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Terre des Éléments

Rhapsody

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  1. Instinct. Divine étincelle de vie au creux des entrailles qui pousse en avant jusqu'à atteindre le point de non retour, la certitude de la vie. Qu'est-ce que la vie ? Des possibilités qui s'ouvrent et se ferment, des choix qui mènent à des chemins tous tracés, pourtant si fragiles, si évanescents... que le plus petit détail peut chambouler le travail d'années passées vers un seul but. Une décision a été prise. Un choix a effectivement été fait, qui mène dans la situation actuelle. Des semaines, des mois de lutte contre la fatalité ont conduit à cet état des choses. Nulle possibilité d'y couper désormais, nulle échappatoire dans cette étrange nature. De toute façon, la conscience de la réalité est différente. Les préoccupations ne sont plus du tout les mêmes. Pourquoi se contenter de survivre lorsqu'une telle offre est faite ? Une offre telle qu'elle peut changer une existence de certitudes. Une offre à même de permettre un destin plus palpitant et bien moins douloureux. Pourquoi faut-il après tout supporter ces souffrances ? Pourquoi tant de fois les cœurs doivent-ils se briser, les larmes fleurir, les croyances se tarir ? L'espoir... Oui détestable espoir apte à conquérir même le plus puissant d'entre nous. L'acceptation des maux en échange de la conviction, non, de la probabilité, même faible, que le bonheur soit au bout de la route. Une fatalité que l'on refuse avec la certitude d'avoir une place à jouer dans le destin. Dompter le futur, lui passer la bride habile qui le rendra docile aux revendications afin que chacun, enfin, connaisse son propre instant de satisfaction et de plénitude. Assez de ses sarabandes illusoires ! Le choix est fait, irrévocable. Même le plus habile ne pourrait y revenir, bien prétentieux celui qui croirait y parvenir. La truffe au vent, les oreilles dressées vers les bruits environnants, silencieuses louves. Le sang de leur repas tache encore leurs poitrails, mais elles n'en ont que faire. Qu'est-ce que la moralité pour de tels animaux ? Stupidité d'êtres pensants. On ne s'attache pas à de telles considérations lorsque l'on comprend qu'elle ne mène à rien de bon. S'ancrer dans une douleur omniprésente, bafouer ses propres intérêts au profit d'une collectivité anonyme qui n'a que faire de l'existence de chacun de ses membres que dans la mesure où ils continuent à l'alimenter. Non il faut prendre ce que l'on veut. L'arracher sans remord, se l'accaparer afin de satisfaire ses propres besoins. La nature, la vraie vie ne donne pas la possibilité de s'apitoyer dans ces ridicules atermoiements sociaux. Seule la meute importe, et pour la combler, peu importe le prix à payer. Aussi, dans cet étrange rassemblement de deux louves, ce groupe insensé, les règles sont iniques. Elles n'ont que faire des conventions, pas plus l'originale que la nouvelle arrivée. Elles se sont détachées des critères des loups, elles se sont détachées des critères des hommes, toutes entières concentrées sur le seul but qui importe vraiment. La vie, supérieure à la survie. Chacune a son fardeau à porter, mais aucune ne connait celui de l'autre. Elles ne s'y intéressent pas. Elles s'en moquent bien au fond. A quoi sert de savoir les causes pourvu qu'on perçoive les conséquences ? Chacune a ses propres blessures, enfouis, visibles, les deux parfois. Pourtant, la nécessité de la compagnie les rassemble. Elles se haïssent, reflet parfait de ce qu'elles abhorrent le plus, elles-mêmes... mais poursuivent leur route commune par intérêt. Isolées, elles sont faibles. Ensemble, elles sont dévastatrices. Dans la forêt bien connue du couple, elles exercent désormais leur loi. Bien sûr, elles se méfient sans cesse des bipèdes dangereux qui la parcourent, mais savent comment les éviter. Les sens de ces êtres sont une véritable pitié, et les duper sur leur présence est d'une simplicité si enfantine que les bêtes ont perdu goût à ce qui leur est apparu dans un premier temps comme un jeu. La blanche a eu plus de mal à moins fréquenter les lieux. Irrésistiblement, les abords de l'horrible création des hommes l'attiraient, hantaient ses instincts... Pourtant, avec les heures les choses se sont avérées plus simples. Les réminiscences d'un temps autre se sont estompées avec les habitudes regrettables jusqu'à ce qu'elle devienne pire encore que sa compagne dans l'administration de son territoire. La pitié ? Faiblesse ridicule des proies. Les prédateurs n'ont pas ces considérations. Les chasseurs tuent, parfois par simple jeu. Peu importe qu'il faille des raisons, ridicule croyance. Seule l'envie gouverne. Le plus fort prend ce qu'il désire, les autres se plient en espérant que l'orage passe loin d'eux cette fois encore. Parfois, un instant de trouble. Une image gravée sur les rétines, une voix à l'oreille, et un mot qui revient, inlassablement. Rhapsody. Des douleurs dans le crâne tandis qu'un regard vert la transperce. En ces instants, une étrange amertume sur la langue, la gorge qui se serre, et un appel impossible à contrer vers cet être qui l'attire. Contré à chaque fois avec plus de force. Les durées entre chaque manifestation s'espace. De minutes elles deviennent heures puis jours. Plus nul espoir de lui passer une laisse. La liberté l'appelle, la grise, la dompte. Conquise à la botte de celle-là même qui ne demande aucun compte... Plus de compromission, plus d'espoir aigri. Seulement la volonté, première, prépondérante. Qu'on ne cherche plus à attraper cette immaculée en sang... Les conséquences seraient terribles pour qui s'y risquerait ! Trop de plaisir dans la course effrénée contre le vent, dans la fragrance délicieuse de la peur qui chatouille les narines, fumet plus exquis qui soit. Trop de gratification dans le dernier souffle implorant de la créature trop faible lorsque le fluide vital s'échappe de sa carotide sectionnée de longs crocs acérés. Simplicité supérieure d'une vie aussi convenue où autrui n'oblige pas à revoir ses propres positions, où la voie que l'on trace ne dépend que de soi sans aucune compromission exigée. Pourquoi voudrait-elle changer maintenant qu'elle est comblée ? Si la magie noire guette, si elle influe sur ses actions, seuls les plus insignifiants en pâtissent. Puisqu'elle n'est attachée à aucune autre source de vie, quelle importance ? Cruelle. Dangereuse. Impitoyable. La louve blanche domine les environs. Bien mal en prendrait à qui voudrait l'approcher...
