciale s'insufflant en moi de façon vampirique. Aspirant jusqu'à la moelle de mes souvenirs les plus profonds je perdais la pleine mesure de mon être tandis qu'elles me martelaient d'une voie d'outre tombe ces quelques mots s'inscrivant sur ma chair contusionnée dans le sang.

Sirupeuse obscurité dans laquelle rêverie et hallucination se mêlaient. Monstres et chérubins s'unissaient dans d'affolantes orgies sous mes yeux cupides. Des éclairs lumineux m'en laissaient trop ou bien pas assez entrevoir, et je fulminais ressentant à la fois convoitise et répulsion devant l'insupportable scène qui se jouait devant mon regard hagard. Me débattant contre les enlacements enjôleurs des fumerolles, je distinguais enfin l'un des chérubins à la nudité obscène me fixant de ses yeux rieurs et qui pourtant en disant tant sur la corruption qui le rongeait à petit feu. Je cherchais autant à m'y échapper qu'à m'y plonger avec volupté.

Bousculade virulente, coup de poings échangés avec le souffle putride de la pénombre.. J'y étais. J'y étais presque. De mes phalanges s'échappaient des fumerolles grisâtres aux relents calcinés, je brûlais, mon sang n'étant plus qu'un vaste solfatare. Ses deux soleils blonds m'attirant irrémédiablement dans une chute éperdue, je me sentis basculer dans le néant où me léchaient déjà des flammes pourpres. Enfin.. Mes doigts ensanglantés se refermèrent sur ma proie en un contact duveteux..

Là, une femme ! Un loup ! Ou bien était-ce une femme louve qui me souriait de ses yeux larmoyants?! Je me jetais contre elle en un hurlement strident, de quel droit se permettait-elle d'apparaitre ainsi et de s'emparer de mes hallucinations.. Elle devrait payer de sa vie pour cet affront.. Et tandis que cette pensée s'imposait à moi, une douleur couleur carmin me foudroya.

«ã€€í‚me tourmentée qui reçois cette étrange communication, si le désir de découvrir une sœur de paradoxe t'étreint à la découverte de son existence, regarde les étoiles. En découvrant la brillante sombre, tu trouveras ta route pour rejoindre une compagne d'infortune apte à éclairer ton périple en ces lieux.

Sois courageuse.

La louve glaciale »

Mon souffle s'était fait rauque, et brassant l'air de mes mains rougies je l'invitais à s'engouffrer dans mes poumons mis à mal par mes délires insistants. La douleur revint s'insinuant plus profondément dans une âme déjà bien assez mutilée. Agréable, frais, soyeux, rassurant.. Dans quoi avais-je mis les pieds.. Ou plus exactement les mains.. Mes meurtrissures s'affolèrent un instant en un lapement de langue rugueux et salé.

« Tire toi.. »

Mon regard flamboyant de fureur se jeta dans le sien innocent et inquisiteur, volonté de destruction.

Eclat d'images, de sensations étrangères se croquant en un panel nanti et interdit. Immersion exécrable dans l'esprit carnassier de la bête, danse démoniaque de mes ongles impétueux ne s'arrêtant pas sans avoir fouillé et vidé toute l'essence animale en de virulents hurlements.

Notre sang s'était mêlé m'apportant enfin une salvatrice révélation. Je caressais maladroitement de mes doigts carmin son pelage tâché de sang par mes mots venimeux, excuse pitoyable pour ce que je venais de lui infliger.. Frissonnement devant cet afflux de pouvoir que je ne maîtrisais pas.

Je me demandais furtivement pourquoi elle n'avait pas fui, là ainsi mis à mal par mon courroux dévastateur.. La réponse fusa, cette autre louve avait su la gagner à sa cause destructrice..Spasme de frayeur.

« Mais emmène moi avant avec toi .. »ã€€

Modifié (le) par Naxorm
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Une douleur effroyable me déchire le crâne. Je tente de lutter mais les hurlements affolés qui résonnent dans mon esprit m'empêchent de faire le point sur la source de cette nuisance. Debout au milieu de la cour du Domaine, je suis obligée de me prendre la tête entre les mains pour tenter de comprendre ce qui m'arrive, mais un jappement de peur m'oppresse de plus belle.

J'essaie de le neutraliser le temps nécessaire pour m'éloigner de ces lieux quand une nouvelle vague de pure terreur animale s'empare de moi. La louve !

Immédiatement, j'accueille sa supplication en mon sein afin de l'aider à surmonter ces sombres arcanes qui la tiraillent. Une noirceur familière effleure la lisière de ma conscience, à la périphérie des émotions animales bien trop affectées pour que je puisse espérer l'identifier convenablement. Sans nul doute pourtant, ma compagne canine a atteint le but de son périple.

Répulsion de mon être, accueil chaleureux, la douleur lâche prise sur ma sœur d'âme par une agréable sensation de chaud le long des flancs. Pantelante au milieu de l'espace dégagé, je tente de me ressaisir. Le contact se fait plus ténu jusqu'à disparaître totalement. Rien de beau ou d'épique. Les sensations qui étaient présentes l'instant d'avant ne le sont plus le suivant...

Un peu inquiète, je rumine sur la possible disparition de ma compagne avant de tenter de me calmer. Elle ne se serait pas laissée avoir de telle manière. Pas cette louve...

D'un dernier regret, je repousse pourtant mes inquiétudes au fond d'un esprit occupé par ailleurs. Il sera bien temps de voir venir...

~

Les jours ont passé, amers. Chaque matin, j'ai rejoint les bois dans l'espoir de voir revenir ma sombre compagne, mais j'ai du chaque soir me rendre à l'évidence. Ce n'était pas encore le bon moment. L'impatience bouillait en moi. Le désir de faire subir un juste châtiment à l'âme suffisamment dévastée pour suivre ma messagère s'amplifiait heure après heure, jusqu'à ce que j'en conçoive un tel plaisir à sa seule évocation que j'émettais de sérieux doute sur ma propre santé mentale.

Trop de jours sans nouvelle. Trop de jours sans réconfort. Je basculais dans ma froideur naturelle décuplée par une sombre attirance. Je trainais en vain mon esprit désœuvré dans le Domaine, en quête d'une occupation pour oublier tant la louve désespérément absente que mon amant guère plus présent.

Aujourd'hui est semblable aux précédents. Peut être une semaine que la louve est partie, j'ai perdu de toute façon la notion des heures qui défilent. J'erre dans la bibliothèque, tentant de concentrer mon esprit sur un ouvrage au style abscons et au sens non plus clair, espérant que la difficulté de la tâche monopolisera toutes mes facultés sans me laisser le loisir de divaguer à des préoccupations trop dangereuses.

J'en suis au chapitre concernant la vacuité sentimentale de l'être moribond lorsqu'une nouvelle intrusion se fait dans mon esprit, de manière toutefois beaucoup moins prononcée. A peine plus qu'un effleurement curieux. Immédiatement, j'abandonne l'œuvre à la poussière de laquelle je l'ai arrachée pour rejoindre les bois. Je n'ai su distinguer précisément l'auteur de cet appel, mais nul autre que la louve n'occupe mes espoirs à l'heure actuelle.

La forêt est calme en cette heure. Sous les frondaisons, la lumière s'est faite plus réduite, et le mauvais temps du jour se répercute par quelques gouttes de pluie qui, ayant réussi à passer entre les branchages, résonnent avec plus de force sur le tapis d'humus. Au-delà, seul le bruissement du tapotement de l'eau sur le toit feuillu se fait entendre, donnant au lieu une atmosphère irréelle qui comble mon expectative d'une rencontre exceptionnelle.

