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Terre des Éléments

A mi chemin entre l'enfer et les étoiles


Guest Nadhir
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Tu vas voir si je t'attrape!

L'oeil perçant, le rictus du chasseur sur le visage, tout mon corps tendu vers la cible, au prix d'une longue attente, d'une traque sans fin.

L'excitation de la battue, tourner autour de ma proie, la sentir mon égal pour rendre ce combat plus enivrant encore.

Cette rencontre finira, j'espère, avec une mort. Deux même, si Fimine le veux.

Mais des petites.

Combien de temps durait cette attente? Depuis combien de temps est-ce que j'avais espéré croiser le chemin à nouveau de cette Enférienne, qui obsède mes pensées? Trop long, toujours, trop long, à chaque fois. Chaque fois. Que je la quitte, le coeur gonflé du plaisir reçu, l'âme élevée du plaisir donné. Et chaque fois que nous arrivons à nous retrouver, elle et moi. Eyleen. Mon étoile et mon rêve.

Une fois de plus, nous avons réussi à nous donner rendez-vous ici, en secret, elle protégée par la nuit noire, moi veillé par le scintillement de la voute céleste. Pourquoi cette fois-ci était différente? Pourquoi est-ce que notre première impulsion n'a pas été de nous jeter dans les bras l'un de l'autre, et laisser une fièvre passionnelle prendre possession de nos corps?

Oh, ça arrivera. Très bientôt. Quand nous ne pourrons plus résister à cette impatience qui grandit.

Pour l'instant, les yeux rivés l'un vers l'autre, toutes nos perceptions tendues pour ce combat, l'adrénaline s'ajoutant à l'excitation, nous jouons avec le feu.

Oh oui, garre à tes fesses!

Les arbres environnants ne laissent que de quelques occasions de se cacher. Suffisantes pourtant pour m'empêcher d'aligner avec aisance un sort que je lui destine. Tout aussi facilement, j'arrive à maintenir la distance avec elle en me faufilant entre les troncs, je sais très bien que si elle, la guerrière rompue aux arts du corps-à-corps, pose la main sur moi, s'en sera fini du jeu.

Un sourire carnassier, répondu par l'éclat brillant dans son oeil, il ne lui a pas fallu longtemps pour se lancer elle aussi dans ce jeu, ou les règles sont muettes, et où il n'y a pas de place pour un perdant.

Tu bouges trop, attends que je t'attrape...

Des belles jambes, qui courent vite, tu aimes me les montrer, celles-là, hein?

Des regards de prédateur sur ton visage, chaque fois que tu te caches derrière un autre arbre, en essayant de t'approcher. Bientôt tu arriveras à franchir ces derniers mètres qui nous séparent, et plus personne ne saura qui est le chasseur, qui est le chassé...

Mais ce n'est pas terminé encore...

Et ça, tu t'y attendais?

Campé sur mes jambes, à ta vue, j'étais immobile. Tu as bougé entre deux arbres. J'ai frappé la terre de mon talon, puissamment, en criant une incantation. Un roulement a monté du sol, un tremblement s'est propagé vers toi. Suffisant pour te faire perdre tes appuis, couper ton élan. Et tu es tombée juste dans des fougères, ton épée à portée de main, mais... je n'en ai pas encore fini avec toi!

Plantes, lianes et racines, voyez cette fille.

Glissez, prenez, accrochez, et qu'elle s'entortille!

Un sort simple de tellurique, gonflé par ma voix. J'y ai mis toute ma certitude, mais pas toute ma force.

Potentiellement, c'est une prison végétale qui aurait pu la recouvrir. Mais si juste ses bras et ses jambes sont pris, j'aurai gagné... et elle sera la première à en profiter...

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J'ai la tête lourde, une sensation de malaise m'a subitement sorti de mon sommeil en cette nuit.

Je porte ma main à mon front, je m'assois le temps de reprendre mes esprits et d'effacer les restes de mon inconscient qui trainait encore suite à mon sommeil agité.

Comme à chaque fois, je prends le temps de regarder autour de moi, dans notre tente seuls 14 personnes étaient présentes, toutes endormies mis à part moi-même.

Il est peu fréquent que la dernière place de libre ne soit occupée, peut être l'un des nôtres a-t-il préféré le confort de l'une des auberges pour cette nuit.

Soit maintenant réveillé, je n'arriverai plus à trouver le sommeil.

Sortons un peu en cette nuit calme, peut être quelques inconscients se seraient-ils laisser aller à l'imprudence d'une sortie nocturne.

Je pris route vers le sud-est, prés des remparts de la ville, lieu ou la plupart des chemins se rencontrent et surtout où une bonne partie des aventuriers venaient chasser.

L'air était frais, il frottait contre mes vêtements et s'y engouffrant laissant passer un courant d'air sinueux et désagréable. Je continuais d'avancer sans prêter attention aux conditions qui n'étaient pas en faveur d'une course poursuite dans cette obscurité presque totale.

J'avance doucement, tel un aveugle ayant développé ces autres sens, je ferme mes yeux m'arrête quelques secondes et écoute ce que la nature a à me fournir.

Des craquements de bois, le froissement de l'herbe sous des pas assez rapides et enfin des respirations forcés s'accélérant au fur et à mesure.

Je reprends à présent ma marche, j'écarte cette fois mes bras, posant ainsi mes mains sur les arbres m'entourant le long du chemin.

On pouvait y sentir que l'écorce avait était arraché à priori de façon involontaire, probablement quelqu'un qui essayait de semer son assaillant.

Mes bras retombent le long de mon corps, mes yeux sont toujours clos, mon pas s'accélère progressivement.

Je prends une profonde respiration et je sens cette odeur qui ne trompe pas, celle que mon odorat ne rate jamais.

Je n'étais pas seul ici, et ces personnes étaient maintenant à une distance très proche.

Il fallait donc maintenant se montrer discret pour ne pas révéler ma présence trop vite.

Une voix masculine résonne quelques mètres devant moi, la voix s'éloigne, elle ne m'est pas inconnu mais je n'arrive toutefois pas à la percevoir de façon distincte suite aux multiples mouvements de la cible qui apparemment se retrouvait chasseur et gibier.

Je presse le pas pour ne pas perdre la trace, la course à l'air de s'achever, je n'entends plus aucun bruit d'agitation.

Soit la cible avait semé la mienne, soit ce dernier avait attrapé la personne qu'il poursuivait.

J'avance de quelques centimètres encore, m'appuyant sur un tronc d'arbre pour apercevoir ceux que je suivais depuis maintenant plusieurs minutes.

La silhouette d'un mage se dessinait dans l'ombre, je m'aperçus vite qu'il s'agissait de Nadhir, roi des constellations qui se tenait debout au milieu de cette verdure.

A peine ayant eu le temps de comprendre la nature de ma cible, mon esprit se bloqua sur l'idée que sa cible ne pouvait être de 36 000 natures différentes.

Je fis quelques pas sur le coté, pour essayer d'entrevoir le visage de celui qui se tenait en mauvaise posture devant lui.

Je voyais presque son visage, l'épaule gauche de Nadhir bloquait ma vision, je voulu m'avancer encore quelque peu, affaiblissant mon attention, une branche craqua sous le poids de mon corps.

Le mage se retourna net, me retrouvant à présent face à lui mais surtout avec à présent une vision très nette du spectacle qui s'offrait devant moi.

« Eyleen... »

Mes yeux s'écarquillèrent, mon rythme cardiaque s'accéléra.

Elle était là prise au piège devant lui, il s'apprêtait à l'achever sans aucune dignité ni respect de sa personne au milieu de cette forêt.

Celle en qui j'ai fait naitre le démon il y a maintenant plusieurs années, je ne pouvais supporter l'image de sa souffrance.

Le sang bouillonnait dans mes veines, je ne pus garder mon sang froid plus longtemps et plongea sur ma cible dans une rage aveuglante.

« Espèce de lâche, viens plutôt t'attaquer à moi !! » hurlais-je.

Je levai mes mains vers Nadhir faisant apparaitre ainsi un nuage sombre, je l'expulsai ensuite avec une vitesse phénoménale vers celui-ci qui s'écrasa quelques mètres plus loin.

L'attaque l'avait blessé mais j'étais loin d'en avoir fini avec lui...