  2. Je la sens revenir. Irrésistible, elle ne veut plus me laisser en paix... Plus de douce nuit possible, plus de repos envisageable. Lancinante, elle cherche à m'atteindre, chaque fois avec plus d'intensité, sans me laisser la possibilité même d'espérer lui échapper. Sans répit, elle m'accule, me hante, me guette. Elle me traque, apparaissant quand je m'y attends le moins, m'aiguillonnant de ses tentatrices propositions. Je ne veux pas. Je veux fuir. Je veux me perdre loin de tout ça. Je refuse de lui céder, de lui confier mon corps. Destructrice comme elle est, elle parviendrait à réduire en charpie tout ce à quoi je tiens, et cela, il n'en est pas question. Depuis que j'ai réussi à la confiner de nouveau, à l'enfermer dans la cage qu'elle n'aurait du quitter, je n'ai plus eu un seul instant de soulagement. Je veille sans cesse, je refuse de m'abandonner plus d'une seconde à l'oubli. Heure après heure, je demeure consciente de ses tentatives infructueuses pour reprendre le dessus. Sa force me mine. Hagarde, éperdue, je fuis toute présence, craignant à chaque instant commettre le faux pas, me laisser aller un centième de trop, lui laissant suffisamment de latence pour se libérer. Je la sens pulser dans sa prison de verre. Je peux la voir, se fracassant contre la paroi en continu dans l'espoir de créer la moindre petite fissure... Cette nécromancie va me rendre folle ! Plus qu'ombre de moi-même... Recroquevillée sans cesse, fuyant tout contact, frissonnant sous le moindre geste un tant soit peu large. Beaucoup plus farouche qu'auparavant si cela est possible... Je ne dois plus voir personne, je dois m'exiler, source de tant de dangers pour ceux que j'aime... Pourquoi se méfieraient-ils de moi ? Pourquoi se méfierait-il de moi ? Tant de jours que nous ne nous sommes pas vus... Je n'ai pas écrit cette fichue lettre finalement. Il n'est pas question qu'il me voit dans cet état ! Il n'est pas question que je le mette en danger. En prenant conscience de cette possibilité qui se fermait à moi, mon ressenti a grandi, facilitant d'autant plus la voie à la magie noire... Aigrie d'un espoir qui s'étiole. Tant de foi réduite à néant d'un simple claquement de doigts. Que je bascule, et j'emmènerai mon aimé avec moi... Ce qui n'est nullement envisageable. Plutôt mourir que de commettre un tel acte ! Pourtant... je me sais incapable de mettre fin à mes jours. Ridicule et risible... Elle en profiterait je suis certaine... Elle pénètrerait ma raison au moment de l'agonie, et sa puissance deviendrait sans égale. Elle est bien plus forte que moi, plus que je ne peux l'imaginer. Même la mort m'est interdite... Un seul choix demeure. Je ne supporterai pas éternellement fuir. Je sens déjà les limites de mon corps, si proches, trop proches... Fimine me vienne en aide, déesse de la Terre... Ses bois giboyeux ont seuls pu m'éviter jusqu'à présent le dépérissement total. La louve, ma sœur, ma compagne, m'a chassé de quoi me sustenter. Le mal être qui m'habite lui est perceptible pourtant. Elle sent le mal qui me ronge, et plusieurs fois, alors que j'étais à deux doigts de mettre fin à la lutte pour laisser à la noiraude le dessus, une violente morsure m'a remise sur le droit chemin. Elle a peur de moi désormais je le crois, mais le lien qui nous unit la dépasse. Nous sommes indéfectiblement unies. La Mère veille sur moi... Son enfant égarée... Se pourrait-il que ? Nouvel assaut impitoyable. Une douleur fulgurante broie mes tempes. Je m'affaisse, je plante mes doigts dans la terre meuble. J'hurle de démence. Une truffe froide se pose sur ma joue, mais je n'en ai que faire. Le menton relevé, le regard vitreux, je crie ma souffrance dans un son désarticulé. Les tentacules fébriles de la peur reviennent enserrer mon cœur. Les parois vacillent, tremblent, se craquellent. Je résiste, je tente de faire barrière, mais me voilà trainée dans la poussière, réduite en charpie. Une morsure violente dans mon avant bras fait refluer un instant la folie. Fuir encore ! Il faut lutter ! Mon corps se convulse de douleur, mes doigts se crispent dans le pelage de la bête, mon visage s'enfouit dans sa chaleur tandis que ses jappements se font affolés. Sa présence réconfortante, la douceur de la Terre, mes propres réticences, mon amour... Confrontation violente, impression de me déchirer de l'intérieur, sensation foudroyante... Blême et affolée, il me faut m'abreuver à sa vue une dernière fois... C'est une certitude alors que je prends conscience du destin qui se trace devant moi. Fimine l'a compris depuis plus longtemps que moi. Je ne pourrai jamais gagner cette lutte, je ne serai pas assez forte. Un seul choix, une seule alternative pour dénuer toute emprise à la magie. Une vie différente, un niveau de conscience autre... Forte de cette nouvelle résolution, je me relève, une main toujours perdue dans le pelage de la louve. Barricadée de nouveau pour un temps la magie, même si je la sens plus proche que jamais. Le regard perdu dans les braises de ma compagne, je lui transmets ce que je recherche. A deux, nous partons... Furtives et rapides, nous glissant dans les ombres, enjambant de sauts graciles les obstacles, évitant les habitations, nous courrons. Elle me devance, mais je la suis, tandis que je sens déjà l'emprise de Fimine se refermer sur moi. Des changements se produisent, intérieurs, mais je lutte pour conserver encore un peu ma conscience. Double combat désormais, écartant la nécromancie, écartant la magie sylvestre, je défie des puissances supérieures pour une dernière image, nécessaire à apaiser mes tourments. Que je disparaisse sur une touche plus heureuse... Pour peu que l'heur soit possible ici. La louve s'arrête, la truffe au vent, m'observe. Nous sommes quelque part dans les rues de Melrath, la nuit tombe, parant les lieux d'une luminosité opalescente propre à tromper les yeux. Je m'avance dans l'ombre tandis que le canidé demeure dans le recoin des bâtiments. Sa présence assurément ne serait pas tolérée ici... A l'autre bout de la ruelle, mon regard tombe sur l'objet de mes pensées. Il se tient, fier sous l'astre déclinant, observant une chose qui se dérobe à ma vue. Sa présence est altérée d'une aura funeste qui immédiatement me révulse, puisant trop loin dans le mal qui sourd en moi, mais mes sentiments demeurent inchangés... Ses cheveux argentés, son teint mat, la courbe de sa mâchoire. Ses pupilles d'émeraude me sont heureusement cachées... Pourtant, un élan m'étreint. Malgré la gêne constante qui demeure en arrière plan dans mon crâne, je suis désormais subjuguée. Mes doigts se lèvent, mon pied s'avance... Une douleur fulgurante étreint ma cuisse, me faisant lâcher un cri de douleur. La louve a entrepris de me ramener à elle, de me tirer de ce qu'elle estime être dangereux. Ce bruit suffit pourtant a attiré l'attention de celui qui fut mon amant. Nos regards se croisent, mon cœur s'effondre, ma gorge se serre. Il me faut fuir immédiatement. Si je demeure, je ne pourrai plus prendre la décision qui s'impose. Avant qu'il n'ait eu le temps de bouger, mes mains fourragent dans ma besace, trouvent mon grimoire. Je n'ai pas grand-chose de précieux, une seule en réalité, et si je dois la confier, ce ne peut être qu'à lui. L'ouvrage est déposé au sol sans quitter mon bien aimé des yeux, le lui indiquant... Le canidé a lâché prise. Je fais volte face. Sans plus de sentiment, sentant déjà sous le coup de l'émotion les risques qui me guettent, je me mets à courir. Mon sac s'écrase au sol, suivi un peu plus loin de ma cape. Mes bottes sont abandonnées dans la course. La louve me précède, m'ouvrant la voie tandis que je sens déjà les prémices de la métamorphose. Ma peau se hérisse, un duvet immaculé y apparait. Mon corps se modifie, la douleur me tire des grognements, mais je n'en ai que faire, je continue à fuir. Quand ai-je atterri à quatre pattes ? Je l'ignore. Le tissu de ma robe est retombé alors que je m'en échappais d'un saut gracieux. Ma conscience se perd elle aussi. Peu à peu, je m'efface. Je me sens partir. Sensations s'amplifient quand raison s'affaisse. Le sol dur sous mes coussinets et mes griffes. Le vent frétillant dans ma truffe frémissante. L'équilibre apporté par une queue souple. Les couleurs se ternissent, les bruits se précisent. Encore quelques mètres. Un arrêt. Le museau au vent, je tourne mes oreilles soyeuses vers l'arrière, tandis que mon regard s'y perd. Fin d'une vie, début d'une autre... Nous repartons avec ma compagne vers l'inconnu.