Trop pressée, je n'en ai pas pris le temps de me couvrir, ayant pour la peine essuyé l'averse sans cape. Mes cheveux longs d'argent gouttent de l'eau déversée, de même que ma robe devenue collante sur ma peau de nacre. Mes bottes ont elles aussi subi la tempête, mais je décide de m'en séparer au creux d'un arbre, préférant frôler les feuilles à terre de la plante de mes pieds nus. Question de discrétion et d'affinité...

La sensation d'une présence se renouvelle, accompagnée cette fois d'une aura inconnue. Je ferme les yeux pour tenter de me concentrer sur cet arrivant, mais il m'échappe et me fuit. Une âme intéressante. La louve m'a repérée.

Je m'adosse à un chêne, dans la pénombre des branchages, l'attendant patiemment. La promesse des tourments à venir me grise, mais je prends garde de ne pas me laisser emporter. J'ignore l'identité de celui ou celle qui arrive, mais prends à partie de ne pas le sous estimer.

Enfin, l'animal émerge des buissons, me lançant un long regard brun, avant de venir s'asseoir face à moi. Derrière elle, j'entends le pas plus maladroit d'un néophyte des forêts. Très intéressant. Je décide de lui laisser l'avantage dans cette partie où il ignore la cause de sa venue.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Il pleuvait sur ma vie tout comme il pleuvait dru sur mon âme.

Plusieurs décans que j'errais par tous les temps, galopant après l'ombre furtive d'une louve et redoutant à chaque pas la nature de chimère de mon apparition. Traîner ma chair devenait une tâche des plus insupportables me coûtant une motivation que je n'avais pourtant jamais eu.

Attirance singulière.

Dirigée sans doute vers une nouvelle invention démoniaque concoctée par celui venu occuper récemment esprit et corps qui jusque là m'appartenaient en propre. Condition d'esclave dont je n'arrivais pas à m'affranchir. En avais-je réellement la volonté ? Si je renonçais à m'apporter une quelconque réponse, je ne pouvais toutefois nier que le fait qu'un autre endosse les responsabilités de ma réalité me délestait d'un poids considérable. Etais-je prêt à en supporter les conséquences ? Rien n'en était moins assuré, même si jusqu'ici aucun sang n'était venu m'entacher doigts et âme. Ce temps viendrait, mais semblable au bourdonnement dérangeant d'un insecte nocturne, j'avais fini par m'y accoutumer.

Par deux fois j'avais tenté de m'en retourner. Echecs cuisants.

Si l'animal m'en avait dissuadé une première fois crocs découverts, ma curiosité s'était chargée de me maintenir dans l'ombre de la louve la seconde fois. Piégé. Traquenard dans lequel je m'apprêtais à me jeter corps et âme. Si mon enveloppe charnelle n'avait jamais porté les marques d'une musculature proéminente, je pouvais me targuer d'une capacité de logique et de réflexe me paraissant somme toute satisfaisante. Quoiqu'il n'était pas à omettre que dans cette situation, celles-ci s'avérait considérablement amoindrie. Je m'avançais donc seul et abominablement nu aux devants de ma destinée. Quelle forme prendrait-elle ?

Une femme.

Cette femme dont j'avais maintes et maintes fois supplié la louve de me remontrer, vision furtive dont la réalité s'effritait à mesure de mon avancée en terre hostile. Peine perdue l'animal galopait au loin, ne me revenant que pour m'asséner de longs hurlements agacés à chacun de mes moments de faiblesse. Réduit à la dictature d'une louve.

Je m'interrogeais sur l'hypothétique nature particulière du canidé, notant que cet instinct de messager était loin d'être innée à cette espèce. Apprivoisé ? Dressé ? Certainement pas. Ou alors par une personne à son image. Sauvage. Perfide. Dangereuse.. Et indéniablement exquise.

La beauté à l'état pur à quelques enjambées, la grâce et la volupté de mouvement.. Une louve. La louve. S'ébattant à quelques mètres de moi. M'ignorant pour épancher son regard profond sur un tronc mousseux.

Personne.

Enfin si quelqu'un.

Qui visiblement partageait les humeurs joueuses de sa compagne bestiale. Si un sourire enfantin me monta un instant aux lèvres craquelées par notre course effrénée sous un soleil ardent, il s'effaça bien vite au profit d'une moue désapprobatrice. Des milles et des milles parcourus pour jouer à un vulgaire jeu de cache-cache.

Impensable.

Inenvisageable.

Tout simplement impossible.

Et pourtant je me surpris à effectuer un pas de côté pour me plaquer avec maladresse contre l'humidité de l'écorce. Muscles crispés, respiration saccadée, coups d'œil furtifs.. Je m'étais pris au jeu. A un bien vilain jeu qui déboucherait sur un dénouement funeste où je serai assurément la victime. Haussant les épaules à mes pensées pessimistes et pourtant ô combien réalistes, je poursuivais mon avancée vers le fameux tronc dans lequel le regard de la louve était toujours plongé.

Maladroit, bruyant, laissant parfois échapper un rire amusé.

Idiot. Tout bêtement idiot et suicidaire. Mais que l'arôme de la mort pouvait se montrer irrésistible par moment..

Mon baluchon vulgairement balloté par mon excitation puérile émettait des sons cristallins qui en disaient long sur l'état de mes flacons d'hydromel et de vie. Je n'en avais cure, quant à mon grimoire sans doute tâché par les liquides poisseux, il m'était tout simplement sorti de l'esprit. Naxorm s'était envolé. Là, sautillant allégrement entre les vieux conifères je n'étais plus qu'un môme curieux et avide d'enfin goûter à sa surprise.

Je touchais à mon but.

Comme s'attendant à dénicher le trésor de plus d'une vie, un large sourire ornait désormais mon visage lourdement marqué par les stigmates d'un voyage harassant.

Un puéril « Bouh » dissimulé sous une rangée de dents s'apprêtait à s'échapper de mes lèvres.

Alors là, à quelques pas de mon coffre rutilent, les yeux rieurs, j'égrenais silencieusement les secondes tandis que la louve m'accompagnait malicieusement de jappements que je me désignais alors comme encourageants et amusés.

...

« La Garce ! »

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Enfin, la silhouette se dévoile. Enfin, l'attente de ces derniers jours prend corps. Un homme. Un homme dont la folie est visible sur le visage, mais qui pourtant semble résonner immédiatement en moi. Un homme dont le regard s'anime d'une étincelle propre à me rappeler ma jeunesse encore si proche.

Parais-je aux yeux des autres d'une telle insanité ? Semblai-je si animée d'une vie autre que la normale ?

J'ai pu suivre sa course jusqu'ici aux seuls bruits qu'il fait. Il ne cherche pas à être discret, semble arriver le cœur léger. S'il est l'esprit tranquille, cela ne peut qu'accroître nos propres jeux. Qu'il soit en confiance afin que je me joue de lui. Que nous plongions tous deux dans une perversité déviante afin de révéler aux yeux de tous le potentiel de chacun. Je ne prétends pas être maîtresse en ce domaine.

Mais dans ce jeu de dupe que nous avons tous deux débuté, auquel il a consenti par sa seule présence, je suis appelée à endosser le rôle majeur. Je suis la reine en ces lieux quand il n'est que le convié. Je suis son hôte, il est mon invité. Mon amusement.