« Relève toi maintenant nous n'avons pas fini ! »

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C'est pas de jeu, c'est de la triche !

La liane et la racine sont des armes non admises par la convention de Kwaizeth ! C'est hautement déloyal et je proteste ! En essayant d'éclater de rire. Mais j'y arrive pas, je suis tombée sur le dos et je cherche mon souffle...

D'ailleurs si tu n'arrêtes pas de me fixer avec cette lueur-là dans les yeux c'est pas gagné que je le retrouve, mon souffle... Je tiraille sur les racines qui me serrent les avant-bras, gigote les jambes, mais ça tient bien. Tu vois ça et tu souris. Et les plantes se resserrent.

De la triche je te dis !

Là je grogne, un drôle de grognement étranglé, moitié appel, moitié défi, une petite touche d'avertissement. Juste pour revoir le reflet métallique qui passe dans tes yeux. Le reflet qui me fait frémir... Frémissement qui se faufile le long de ma chair et mes os, pulsation lente encore, alors que mon sang s'essouffle encore de la course-poursuite qui vient de s'achever pas ta victoire. Bientôt ce sera autre chose qui le fera rugir à mes tempes et s'affoler sous ma peau. Bientôt... pas trop vite... Que cette fois au moins, nous prenions un peu de temps...

Et si tu me relâchais ?

Juste un peu, que je te fasse basculer dans les fougères, hein ?

Promis, je ne te toucherai pas plus que nécessaire !

Voyons, tu sais bien que c'est pas mon genre...

Le sourire naît sur mon visage. J'ouvre la bouche pour rire ou dire n'importe quoi que te fera sourire aussi, t'accuser, te féliciter, t'allumer, te taquiner, n'importe quoi...

Mais le bruit retentit.

Tu te retournes brutalement.

Et là je le vois.

Mon sang se fige, mon coeur gèle en une douloureuse seconde, le hoquet de surprise se bloque dans ma gorge.

Raide et immobile, changée en pierre.

Il m'a toujours fait ce genre d'effet par le passé, fraction de seconde figée le temps d'un pic d'angoisse et de frayeur. Cette fois la fraction de seconde me paraît un siècle ou deux.

Je croise son regard et je sais ce qu'il voit, une guerrière de l'Empire affalée au sol, entravée des quatre membres par des liens vivants. Et l'homme debout, le mage, le responsable. Pendant cet instant interminable mille pensées idiotes et inutiles viennent me polluer la tête, qu'est-ce qu'il a vu, heureusement qu'il n'est pas arrivé une demi-heure plus tard, est-ce qu'il va se rendre compte que Nadhir ne m'attaquait pas, est-ce qu'il va se souvenir que notre affinité commune pour la terre ne nous permet pas de nous battre sans en souffrir nous-mêmes, il fallait que ça arrive tôt ou tard, est-ce qu'il va rester immobile assez longtemps pour que Nadhir puisse fuir...

Mon nom qu'il murmure, et les pensées se noient aussi.

Il tourne les yeux vers Nadhir et il rugit.

Il n'a pas compris.

Et il va le tuer.

Le maléfice naît entre ses mains. Puis il fuse à la vitesse de l'éclair. Le corps de Nadhir, frappé de plein fouet. Il s'effondre. Et moi je hurle. Ou du moins je voudrais hurler. A peine un murmure, inaudible.

Le choc lui a fait lâcher prise sur les racines qui me tiennent, elles se détachent de moi et reculent. J'ai vu bouger ses épaules, sa tête. Il vit. Mais pas pour longtemps.

Avec la lenteur des cauchemars, Aioros s'avance vers la forme étendue de Nadhir. Il lui parle. Je n'entends pas. Le sang me bat à nouveau aux oreilles, je vois danser des papillons d'argent devant leurs formes, la forme debout qui élève à nouveau les mains, la forme allongée que se redresse tant bien que mal.

Pas le temps de penser.

Plus tard les conséquences.

Je me ramasse et je plonge.

Et en plongeant je crie.

FUIS !!!!

L'instant suivant je heurte Aioros de flanc, de tout mon poids, tout mon élan. La surprise en plus du choc, il vacille, doit faire quelques pas trébuchants pour conserver son équilibre tandis que je roule dans l'herbe, entre eux deux.

Pas le temps de regretter, c'est trop tard.

Il faut qu'il vive.

Nadhir se relève, le regard chargé de menace braqué sur Aioros.

Il faut qu'il vive.

Il faut qu'ils vivent tous les deux.

Tous les muscles roidis, prête à foncer encore, je les regarde l'un après l'autre, soufflant ma panique à travers mes dents serrées. Les yeux qui implorent d'un côté, qui supplient de l'autre. Le même discours pour les deux.

Ne lui fais pas de mal.

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Hein?

Trop vite.

L'instant d'avant, je pouvais sentir les yeux de braise d'Eyleen attiser mon envie, dans un jeu qui nous aurait emporté au delà des mots.

Un bruit.

L'instant d'après, à peine eu le temps, réflexe de survie, de ramener mes bras contre moi pour un sort instinctif de protection, je sens une pression insoutenable sur ma poitrine. Je vole, je m'écrase.

Dans mon oeil, une silhouette, restée plantée là par la persistance rétinienne et le choc.

Un Enfer.

Le dernier que j'aurai voulu voir à côté d'Eyleen.

Celui qui l'a sauvée un jour en la tuant. Celui qui a été le responsable pendant longtemps de mes cauchemars, avant que je la retrouve, que je la comprenne...

Et il est là, défendant sa protégée contre moi qui ne lui ai jamais voulu le moindre mal.

J'ai serré les poings, m'attendant à un second coup, mortel. Il n'est pas venu.

J'ai eu la chance de tomber sur le sol, au milieu de ces plantes qui me donnent vie et énergie. Leur présence me rend de quoi me reprendre, me relever. Et seulement alors, je comprends pourquoi j'ai eu un sursis. Eyleen entre lui et moi. Maigre rempart contre le nécromant, mais suffisant jusqu'à maintenant.

Dis Eyleen, et quel rempart seras-tu pour lui, contre moi?

Quelques mouvements sur le côté, je veux voir ton visage, Aioros. Tu veux voir le mien. Tu aurais voulu me tuer, tout de suite, proprement.

Tu aurais dû.

Tu n'y arriveras plus. Mes muscles bandés, ma respiration qui se stabilise, un fredonnement dans ma bouche, une vibration qui se communique le long de mes os, sous ma peau, dans tous mes membres. L'adrénaline a remplacé le sang que j'ai dû perdre. L'instinct de survie s'est changé en besoin de revanche.

Rétribuer le coup reçu.

Le maudire de nous avoir interrompu, Eyleen et moi, dans nos trop rares rencontres.

Le rendre muet, pour toujours, de ce qu'il aurait pu voir de nous deux.

Deux adversaires qui se mesurent du regard. Tu as la haine pour toi, Aioros. J'ai l'amour et la passion, qui continuent de brûler dans mon oeil. Lequel l'emportera?

Regard coupé. C'est le visage d'Eyleen qui se glisse devant celui du nécromant. Un instant, je veux qu'elle parte, qu'elle me laisse voir cette cible que j'aurai tout le plaisir du monde à déchiqueter de mes imprécations.

Et puis... je focalise sur elle. La revoyant pour la première fois. Le regard à l'agonie, la peur, l'attente, l'incertitude. Cette supplique de fuir, je le vois dans ses yeux, elle préfère me voir loin que mort. Moi je préfère le voir lui mort que moi loin de toi, tu sais? Il suffirait... que l'on unisse nos forces, Eyleen, rien qu'une petite aide et on le renvoie dans son royaume sous-terrain, dans son...

dans ton...

chez vous.

Horrible pensée. De quel côté serais-tu donc? Tu as autant de raison de te mettre d'un côté que de l'autre, tu ferais pencher la balance vers la certitude d'une mort, dès que ta décision serait prise. Lui ou moi. L'Enfer ou l'étoile. Qui seras-tu Eyleen? Ton visage se retourne, contre lui. Je pourrais presque profiter du moment, prendre l'occasion, remettre la surprise à mon avantage, et le tuer, Aioros.