  3. Pluie. Douce et vivifiante pluie qui jaillit de l'infini d'un ciel gris pour tenter de laver les meurtrissures des hommes. Oh bruit doux de la pluie, par terre et sur les toits... Mon cœur est en déroute et mon âme affolée. Fâcheuse habitude me direz-vous ? J'en conviens bien volontiers. Il est temps que tout cela cesse. Que je tente de faire un point qui pourrait s'avérer salvateur. Je pars à la dérive au nom d'une protection de mes sentiments personnels. Foutaises ! Je m'égare ! J'ai juré de faire de mon mieux auprès d'un homme qui m'a confié ses espoirs, et à la première difficulté, j'abdique lâchement. Les temps ont bien changé. Le regard perdu dans l'onde qui se déverse, je tente de comprendre les sentiments qui m'animent. A l'abri dans ma chambre. A quelques pas de la sienne qui se révèle si désespérément vide... Je délaisse les bois ces derniers temps. Trop de retour à ma bestialité. Trop de tentations sauvages. La louve me hante quand je m'approche de son territoire. Son instinct animal tente de m'attirer dans ses griffes et l'écho qui résonne en moi ne m'inquiète que trop. Ma volonté de me laisser submerger par mes sentiments au détriment de ma raison est finalement excessivement radicale. J'ai songé qu'il n'existait qu'une seule occasion au cours de laquelle je pouvais me résoudre à l'appliquer. Une seule personne avec laquelle j'accepterais de m'y plier. Le seul être en lequel j'ai toute foi. Il ne me jugerait pas. Cet abandon consenti est peut être même la solution tant recherchée. Que j'abdique un peu sur ma tête par trop restrictive pour le laisser prendre possession de mes sens comme il sait si bien le faire... Le coude posé sur le genou, le menton au creux de ma paume, je patiente. Mes yeux tentent de briser l'obscurité et les rideaux de pluie. Trop à l'étroit dans l'habitation, j'ai enjambé le chambranle de la fenêtre pour m'asseoir sur sa largeur, remontant les jambes contre ma poitrine. La tête appuyée sur l'embrasure, j'ai l'humeur maussade. Les récents événements m'ont faite prendre conscience de certaines choses. L'eau parfois détournée par le vent lèche ma peau de nacre, créant des sillons glacés qui me hérissent la chair. Une seule évocation est en mesure de me réchauffer de la façon adéquate à laquelle j'aspire... Plusieurs fois, je me suis retournée vers l'ombre de la chambre. J'aurais juré avoir senti des lèvres ardentes courir le long de ma nuque jusqu'au creux de mon épaule. Exaltée, j'ai relevé le menton bien des fois afin de laisser la brise joueuse remonter sur ma gorge. Cet instant ne fait pas exception. Mon souffle s'accélère. Mes doigts se crispent sur le bois tandis qu'une douce sensation envahit mes membres. Je ferme les yeux pour m'abandonner à cette fugitive étreinte, imaginant déjà sa main se glisser le long de mon dos jusqu'à ma hanche pour s'y refermer de manière possessive. Le moment aurait pu être parfait si une bourrasque virulente ne m'avait violemment aspergée. Vertement douchée au sens propre du terme dans mes ardeurs, je laisse échapper le soupir qui fleurit de mes lèvres. Mon amant me manque. Et cette absence ne me pèse pas que physiquement. Bien sûr, j'ai pris goût à ses talents à cet égard, incapable de renier sans faire preuve de mauvaise foi son attrait charnel. Mon amant est magnifique. Ses prunelles aux tons verts dont l'éclat fait vaciller toutes mes certitudes. Les émotions que je peux y lire lorsque dans un instant d'égarement, il laisse ses sentiments transparaître. Cet air de certitude dont il ne se départit jamais totalement, qui fait sa force, son attrait. Quant à son torse à la musculature scandaleusement indécente... Quant au reste de son corps, véritable appel à la luxure... Non vraiment, mon démon n'a aucun souci à se faire de ce point de vue là. Et il le sait ! Cette fierté arrogante qu'il affiche à la certitude d'être attirant peut s'avérer insupportable. Pourtant... Pourtant cette confiance en lui fait assurément partie de son charme. J'ai compris désormais ce que je pouvais rechercher dans la présence d'un autre... Ce n'est pas l'abandon aux ordres d'un autre, la soumission. Ce n'est pas la passion, le romantisme. Ce à quoi j'aspire est plus indéfinissable... Un homme pour me soutenir quand je vacille, pour m'épauler dans les moments difficiles. Un homme auquel je puisse rendre la pareille dans ses propres égarements. Une entité présente en ce monde à laquelle me raccrocher quand mes derniers espoirs s'éteignent pour savoir qu'il existe au moins une chose pour laquelle je dois me battre. Et pour cela, mon amant doit présenter la force nécessaire à me faire croire à ma propre sécurité sans pour autant en abuser pour me considérer comme inférieure. Que perdue dans l'étreinte de ses bras, je me sente loin de toute menace. Mes pensées me ramènent vers mon démon trop longtemps absent. Dois-je prendre le risque de lui en dévoiler plus de mes sentiments ? Dois-je lui faire savoir que je me suis éprise de lui depuis quelques temps déjà ? Deux choix s'offrent à moi aujourd'hui. Impliquée comme je le suis dans cette relation, il est temps que je me décide une bonne fois pour toute. Les serments de la bibliothèque me semblent bien loin maintenant que j'ai si peu de nouvelles... Aucune nouvelle. A-t-il failli ? Tente-t-il de mettre de la distance entre nous afin de retarder au plus ce moment où il broiera mon cœur ? Peut être. Je l'ignore. S'est-il produit bien pire encore ? Blessé ? Mort ? Je repousse prestement ces hypothèses. Cette information nous serait parvenue depuis longtemps. Je ne crois pas en son désintérêt. Il est temps de choisir. Renier la parole que je lui ai donnée au milieu des livres pour espérer un salvateur retour à ma propre solitude ou bien accepter pleinement de me brûler le cœur à sa propre flamme ? L'amour est un choix, et je refuse de me voiler la face en prétextant d'une obligation supérieure. Oui, je pourrais vivre sans lui. Il me manquerait certes, les premiers temps seraient difficiles à l'idée d'avoir repoussé une potentielle source de bonheur, mais je n'aurais à subir ni la déconvenue de ces autres femmes, ces rivales potentielles, ni la possibilité de la perte de son affection. Je ne doute pas qu'il pourrait se lasser de l'humaine que je suis. Si je fais le choix de continuer à lui offrir ma foi, il faut que je sois bien consciente des risques. Que j'accepte la possibilité de son infidélité, que j'accepte la lutte du démon. Que je lui accorde pleinement ma confiance dans ses actions. C'est à moi surtout que je dois faire confiance. Je dois prendre conscience n'être pas qu'une parmi tant d'autres. S'il m'a fait une telle proposition, c'est que j'avais les moyens de répondre à ses attentes. Dans ces conditions, il me faut m'affirmer. Sans renier mes propres valeurs, sans chercher à cacher la fragilité qui peut parfois m'étreindre, je dois retrouver partie de l'état d'esprit que j'ai connu lors de notre étreinte volée aux Melrathiens. Devenir une créature plus sereine avec moi-même afin d'exciter l'intérêt des autres. Croire en mon propre potentiel afin de le laisser rejaillir aux yeux des autres. Mais plus important que tout, me décider enfin dans mon choix. Si je veux que le démon capitule, je dois déployer des charmes typiquement féminins. Ne plus demeurer si passive. Car il doit m'appartenir, il ne peut en être autrement. Je veux qu'il ne jure que par moi. Je veux pouvoir le rendre fou de désir jusqu'à ce qu'il oublie même la possibilité d'une autre. Je veux l'entendre gémir mon prénom dans nos nuits délirantes alors qu'il se perd dans notre étreinte. Helevorn sera mien. Tandis que je me fais cette promesse au creux de la pluie, j'avise mes poings serrés. Mes doigts se détachent doucement, illustration parfaite de la force de ma détermination. Dès demain, je lui écrirai pour lui révéler sans détour qu'il me manque et que j'espère le revoir bientôt. Ne plus lui cacher mes sentiments. Les lui montrer pleins et entiers pour mieux lui faire croire à ma sincérité. Pour ce soir... je vais m'oublier encore un peu à la chaleur de sa bise joueuse afin de contenter ce corps ardent à sa seule évocation...
  4. Son attaque aussi soudaine que douloureuse. Ses hurlements et ses imprécations tandis que le reflet sombre part à la conquête de sa propre peau. Le lierre s'est enroulé autour de mon bras avec sa gloutonnerie familière, et déjà, j'en ai perdu l'usage. Au sol sous l'homme, griffée par ses folies furibondes, je n'en suis que plus encline encore à me laisser dériver. La magie a finalement réussi à lacérer mes dernières velléités. Il est temps de jouer pleinement. Il est temps que cet homme m'accompagne dans ce pour quoi je l'ai fait venir. Le végétal sanguinaire, sous les yeux affolés de mon compagnon blessé, parcourt mon épaule, remonte jusqu'à ma gorge dans laquelle il plante avec plus de délectation encore ses dents affamées, avant de rejoindre ma nuque. Le cri de douleur qu'il m'arrache en fouaillant les chairs de mon cou jusqu'à trouver enfin l'os résonne terriblement dans la cabane, faisant taire le dément. Le regard que je lui lance désormais s'est fait impénétrable et pourtant invitation aux vices. Non, son corps ne m'intéresse pas, la luxure n'est pas de mise pour l'instant. Au contraire, cette noirceur qui entreprend désormais d'attaquer mon autre bras et tout le reste de ma pigmentation m'enlève tout désir de sensation physique. La douleur qui baigne tous mes membres est bien suffisante, trop suffisante... « Arrête de te défendre contre ce qui est nécessaire. Laisse-toi envahir par la rédemption. Ce n'est qu'en acceptant de dédaigner la chair que tu trouveras la voie. Permet-moi de te guider vers ce que tu recherches. » Je n'attends pas sa réponse. Peu m'importe sa réponse. Mes mains se posent sur ses épaules, lui arrachant de nouveaux cris de douleur sous l'ébène qui s'y propage, tel un poison enflammé qui court dans ses veines. De mes lèvres, une mélopée infernale se propage autour de nous. Les notes s'enroulent autour de nos corps enlacés dans la douleur, s'apposent parfois sur des plaies plus ouvertes, les torturant de leurs chants affolés. La souffrance physique croit. Ses hurlements se mêlent à ma litanie au cours de laquelle je force la voix malgré moi, tentant moi aussi d'extérioriser ce qui me ronge. Le paroxysme est atteint. Nos voix ont communié dans la folie de nos délires... Nous perdons notre souffle brisé par l'infini. Une étendue. Morne et déserte étendue sur laquelle l'herbe haute a des teintes grisâtres. La luminosité est indescriptible. Elle n'émane d'aucun astre visible dans le ciel grisé lui aussi. Etendue sur le sol, face contre terre, je ne sens plus rien. Mon corps ne souffre plus, mon corps ne perçoit plus. J'ouvre un œil curieux, avisant la végétation autour de moi. Mes yeux se baissent vers ma main. A la place de la beauté de nacre que je connais habituellement, une couleur bleutée étrange la pare. Intriguée, je m'assieds avec facilité, comme si je ne pesais plus rien, et parcourt ce que je peux du regard. Ma robe a laissé place à une étrange cape cuirassée. Mes cheveux se sont tournés vers l'ébène, parés pourtant d'étranges reflets que je pourrais qualifier de verts. Plus nulle trace du végétal. Je cherche l'homme du regard. Assurément, il a du me suivre en ces lieux. Probablement a-t-il lui aussi changé d'apparence, vers ce qu'il incarne réellement. Pourtant, impossible de le voir aux alentours parmi ces herbes folles. De dépit, je me relève, époussette ma tenue pourtant impeccable, et inspire profondément un air étrangement atone. Les lieux sont inhospitaliers au possible. Voilà quoi ressemble ma conscience ? Je ne donne pas cher de ma santé...