Je sors de la pénombre pour lui faire face, dévoilant ma parfaite blancheur. Il a traversé des terres entières pour venir à la rencontre d'un parfait inconnu. Il a cherché pendant des heures en quête d'une promesse qui lui a été faite d'une découverte exceptionnelle. Je serai à la hauteur de ses attentes.

Je dérogerai à mon habitude timide pour l'éblouir d'une splendeur impériale. Je vaincrai ma retenue naturelle afin de le convaincre qu'il a pris la bonne décision. Il veut connaître une âme tourmentée. Il veut voir la louve. Réveillons la bête.

D'une démarche nonchalante, je me rapproche du canidé sauvage. Son museau frémissant se perd dans ma main, en signe non pas d'une quelconque soumission, mais d'une reconnaissance entre nous. Elle sait la gratitude que j'éprouve à son égard. Elle connait l'instinct de la meute, et a trouvé sa nouvelle en ma personne. Je ne peux prétendre lui offrir les habitudes d'une louve, mais nous pouvons nous épauler dans les difficultés respectives.

Lui apprendre les travers humains quand elle connait les dangers sylvestres. Pari honorable pour deux sœurs tourmentées.

Pourtant, mon regard s'est braqué sur le nouvel arrivant. A vrai dire, je ne m'attendais pas à voir un homme. Ils éveillent toujours en moi une profonde crainte que j'ai tentée de museler bien des fois, souvent en pure perte. Je ne sais pas plus qu'avant comment réagir à leurs attitudes, et j'ignore jusqu'au sens de ce qu'ils peuvent bien penser. Trop de mal à comprendre mes propres semblables, je peine d'autant plus lorsqu'ils ont des modes de réflexion trop éloignés des miens.

Aujourd'hui pourtant, je ne me poserai pas telle question. Il va devoir entrer dans ma propre logique et se plier à mon jeu cette fois-ci. Je ne ferai pas dans la demi-mesure, la peur toujours présente au cœur de blesser les gens. Je serai la fantastique qu'il attend, l'incroyable qu'il pressent.

Rhapsody a pris une nouvelle tournure.

Mon échange avec la louve achevée, je sors mon grimoire de l'abri de la besace, le posant en évidence au pied de l'arbre, loin de ma portée. Ma besace atterrit à côté, au sec contre ce grand tronc protecteur. Je n'ai jamais réellement tourné le dos au nouvel arrivant, l'ayant toujours dans mon champ de vision, mais je lui ai bien fait comprendre que je ne le considérais pas comme une menace directe.

Je suis en mon domaine ici, je maîtrise les alentours, et qu'il me croie probablement plus forte que je ne le suis est mon atout premier.

Une fois débarrassée de tout mon superflu, je me retrouve donc toujours pieds nus, dans une robe toujours aussi trempée, à m'approcher de lui avec circonspection. Un long regard sur son visage avant de commencer à lui tourner autour afin de l'observer de pied en cap de manière tout à fait impolie. Une chose qui m'aurait mise hors de moi si j'en avais été la victime.

Toutefois, c'est moi qui maitrise la rencontre aujourd'hui.

Je termine donc mon tour sans même prendre garde à son attitude avant de revenir me placer face à lui, les bras croisés et l'air peu amène.

« Que cherchez-vous en ces lieux ? »

Je sais parfaitement que je suis la cause même de sa présence ici, mais ai décidée de lui laisser la voie libre. Qu'il fasse le point sur ses propres sentiments en premier lieu. Qu'il se confie à moi comme je me confierai à lui si je l'en estime digne.

Je serai toutefois inflexible. Qu'il se dérobe à mes interrogations, et la partie tournera mal, très mal pour lui. Je sens toutefois la magie qui pulse autour de lui. Cela promet d'être passionnant.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Le néant. Le désappointement. La trahison. Le regret. La solitude.

Fracassant réveil.

« Naxorm, tel est ton nom. » A peine susurré à une oreille des plus attentive.

Le regard doré m'engloutit, le monde des ténèbres m'accueillent. Une pensée fulgurante me coûte un frisson d'angoisse, Non pas ici, pas en ce moment ! , Plus tard, oui plus tard !, pensée qui se fait supplication silencieuse à mon hôte indésirable pour bien vite disparaître emportée par l'arrivée cauteleuse des entités spectrales. Vocation d'une haine croissante sans pour autant ne plus parvenir à la destiner à quelqu'un..

Valse effrénée dans laquelle je me perds.

Manque qui se comble au toucher vampirique des lémures.

La nudité me gagne, mes effets violemment happés par les frôlements incessants. Sous le couvert du regard d'or, je me recroqueville redoutant l'annonce d'un discours où seule la rédemption me serait offerte pour le salut de mon âme. Mais quel âme? Quels péchés à me faire pardonner ? Mes sourcils s'arque boutent; innocent, je suis innocent. Innocent et.. Irréversiblement amnésique.

Pourtant douleurs et craintes font place à sérénité et apaisement. L'une des fumerolles plus consistante que ses sœurs, aussi paradoxalement que cela ait pu m'apparaître ne serait-ce que très brièvement, entame son ascension lascive sur mon corps glabre de tout apparat. Froideur réconfortante embaumant mon cœur d'un linceul fiévreux. Déclin doucereux.

Caresses indolentes dont je suis le destinataire et la proie. Charme malin.

L'étreinte forcit. M'enserrant de ses griffes chimériques, le feu follet rejoint dangereusement mon menton broussailleux pour venir s'épancher venimeusement aux commissures de mes lèvres. Meurtrière empreinte. Le vice s'insinue en moi, martelé par les uniques paroles que l'écho semble connaître « Naxorm, tel est ton nom. ».

L'appel de la lumière retentit, et hurlant de souffrance de quitter mes tortionnaires sans adieux langoureux, je suis emporté au loin.

« Que cherchez-vous en ces lieux ? »

Mon âme. La rédemption de pêchés à venir, comme de ceux que j'ai pu proférer mais dont on m'a privé de l'âcre souvenir.

Une femme campée sur ses pieds nus, aux habits détrempés laissant entrevoir négligemment ce qui relève de son intimité. Mon regard humide se perd dans la profondeur du sien. Violence, perfidie. Souffrance. Mes larmes roulent sur mes joues cernées pour s'égarer dans les broussailles de mon menton. La pluie les dissimulera. Une pluie battante nous dardant de ses javelots orageux.

Son souffle.

Le mien.

La vapeur chaude de nos corps frigorifiés.

La vie.

« Sa compagne. » La réponse fuse, tandis que je tends la tête en direction de la louve. Elle ne se retourne pas, ma réponse n'en a rien de vraiment une. Ses yeux me hurlent qu'elle ne s'en satisfera pas. Mais qu'ai-je de plus à y ajouter ?

Mes oripeaux détrempés m'oppressent, ma chair tressaille. Le froid se répand en moi tandis qu'une vacillante loupiote naît, brûlant de sa chaleur commençante la glace de ma solitude.

« Une sœur de tourments. »

« Une maîtresse m'enseignant le goût de la vie. »

Je me joue du double sens de mes dernières paroles, et la laisse libre de son choix, attendant la réponse acide qui franchira ses lèvres bleutées par le froid.

Du temps de gagné.

Mes yeux délaissent l'intensité des siens, et la détaillent.Si elle n'était pas une fille de Terra, j'aurais parié à sa naissance en la cité d'Aéris. Mais bien trop de mystère et de mauvaises ondes l'enveloppent pour que j'ose finalement lui rattacher une enfance parmi les immaculés nuages.

Mes pensées se raffermissent sur la quête de son identité, furetant entre les quelques prénoms dont je dispose en mémoire. Aucun de ceux là ne me convainquent. Aucun de ceux là ne lui conviennent.