Mais je ne le fais pas. J'attends encore. Qu'est-ce que tu dirais, toi? Si sous tes yeux, je tuais un de tes compagnons? Et enfin je comprends ta supplique. Ne pas mourir, ne pas tuer. Tu ne peux te mettre ni d'un côté, ni de l'autre, rien que défendre les deux. Saloperie de situation. Et c'est moi qui te mets là-dedans... Je m'en veux. Enfin... presque. C'est lui qui devrait s'en vouloir... Enfin...

Mais tu sais, Eyleen, moi, je ne fais que me défendre.

En un éclair, j'ai ouvert mes bras j'ai ouvert mes mains, et j'ai lancé mon sort. Toute ma conviction et ma force, toute mon espérance.

De part et d'autre de toi, parce que je ne peux l'atteindre directement.

Deux arbres derrière vous, invoqués, jouent alors de leurs branches comme des fouets. L'une d'entre elle heurte Aioros en plein visage, l'étourdissant et l'aveuglant un instant.

Un répit suffisant pour lui lancer mes foudres et l'anéantir.

Un répit suffisant pour fuir, sans danger.

Un regard vers Eyleen, a-t-elle compris?

Pour toi. Lui ne le mérite pas.

Un quart de tour, pour me retourner, l'impulsion de partir...

Sans que lui ne se rende compte que j'aurai pu le tuer, aussi?

Je reste immobile, attendant de revoir son regard dans le mien.

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Ma jambe gauche flanche, je perds l'équilibre, je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il vient de se passer que je dégringole dans les feuillages à une vitesse folle.

Ma vision est floue et je n'arrive à percevoir qu'une succession d'images se mélangeant les unes aux autres ne formant rien de concret.

Maintenant l'image devient nette, je vois des brins d'herbes justes devant mes yeux, la lumière du soleil percent entre ceux-ci et vient me frapper en plein visage m'éblouissant ainsi.

Je plisse légèrement les yeux, et me lève subitement afin d'observer et de comprendre ce qu'il venait de se passer.

Je le tenais, il était là devant moi, attendant qu'il se relève car je n'attaque pas un homme à terre. Ensuite cette secousse arrivant de nulle part et quelques cris que je n'ai pu cerner dans l'affolement.

La douleur de la chute est presque insignifiante, je me relève, le soleil m'éblouit toujours mais je parviens à le voir à travers les lueurs solaires.

Il me fixe droit dans les yeux comme pour me défier.

Peut être n'est ce pas sont but, mais je le prends comme tel.

A peine debout, un sifflement se fait entendre derrière moi frappant l'air dans un bruit strident.

Je me retourne subitement.

...

Mes mains sont humides, l'herbe sur laquelle je jonchais avait commencé à m'imprégner de part et d'autre de mon corps.

Je me retrouvais dans la même posture que quelques minutes plus tôt mais ici quelque chose était différent.

Je ne voyais plus la lueur percer dans les brins d'herbes, ma tête était lourde, une sensation désagréable me paralysait presque et m'aveuglait totalement.

Je peine à me relever, et à chaque gestes que j'entreprenais ma vision s'éclaircissait peu à peu pour au final redevenir impeccable.

Il était là, éloignée, me jetant un regard noir, Eyleen est présente aussi elle me regarde je peux distinguer une sorte d'affolement et ses yeux sont plein de regrets.

Mais envers qui finalement ?

Il s'éloigne, je veux le poursuivre pour continuer ce qui aurait du se terminer plus tôt, mais le mouvement fait renaitre la douleur sur mon front, me faisant y porter ma main et donc m'empêchant toute course poursuite.

Il s'en tire pour cette fois, mais la confrontation sera inévitable tôt ou tard.

Toujours la main portée à mon front je me tourne vers elle essayant tant bien que mal de ne pas montrer la douleur qui m' habitait.

Etonnamment je suis calme, je ne suis pas sûr d'avoir compris tout ce qui venait de se dérouler sous mes yeux, mais je sais bien que ça n'avait rien de normal et que j'ignorais quelque chose.

Pourtant je suis calme, je ne crie pas, je m'assois contre un arbre, une jambe allongée l'autre pointant mon genou vers le haut.

Etait-ce bien son odeur que j'avais sentie prés de moi lors de ma chute ?

Voudrait-ce alors dire que ... ?

Des questions fusaient dans ma tête, mais je ne voulais pas des questions mais bien des réponses.

Je garde toujours mon calme, je la regarde et lui dit :

« Je crois que nous avons à parler toi et moi... »

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Je déteste ça.

Je ne t'ai jamais vu avec ce regard-là.

Je t'ai vu beaucoup de regards différents, certains m'ont presque rendue malade d'angoisse, mais ce regard-là...

Tu leur ressembles, brusquement.

Il y a de la colère et de la haine, une envie de donner de la souffrance, une envie de la contempler.

J'ai l'impression de saigner du coeur.

Pas toi...

Je le sais, que tu combats parfois. Je sais que tu en es capable. Mais bizarrement je t'ai toujours vu comme celui qui parle, qui raisonne. Jamais comme celui qui frappe. Et là, tu viens de frapper, de toute ta rage. J'ai senti l'afflux violent de magie tout autour de moi et j'ai crié, je crois. J'ai vu l'espèce de bourrasque végétale frapper Aioros et le jeter au sol à nouveau. Et je n'arrivais pas à y croire. Je t'ai regardé ensuite, et tu étais redevenu celui que je connais et que j'aime. Droit et calme, le visage grave. Comme si j'avais rêvé. Mais je sais que c'est faux. J'ai vu.

Quelques mots lourds, un dernier regard pour moi, pour lui, et tu te détournes.

J'ai envie de pleurer tout haut comme une gosse.

Envie de revenir en arrière et de choisir un autre endroit, que tout redevienne intact, alors que là les lambeaux du monde n'en finissent pas de tomber autour de moi.

J'ai juste le temps de te faire un vague signe de tête, pour dire trop de choses à la fois, merci d'avoir compris, merci de te mettre à l'abri, ne t'en fais pas pour moi, tout ira bien, un signe qui nie tout ce qui crie en moi, qui voudrait hurler reviens j'ai peur, reviens j'ai mal et j'ai besoin de toi.

De l'autre côté Aioros se redresse péniblement, s'accote à un arbre, porte la main à son front. Il va avoir besoin d'aide. Il va falloir...

Un bruissement de feuilles et tu es parti...

Le vide s'ouvre en-dessous de moi.

Si vite...

Tout a basculé si vite...

J'ai la tête qui tourne.

Je reste immobile quelques secondes, les yeux fermés, à essayer de calmer les battements de mon coeur, ralentir mon souffle, empêcher mes mains de trembler. Essayer de comprendre. C'est arrivé. Ca devait arriver. Tôt ou tard. Nadhir est en sécurité, peut-être est-il tout proche, resté caché dans les bois, oh comme je voudrais sentir sur moi ses yeux qui veillent.

Il faut qu'il soit parti pour de vrai. Je ne sais pas ce qui va se passer. Il se peut que... que ça tourne mal. Il ne faut pas qu'il intervienne si...

Je ne connais pas le prix qu'il me faudra payer pour ça.

Mais c'est bien à moi de le payer, pas à lui.

C'est mieux s'il est parti.

C'est mieux.

Le calme est revenu et je suis toujours immobile, un genou par terre, les yeux perdus dans les ténèbres du sous-bois. Je sens le poids du regard d'Aioros. Le frisson qui me dévale le long du dos. Le même malaise que chaque fois qu'il m'arrive de le croiser. Multiplié par mille. Je sais qu'il me fixe, et je n'ai pas besoin de le regarder pour sentir ce qu'il y a dans ses yeux et sur les traits de son visage. La rigidité austère qui me plaque une sueur froide sur la peau. Pour le reste, soit l'incompréhension et la colère, soit le jugement.

Sa voix rompt le silence, et elle me frappe comme un poing. Je l'absorbe péniblement, j'essaie de ne rien laisser voir, mais à quoi bon. Il semble tellement calme. Peut-être que j'aurais préféré de la colère et des accusations... Je finis par lever les yeux. Il me fixe. Je n'arrive pas à lire dans son regard. Et ça me terrifie.

Je reste un long moment immobile. Je ne sais ni quoi faire, ni quoi dire. Il porte une blessure légère au front, une coupure sans doute, un mince filet de sang lui dessine la tempe et l'angle de la pommette.