  5. Une caresse apaisante sur mes épaules. La signification d'un soutien palpable à ma douleur. Elle ne m'a pas trouvée stupide, elle me comprend. J'aimerais lui crier ma joie de sa sollicitude, moi qui rejette pourtant naturellement la pitié des autres, considérant qu'elle est manifestée dans ce cas plutôt comme un réel intérêt à mes problèmes. A mon problème. Le feuillage m'apaise du mieux qu'il le peut alors même que j'ai percé son écorce. Il n'est pas rancunier. La nature n'est pas rancunière. Fimine est amour. J'aimerais pouvoir prétendre agir de telle manière. Je souhaiterais passer outre ma rancœur pour tenter d'offrir toute l'affection que j'ai, enfouie en moi. Abaisser les barrières de la méchanceté pour offrir le pardon, si les événements tournent. Je ne m'en crois pas capable. Mon interlocutrice reprend. Sa phrase résonne en moi, trouve prise aux affres de mes sentiments. Espoir, cruel espoir qui par trop m'a donné des raisons de croire à des plaisirs qui me sont interdits. Je me redresse pour la regarder par la suite. Sa proposition, sa mise à disposition résonne comme l'heure de la séparation à mes oreilles. Peut être est-il temps en effet que chacune de nous regagne ses pénates et ses propres causes. Que nous nous enfermions de nouveau dans l'imbécillité prédéfinie des préjugés claniques. Qu'elle retourne aux siens comme je dois me fondre de nouveau parmi mes camarades, pour que sur le champ de bataille, nos familles se déchirent. Amitié impossible qui pourtant est née dans le paradoxe de notre souffrance. Nous aimons à nous détruire, et sommes les plus aptes à ce jeu pervers. Une autre fois peut être, nous aurons l'occasion de nous revoir. En d'autres lieux probablement, nous poursuivrons cette étrange façon d'envisager les choses. Pour l'instant, le retour à la réalité est primordial avant que je ne sombre de manière irréversible dans cette folie qui est nôtre. « Sache que le contraire est vrai. Peu importe de quoi il retourne, je suis disponible pour répondre à tes attentes... Tant qu'elles n'altèrent en rien les miennes. » Froideur légèrement retrouvée d'une protection personnelle. Pourtant, je sais qu'il me faut être raisonnable et ne pas demeurer si distante. Ma main se tend vers elle en une invitation. « Je m'appelle Rhapsody. » Un délicat sourire étreint mes lèvres. Ce n'est que peu, mais je ne peux offrir plus encore. Dégrisée de ma douleur physique par ma souffrance de cœur, je ne suis pas dans les dispositions d'esprit nécessaires à une franche sympathie désormais. Retour à la morosité ambiante.
  6. Une réponse dérangeante que je peine à interpréter. Le passage au tutoiement. Je suis venue à bout de la patience de mon invité, ce qui cause un malaise dérangeant au creux de mon sein. A quel jeu suis-je en train de me frotter ? A quels dangers suis-je en train de me brûler ? Je n'en maitrise pas toute la portée, mais à voir le regard que me lance l'étranger, il n'est en rien sauf. Ses yeux se détournent pour s'enfermer de nouveau sur les flammes. Je n'ose rétorquer, mal à l'aise. Je ne sais plus que dire. Je ne sais plus que répondre. Je me suis faite prendre à un piège qui me dépasse, et ignore tout du moyen de m'en éloigner. Mes pupilles se perdent dans le brasier à leur tour. Improbable situation irréelle... Sommes-nous vraiment éveillés en ces lieux ? Dois-je accorder de la substance à cette incroyable confrontation ? Mes pensées sont dérangées par ses questions. « Pourquoi suis-je ici ? Qu'attends-tu de moi femme ? » Je relève mon attention vers lui, avisant que je n'ai pas de réponse consciente à ses interrogations. Pourtant, une idée s'éveille quelque part en moi. Ma magie trésaille, s'agite, lèche les barrières dans lesquelles j'ai tenté de l'emprisonner. Le grondement s'amplifie, l'onde s'enfle contre les parois de sa prison, cognant à intervalles irréguliers les murs établis. Un grognement de douleur m'échappe. Je fuis les yeux dérangeants pour tenter de me perdre dans les flammes, mais je sens qu'il est trop tard. Cette rencontre a réveillé ce que je voulais taire. Cet homme a déclenché ce que je tentais d'étrangler. La cage se brise en moi, projette ses éclats argentés au travers de ma raison fatiguée, déchirant le voile de ma tranquillité. La noirceur se révèle, invisible encore mais pourtant si perceptible. Le sourire qui m'anime alors que je regarde de nouveau mon invité n'est plus le même. Je ne suis plus moi. Je ne contrôle plus ce corps récalcitrant, et gémit intérieurement en voyant ma main se diriger vers ma besace. Je sais par trop où elle souhaite en venir, ce qui m'inquiète terriblement. Il me faut m'y opposer. Mon esprit emprisonné sans succès. Mes doigts ont déjà trouvé la couverture de mon grimoire parcheminé. Sous le tissu, ils s'activent afin de le dégager, et la course qu'ils décrivent me semble animée d'un ralenti d'autant plus exécrable que je suis impuissante. Des lèvres qui sont miennes, j'entends une voix qui n'est en revanche plus tout à fait en ma possession déclarer : « Le jeu bien entendu. Non pas le jeu de la chair, faible chair des sens, prison aux possibilités de nos propres potentiels. Transcender ces frontières charnelles pour quérir l'essence même de l'être. Rejoindre la connaissance d'un moi à travers l'empreinte unique laissée par la magie. Trouver enfin la spécificité qui nous anime en nous purifiant des ridicules convenances que la société nous impose. Pour cela, la raison est souvent trop faible. Elle n'est qu'une des facettes qui nous briment. Nous dégager de cette matérialité étouffante. » J'observe l'homme à mes côtés. J'ignore ce qu'il pense en cet instant, même si une lueur d'attention semble animer désormais son regard. A moins que ce ne soit que le reflet des flammes... Je n'y peux plus rien changer de toute façon. Le grimoire s'ouvre sous l'action de mes doigts, émettant une lueur sombre. Instantanément, je découvre les glyphes qui s'animent sous la caresse de ma peau. L'encre court le long du parchemin, dessinant des arabesques colorées changeantes. Je surprends le regard intéressé de mon invité posé sur mes ongles émeraude qui tournent les pages avec délicatesse, jusqu'à s'ouvrir sur un parchemin sombre totalement vierge de toute écriture. Sous l'action de ma magie pourtant qui traverse ma paume bien malgré moi, un lierre semblable à mon gardien s'inscrit sur l'étendue ébène. Il ondule le long du grimoire jusqu'à atteindre mon index, lutte un instant contre la gravité de la page avant de s'arracher à son immatérialité pour ramper insidieusement le long de mon doigt. Sous son passage, une volute noire lèche ma peau un instant avant de s'étendre peu à peu. Après mes phalanges, elle poursuit son chemin derrière le végétal. Rapidement, ma main est recouverte. Prisonnière, je regarde avec effroi ma peau de nacre virer au sombre. Affolée, je tente de me débattre, mais l'emprise magique se referme sur moi avec plus de force, lacérant en lambeaux mon entité bloquée. Ma voix a pris des reflets caverneux lorsqu'elle s'échappe de nouveau de la barrière de mes lèvres. « Veux-tu me suivre dans cette initiation ? Veux-tu parcourir à mes côtés les chemins de la connaissance pour qu'ensemble nous exprimions pleinement nos similitudes ? »