L'agitation de la louve finit par attirer mon attention, mes yeux se détournent de nouveau de l'inconnue pour se poser sur sa compagne. Brutal arrêt. Un grimoire à l'aura aussi, si ce n'est plus, maléfique que le mien repose adossé sur un tronc me dardant de sa seule présence de pics acides. Mauvaise, elle est mauvaise. J'esquisse un pas en arrière, tout en prêtant oreille aux sonorités s'échappant de mon sac toujours agrippé à mon épaule. Je sens l'aura de mon manuscrit, tout comme celle de mon orbe, dissimulée habilement dans une des poches de mes bas. Si cela devait tourner mal, j'userai de l'un des deux. Sans doute de mon globe nacré, le bien pour punir le mal. Ce mal que pourtant j'incarnais tout autant par moment..

Mes pensées se fracassent en masse contre les parois de leur geôle crânienne. Je souffre le martyr et elle le sait.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

J'intercepte le regard qu'il lance en sortant de sa torpeur sur mon grimoire. Son mouvement de recul. Que cette réalité ait fait son chemin jusqu'à son esprit est une douce victoire. Il sait désormais vers quelle allégeance se tourne mon cœur. Il connait la noirceur qui me parcourt.

Délicieux grimoire à l'aura si particulière.

Quant à ses propres armes... Je les sens palpiter quelque part sur lui. Pas question qu'il ne commette un impair. Je m'approche de lui, pénétrant de façon ostentatoire dans son espace de défense, le prenant de court, l'empêchant de mettre à exécution ce qui lui a peut être traversé l'esprit. Je sens ses ondes velléitaires.

« Si j'étais vous, je n'y songerais même pas. Après tout, vous êtes dans mon domaine, qui sait comment votre magie pourrait réagir ici... Qui sait comment je pourrais réagir ? Je n'ai manifesté aucune intention hostile à votre égard, et vous avoir fait traverser je ne sais combien de terres pour vous tuer serait un peu stupide, ne pensez-vous pas ? »

Pure rhétorique, je n'attends aucune réponse. Je plonge mon regard dans le sien, l'empêchant de fuir, le bloquant sous l'intensité de ma lecture. Je cherche à le percer. Je cherche à le comprendre, à savoir pourquoi la louve m'a ramené tel personnage. Ma voix devient plus froide encore.

« Or, j'ai certes beaucoup de défauts, mais la stupidité n'en fait pas partie. »

Je brise l'instant suivant le contact visuel qui s'était établi entre nous, reculant d'un pas avant de faire demi-tour, retournant à la louve, toujours sagement assise. Nouveau contact entre nous. Elle peut disposer si cela l'intéresse. Elle choisit de rester, n'accordant apparemment pas confiance au nouvel arrivant. Le voyage a du être chaotique...

Si je l'ignore en apparence, il occupe pourtant tous mes sens, toutes mes perceptions. Je perçois sa présence avec acuité. La force tranquille de son élément. L'eau si je ne m'abuse... La douceur de l'onde, sa folie qui se déchaine, son apaisement soudain. Impétueuse.

Il veut jouer, il ne s'en cache pas. Ses avances étaient par trop explicites pour que je ne les saisisse pas. La question demeure de savoir quelle attitude je dois adopter face à ce nouveau rapport. Je n'ai pas l'habitude d'être ainsi... courtisée, même si le terme est par trop éloigné de la réalité des choses, et dans la seule autre occasion qui s'est présentée à moi, j'ai succombé. Aujourd'hui, ma foi est engagée envers un autre, ce qui rend totalement inenvisageable telle façon de réagir.

En tirer partie toutefois ne peut me porter préjudice. Je choisis pourtant une nouvelle fois la fuite, reprenant sur le ton de la conversation.

« Aqua n'est-ce pas ? Vous devez être à l'aise aujourd'hui, les cieux semblent avoir décidé de vous contenter. Fimine aime la pluie aussi. »

Je n'attends toujours pas de réponse, emplie avec quiétude de la certitude de ne pas m'être trompée. Je suis la maîtresse aujourd'hui, ainsi qu'il me l'a fait remarquer. Je mène notre danse. Il est temps d'aborder le sujet fâcheux.

Décidant de jouer de tous mes atouts de dame, je m'approche à nouveau de lui, posant la main gauche sur son avant bras en un signe à la fois amical mais pourtant non équivoque. Qu'il tente quoi que ce soit, et cela pourrait très mal se terminer.

Un picotement traverse mes doigts gourds tandis que je trouve la chaleur de sa peau, réaction de nos magies qui se découvrent, je crois. Pourtant, je ne prends pas la peine de plus m'attarder sur ce phénomène, et passe dans son dos, appuyant mes vêtements mouillés et mon être froid contre son corps. Il est légèrement plus grand que moi et la température plus élevée de son torse se répand délicieusement en moi.

Le temps n'est néanmoins pas à de telles considérations. Me haussant légèrement sur la pointe des pieds, en appui contre lui pour garder l'équilibre, mon souffle parcourt sa nuque jusqu'à atteindre son oreille.

« Quel est le but de votre vie ? »

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

La fluidité de son corps, la grâce luciférienne de ses mouvements.. Et moi et mon immobilité récurrente. Je la laisse se jouer de moi et de mes sens jouissant avec délectation du plaisir qu'elle s'offre. Echange pernicieux sous le couvert de la forêt.

Egarés.

Et désireux de s'égarer encore davantage, de se perdre parmi les bienfaits de Posicillon et Fimine réunies.

Echange de regards enjoués et espiègles rythmés par ses retraites successives. Mon visage arbore désormais un sourire impérissable, résistant à ses pics et ses questions qui aspirent pourtant irrésistiblement à une réponse de ma part. Riposte qui finalement ne franchiera pas mon visage rieur. Ténacité d'un sourire.

Une douleur naît au cœur de mes joues, souffrance qui n'est que trop jubilatoire. Et là, détrempé par la bénédiction imbibée que m'accorde Posicillon, je goûte au renouveau de cette sensation si particulière qu'est l'oubli conscient et volontaire. Amnésie que m'offrent son regard, ses lèvres, et sa démarche tout autant assurée que maladroite.

La teinte changeante de ses paroles tantôt douces, tantôt menaçantes finit de me permettre de graver dans mon esprit un croquis de mon inconnue. La terran. Ma terran.

Les louves demeurent. La première s'amusant de moi, la seconde veillant sur la première. Désirant ardemment que la deuxième vienne à battre en retraite devant notre échange de plus en plus humain, je me surprends toutefois à redouter son départ qui briserait la sécurité étrangement rassurante que me confére sa présence. Incarnant à elle seule une limite qui ne doit être franchie, je me cogne pourtant avec ferveur à la barrière intolérable qu'elle représente. Ultime obstacle à l'union de nos deux folies.

Ma peau savoure la caresse du divin. L'étreinte pluvieuse et l'effleurement de ses doigts se conciliant sur ma chair en une mignardise des plus goûteuse.

Chuchotement.

« Quel est le but de votre vie ? »

Et celui de la tienne ?

Soupir rieur. Exaspération amusée.

S'intéresse t'elle vraiment de la réponse que je pourrais lui apporter ? J'en doute fortement. Le jeu dans lequel elle semble s'être lancé suite à mon invitation plus ou moins volontaire nécessite des moments d'accalmie, et ce n'est ni plus ni moins qu'un de ceux-là.