Qu'est-ce que je pourrais bien faire d'autre ?

Je suis incapable de parler, l'angoisse me noue la gorge. Et pour dire quoi en plus ? Mieux veaut attendre ses questions.

Alors c'est tout ce qui me reste.

Je me relève juste pour m'avancer de deux pas vers lui. Je m'agenouille à nouveau, à son côté. J'ai tiré de sous ma ceinture un bout d'étoffe propre.

Surtout ne pas rencontrer ses yeux.

Ils sont beaucoup trop proches.

Je lève la main pour essuyer le sang de la blessure. Les gestes lents, calmes, neutres, maîtrisés. Tout comme j'essaie de maitriser mon visage et mon souffle. Enfouir le tumulte sous la façade de pierre. Il est trop fin pour s'y laisser prendre.

Mais je n'ai pas le choix.

Ma voix est prisonnière.

Seules mes mains sont libres.

Modifié (le) par Eyleen
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J'ai attendu.

Attendu que les étoiles viennent piquer ses yeux, que les couleurs reviennent au fond de sa rétine, qu'il se débarrasse de cette cécité passagère que je lui ai infligée. L'amour rend aveugle, Aioros, tu viens d'en sentir le défaut, alors que je sais trop quels bonheurs sont en jeu pour moi, à cause de toi.

Ses yeux remontent vers mon visage, attentif à tout mouvement que je pourrais faire pour le mettre en danger. Si j'avais attaqué, là, maintenant, c'est toute la fureur et la détermination de l'animal blessé que j'aurai rencontrée, et je ne sais pas ce qu'il serait advenu. Lui-même s'y est frotté, juste avant, et le voilà par terre encore.

Le mieux... le mieux est d'arrêter de faire souffrir Eyleen. Au moins maintenant. Elle aura à affronter les Enfers et leur connaissance de notre liaison quel que soit ce que je ferai maintenant. Mais si je lui laisse du temps, seule avec lui, peut-être qu'elle saura l'amadouer, planter quelques doutes dans son esprit pour qu'il ne puisse raconter avec toute certitude ce qu'il a vu, ou cru voir... Ou alors, elle le dira tout net, sans cacher la vérité, drapée d'honnêteté et d'indépendance, protégée du savoir que s'ils peuvent juger, jurer, tempêter contre elle, ils ne pourront détruire ce qui nous lie. Eyleen, rien de ce que je pourrais dire ne faciliterait cette étape pour toi. Fais du mieux que tu peux, je serai là...

Un dernier regard vers toi. Imprimer ta silhouette dans mes yeux. Je ne sais pas quand sera la prochaine fois...

Je me détourne complètement. Les arbres ont tôt fait de me cacher à leur vue. Quelques mouvements dans mon dos, lents, ils ont fini d'être offensifs. Il n'y aura pas de mort aujourd'hui, mais la souffrance va continuer...

Je ferme les yeux, me laisse guider, les bras en avant, par les branches vers le fond de la forêt. Plus de lumière.

Je fais une supplique aux arbres, de ne plus faire bruisser leurs feuilles, aux branches mortes à mes pieds de ne pas ployer ni craquer. Plus de bruit.

Je veux savoir, je ne peux rester dans cette ignorance totale de ce qui se passera entre eux. Le peu que je puisse faire. Un endroit bien abrité des arbres, je m'accroupis. Pose les doigts de ma main sur la terre. Dis moi, toi, raconte moi, chuchote moi, transmets moi ce qui se passe là-bas. Ne me cache rien des cris, des plaintes, des soupirs, des espérances.

J'écoute. Tant qu'ils sont encore encore sur la surface de la terre, tant qu'ils sont toujours concentrés l'un sur l'autre, incapables d'étendre leur perception vers mon indiscrétion. Il suffira d'un doute, pour que je me retire, et que moi aussi, de ce qui t'attend Eyleen, je devienne aveugle...

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Le calme est de rigueur maintenant.

On dirait que le temps s'est arreté, le son délicat de la nature ne se fait plus entendre.

J'ai beau tendre l'oreille, plus une branche qui craque ni de feuilles carresée par le vent qui se seraient habtiuellement venues s'ecraser sur le sol.

Elle est là, lui est parti,

Il est amusant de constater que sa présence m'apaise et me fait cogiter à la fois.

Quand je l'observe je peux voir l'âme que j'ai sauvée et que j'ai remie en chemin alors qu'elle perdait toute confiance et toute conviction en la vie.

Non pas faites à mon image car chaque personne est unique et doit se distinguer de chacune par ces actes, mais je suis fier de ce qu'elle est devenue depuis son arrivée.

Mais je ne peux m'empecher à la fois de penser que son esprit loyal a été souillé par cetet étoile et ces discours bon enfant que je ne peux supporter.

Elle s'approche ne dit mots et nettoie la blessure que Nadhir m'avait infligée quelques minutes plus tôt.

Le silence de la situation associé à ce que je décèle dans son regard confirme ce que je ne voulais admettre au fond de moi.

Il l'a influencée, il l'a changée et il a réussi à installer le doute en elle.

Je sens que le calme que j'avais peinement installé dans mon corps et dans mon esprit va bientôt se dissiper.

Elle ne peut flancher elle n'en a pas le droit.

Je devrais de ce pas convoquer le conseil mais je n'y arrive pas, ça serait comme admettre un echec personnel dans la formation que je lui avais inculquée depuis son arrivée.

Gardons cela entre elle moi et la forêt pour l'instant j'aviserai en fonction de ce qui en ressortira.

Avec elle, la gestuelle et le regard pouvaient en dire autant que des mots, je crois qu'elle décèle aussi cela chez moi et que nous l'utilisons comme un jeu habituellement sauf qu'ici, cela n'avait plus rien d'un jeu.

Je repousse sa main sur mon front, et la fixe dans les yeux :

«Â Tu sais que tu ne pourras t'en sortir avec des gestes Eyleen.

Je sais ce que tu ressens, je voudrais juste savoir comment tu vois ton avenir à présent ? »

Une ultime phrase comme un ultime espoir.

Je ne supporterai pas de la voir partir dans les étoiles alors que sa place est avec nous sous terre.

Mais je savais toutefois au fond de moi que quoi qu'elle puisse répondre, une confrontation avec lui serait inévitable.

Ne pas extérioser ma colère, le calme doit rester de rigueur...

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Je sais qu'il me scrute.

Ca ne dure que deux ou trois secondes avant qu'il ne chasse ma main et ne reprenne la parole, mais ces secondes s'étirent... des boyaux tendus sur un luth maudit, attendant l'archet dentelé qui les fera gémir, qui les fera crier. Une musique à rendre fou.

Et pendant ces secondes je ne pense presque pas. Je sais que c'est idiot. N'importe qui serait en train d'échafauder un plan, de réfléchir à ses mots, à la manière dont il va essayer de se tirer de là.

Et moi... rien.

A quoi bon lui mentir...

D'abord, je mens très mal. Et puis... Il saurait. Je ne sais pas pourquoi ni comment. Mais je sais qu'il saurait. Encore l'un de ceux qui savent lire les yeux des autres et connaissent le fond de leur âme.

Comme Nadhir.

Etrange de penser qu'ils ont ça en commun, quand tout le reste les oppose...

Le choc léger sur le dos de ma main, et puis ses mots. C'est comme s'il m'obligeait à lui faire face et à accepter le jugement de son regard. Il est trop calme. Sa voix est trop détendue, trop posée, trop raisonnable. Trop compréhensive, aussi.

La menace.

Je l'entends presque gronder au loin, dans sa voix paisible.

Chaque fois que je l'ai entendue percer sous sa voix j'ai eu le même frisson, et goûté le soulagement de savoir que je n'en étais pas la cible. Cette fois, elle est pour moi, la menace. Et comme à chaque fois, je guette du coin de l'oeil les signes de sa colère, serrant les dents pour anticiper le déchaînement, l'explosion. J'ai appris à lire la tension de ses épaules et la crispation de ses doigts, appris à écouter le roulement lointain de la tempête dans la voix égale et feutrée, élégante. Pour savoir quand m'écarter de son chemin.

Mais jamais encore je ne l'avais vue aussi précisément, la tempête, directement dans ses yeux. Ses yeux me faisaient trop peur.