  7. Mes pieds nus s'enfoncent dans la terre meuble. Avec habileté, j'évite les buissons un peu trop humides et les branchages trop lourds qui se déversent parfois avec fracas sur le sol. Mieux vaut ne pas prendre une douche maintenant. Instant en suspension où j'évolue seule dans l'ambiance feutrée des sous-bois épais avant qu'un pas ne fasse écho au silence des miens. Soupir que j'étouffe entre lassitude et désir de jeu. La perspective de ce qui pourrait advenir si je me laisse dominer en ces circonstances par les sentiments est encore bien trop effrayante à mes yeux pour que je l'accepte. Dans l'entrelacs plus étroit des feuillages, la pluie traverse avec difficulté, réduite à une infinité de gouttelettes scintillant dans les quelques rayons qui parviennent à percer. Peut-être aura-t-on un arc-en-ciel... Pour l'heure, il me faut retrouver ma cache. Si j'en crois mon instinct, elle ne devrait guère être loin maintenant. Effectivement, j'aperçois dans l'ombre plus épaisse des lieux une forme impénétrable. Mon abri... J'approche du rideau végétal avec une sourde impatience au creux des entrailles. Le lierre se resserre autour des diverses plantes afin de former un mur impénétrable. J'attends mon invité, le regardant approcher à pas lourds. Son esprit semble bien loin, et je me décide à ne pas le brusquer maintenant. Je le connais si peu... Ma main se pose sur les frondaisons. Un long filament de lierre s'anime à ce contact pour s'enrouler autour de mon bras jusqu'à remonter à mon épaule. Des crocs végétaux caressent un instant la peau avant de s'y enfoncer, laissant quelques gouttes de sang perler en griffures errantes sur mon épiderme de neige. Je réprime le frisson de douleur et de répulsion qui m'anime toujours à son contact. Mon gardien n'est pas des plus engageants, même pour moi. Satisfait de mon offrande, il se replie sur lui-même dans un froissement de feuilles, ouvrant sur son passage une brèche dans le mur afin de nous permettre de passer. J'invite mon compagnon à entrer à ma suite avant d'aviser le refus de la louve. Peut-être vaut-il mieux qu'elle demeure loin de la magie de ces lieux après tout... Un dernier regard à ses yeux éclatants avant que l'abri ne se referme. Nulle fenêtre. La pièce est sombre, éclairée seulement de quelques plantes luminescentes. Son style pourrait assurément être qualifiée de dépouillé. En son centre, un foyer éteint duquel je m'approche après avoir désigné des fourrures à mon camarade afin qu'il y prenne place. Mon grimoire a été abandonné à une table basse. Quelques bûches plus tard et une ou deux incantations à voix basse, une flamme ardente crépite dans la pièce. « Ne vous inquiétez pas pour un incendie, le feu est circonscrit à son foyer par un sortilège que j'ai tissé spécialement. » Pas de réaction. Je pousse un léger soupir avant de me diriger vers un coin plus sombre en retrait. Y pendent quelques robes et une cape. J'attrape une sage étoffe d'un pourpre sombre puis jette un coup d'œil par-dessus mon épaule à mon camarade. Les yeux perdus dans les flammes, il ne semble pas réagir. Après un soupir, je me décide. Mes doigts agrippent les lacets de cuir de ma robe sur lesquels je tire. Le tissu s'effondre au sol, soulevant quelques feuilles mortes. Immédiatement, j'enfile la nouvelle tenue sèche, prenant soin de relever mes cheveux afin de ne pas l'inonder. Ma tâche achevée, je retourne auprès de mon invité. Impossible de déchiffrer ce qu'il pense en cet instant. Croisant les jambes, je m'assois en face de lui, du même côté du feu, cherchant à percer ses songes. Cette tentative s'avérant vaine, je laisse échapper un nouveau soupir. La pluie n'est plus audible d'ici, les murs végétaux en étouffant complètement le bruit. Il règne une agréable chaleur dans la pièce. Pourtant, je ne suis toujours pas à mon aise. Il me faut trouver une échappatoire. Finalement, une idée nait en moi. Plantant mon regard dans le sien, prenant ma voix la plus séduisante, je lui parle. « S'il n'y avait qu'une seule chose que vous pourriez espérer obtenir de moi, que me demanderiez-vous ? » Dangereux. Excitant. Que va-t-il répondre ?
  8. La souffrance dans sa voix. La douleur plus palpable qu'au moment de nos tortures respectives. Etrange et envoûtante. Elle fait écho à la mienne tandis que mon intérêt est accru encore au prononcé du mot « démon ». Se pourrait-il que ... ? Possible, voire même probable. La suite de son récit me le confirme. Une vague d'empathie à son égard. Souffririons-nous donc par la faute du même homme ? Nos douleurs n'en sont que plus proches. Dans un élan que je ne maîtrise pas, j'attrape sa main malgré la douleur qui m'oppresse soudain et la serre en signe de soutien muet. Je n'ai pas le courage de lui exprimer mon empathie par des mots, cela sonnerait bien trop creux. Presqu'hypocrite. Lui dire que je la comprends ? Ridicule, c'est faux. Je ne peux connaître la douleur qu'elle a traversée, ne serait-ce même que l'effleurer. En comparaison, ne suis-je pas ridicule ? Si probablement. Je lâche sa main, les doigts délicieusement engourdis par la douleur, et me relève. Besoin de marcher. Besoin de m'aérer les idées. Lui dire que je me morfonds pour l'être qu'elle exècre. Lui dire que j'éprouve de l'affection pour lui ? Que je me suis laissée prendre à son piège. Tout cela me parait ridicule. J'ai l'air si... stupide... à côté d'elle. Si naïve... Je ne suis peut être qu'une jeune femme, mais il est des limites à ne pas franchir... N'ai-je pas allègrement plongé dans bêtise jusqu'à présent ? Un soupir s'échappe de mes lèvres tandis que j'appuie ma paume sur un arbre, la tête penchée en avant, le haut du crâne contre le tronc. Mes cheveux nacrés s'épanchent autour de mon visage, masquant les larmes amères qui courent le long de mes joues. Je ne pourrai supporter le lui dire en la regardant. Pourtant, si je demeure coite elle croira que je me suis amusée d'elle, que je lui ai tendu je ne sais quelle embuscade pour la faire parler. Ce n'était pas mon but. J'avais un souhait honorable. Maintenant... Je me décide pourtant. Il me faut lui dire. « Je me suis... éprise du démon... J'ai offert ma foi et mon innocence à cet être pour qu'il les déchire en lambeaux aux côtés de celle que j'abhorre le plus au monde. Cette femme.... Cette garce... » A la seule évocation de la nécromancienne, la magie pulse de nouveau en moi. Cette horrible femme ! Ce que je peux la haïr ! Ce que je peux souhaiter sa disparition à jamais ! Le tronc sous mes doigts explose, projetant ses échardes acérées sur mon visage et mes avant-bras découverts. Je peste de douleur et de désappointement, entreprenant de réduire à l'état de bouillie tout le bois mordu dans ma peau d'une onde néfaste qui court sur ma chair. Les projectiles s'échappent mais la douleur reste de même que les petites plaies. Soupir. Vie ingrate.