Je sens ma peau se gondoler en une multitude de vagues ronronnantes sous l'effleurement de ses doigts gelés. La certitude que la réponse au phénomène se niche dans le ciel orageux plus que dans l'excitation de cette rencontre tant singulière, flanche peu à peu sous l'ascension assurée de ma main sur mon bras, traquant les restes de ses caresses. Mes doigts viennent se crisper sur mon épaule. Elle a sans doute retiré les siens avant que je ne m"˜en saisisse. L'ai-je frôlée ? C'est tout comme.

Le silence du sous-bois en proie aux intempéries nous entoure.

Les faveurs divines me ruissellent sur le visage, s'élançant avec frénésie de mon front glissant.

Je me noie dans le divin, tandis que mes lèvres s'entrouvrent pour m'abreuver de cet hydromel.

Beuverie céleste.

Je la veux mienne, mais me la sait insaisissable.

Impitoyable jeu aux intransigeantes règles et où les acteurs deviennent victimes.

Mes paupières se referment pour mieux ingurgiter cette cruelle vérité tandis que son souffle chaud court toujours dans ma nuque. S'impatiente t'elle ?

Le sourire mué en moue je me retourne et lui fais face, ma main toujours désespérément agrippée à mon épaule vierge de son contact.

Confusion de regards inquisiteurs.

« La rédemption de péchés par d'autres plus infâmes. »

Le silence disparaît comme il s'est installé, et je lui laisse savourer ma réponse taquine mais pas moins porteuse d'une part de vérité.

Ses yeux me sourient s'accompagnant d'un haussement de mes épaules causant le détachement de ma main, main rejetée qui vient trouver refuge au creux de sa sœur.

Caresse de ma paume.

Jeu enfantin aux conséquences inexistantes parmi les gondolements de ma peau fripée par l'humidité.

« Et le votre ? »

Nécessité d'accalmie perdurante.

Modifié (le) par Naxorm
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Il se retourne, je prends garde de m'éloigner, consciente qu'il serait imprudent de trop le tenter pour le moment. De me tenter aussi. Les attentions d'un homme sont une chose agréable propre je le crains à me faire perdre la tête si je n'y prenais pas garde...

Il n'est pas question que je faillisse pourtant. Mon cœur bat plus vite pour un autre qui a su le toucher. Je pourrais m'abandonner à l'étreinte d'un inconnu... Libérée des conventions morales, les considérations qui s'appliquent normalement ne devraient pas m'atteindre.

Pourtant... Pourtant l'amour demeure la notion la plus noble que j'ai chérie en ces lieux. Et avec elle, la fidélité. J'ai promis d'être forte pour lui, de porter notre couple quand il faillirait, et il n'est pas question que je cède en si bon chemin. Je me battrai pour lui, quoi qu'il advienne. Il est temps de prendre du recul dans cette histoire dangereuse.

« La rédemption de péchés par d'autres plus infâmes. »

Déjà, mon camarade de jeu me répond. Je garde mon étole d'assurance, pourtant celle-ci a été ébranlée. Garder le dessus sur un homme perdu était aisé. Le faire s'il retrouve ses moyens est un exercice auquel je suis beaucoup moins rodée... Ne pas abandonner pourtant. Poursuivre cet amusement.

« Et le votre ? »

Je le détaille un moment, cherchant la réponse la plus adaptée à cette question. Il y a peu, j'aurais encore répondu que je vivais par peur de la mort. Pathétique mais bien réel. Mais aujourd'hui... Que je vis pour mon amant ? En partie vrai, mais assez délicat à admettre. Que je vis pour mes compagnons ? Faux. Que je vis pour ma magie ? Elle est part de ce qui me pousse à avancer, mais n'incarne pas le but ultime de mon existence. Je ne me bats pour l'améliorer, n'ai pas de cesse de devenir plus forte. Je l'apprivoise, tente de la comprendre mieux mais n'en fais pas un objectif.

C'est autre chose. C'est le nouvel état d'esprit que m'a fait connaître mon bien aimé. S'il semble être ce vers quoi je me tourne spontanément à cette question, c'est parce qu'il est aussi unique que la relation qu'il a instauré entre nous. Il m'a appris à devenir femme, mais plus que de la gratitude, c'est aussi un intérêt égoïste qui me pousse vers lui.

Je suis heureuse dans ce qu'il me propose. Je connais le bonheur quand je le côtoie, et il a toute ma foi. Seul un homme qui a ma confiance pourra se permettre être jamais dans une relation si proche avec moi.

Finalement, je relève les yeux vers l'anonyme, me rendant compte que mon regard s'est perdu dans les bois au cours de mes réflexions. Une caresse s'appose sur mon esprit qu'elle sent tourmenté. La louve est là. Elle veille sur moi. Elle me fournit la réponse.

« La liberté. Je vis pour m'affranchir des atermoiements sociaux voire humains. Mettre fin à la tyrannie de la raison sur les sentiments. »

Réponse sibylline pour qui n'a pas connu ce que j'ai traversé. Peu m'importe. Je demeure face à lui, dans mon anonymat délicieux, jouant de ses prochaines tentatives. Lui résister jusqu'au bout tout en lui laissant entrevoir des possibilités pour mieux le désappointer. La liberté de blesser les gens comme de les aimer. Infinies possibilités une fois le joug de la raison rabattu.

L'étincelle de folie anime mon regard tandis que je me remémore les quelques fois où j'ai laissé mes sentiments prendre le contrôle. Assurément, de beaux moments...

Aujourd'hui pourtant, je prendrai garde à n'en rien faire. Une nouvelle menace plane sur moi qui se révèle bien trop dangereuse pour que je ne la prenne au sérieux. Au contraire, l'esprit demeurera primant pour la suite.

Et cette pluie qui ne s'arrête pas. Effroyable et glaciale pluie qui engourdit mon corps. Trouver un abri sera plus sûr pour ma santé... J'ai ce qu'il me faut.

« Peut être aimeriez-vous rejoindre un peu le sec après cette route... Moi je le souhaite en tout cas. Suivez-moi. »

Sans un mot, je me détourne. Mon grimoire retrouve sa place au creux de mon étreinte avant que les pieds nus foulant le sol détrempé, je ne disparaisse dans l'ombre des bois. Qu'il me suive s'il le souhaite.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ebréché par ma réponse, le jeu s'est brisé dans l'attente de la sienne. Elle s'en est allée, fuyante.

Victoire amère.

« La liberté. Je vis pour m'affranchir des atermoiements sociaux voire humains. Mettre fin à la tyrannie de la raison sur les sentiments. »

Sourire intérieur. Sourire de dépit. On la possédait déjà.

Ma démoniaque compagne de jeu n'est ni plus ni moins qu'une femme alanguie. Apre désenchantement. La soumission suppurant de son seul propos m'oblige à détourner furtivement la tête, brisant le long échange de nos deux regards. Sentiment de honte que j'éprouve pour elle. Honte diluée par le respect que pourtant je me décide à lui vouer, fragile femme à la noble cause. Je doute soudain qu'elle le mérite.

Si notre similarité d'être tourmentée nous ont réuni ici, un fossé béant vient de se creuser entre nous par le seul fait d'un échange bref. Mes tourments, quoique je puisse en dire, je m'en délecte allégrement, de ce que je perçois ce n'est nullement son cas. Naxorm a remporté la partie, les ténèbres m'entourent. Et si j'ai cru un instant trouver aide secourable en ce lieu, je me suis bien mépris. La dame courre un autre lièvre, et sa traque semble nécessiter toute son attention et énergie.