Ca doit faire la deuxième fois que je le fixe droit dans les yeux. La première c'est quand je lui suis tombée dessus l'arme levée. Ca ne compte pas. J'étais folle. Mais déjà, ils avaient failli me clouer sur place. Si froids, ce gris nébuleux qui annonce la neige et les vents glacés. Ses yeux de blizzard.

Un tourbillon imperceptible qui me fout le vertige.

Un vide hurlant qui m'aspirerait, si je m'y laissais aller juste une seconde de trop.

Je cille.

Je respire, une inspiration brève et convulsive.

Un long soupir dissimulé.

"Je sais ce que tu ressens"...

Le peux-tu ?

Ou est-ce que tu imagines que tu sais ?

Pour savoir vraiment, il faudrait que tu aies connu ce que je connais.

Mais toi, tu ne peux pas aimer.

Alors ou tu mens, ou tu fais erreur...

Je ne peux pas imaginer que tu te trompes.

Donc tu mens. Mais pourquoi ? Pour m'amadouer ? Pour me faire relâcher mon attention ? Pour me mettre en confiance ? Est-ce que tu attends la faute ? Mais je l'ai déjà commise la faute ? Alors quoi ? Pourquoi ? Je ne te comprends pas.

Je passe nerveusement dans mes cheveux la main qu'il a rejetée. Elle ne tremble qu'un tout petit peu. Je suis plutôt fière de moi... Par contre quand ma voix lui répond, je la trouve faible et basse, rauque, étouffée.

Mon avenir ?... Pourquoi devrait-il être différent de mon présent ?...

...

Je déglutis. J'ai la bouche sèche comme un coeur de vieille fille.

Il sait ce que je suis. A aucun moment il n'a essayé de me faire changer. Il sait où va ma loyauté.

Sauf qu'ici je suis allée à l'encontre de ma loyauté. Mais si peu... Qu'est-ce qu'un meurtre, Aioros, un si petit meurtre... Ca ne peux pas être si important que ça que je l'aie empêché...

Je n'ai pas trahi. Et je ne trahirai pas.

J'aurais pu le faire il y a longtemps, sinon...

Aïe.

Pauvre conne, voilà exactement ce qu'il fallait dire pour semer le doute. Voilà exactement ce qu'il fallait dire pour qu'il se souvienne qu'à présent tu es dans l'entourage de l'Impératrice, aussi proche d'elle qu'il l'est lui-même. Il se rappellera maintenant qui est parfois l'ombre silencieuse qui attend debout près de la porte lors de ses entretiens privés avec elle. Qui escorte les quémandeurs et surveille leurs conversations. J'aurais été moins dangereuse si j'étais restée une guerrière dans la masse, anonyme. Mais plus à présent.

S'il savait, pourtant.

Et il aurait du savoir, crétine.

Qui d'autre mieux que lui aurait pu t'expliquer cet étrange voyage au coeur du feu et de la terre, qui aurait pu t'en révéler le sens profond ?

Et tu n'as rien dit.

Pourtant la clé est là. C'est à travers ça que tu es devenue une des leurs, vraiment. Consciemment. Volontairement. C'est pour ça qu'une trahison est inimaginable. (*)

Maintenant, il n'est plus temps.

Il ne te croirait peut-être plus.

Un mensonge pour sauver ta peau.

Quelle ironie...

Sauver ma peau.

J'ai baissé les yeux, c'est pas ma faute, essayez seulement de soutenir ce regard-là, j'ai tenu pendant que je lui parlais, ça tient déjà de la performance. Mais faut pas trop m'en demander...

Là je regarde la marque sombre sur mon avant-bras, et je la frôle du bout du doigt, comme souvent. Il paraît que c'est un tic, l'Impératrice m'en fait parfois la remarque, un brin de raillerie dans la voix. Je ne peux pas m'en empêcher. Je la redessine du doigt, même dans le noir, parfois. Et je me souviens d'elle, comme je l'ai vue blanche et aveuglante. Quand elle m'a marqué au fond de la tête.

La vraie marque est derrière mes paupières quand elles sont fermées.

Mais comment lui faire comprendre ça ?

Relever les yeux.

Il saura.

Il faut espérer qu'il comprendra.

Il n'y a aucune raison que ça change.

J'appartiens toujours à l'Empire.

Oh oui, plus que jamais.

(*) Ici, pour les curieux...

Modifié (le) par Eyleen
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Rien que des paroles, rien que des intonations.

La terre transmets les vibrations, pas les sentiments.

Je suis aveugle, d'ici, mais heureusement pas sourd.

Les yeux fermés, parce que c'est mon ouïe que je tend au maximum.

Et j'entends sa question à lui.

L'avenir d'Eyleen. C'est lui qui demande. Quand je pense qu'entre nous, elle et moi, ça n'a jamais été un sujet de conversation. Ca n'a jamais été ni une inquiétude ni une espérance, parce que nous avons toujours su, en étant ensemble, que le futur serait séparé, loin l'un de l'autre, et que ça ne servait à rien d'en échafauder des plans.

Je n'entends plus rien... une pause, alors que je brûle, autant que lui, de percevoir la réaction d'Eyleen. Je voudrais pouvoir lui souffler les bons mots, lui donner mon aide, verbale tout au moins, mais j'avoue, je serai bien incapable de les trouver, ces bons mots, ou du moins de me persuader que ce sont bien les bons. Elle le connait sans doute mieux que moi, même si je pense que dans le cas de l'ancien empereur des Enfers, ça ne correspond toujours pas à une grande proximité, ni une grande connaissance.

Sa voix... faible, basse, comme passée à travers une centaine de mètres de feuilles mortes amassées. Peut-être n'est-ce que ça, une voix de tellurique qui se fond dans la végétation au lieu de ricocher comme un étranger sur les feuilles.

Avenir et présent. oui...

Lentement, elle égraine des arguments. Vrais, tous, maintenant. Cela m'a pris du temps d'arriver là aussi. Plus tôt, il aurait fallu que tu forces un peu la vérité, pour qu'elle lui apparaisse peut-être plus acceptable. Moi, j'ai accepté, pas de gaieté de coeur, mais par conviction, que ce serait le mieux pour toi, sans que ça le soit pour moi.

Tu voudrais l'entendre de ma bouche, Aioros? Que jamais je n'ai essayé de lui soutirer la moindre information de chez vous, et qu'elle ne me l'aurait pas laissé de toutes façons? Que j'ai autant confiance en elle à servir les Enfers, que je n'en ai de mes compatriotes à suivre les étoiles? Que si les Enfers se vidaient de ses guerriers, elle ferait probablement partie des derniers, plus loyale que d'autres Enferiens?

Une conclusion. Qui fait mal à entendre, même si ce n'est que le prolongement logique de ses, et de mes, arguments.

Elle appartient à l'empire.

J'aurai aimé, peut-être, ne pas l'entendre, ça. Une trace d'égoïsme en moi qui voudrait qu'elle m'appartienne, alors que j'ai toujours su que ce serait impossible. Une trace d'espoir qui voudrait qu'elle n'appartienne à personne, et que nous profitions de sa liberté ensemble.

Mais elle me l'a dit, et je m'y accroche.

Son bras leur appartient. Eyleen, tu lui as dit ce qu'il voulait entendre hein? Tu parlais de ton bras, de ton épée, de ta hargne, de ta dévotion, des seules choses qui comptent à leurs yeux. Alors ce n'était pas mentir, à lui.

Et le reste, le futile, l'optionnel, le sentimental, la douceur de ta peau, tes regards qui me brûlent, tes souvenirs et ton coeur...

Tu les gardes un peu pour moi?

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Elle appartient toujours à l'Empire...

Certes, elle est toujours des nôtres, certes la cicatrice sur son bras est toujours présente.

Mais comment être sur que son esprit n'ait pas été tourmenté par ces rencontres avec le roi des étoiles ?

Je devais être le seul à pouvoir en avoir la certitude car je décelais chacune de ces carences y compris dans le doute et le mensonge.

Mais dans les deux cas, il faudrait faire intervenir les membres du clan afin qu'elle soit jugée pour ces actes non admis mais surtout qui sont habituellement punis.

La punition pour fleurter avec un ennemi que pourrait-elle être ?