  9. Il se retourne, je prends garde de m'éloigner, consciente qu'il serait imprudent de trop le tenter pour le moment. De me tenter aussi. Les attentions d'un homme sont une chose agréable propre je le crains à me faire perdre la tête si je n'y prenais pas garde... Il n'est pas question que je faillisse pourtant. Mon cœur bat plus vite pour un autre qui a su le toucher. Je pourrais m'abandonner à l'étreinte d'un inconnu... Libérée des conventions morales, les considérations qui s'appliquent normalement ne devraient pas m'atteindre. Pourtant... Pourtant l'amour demeure la notion la plus noble que j'ai chérie en ces lieux. Et avec elle, la fidélité. J'ai promis d'être forte pour lui, de porter notre couple quand il faillirait, et il n'est pas question que je cède en si bon chemin. Je me battrai pour lui, quoi qu'il advienne. Il est temps de prendre du recul dans cette histoire dangereuse. « La rédemption de péchés par d'autres plus infâmes. » Déjà, mon camarade de jeu me répond. Je garde mon étole d'assurance, pourtant celle-ci a été ébranlée. Garder le dessus sur un homme perdu était aisé. Le faire s'il retrouve ses moyens est un exercice auquel je suis beaucoup moins rodée... Ne pas abandonner pourtant. Poursuivre cet amusement. « Et le votre ? » Je le détaille un moment, cherchant la réponse la plus adaptée à cette question. Il y a peu, j'aurais encore répondu que je vivais par peur de la mort. Pathétique mais bien réel. Mais aujourd'hui... Que je vis pour mon amant ? En partie vrai, mais assez délicat à admettre. Que je vis pour mes compagnons ? Faux. Que je vis pour ma magie ? Elle est part de ce qui me pousse à avancer, mais n'incarne pas le but ultime de mon existence. Je ne me bats pour l'améliorer, n'ai pas de cesse de devenir plus forte. Je l'apprivoise, tente de la comprendre mieux mais n'en fais pas un objectif. C'est autre chose. C'est le nouvel état d'esprit que m'a fait connaître mon bien aimé. S'il semble être ce vers quoi je me tourne spontanément à cette question, c'est parce qu'il est aussi unique que la relation qu'il a instauré entre nous. Il m'a appris à devenir femme, mais plus que de la gratitude, c'est aussi un intérêt égoïste qui me pousse vers lui. Je suis heureuse dans ce qu'il me propose. Je connais le bonheur quand je le côtoie, et il a toute ma foi. Seul un homme qui a ma confiance pourra se permettre être jamais dans une relation si proche avec moi. Finalement, je relève les yeux vers l'anonyme, me rendant compte que mon regard s'est perdu dans les bois au cours de mes réflexions. Une caresse s'appose sur mon esprit qu'elle sent tourmenté. La louve est là. Elle veille sur moi. Elle me fournit la réponse. « La liberté. Je vis pour m'affranchir des atermoiements sociaux voire humains. Mettre fin à la tyrannie de la raison sur les sentiments. » Réponse sibylline pour qui n'a pas connu ce que j'ai traversé. Peu m'importe. Je demeure face à lui, dans mon anonymat délicieux, jouant de ses prochaines tentatives. Lui résister jusqu'au bout tout en lui laissant entrevoir des possibilités pour mieux le désappointer. La liberté de blesser les gens comme de les aimer. Infinies possibilités une fois le joug de la raison rabattu. L'étincelle de folie anime mon regard tandis que je me remémore les quelques fois où j'ai laissé mes sentiments prendre le contrôle. Assurément, de beaux moments... Aujourd'hui pourtant, je prendrai garde à n'en rien faire. Une nouvelle menace plane sur moi qui se révèle bien trop dangereuse pour que je ne la prenne au sérieux. Au contraire, l'esprit demeurera primant pour la suite. Et cette pluie qui ne s'arrête pas. Effroyable et glaciale pluie qui engourdit mon corps. Trouver un abri sera plus sûr pour ma santé... J'ai ce qu'il me faut. « Peut être aimeriez-vous rejoindre un peu le sec après cette route... Moi je le souhaite en tout cas. Suivez-moi. » Sans un mot, je me détourne. Mon grimoire retrouve sa place au creux de mon étreinte avant que les pieds nus foulant le sol détrempé, je ne disparaisse dans l'ombre des bois. Qu'il me suive s'il le souhaite.
  10. J'intercepte le regard qu'il lance en sortant de sa torpeur sur mon grimoire. Son mouvement de recul. Que cette réalité ait fait son chemin jusqu'à son esprit est une douce victoire. Il sait désormais vers quelle allégeance se tourne mon cœur. Il connait la noirceur qui me parcourt. Délicieux grimoire à l'aura si particulière. Quant à ses propres armes... Je les sens palpiter quelque part sur lui. Pas question qu'il ne commette un impair. Je m'approche de lui, pénétrant de façon ostentatoire dans son espace de défense, le prenant de court, l'empêchant de mettre à exécution ce qui lui a peut être traversé l'esprit. Je sens ses ondes velléitaires. « Si j'étais vous, je n'y songerais même pas. Après tout, vous êtes dans mon domaine, qui sait comment votre magie pourrait réagir ici... Qui sait comment je pourrais réagir ? Je n'ai manifesté aucune intention hostile à votre égard, et vous avoir fait traverser je ne sais combien de terres pour vous tuer serait un peu stupide, ne pensez-vous pas ? » Pure rhétorique, je n'attends aucune réponse. Je plonge mon regard dans le sien, l'empêchant de fuir, le bloquant sous l'intensité de ma lecture. Je cherche à le percer. Je cherche à le comprendre, à savoir pourquoi la louve m'a ramené tel personnage. Ma voix devient plus froide encore. « Or, j'ai certes beaucoup de défauts, mais la stupidité n'en fait pas partie. » Je brise l'instant suivant le contact visuel qui s'était établi entre nous, reculant d'un pas avant de faire demi-tour, retournant à la louve, toujours sagement assise. Nouveau contact entre nous. Elle peut disposer si cela l'intéresse. Elle choisit de rester, n'accordant apparemment pas confiance au nouvel arrivant. Le voyage a du être chaotique... Si je l'ignore en apparence, il occupe pourtant tous mes sens, toutes mes perceptions. Je perçois sa présence avec acuité. La force tranquille de son élément. L'eau si je ne m'abuse... La douceur de l'onde, sa folie qui se déchaine, son apaisement soudain. Impétueuse. Il veut jouer, il ne s'en cache pas. Ses avances étaient par trop explicites pour que je ne les saisisse pas. La question demeure de savoir quelle attitude je dois adopter face à ce nouveau rapport. Je n'ai pas l'habitude d'être ainsi... courtisée, même si le terme est par trop éloigné de la réalité des choses, et dans la seule autre occasion qui s'est présentée à moi, j'ai succombé. Aujourd'hui, ma foi est engagée envers un autre, ce qui rend totalement inenvisageable telle façon de réagir. En tirer partie toutefois ne peut me porter préjudice. Je choisis pourtant une nouvelle fois la fuite, reprenant sur le ton de la conversation. « Aqua n'est-ce pas ? Vous devez être à l'aise aujourd'hui, les cieux semblent avoir décidé de vous contenter. Fimine aime la pluie aussi. » Je n'attends toujours pas de réponse, emplie avec quiétude de la certitude de ne pas m'être trompée. Je suis la maîtresse aujourd'hui, ainsi qu'il me l'a fait remarquer. Je mène notre danse. Il est temps d'aborder le sujet fâcheux. Décidant de jouer de tous mes atouts de dame, je m'approche à nouveau de lui, posant la main gauche sur son avant bras en un signe à la fois amical mais pourtant non équivoque. Qu'il tente quoi que ce soit, et cela pourrait très mal se terminer. Un picotement traverse mes doigts gourds tandis que je trouve la chaleur de sa peau, réaction de nos magies qui se découvrent, je crois. Pourtant, je ne prends pas la peine de plus m'attarder sur ce phénomène, et passe dans son dos, appuyant mes vêtements mouillés et mon être froid contre son corps. Il est légèrement plus grand que moi et la température plus élevée de son torse se répand délicieusement en moi. Le temps n'est néanmoins pas à de telles considérations. Me haussant légèrement sur la pointe des pieds, en appui contre lui pour garder l'équilibre, mon souffle parcourt sa nuque jusqu'à atteindre son oreille. « Quel est le but de votre vie ? »