Mon regard la détaille de nouveau, dépité de s'être ainsi fourvoyé. Sa force et son envie de vivre m'ont sauté aux yeux, me dissimulant cependant la cause de tout cet entrain. Lueur d'incompréhension. Je me repasse en silence les sensations que j'ai éprouvé et celle que j'ai cru partagé. Tout est bien ancré. Hurlement silencieux. Douloureux égarements. Les yeux hagards, j'invective violemment les sbires de Naxorm à me rejoindre et à me panser de mes maux. Les secondes s'écoulent, interminables, meurtrières. Elles ne viendront pas, seul l'écho de leurs rires amusés me parviennent rejoints par la désormais terrible et coutumière sentence.

Les faveurs de Posicillon se sont fait pleurs qui s'épanchent sur mon visage déjà bien assez ruisselant. Mes dernières forces cascadant elles aussi à la suite des perles célestes.

Mon corps s'affaisse mais elle s'est déjà retournée, son grimoire à la main. A défaut de parcourir un corps, mes mains furettent sur la lanière de mon sac qui céde sous la pression de mes doigts fiévreux de colère. Un ballet des sentiments ayant élu domicile en ma chair.

De l'herbe, de l'herbe à chiquer.

Son contact nocif et apaisant.

Un pavé verdâtre qui vient se caler sous ma langue.

La meurtrissure naissante qui s'installe à son toucher.

La saveur de l'oubli qui s'épanche en volutes dans un esprit désormais de plus en plus embrumé.

Maux et mots seront négligés pour un temps, seule la blessure corrosive de l'herbe perdurera.

Brûlé à vif.

Mes genoux quittent l'étreinte spongieuse de la boue. Un corps vidé de toute sensation domine le tapis mousseux avant de se diriger à la suite de l'étoile fuyante. Une seule pensée l'emplit désormais : la suivre, et si le courage revient, penser à faire un vœu.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 weeks later...

Mes pieds nus s'enfoncent dans la terre meuble. Avec habileté, j'évite les buissons un peu trop humides et les branchages trop lourds qui se déversent parfois avec fracas sur le sol. Mieux vaut ne pas prendre une douche maintenant.

Instant en suspension où j'évolue seule dans l'ambiance feutrée des sous-bois épais avant qu'un pas ne fasse écho au silence des miens. Soupir que j'étouffe entre lassitude et désir de jeu. La perspective de ce qui pourrait advenir si je me laisse dominer en ces circonstances par les sentiments est encore bien trop effrayante à mes yeux pour que je l'accepte.

Dans l'entrelacs plus étroit des feuillages, la pluie traverse avec difficulté, réduite à une infinité de gouttelettes scintillant dans les quelques rayons qui parviennent à percer. Peut-être aura-t-on un arc-en-ciel...

Pour l'heure, il me faut retrouver ma cache. Si j'en crois mon instinct, elle ne devrait guère être loin maintenant. Effectivement, j'aperçois dans l'ombre plus épaisse des lieux une forme impénétrable. Mon abri... J'approche du rideau végétal avec une sourde impatience au creux des entrailles. Le lierre se resserre autour des diverses plantes afin de former un mur impénétrable.

J'attends mon invité, le regardant approcher à pas lourds. Son esprit semble bien loin, et je me décide à ne pas le brusquer maintenant. Je le connais si peu...

Ma main se pose sur les frondaisons. Un long filament de lierre s'anime à ce contact pour s'enrouler autour de mon bras jusqu'à remonter à mon épaule. Des crocs végétaux caressent un instant la peau avant de s'y enfoncer, laissant quelques gouttes de sang perler en griffures errantes sur mon épiderme de neige. Je réprime le frisson de douleur et de répulsion qui m'anime toujours à son contact. Mon gardien n'est pas des plus engageants, même pour moi.

Satisfait de mon offrande, il se replie sur lui-même dans un froissement de feuilles, ouvrant sur son passage une brèche dans le mur afin de nous permettre de passer. J'invite mon compagnon à entrer à ma suite avant d'aviser le refus de la louve. Peut-être vaut-il mieux qu'elle demeure loin de la magie de ces lieux après tout... Un dernier regard à ses yeux éclatants avant que l'abri ne se referme.

Nulle fenêtre. La pièce est sombre, éclairée seulement de quelques plantes luminescentes. Son style pourrait assurément être qualifiée de dépouillé. En son centre, un foyer éteint duquel je m'approche après avoir désigné des fourrures à mon camarade afin qu'il y prenne place. Mon grimoire a été abandonné à une table basse. Quelques bûches plus tard et une ou deux incantations à voix basse, une flamme ardente crépite dans la pièce.

« Ne vous inquiétez pas pour un incendie, le feu est circonscrit à son foyer par un sortilège que j'ai tissé spécialement. »

Pas de réaction.

Je pousse un léger soupir avant de me diriger vers un coin plus sombre en retrait. Y pendent quelques robes et une cape. J'attrape une sage étoffe d'un pourpre sombre puis jette un coup d'œil par-dessus mon épaule à mon camarade. Les yeux perdus dans les flammes, il ne semble pas réagir. Après un soupir, je me décide. Mes doigts agrippent les lacets de cuir de ma robe sur lesquels je tire. Le tissu s'effondre au sol, soulevant quelques feuilles mortes. Immédiatement, j'enfile la nouvelle tenue sèche, prenant soin de relever mes cheveux afin de ne pas l'inonder.

Ma tâche achevée, je retourne auprès de mon invité. Impossible de déchiffrer ce qu'il pense en cet instant. Croisant les jambes, je m'assois en face de lui, du même côté du feu, cherchant à percer ses songes. Cette tentative s'avérant vaine, je laisse échapper un nouveau soupir.

La pluie n'est plus audible d'ici, les murs végétaux en étouffant complètement le bruit. Il règne une agréable chaleur dans la pièce. Pourtant, je ne suis toujours pas à mon aise. Il me faut trouver une échappatoire.

Finalement, une idée nait en moi.

Plantant mon regard dans le sien, prenant ma voix la plus séduisante, je lui parle.

« S'il n'y avait qu'une seule chose que vous pourriez espérer obtenir de moi, que me demanderiez-vous ? »

Dangereux. Excitant. Que va-t-il répondre ?

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Etoile filante.

Elle se perd à l'horizon tandis que mes membres torturés rechignent à effectuer un mouvement supplémentaire. Arrêt brutal alors que ma lumière file à l'horizon. Amer soupir. Elle ne l'aura pas remarqué, elle ne m'aura pas remarqué. Bercée par son univers sylvestre auquel tente de se mêler le mien avec peine.

Impénétrable. La forêt repousse les assauts aqueux avec vigueur, misérable onde s'échouant régulièrement sur le rivage forestier. Je réprouve la métaphore de ma mystérieuse rencontre et reprends la route ayant réussi à me convaincre d'esquisser quelques pas de plus.

Elle m'attend.

Elle n'a désormais plus le choix.

Si je reconnais sa volonté d'assumer ses actes, quoiqu'irréfléchis, jusqu'à la toute fin, je ne peux m'empêcher de réprimer le lot d'interrogations qui se bousculent au seuil de ma boîte crânienne. Que fais-je ici ? Loin de ce chez moi que je venais à peine de me créer. Qui est-elle ? Que me veux t'elle ? En a-t-elle fini de jouer avec ma carcasse ou me réserve t'elle encore quelques désagréables surprises?..

Mon sourire s'est mu en mutisme et je me contente de la suivre. Loin, toujours plus loin. Jusqu'à m'approcher dangereusement d'un foyer où je pourrais enfin me débarrasser dans les flammes de mes inquiétudes et remords. Mon regard se perd dans le brasier en un ultime appel à mes amantes ténébreuses.