Je n'ose pas l'imaginer, j'ai déjà vu et même infligé moi-même des sanctions si dures et si atroces pour de simples ambigüités avec nos ennemis mais là je savais qu'il ne s'agissait clairement pas d'une ambigüité.

Oui je savais qu'elle ne devrait le voir pourtant malgré tout je sens sa dévotion et son envi de nous faire avancer, de nous faire honneur car ce mot l'a caractérisé parfaitement depuis son arrivée chez nous.

Jusqu'où cette affaire pourrait-elle aller ?

Ne rien faire serait une erreur, ça serait une honte après tout ce que cet Empire m'a donné et a fait de moi.

Je ne peux la favoriser, je n'en ai pas le droit, les démons sont égaux devant la loi, égaux devant Hades.

J'attends trop, elle me voit réfléchir, elle ne doit pas déceler mes pensées non pas maintenant.

Je perds mon calme, mes yeux se lèvent et rencontre les siens. Mes sourcils se froncent, je lève la voie :

« Et tu trouves que c'est digne d'un démon ? »

Je me relève, mon dos se décoince du tronc d'arbre.

« Tout ça pour quoi ?

Pour lui ? Qu'est ce qu'une étoile pourrait bien apporter à un démon dit moi ? » Hurlais-je en pointant mon doigt vers l'horizon, là ou Nadhir se trouvait avant de disparaître.

Est-ce vraiment sa faute ?

Est-ce la mienne ? Après tout c'est moi qui l'ait formé, je lui hurle dessus comme un père pourrait sermonner sa fille à cause d'une éducation peut être pas toujours parfaite.

Je suis peut être la cause et c'est elle qui s'en prend plein au visage.

Honte à moi.

« Si je te revois avec lui, je jure devant Hades ici dans cette forêt que je le tuerai de mes propres mains !

J'espère avoir été claire là-dessus Eyleen !»

Je tourne le pas, je ne veux pas voir son visage, je pose ma main sur le tronc d'arbre, mon bras est tendu.

Je baisse ma tête, des gouttes de sueurs dégoulinent de mon menton et de mon nez et viennent s'écraser sur l'herbe.

Une seule pensée parcourt mon esprit en cet instant.

Une confrontation entre lui et moi serait inévitable, peut être elle n'en était pas persuadée, mais il ne pourrait en être autrement.

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Aioros.

J'ai froid, c'est fou, je crève de froid tout à coup.

Il a réfléchi longtemps, je voyais cette brume étrange tourbillonner dans ses yeux. J'ai espéré qu'il allait comprendre, et un moment, j'ai eu l'impression qu'il comprenait effectivement.

Et puis brusquement son regard s'est figé sur une expression dure, il s'est levé, et sa colère m'est tombée dessus comme une avalanche glacée. Accusations, dégoût, sarcasmes, le tout assené de là-haut, la voix brutale et violente, des coups de poing en plein visage.

Et moi je suis restée immobile, un genou en terre, les yeux là où il était avant, braqués devant moi, pas un mouvement, à part le frémissement de mes mains, et ces foutus battements de coeur, tellement puissants que j'ai l'impression qu'ils vont me briser les os.

Il se détourne sur une dernière vocifération. Se prépare à partir.

Et c'est là que ma voix m'échappe. Que son nom m'échappe. Et ce qui me frappe c'est la clarté de ce mot, sa sonorité. Alors que les mots d'avant ont été dits d'une voix étouffée de gamine prise en faute, et d'ailleurs c'est bien sur ce ton-là qu'il m'a répondu, furieux comme un père déçu.

Son nom flotte encore dans l'air et je me suis relevée, toute droite.

J'ai fermé les poings, plaquées au corps, je me sens toute dure et froide, tendue, raidie, un bâton planté au milieu de la petite clairière, à attendre qu'il se retourne vers moi.

Je sais que c'est une pure folie.

Tu as été très clair, et il est très clair aussi que tout n'a pas été dit.

Ce n'est pas digne d'un démon parce que je ne suis pas ce genre de démon.

Ceux qui sont nés avec la marque ou nés pour la porter n'ont besoin de rien d'autre que de mort. Mais je ne suis pas comme ça.

Et tu le sais bien, je crois.

Là ça tremble un peu. Je déglutis, péniblement.

Je suis folle à lier. Et glacée jusqu'aux os.

Je ne sais rien d'Hadès et je n'ai pas besoin de savoir. J'ai appris depuis peu ce que je faisais parmi vous et pourquoi. Je laisse les dieux à ceux qui croient, pour ma part je crois en ce que j'ai vu de mes yeux, ressenti par moi-même. C'est en ça que je peux affirmer que ma place est bien là où je suis, même si je ne suis qu'un démon imparfait.

Etrange comme ma voix reste calme, claire. Mon visage, immobile. A l'intérieur, tout n'est que tumulte et furie. La part qui exulte de DIRE enfin tout ce que je taisais, et l'autre part qui hurle non, non, tu vas droit à ta perte. Je ne sais pas laquelle à raison. C'est trop tard de toute manière.

Poursuis-le et affronte-le, tu ne feras jamais que ce que chaque démon fait par habitude, traquer et tuer. Mais ne le fais pas pour le châtier, ça n'a aucun sens. Recevoir ce qui est offert en toute liberté, ce n'est pas un crime. Refuser peut même passer pour une offense...

Un brin de défi...

Surtout pas.

Le gommer.

Si tu veux châtier quelqu'un adresse-toi plutôt à moi.

Quoique j'ignorais qu'il était interdit de disposer de certaines parties de moi dont l'Empire n'a que faire.

Comme mon coeur. Mais pourvu qu'il comprenne le sexe et non le coeur. La loyauté réside aussi dans le coeur, et c'est bien là que le bât blesse...

J'accepterai n'importe quelle épreuve ou châtiment, puisqu'il paraît que c'est une faute. Tant que ça ne lui porte pas atteinte. Pour ça, je suppose que vous saurez vous en charger...

Arrête, arrête, arrête...

Ni colère, ni sarcasme, efface ça, ta vie est en jeu, et la sienne s'il est resté proche.

Du calme, de la raison.

C'est normal de le craindre, mais ne le provoque pas, ne t'effondre pas, ni défi ni supplique, il te trouve indigne, montre-lui qu'il se trompe. Tu n'es pas une fillette. Et il n'est pas ton père.

Imposez-moi ce que vous trouverez juste et je m'y plierai.

Mettez moi à l'épreuve, ce que vous voulez je vous l'apporterai.

Tout sauf son sang.

Voilà.

Cette fois tout est dit, ou presque.

Si seulement je pouvais croiser son regard...

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Trop de silences... Mais parlez bon sang, je ne peux rien suivre sinon...

La réponse d'Aioros qui perce l'air et fait vibrer la terre.

N'aurai-je pas vraiment préféré qu'il se taise, finalement?

Évidemment, il la menace, la rabroue, la fait sentir comme un simple pion sur l'échiquier des Enfers.

C'est ça qu'il veut à son côté, des petits soldats de plomb pour faire sa guerre? Sans esprit, sans âme... ? Non, suis-je bête. Le plomb, ça fondrait en Enfers, bien trop vite. Mais peut-être n'est-ce pas moi qui me faisait des illusions.

Rien apporter à un démon. Tu as tout à fait raison, Aioros, pour un démon, je ne peux rien. Mais un démon n'a pas de coeur, pas de sentiment, il ne vit que pour une chose. Et c'est bien ce que je tente d'éviter à Eyleen, de toutes mes forces. Oui, elle est parmi vous, et une des plus fidèles, j'ai fini par me convaincre que c'était la meilleure chose, mais non, je ne la laisserai pas devenir ce qu'elle n'est pas.

Tu voudrais me tuer à vue, Aioros.

Et bien moi aussi, figure-toi. Si seulement je pensais que c'était une quelconque solution, mais je n'en suis pas sûr.

D'ailleurs, tu l'as tenté, il y a peu. Mais tu vois, que tu jures de me tuer, ça ne me fait ni chaud ni froid. Et ça ne doit lui faire ni chaud ni froid non plus à Eyleen, parce que nous savons l'un comme l'autre que c'est ce que tu ferais sans hésiter, si tu me voyais, sans même la connaissance de notre liaison avec Eyleen, sans même que cette liaison existe. Dis donc quelque chose de nouveau!