  11. Enfin, la silhouette se dévoile. Enfin, l'attente de ces derniers jours prend corps. Un homme. Un homme dont la folie est visible sur le visage, mais qui pourtant semble résonner immédiatement en moi. Un homme dont le regard s'anime d'une étincelle propre à me rappeler ma jeunesse encore si proche. Parais-je aux yeux des autres d'une telle insanité ? Semblai-je si animée d'une vie autre que la normale ? J'ai pu suivre sa course jusqu'ici aux seuls bruits qu'il fait. Il ne cherche pas à être discret, semble arriver le cœur léger. S'il est l'esprit tranquille, cela ne peut qu'accroître nos propres jeux. Qu'il soit en confiance afin que je me joue de lui. Que nous plongions tous deux dans une perversité déviante afin de révéler aux yeux de tous le potentiel de chacun. Je ne prétends pas être maîtresse en ce domaine. Mais dans ce jeu de dupe que nous avons tous deux débuté, auquel il a consenti par sa seule présence, je suis appelée à endosser le rôle majeur. Je suis la reine en ces lieux quand il n'est que le convié. Je suis son hôte, il est mon invité. Mon amusement. Je sors de la pénombre pour lui faire face, dévoilant ma parfaite blancheur. Il a traversé des terres entières pour venir à la rencontre d'un parfait inconnu. Il a cherché pendant des heures en quête d'une promesse qui lui a été faite d'une découverte exceptionnelle. Je serai à la hauteur de ses attentes. Je dérogerai à mon habitude timide pour l'éblouir d'une splendeur impériale. Je vaincrai ma retenue naturelle afin de le convaincre qu'il a pris la bonne décision. Il veut connaître une âme tourmentée. Il veut voir la louve. Réveillons la bête. D'une démarche nonchalante, je me rapproche du canidé sauvage. Son museau frémissant se perd dans ma main, en signe non pas d'une quelconque soumission, mais d'une reconnaissance entre nous. Elle sait la gratitude que j'éprouve à son égard. Elle connait l'instinct de la meute, et a trouvé sa nouvelle en ma personne. Je ne peux prétendre lui offrir les habitudes d'une louve, mais nous pouvons nous épauler dans les difficultés respectives. Lui apprendre les travers humains quand elle connait les dangers sylvestres. Pari honorable pour deux sœurs tourmentées. Pourtant, mon regard s'est braqué sur le nouvel arrivant. A vrai dire, je ne m'attendais pas à voir un homme. Ils éveillent toujours en moi une profonde crainte que j'ai tentée de museler bien des fois, souvent en pure perte. Je ne sais pas plus qu'avant comment réagir à leurs attitudes, et j'ignore jusqu'au sens de ce qu'ils peuvent bien penser. Trop de mal à comprendre mes propres semblables, je peine d'autant plus lorsqu'ils ont des modes de réflexion trop éloignés des miens. Aujourd'hui pourtant, je ne me poserai pas telle question. Il va devoir entrer dans ma propre logique et se plier à mon jeu cette fois-ci. Je ne ferai pas dans la demi-mesure, la peur toujours présente au cœur de blesser les gens. Je serai la fantastique qu'il attend, l'incroyable qu'il pressent. Rhapsody a pris une nouvelle tournure. Mon échange avec la louve achevée, je sors mon grimoire de l'abri de la besace, le posant en évidence au pied de l'arbre, loin de ma portée. Ma besace atterrit à côté, au sec contre ce grand tronc protecteur. Je n'ai jamais réellement tourné le dos au nouvel arrivant, l'ayant toujours dans mon champ de vision, mais je lui ai bien fait comprendre que je ne le considérais pas comme une menace directe. Je suis en mon domaine ici, je maîtrise les alentours, et qu'il me croie probablement plus forte que je ne le suis est mon atout premier. Une fois débarrassée de tout mon superflu, je me retrouve donc toujours pieds nus, dans une robe toujours aussi trempée, à m'approcher de lui avec circonspection. Un long regard sur son visage avant de commencer à lui tourner autour afin de l'observer de pied en cap de manière tout à fait impolie. Une chose qui m'aurait mise hors de moi si j'en avais été la victime. Toutefois, c'est moi qui maitrise la rencontre aujourd'hui. Je termine donc mon tour sans même prendre garde à son attitude avant de revenir me placer face à lui, les bras croisés et l'air peu amène. « Que cherchez-vous en ces lieux ? » Je sais parfaitement que je suis la cause même de sa présence ici, mais ai décidée de lui laisser la voie libre. Qu'il fasse le point sur ses propres sentiments en premier lieu. Qu'il se confie à moi comme je me confierai à lui si je l'en estime digne. Je serai toutefois inflexible. Qu'il se dérobe à mes interrogations, et la partie tournera mal, très mal pour lui. Je sens toutefois la magie qui pulse autour de lui. Cela promet d'être passionnant.
  12. Une douleur effroyable me déchire le crâne. Je tente de lutter mais les hurlements affolés qui résonnent dans mon esprit m'empêchent de faire le point sur la source de cette nuisance. Debout au milieu de la cour du Domaine, je suis obligée de me prendre la tête entre les mains pour tenter de comprendre ce qui m'arrive, mais un jappement de peur m'oppresse de plus belle. J'essaie de le neutraliser le temps nécessaire pour m'éloigner de ces lieux quand une nouvelle vague de pure terreur animale s'empare de moi. La louve ! Immédiatement, j'accueille sa supplication en mon sein afin de l'aider à surmonter ces sombres arcanes qui la tiraillent. Une noirceur familière effleure la lisière de ma conscience, à la périphérie des émotions animales bien trop affectées pour que je puisse espérer l'identifier convenablement. Sans nul doute pourtant, ma compagne canine a atteint le but de son périple. Répulsion de mon être, accueil chaleureux, la douleur lâche prise sur ma sœur d'âme par une agréable sensation de chaud le long des flancs. Pantelante au milieu de l'espace dégagé, je tente de me ressaisir. Le contact se fait plus ténu jusqu'à disparaître totalement. Rien de beau ou d'épique. Les sensations qui étaient présentes l'instant d'avant ne le sont plus le suivant... Un peu inquiète, je rumine sur la possible disparition de ma compagne avant de tenter de me calmer. Elle ne se serait pas laissée avoir de telle manière. Pas cette louve... D'un dernier regret, je repousse pourtant mes inquiétudes au fond d'un esprit occupé par ailleurs. Il sera bien temps de voir venir... ~ Les jours ont passé, amers. Chaque matin, j'ai rejoint les bois dans l'espoir de voir revenir ma sombre compagne, mais j'ai du chaque soir me rendre à l'évidence. Ce n'était pas encore le bon moment. L'impatience bouillait en moi. Le désir de faire subir un juste châtiment à l'âme suffisamment dévastée pour suivre ma messagère s'amplifiait heure après heure, jusqu'à ce que j'en conçoive un tel plaisir à sa seule évocation que j'émettais de sérieux doute sur ma propre santé mentale. Trop de jours sans nouvelle. Trop de jours sans réconfort. Je basculais dans ma froideur naturelle décuplée par une sombre attirance. Je trainais en vain mon esprit désœuvré dans le Domaine, en quête d'une occupation pour oublier tant la louve désespérément absente que mon amant guère plus présent. Aujourd'hui est semblable aux précédents. Peut être une semaine que la louve est partie, j'ai perdu de toute façon la notion des heures qui défilent. J'erre dans la bibliothèque, tentant de concentrer mon esprit sur un ouvrage au style abscons et au sens non plus clair, espérant que la difficulté de la tâche monopolisera toutes mes facultés sans me laisser le loisir de divaguer à des préoccupations trop dangereuses. J'en suis au chapitre concernant la vacuité sentimentale de l'être moribond lorsqu'une nouvelle intrusion se fait dans mon esprit, de manière toutefois beaucoup moins prononcée. A peine plus qu'un effleurement curieux. Immédiatement, j'abandonne l'œuvre à la poussière de laquelle je l'ai arrachée pour rejoindre les bois. Je n'ai su distinguer précisément l'auteur de cet appel, mais nul autre que la louve n'occupe mes espoirs à l'heure actuelle. La forêt est calme en cette heure. Sous les frondaisons, la lumière s'est faite plus réduite, et le mauvais temps du jour se répercute par quelques gouttes de pluie qui, ayant réussi à passer entre les branchages, résonnent avec plus de force sur le tapis d'humus. Au-delà, seul le bruissement du tapotement de l'eau sur le toit feuillu se fait entendre, donnant au lieu une atmosphère irréelle qui comble mon expectative d'une rencontre exceptionnelle. Trop pressée, je n'en ai pas pris le temps de me couvrir, ayant pour la peine essuyé l'averse sans cape. Mes cheveux longs d'argent gouttent de l'eau déversée, de même que ma robe devenue collante sur ma peau de nacre. Mes bottes ont elles aussi subi la tempête, mais je décide de m'en séparer au creux d'un arbre, préférant frôler les feuilles à terre de la plante de mes pieds nus. Question de discrétion et d'affinité... La sensation d'une présence se renouvelle, accompagnée cette fois d'une aura inconnue. Je ferme les yeux pour tenter de me concentrer sur cet arrivant, mais il m'échappe et me fuit. Une âme intéressante. La louve m'a repérée. Je m'adosse à un chêne, dans la pénombre des branchages, l'attendant patiemment. La promesse des tourments à venir me grise, mais je prends garde de ne pas me laisser emporter. J'ignore l'identité de celui ou celle qui arrive, mais prends à partie de ne pas le sous estimer. Enfin, l'animal émerge des buissons, me lançant un long regard brun, avant de venir s'asseoir face à moi. Derrière elle, j'entends le pas plus maladroit d'un néophyte des forêts. Très intéressant. Je décide de lui laisser l'avantage dans cette partie où il ignore la cause de sa venue.