La carence, le manque. La solitude qui s'insinue encore davantage en moi. Abandonné de tous et par tous. Mes mains viennent soutenir ma tête dodelinant dangereusement tandis qu'une vision de mon inconnue dévêtue se dessine furtivement devant mes yeux.

Douce chimère..

De chair.

Là, à ma portée et pourtant si loin.

Dans un instant de discernement je m'empare de la vérité pour finalement la laisser s"˜enfuir. Trop douloureuse ? Trop dérangeante ? Quoiqu'il en soit elle m'a échappé. Volontairement.

La réprobation de son comportement me tire une moue désapprobatrice. Rencontrer un étranger. Le laisser pénétrer cette grotte utérine. Jouer pour finalement se dérober.

« S'il n'y avait qu'une seule chose que vous pourriez espérer obtenir de moi, que me demanderiez-vous ? »

Et rejouer encore.

Mes yeux se braquent dans les siens. Dans un tumulte de sensations et de sentiments paradoxaux, je tente de lui transmettre mon incompréhension.. Sans pour autant lui refuser une réponse.. Que de nouveau elle interprétera à sa guise.

« Ta vie . »

Les dés tournoient encore, oscillant à octroyer la victoire si rapidement.

La Terran.

Je cherche à l'embraser de mon seul regard, désirant tout autant la punir de son amusement térébrant et l'inciter à le poursuivre. Drogué à la douleur.

L'herbe finit d'infliger ses morsures pétuneuses à ma chair enflammée me causant un ravalement de salive inopiné. Je me détourne finalement d'elle pour céder ma place au silence s'insinuant profondément dans la faille qui désormais me sépare de l'étrangère.

Le brasier soulage mes douleurs, m'offrant une occupation des yeux certes rustique mais salvatrice.

Ne plus penser. Se contenir. S'enfuir. Se jeter à l'extérieur pour se noyer en Posicillon même. Devenir une entité propre et s'offrir enfin une identité. Loin des tourments du cœur, loin des tourments des êtres de chair..

.. Dont je fais partie. « Pourquoi suis-je ici ? Qu'attends-tu de moi femme ? »

Une sourde envie de la gifler et de la bousculer jusqu'à ce qu'enfin elle m'offre une réponse.

Mes dents se referment douloureusement sur mes muqueuses.

Mes poignets se crispent, causant le blanchissement de mes phalanges fripées par les intempéries.

Je la fixe de nouveau.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 weeks later...

Une réponse dérangeante que je peine à interpréter. Le passage au tutoiement. Je suis venue à bout de la patience de mon invité, ce qui cause un malaise dérangeant au creux de mon sein. A quel jeu suis-je en train de me frotter ? A quels dangers suis-je en train de me brûler ? Je n'en maitrise pas toute la portée, mais à voir le regard que me lance l'étranger, il n'est en rien sauf.

Ses yeux se détournent pour s'enfermer de nouveau sur les flammes. Je n'ose rétorquer, mal à l'aise. Je ne sais plus que dire. Je ne sais plus que répondre. Je me suis faite prendre à un piège qui me dépasse, et ignore tout du moyen de m'en éloigner.

Mes pupilles se perdent dans le brasier à leur tour. Improbable situation irréelle... Sommes-nous vraiment éveillés en ces lieux ? Dois-je accorder de la substance à cette incroyable confrontation ?

Mes pensées sont dérangées par ses questions.

« Pourquoi suis-je ici ? Qu'attends-tu de moi femme ? »

Je relève mon attention vers lui, avisant que je n'ai pas de réponse consciente à ses interrogations. Pourtant, une idée s'éveille quelque part en moi. Ma magie trésaille, s'agite, lèche les barrières dans lesquelles j'ai tenté de l'emprisonner. Le grondement s'amplifie, l'onde s'enfle contre les parois de sa prison, cognant à intervalles irréguliers les murs établis. Un grognement de douleur m'échappe. Je fuis les yeux dérangeants pour tenter de me perdre dans les flammes, mais je sens qu'il est trop tard.

Cette rencontre a réveillé ce que je voulais taire. Cet homme a déclenché ce que je tentais d'étrangler. La cage se brise en moi, projette ses éclats argentés au travers de ma raison fatiguée, déchirant le voile de ma tranquillité. La noirceur se révèle, invisible encore mais pourtant si perceptible.

Le sourire qui m'anime alors que je regarde de nouveau mon invité n'est plus le même. Je ne suis plus moi. Je ne contrôle plus ce corps récalcitrant, et gémit intérieurement en voyant ma main se diriger vers ma besace. Je sais par trop où elle souhaite en venir, ce qui m'inquiète terriblement. Il me faut m'y opposer. Mon esprit emprisonné sans succès.

Mes doigts ont déjà trouvé la couverture de mon grimoire parcheminé. Sous le tissu, ils s'activent afin de le dégager, et la course qu'ils décrivent me semble animée d'un ralenti d'autant plus exécrable que je suis impuissante. Des lèvres qui sont miennes, j'entends une voix qui n'est en revanche plus tout à fait en ma possession déclarer :

« Le jeu bien entendu. Non pas le jeu de la chair, faible chair des sens, prison aux possibilités de nos propres potentiels. Transcender ces frontières charnelles pour quérir l'essence même de l'être. Rejoindre la connaissance d'un moi à travers l'empreinte unique laissée par la magie. Trouver enfin la spécificité qui nous anime en nous purifiant des ridicules convenances que la société nous impose.

Pour cela, la raison est souvent trop faible. Elle n'est qu'une des facettes qui nous briment. Nous dégager de cette matérialité étouffante. »

J'observe l'homme à mes côtés. J'ignore ce qu'il pense en cet instant, même si une lueur d'attention semble animer désormais son regard. A moins que ce ne soit que le reflet des flammes... Je n'y peux plus rien changer de toute façon.

Le grimoire s'ouvre sous l'action de mes doigts, émettant une lueur sombre. Instantanément, je découvre les glyphes qui s'animent sous la caresse de ma peau. L'encre court le long du parchemin, dessinant des arabesques colorées changeantes. Je surprends le regard intéressé de mon invité posé sur mes ongles émeraude qui tournent les pages avec délicatesse, jusqu'à s'ouvrir sur un parchemin sombre totalement vierge de toute écriture.

Sous l'action de ma magie pourtant qui traverse ma paume bien malgré moi, un lierre semblable à mon gardien s'inscrit sur l'étendue ébène. Il ondule le long du grimoire jusqu'à atteindre mon index, lutte un instant contre la gravité de la page avant de s'arracher à son immatérialité pour ramper insidieusement le long de mon doigt. Sous son passage, une volute noire lèche ma peau un instant avant de s'étendre peu à peu. Après mes phalanges, elle poursuit son chemin derrière le végétal.

Rapidement, ma main est recouverte. Prisonnière, je regarde avec effroi ma peau de nacre virer au sombre. Affolée, je tente de me débattre, mais l'emprise magique se referme sur moi avec plus de force, lacérant en lambeaux mon entité bloquée.

Ma voix a pris des reflets caverneux lorsqu'elle s'échappe de nouveau de la barrière de mes lèvres.