...

Et ce n'est pas lui qui poursuit, mais toi.

Une voix plus décidée qu'avant, plus affirmée, mais aussi précautionneuse. Ce n'est pas la première fois que je l'entends, cette voix-là. Celle de raconter ce que tu as au fond de toi, sans savoir quelle réaction ça déclenchera chez les autres... chez moi. Tu sembles toujours comme un funambule, Eyleen, à t'équilibrer de façon précaire sur un fil. En sachant qu'il faut avancer. En sachant que chaque pas est une chance de plus de tomber. Qui suis-je dans tout ça? Celui qui te tire, celui qui te pousse? Celui qui te tient les hanches pour t'aider, ou celui qui espère que tu choisiras ses bras, en tombant...?

J'écoute tes mots, qui s'enhardissent à mesure qu'ils sortent de ta bouche. Ils confirment ce que j'ai déjà entendu, ce que j'ai déjà perçu, ce qui m'a déjà donné espoir. Mais s'il te plaît, ne prend pas tout sur toi... Lance-le sur moi, Eyleen, je préfère encore que ce soit moi qui attire sa rage, même si ce n'est que temporaire.

Je pense ça... et je n'y crois pas. Je sais que ça ne serait pas toi, Eyleen, qui te défausserait de tes responsabilités. Je te l'ai dit d'ailleurs, il n'y a pas si longtemps de ça, à notre dernière rencontre, comme lors d'une prémonition. Je te fais confiance pour te défendre seule, tu le sais. Mais ça me mine de ne pas pouvoir être à côté de toi alors.

Un châtiment, une épreuve. Tout sauf mon sang.

Je voudrais voir ça comme une déclaration, une preuve que tu ne mettrais pas ton Empire entre nous, une certitude que ce qui nous lie est au moins aussi fort que ce qui te lie à eux.

Mais je crains. Je crains qu'il ne te trouve une épreuve tout aussi difficile.

Au moins si tu venais pour prendre mon sang, nous nous reverrions une fois.

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Elle venait de mettre le doigt sur le problème.

Elle n'était pas née démon.

Depuis longtemps l'Empire était séparé entre ces 2 catégories celles qu'elle nommait parfait et imparfait.

Image manichéenne des choses, plus une vision d'un démon originel que d'un transformé mais elle avait l'habitude de se rabaisser.

Je savais bien qu'en banalisant son cas, notre univers allait vite changer, nos valeurs allaient vite se perdre et je crains toujours le pire.

Est-ce qu'en fin de compte ces démons là ne représentaient t'ils pas un danger pour notre peuple ?

Ou est ce que notre empire est enclin à changer sous ces nouvelles règles plus laxistes quant à notre intégrité dans les autre mondes ?

Toutes ces questions et ces problèmes ne devaient pas être réfléchis et décidés ni ici ni maintenant, mais il est évident qu'il faudra trancher sur la question.

Elle a changé, elle a pris confiance en elle, pour la première fois elle ose me répondre, m'exprimer ces idées clairement et ne se contente pas de déblatérer le discours classique que je voudrais entendre.

Un peu de franchise et d'honnêteté dans notre monde terne et dure...

Elle a toujours été différente mais cela se confirme ici.

Serait-il juste de la punir ?

Non bien sur que non.

Est-ce que notre monde est juste ?

Là est la vraie question.

Si seulement je ne m'étais pas réveillé cette nuit, si seulement cette journée avait pu commencer comme les autres.

Si seulement en la regardant aujourd'hui je l'avais vue comme à son habitude douce, discrète mais indispensable à notre équilibre.

Mais il a fallu que je sois là, non il a fallu qu'il soit là lui...

Je ne peux m'empêcher de lui en vouloir à lui, malgré le fait qu'il n'ait entravé aucunes règles, aucun code ne lui dicte qui il doit côtoyer.

Mais elle si...

Elle les a bien enfreintes, mais ma cible dans cette histoire est encore une fois injuste.

Mon esprit est tiraillé entre l'avenir que pourrait prendre l'Empire et son sort personnel.

Bien sur je ne devrais même pas hésiter.

Mais je réfléchis encore comme un dirigeant, ces vieilles habitudes je ne m'en débarrasserais décidément pas encore.

Je ne suis plus Empereur dorénavant, pour qui est-ce que je me prends ?

Après tout je suis comme elle maintenant.

Je ne veux pas la voir s'éloigner de notre cause, elle qui l'a tant défendue même dans les moments les plus difficiles, comme elle le dit si elle aurait voulu nous trahir, ça serait chose faite.

Trop de réflexions Aioros arrête là ou tu vas devenir fou !

Je m'avance vers elle, ma voix s'est affaiblie et calmée :

« Écoute-moi, si le conseil en venait à être informé de ça, tu ne serais pas juste châtié mais la punition pour ce que tu fais serait bien plus grande que tu ne puisses l'imaginer »

Ce que je m'apprête à faire maintenant me changera à jamais.

Enfin, me changera à jamais à mes yeux uniquement.

A mes yeux mais aux siens aussi...

Pour la première fois je ne la regarde pas dans les yeux, je les rabaisse.

Les derniers mots qui sortent de ma bouche, comme si ils n'étaient pas de moi, comme si je les prononçais mais que mes oreilles refusaient de les entendre ;

« Va t'en Eyleen, n'en parle à personne... »

Suite à cette phrase, je me retourne, marchant vers l'horizon, vers nul part.

Je ne veux toujours pas voir son regard, encore moins maintenant.

Tout s'écroule en moi, j'ai honte de ce que je deviens, je suis à présent tout ce que j'ai toujours hais.

Je ne contrôle pas le peu d'émotions qui me parcourent.

Encore aujourd'hui, je me surprends parfois à en ressentir encore, celles que j'avais définitivement mis sur le coté, celles qu'on m'avait appris toute ma vie depuis mon enfance à ne jamais exister.

Comme quoi je représente peut être pas non plus la perfection dans les démons...

Modifié (le) par Aioros
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Et moi qui voulais croiser son regard.

Idiote.

Il s'est retourné mais c'est seulement quand je ferme enfin ma grande gueule qu'il revient lentement vers moi. Et déjà ça, ça me pétrifie. J'aurais du m'y attendre ? Certes. Mais pas comme ça.

Je m'étais préparée à de la fureur, ou a du mépris, ou a un jugement froid et définitif. Pas à ce que je lis dans le relâchement de ses épaules et dans la lassitude et les craintes qui lui traversent les yeux. Pas lui, quoi ! Lui c'est cette espèce de statue parfaite, impossible à égratigner, impossible même à atteindre, dure et froide, imperméable à toute pitié, à tout sentiment autre que celui de son infinie supériorité. Aioros est un mythe vivant. Pas un homme. Pas quelqu'un qui connaît les souffrances du doute et de l'émotion.

Qui est devant moi à présent ?

Qui me parle ?

Qui m'évite des yeux ?

Qui m'épargne ? Et pourquoi ?

Pas lui, c'est impossible...

Il se détourne et s'en va, cette fois je ne dis pas un mot pour le retenir. Je ne pourrais pas. Je reste plantée sur place, stupéfaite, les yeux sur les branchages derrière lesquels il a disparu. J'arrive pas à y croire. J'arrive même plus à penser. C'est... Mais non ce n'est pas un rêve pourtant.

Le silence est revenu autour de moi. En moi c'est le tourbillon. Tout qui se retourne et qui se heurte, mes secrets qui se fracassent, mes murailles qui s'éboulent, mes piliers qui s'effondrent. Il était l'un de mes piliers, la référence, à la fois craint et révéré, si loin de moi dans sa bulle d'insensibilité, quelque chose d'immuable et de solide. Et là, la bulle a volé en éclats, le pilier gît, renversé, brisé, et j'attends le souffle court, sans oser bouger, que mon monde retrouve un équilibre. Exactement comme quand on s'élance pour heurter une porte qu'on croit solidement fermée, et qu'elle s'ouvre devant vous. Pendant cette seconde où l'obstacle se dérobe, c'est le même vide vertigineux, effrayant, cette même certitude de la chute imminente.