  13. Toutes deux à terre, nos douleurs s'entremêlent, se froissent dans une tentative de domination bien inutile. Plus je lutte, plus elle m'affaisse, plus ma magie se nourrit d'une douleur délectable qui renforce mon sortilège. Nous sommes indéfectiblement liées dans ce mal créé de toutes pièces par nos consciences dérangées. J'ignore ce qu'elle cherche à expier mais je connais la cause de mon propre tourment. Il ne me quittera pas de sitôt considérant mes propres sentiments... Souffrances jumelles qui rapprochent plus qu'aucune belle cause. Plus que des étendards bariolés de nobles sentiments, une bonne déchéance commune promet un attachement sans arrières pensées. Elle n'attend rien de plus de ma part qu'une continuité de douleur que je lui offrirai avec plaisir. Nous ne sommes là que pour satisfaire l'autre dans un désir égoïste de notre propre contentement. Ses mots résonnent autour de nous, se frayant un passage jusqu'à ma conscience malmenée. Une analyse plus poussée ne peut toutefois s'en faire qu'au moment où elle relâche un peu la magie qui m'oppresse. A quatre pattes, je retrouve toutefois un certain usage de mes membres, même s'il ne s'avère que précaire... Avec difficulté, je m'approche d'elle. Je souhaite m'assurer qu'elle existe, qu'elle n'est pas que le fruit de mon esprit dérangé, qu'elle est empreinte d'une matérialité suffisante pour être rattachée à ce monde. Ce sont ses larmes qui me bouleversent, et avec elles, l'écho de ma propre souffrance. Mon cœur semble se briser dans ma poitrine en réaction à cette marque de faiblesse qui me ramène à nos faibles constitutions de femmes... Grandes puissances jouant avec une magie qui les dépasse pour cacher leurs peurs et leurs blessures intimes. Quand les arcanes se brisent, les femmes se dévoilent, accentuant d'autant plus la déchéance. Je préférais nos luttes. Le cœur empli d'une pitié qui m'est autant destinée qu'à ma compagne, je laisse mes doigts s'approcher de sa joue jusqu'à tenter de recueillir une larme. A peine ai je effleuré sa peau qu'une douleur acerbe remonte mon bras jusqu'à vriller mon crâne. Je m'éloigne promptement, mais le mal est déjà fait. Corps qui se repoussent... Je me décide alors à tenter une nouvelle approche. Il est tellement plus simple de s'ouvrir à une parfaite inconnue, voire à une ennemie qui n'en parlera jamais à vos proches puisqu'ils ne veulent que sa peau. « Parle moi de tes erreurs, et je t'énoncerai les miennes. Que nous sachions au moins pourquoi nous sommes en train de nous détruire mutuellement. » Je m'allonge sur le dos à ses côtés, attendant patiemment qu'elle se décide, désireuse par-dessus tout de ne pas la brusquer.
  14. La communauté de rôliste s'agrandit, ça fait plaisir Bienvenue parmi fous et égarés, belles et chevaliers servants, sans coeur et sensibles.
  15. L'air s'est paré depuis peu d'une amertume dont je peine à trouver l'origine. Des jours qui s'annonçaient prometteurs se sont teintés d'un éclat meurtrier qui affole tous mes instincts de survie. La sensation inaltérable d'être prise à la gorge me hante tandis que je tente d'étouffer ces pressentiments funestes, les mettant sur le compte d'une fatigue générale. Plusieurs jours que je suis coupée du monde. Personne n'a daigné me contacter, et j'en ai conçu une telle haine à l'égard de mes camarades que j'ai entamé un repli sérieux sur ma personne. Quelques grognements en guise de salutations aux êtres que je croise dans les couloirs des auberges, plusieurs fuites face à des puissances supérieures, un accrochage avec un Au-delà qui a mal tourné... Une routine étouffante propre à me rendre folle... Je n'aime pas cette solitude promptement effrayante. Moi qui vivais en ermitage, je me retrouve dépendante de cela même que je repoussais... J'ai bien changé, peut être trop... Il me faut une distraction pour éloigner ces noires pensées, une échappatoire à mes inquiétudes. Trouver une âme tourmentée à aiguiller sur la voie de la déchéance afin d'expier mes propres désespoirs, entraîner un esprit propice dans la folie qui est mienne. Je veux oublier pour un temps cette intuition étrange d'un mal qui rôde. L'idée qui a point en moi est par trop destructrice de tous mes espoirs pour que j'ose lui faire front. Je me voile probablement la face, mais je ne suis pas encore assez éprouvée pour accepter pareille rémission à ma source principale de bonheur. Le mal se développe en moi. Depuis Selene, depuis le dernier épisode à Melrath, je le sens plus vivace que jamais, plus meurtrier aussi. Des considérations qui m'auraient auparavant arrêtée deviennent de simples obstacles que je balaie d'un revers de bonne conscience. Les sombres filaments de ma raison dérangée s'agrippent autour de mon cœur blessé pour y injecter leur douloureux poison de doute. Une présomption par trop inquiétante m'étreint. A trop retourner cette folie, je risque de sombrer moi-même dans les tréfonds de la bestialité. Ma décision est prise. Un long sifflement alors que je parcours la forêt qui entoure le domaine. Il se trouvera bien un être en ces lieux pour répondre à mon attente. Je sens à la lisière de mon esprit une demi-conscience craintive mais néanmoins curieuse. Etrange sensation de cette caresse sur mes plaies difficilement cicatrisées. La bête cherche à comprendre ce qui ronge cette nouvelle rencontre. En vain. Cet instinct tortueux dépasse sa conception plutôt manichéenne des choses, et la noirceur qu'elle perçoit l'incite à s'éloigner, mais je me dois de la retenir. Mes genoux tombent dans la terre meuble alors même que mes doigts s'y enfoncent avec délectation. Après quelques minutes de réflexion, je sens la mère ancestrale s'ouvrir à ma présence. Un baume apaisant se dépose un instant sur mes blessures intérieures, me présentant pour un temps comme plus acceptable pour ce que je décèle maintenant être un canidé. Le froissement feutré des pattes sur le tapis d'humus se rapproche. Je demeure immobile, ne souhaitant pas briser cet instant de découverte entre nous. Yeux fermés, j'attends que la louve soit plus près encore. Elle s'arrête lorsque sa truffe est suffisamment proche pour inspecter avec plus de détails mon odeur étrange d'humanoïde. Je lève le regard pour croiser ses prunelles brunes emplies d'une quiétude rassurante. Le temps se fige, l'animal m'observe, me scrute au travers du spectre de tous ses sens dans l'espoir de trouver l'écho à ce qui la fait vibrer. Elle trouve soudain, et l'étincelle de compréhension s'allume au fond de son intelligence. Une liberté ardente et tenace, une volonté de s'affranchir des barrières morales pour plonger dans un troublant désir d'indépendance. La louve a quitté sa meute, je me perds loin des miens. Ma main terreuse se lève, effleure la truffe frémissante qui semble me donner son accord avant de se poser sur son large front. Un frisson le long de son corps élancé, l'instinct primaire de fuite qu'elle surmonte pourtant pour en apprendre plus. Elle sent la douleur qui émane encore de moi, diffuse, cet étrange sentiment de mal à peine camouflé. Elle sent cet intrigant mélange de justice et de noirceur qui, la dépassant pourtant, l'attire à moi. Le message passe entre nous avant que je ne me mette à prononcer quelques mots. La magie crépite dans l'air, faisant se hérisser le poil sombre de la bête qui pourtant, affronte vaillamment cette épreuve. Les mots se gravent en elle au fur et à mesure que je les dessine dans mon esprit, prêts à ressortir au simple toucher de cette créature. Elle est certes effrayante, mais je ne peux me contenter d'un esprit faible qui la fuirait. Je lui insuffle la volonté de fuite si l'accueil venait à être mauvais. Il ne faut absolument pas qu'elle mette sa vie en danger pour une lubie de nécromancienne. Finalement, notre tâche commune est achevée. La louve m'adresse un dernier regard scrutateur avant de disparaître dans la pénombre des sous-bois vers une destination qui lui est à elle-même encore inconnue. Je me relève en la fixant des yeux jusqu'à la perdre. Je lui ai promis la seule chose qu'elle attendait réellement. La fin d'une solitude par trop éprouvante, la compassion d'une sœur tourmentée. Un pacte de louves. í‚me tourmentée qui reçois cette étrange communication, si le désir de découvrir une sœur de paradoxe t'étreint à la découverte de son existence, regarde les étoiles. En découvrant la brillante sombre, tu trouveras ta route pour rejoindre une compagne d'infortune apte à éclairer ton périple en ces lieux. Sois courageuse. La louve glaciale
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