« Veux-tu me suivre dans cette initiation ? Veux-tu parcourir à mes côtés les chemins de la connaissance pour qu'ensemble nous exprimions pleinement nos similitudes ? »

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Du coin de l'œil, je perçois le ballet incessant de son regard. Se cherche t'elle ? Sans nul doute. Aussi égaré que ma propre personne, elle semble errer dans les limbes de son moi, tentant en vain de saisir sa raison fuyante. Où veut-elle en venir ? La piteuse réponse m'apparaît : Nul part ou peut-être trop loin, elle n'en sait rien. Et moi, balloté par ses désirs inconscients et déraisonnés, je suis emporté à sa suite. Le piège s'est refermé, le jeu s'est dénaturé, d'acteurs nous ne sommes désormais plus que des vulgaires éléments du décor sans cesse modelés par une volonté extérieure dont nous ne parvenons pas à saisir l'entité même.

La réponse fuse, le brasier s'empare à nouveau de mon regard affolé. La folie s'est éprise de l'étrangère. Si mon corps demeure immobile, mon intérieur bouillonne. Pensées et craintes se chevauchent dans un tumulte affolant. M'enfuir ? Demeurer ? La tuer ? Ou simplement la réveiller ? Des tremblements s'emparent de mon corps en un mélange incongru de peur et d'excitation. Une mélopée de mots s'échappent de ses lèvres, monologue incompréhensible proféré dans une langue familière mais dont je ne saisis pas ou que trop la teneur.

Un voyage au plus profond de la folie, voilà ce qu'elle m'offre.

« ... »

Désespérément folle.

Elle ne semble déjà plus maîtresse de son corps, sa voix a comme déraillé empruntant une voie inconnue qui ne lui appartient pas. La terran a disparu tout comme mon être se dissipe peu à peu. Je sens affluer l'essence de Naxorm et finalement me laisse bercer par ses mots terrifiants. Qu'elle joue, qu'on joue, je n'ai après tout plus rien à perdre. Tout comme elle semble t'il.

Résigné, mon attention se reporte finalement sur la nécromancienne. Une terreur soudaine m'étreint à la vue de ce qui se propage dangereusement sur son bras. Mes yeux éberlués s'insinuent profondément dans les siens lui criant silencieusement de se débarrasser au plus vite du démon ténébreux qui court avidement sur sa chair. Si son corps s'agite, sa voix demeure imperturbable m'ordonnant plus que me proposant de me joindre à elle. C'en est trop. Cette femme aliénée n'est décidément, ne serait-ce qu'une once, lucide, et sa volonté de nous entrainer tout deux dans sa chute semble inébranlable. Dans une action altruiste ma main se jette inconsciemment au secours du bras ébène de ma compagne tandis que de mes lèvres s'échappe le cri de ma raison : Un «ã€€Non » qui se transforme funestement en un « Trop tard » ..

Nos regards se mêlent pour venir s'épancher tout deux à l'endroit où mon poignet l'a enserré.

Noirceur abominable. Des brûlures zèbrent désormais ma chair, du sang ocre suppure de mes plaies fumantes alors que de son côté la pénombre continue de la gagner. Des insultes fusent de mes lèvres convulsées par la douleur, je lui hurle ma colère, la traite de tous les noms et finalement fixe, la respiration saccadée, la course des langues noires léchant ma chair. Le silence se fait, nos regards terrifiés s'interrogent pour finalement revenir irrémédiablement se poser sur nos corps respectifs désormais tachetés par l'obscurité.

Ma peau se craquelle, une forte chaleur m'étreint tandis que de la lymphe couleur soleil s'épanche de mes plaies béantes. Aveuglé, j'hurle tout en me jetant contre elle. Mal, tant mal.. Je la sens gémir sous mes griffures meurtrières et finalement basculer vers le sol, m'emportant dans sa chute.

Mes sanglots s'étouffent en un unique cri déchirant « Qu'as-tu fait sorcière ! » .

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Son attaque aussi soudaine que douloureuse. Ses hurlements et ses imprécations tandis que le reflet sombre part à la conquête de sa propre peau. Le lierre s'est enroulé autour de mon bras avec sa gloutonnerie familière, et déjà, j'en ai perdu l'usage. Au sol sous l'homme, griffée par ses folies furibondes, je n'en suis que plus encline encore à me laisser dériver. La magie a finalement réussi à lacérer mes dernières velléités. Il est temps de jouer pleinement. Il est temps que cet homme m'accompagne dans ce pour quoi je l'ai fait venir.

Le végétal sanguinaire, sous les yeux affolés de mon compagnon blessé, parcourt mon épaule, remonte jusqu'à ma gorge dans laquelle il plante avec plus de délectation encore ses dents affamées, avant de rejoindre ma nuque. Le cri de douleur qu'il m'arrache en fouaillant les chairs de mon cou jusqu'à trouver enfin l'os résonne terriblement dans la cabane, faisant taire le dément.

Le regard que je lui lance désormais s'est fait impénétrable et pourtant invitation aux vices. Non, son corps ne m'intéresse pas, la luxure n'est pas de mise pour l'instant. Au contraire, cette noirceur qui entreprend désormais d'attaquer mon autre bras et tout le reste de ma pigmentation m'enlève tout désir de sensation physique. La douleur qui baigne tous mes membres est bien suffisante, trop suffisante...

« Arrête de te défendre contre ce qui est nécessaire. Laisse-toi envahir par la rédemption. Ce n'est qu'en acceptant de dédaigner la chair que tu trouveras la voie. Permet-moi de te guider vers ce que tu recherches. »

Je n'attends pas sa réponse. Peu m'importe sa réponse. Mes mains se posent sur ses épaules, lui arrachant de nouveaux cris de douleur sous l'ébène qui s'y propage, tel un poison enflammé qui court dans ses veines. De mes lèvres, une mélopée infernale se propage autour de nous. Les notes s'enroulent autour de nos corps enlacés dans la douleur, s'apposent parfois sur des plaies plus ouvertes, les torturant de leurs chants affolés.

La souffrance physique croit. Ses hurlements se mêlent à ma litanie au cours de laquelle je force la voix malgré moi, tentant moi aussi d'extérioriser ce qui me ronge. Le paroxysme est atteint. Nos voix ont communié dans la folie de nos délires... Nous perdons notre souffle brisé par l'infini.

Une étendue. Morne et déserte étendue sur laquelle l'herbe haute a des teintes grisâtres. La luminosité est indescriptible. Elle n'émane d'aucun astre visible dans le ciel grisé lui aussi. Etendue sur le sol, face contre terre, je ne sens plus rien. Mon corps ne souffre plus, mon corps ne perçoit plus. J'ouvre un œil curieux, avisant la végétation autour de moi.

Mes yeux se baissent vers ma main. A la place de la beauté de nacre que je connais habituellement, une couleur bleutée étrange la pare. Intriguée, je m'assieds avec facilité, comme si je ne pesais plus rien, et parcourt ce que je peux du regard. Ma robe a laissé place à une étrange cape cuirassée. Mes cheveux se sont tournés vers l'ébène, parés pourtant d'étranges reflets que je pourrais qualifier de verts. Plus nulle trace du végétal.

Je cherche l'homme du regard. Assurément, il a du me suivre en ces lieux. Probablement a-t-il lui aussi changé d'apparence, vers ce qu'il incarne réellement. Pourtant, impossible de le voir aux alentours parmi ces herbes folles. De dépit, je me relève, époussette ma tenue pourtant impeccable, et inspire profondément un air étrangement atone.

Les lieux sont inhospitaliers au possible. Voilà quoi ressemble ma conscience ? Je ne donne pas cher de ma santé...

rhapso.jpg

Modifié (le) par Rhapsody
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

 Share

×
×
  • Créer...

Important Information

By using this site, you agree to our Terms of Use.