L'Empereur n'est plus. L'icône s'est transformée, elle a perdu de ses ors et de ses rouges majestueux. Ce qu'il en reste... c'est juste l'image d'un homme. Qui évitait mon regard, à moi. La petite guerrière terranne, celle qui cache ses amours coupables au fond des bois, personne en fait, moins que personne. Ca fait mal...

Je reprends lentement le chemin des Enfers. L'abri de la tente est trop léger, trop précaire, j'ai besoin de solidité, de quelque chose qui ne cèdera pas sous ma main, de la roche bien noire et rugueuse, du feu qui me blesse les yeux. Mes pieds me portent sans que je ne prête la moindre attention à mes pas. Par chance pour moi, mon chemin reste solitaire, et aucun ennemi ne croise ma route, mon désarroi aurait fait de moi une proie facile...

Les murs rocheux s'ouvrent une fois passée la Porte, et je retrouve le décor torturé, maintenant familier. Bientôt les dalles noires de l'Esplanade, puis le marbre du palais. J'abandonne mes bottes sur le tapis de ma chambre, mon petit domaine à moi, là où je peux douter en paix et ruminer en silence toutes les pensées contradictoires qui m'agitent. Où je peux repasser dans ma tête, infiniment, ces quelques secondes où ses yeux ont glissé sur moi sans s'accrocher aux miens, où sa voix était incertaine et douce. Je n'arrive pas à accepter que mon Empereur n'était qu'un homme. Et je n'arrive pas à admettre que l'homme m'a touchée beaucoup plus profondément que je ne l'aurais voulu...

Accoudée à l'appui de fenêtre, les mains plaquées sur le visage, j'ignore le paysage splendide et effrayant qui me fascine toujours, en principe. Cette nuit les abîmes qui s'ouvrent en moi sont plus profonds qu'aucune des crevasses d'Enfer. Et par les brèches dans mon armure, les laves s'échappent en vagues lourdes. Elles ruissellent sur mes joues, et elles me brûlent...

Nadhir...

Je suis perdue, je crois...

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A-t-il réellement dit ce que la terre m'a transmis?

Il a parlé au conditionnel, pas au futur, pour le châtiment d'Eyleen.

Il a suggéré que ce ne serait pas lui qui transmettrait cette 'faute'.

Il l'a libérée...

Rien de plus.

Des pas qui l'éloignent d'elle, et qui le rapproche de moi, plus ou moins.

J'hésite. Il suffirait que je cours, par là, l'éviter lui, la retrouver elle et...

Et il nous retomberait dessus aussi sec.

C'est son pas à elle que je perçois alors. La direction opposée. Quelque part loin. Pas vers là où nous nous retrouvions d'habitude, pas là où elle me chercherait. Pas là où je l'attendrais. Nos retrouvailles sont toujours courtes, très, trop. Quand nous nous quittons, il n'y a pas la place pour l'espérance à court terme. Il n'y a pas de cinq minutes de plus, chérie, juste cinq, parce qu'alors la séparation serait plus dure encore. Ne pas rajouter la cruauté à la douleur. Et puis, faire bonne figure pour lui, lui montrer qu'elle ne joue pas avec lui, à revenir tout de suite dans mes bras alors qu'il a fermé les yeux, cette fois-ci, sur nous. Peut-être mieux ainsi, peut-être.

Aurai-je un jour imaginé espérer cette situation, elle qui part, et lui qui se rapproche? L'amour qui me distance, et le danger qui ne cesse de se concentrer autour de moi? Aujourd'hui, c'est ainsi. Et ce n'est qu'une chose de plus à parler avec toi, Eyleen, la prochaine fois que nous pourrons nous retrouver. Une chose de plus, et il semble, chaque fois moins de temps, surtout si nous sommes interrompus au milieu.

Et lui... Etrange surprise, d'avoir pris cette décision. Je sais bien que les démons ne sont pas tous sans coeur, sans sentiment. J'ai un très bon exemple, et un second je crois aussi. Au moins. Lui qui pardonne, voilà qui contraste avec ce que tout le monde pensait de lui... ce que même Eyleen me disait de lui d'ailleurs. L'empereur des Enfers aurait-il pu se permettre une telle magnanimité? Je pensais leur peuple tenu d'une main de fer, dans un gant de lave écarlate. Peut-être est-ce pour ça qu'il n'est plus Empereur d'ailleurs.

Si je ne bouge pas, il passera si proche de moi qu'il sentira à coup sûr ma présence, à peine avant que je ne lui jette mes sortilèges au visage.

Si je bouge maintenant, rien de plus facile pour lui de reprendre sa chasse là où il l'avait arrêtée.

Et si...

Il est en vue, là-bas. Et je réponds en même temps à deux promesses. L'une à moi-même, et l'autre à Eyleen.

Ne pas fuir.

Ne pas le tuer.

Je me lève, les bras sur les côtés de mon corps. Pas de geste offensif, préparation à la défensive, il lui faudra plus de temps que moi pour agir, s'il tente le coup. Il est toujours plus facile de se protéger, de ne s'occuper que de soi, plutôt que d'attaquer, et de coordonner cette énergie entre deux êtres.

De loin, trop pour débuter une danse macabre, pas assez pour qu'il ne puisse pas m'entendre ou me voir. Et là, il m'a vu.

La haine que j'éprouvais tout à l'heure, mélangée à l'adrénaline, est partie. C'est toujours l'ennemi que j'ai en face de moi, celui pour lequel on ne peut éprouver de sentiments, parce qu'ils troubleront la survie. Ne pas haïr, ne pas avoir peur. Tuer, pour ne pas l'être à son tour.

Un signe de tête. Un seul.

Il a épargné Eyleen alors qu'il avait tout le pouvoir, et sans doute le droit, de la punir.

Alors je le remercie.

...

Attention Nadhir.

C'est elle qu'il a laissé partir, pas toi.

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Seul maintenant.

Seul je me sens mieux, rien à masquer, rien à afficher, rien à faire paraître.

Rien ne peut faire trahir ma pensée, et paradoxalement c'est ma pensée qui me trahit moi-même.

Je cherche toujours, j'essaye en vain de comprendre les changements qui me traversent.

Cela ne pouvait continuer ainsi, et pour que mon honneur soit sauf je ne vois que deux solutions plausibles.

La première, certainement la plus drastique qui...

Une ombre au loin prés des arbres, immobiles, regardant dans ma direction.

Lui...

Il n'est pas là par hasard, il n'a pas du bouger ou presque depuis notre dernier échange.

Serait-il au courant de ma discussion avec Eyleen ?

Si cela se confirme, la situation serait bien pire et bien plus déshonorante pour moi que je n'aurais pu l'imaginer.

Je continue à marcher dans sa direction, je ne ralentis pas la cadence.

Je devrais me ruer dessus, mais s'il se présente devant moi ici, ça n'était pas pour me combattre.

On pouvait le remarquer aisément quant à sa posture.

Son regard en disait long mais pas de haine ni d'hostilité dans ces yeux.

Je ne peux en dire autant, je ne peux cacher la mienne envers lui.

Lui qui est la cause de mon changement, lui qui peu à peu est en train de me détruire de l'intérieur.

Douce ironie, que ce combattant parvienne à me vaincre mais sans combattre, sans même lever le petit doigt.

Comme quoi, la préparation mentale n'était pas à laisser de coté au détriment d'une préparation physique à toutes épreuves.

Il est à présent juste devant moi.

Je ne m'arrête pas face à lui, je continue regardant devant moi.

Je n'essaye même plus de masquer la colère de mon visage, mais je me retiens de l'extérioriser.

Quelques pas plus loin, maintenant dos à dos l'un avec l'autre je décide de stopper ma marche.

Toujours en regardant vers l'horizon qui se tenait devant moi j'ouvre le dialogue qu'il attendait surement depuis le début :

« Qu'est ce que tu veux de plus Nadhir ? »

Mon poing se serre le long de mes hanches, je ne referais pas la même erreur 2 fois.

Je ne garderai pas la même clémence qu'avec elle.

Plus aucun bruit à présent dans cette forêt, c'est presque trop calme.

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Rendre à Hadès ce qui est à Hadès.

C'est littéral, ou simplement l'adaptation d'une formule rhétorique bien connue?

Moi-même en le disant, je me demande lequel, tant les deux semblent s'embrouiller.

...

Il est arrivé, il m'a vu. Il n'a pas freiné, n'a pas accéléré. Sa mâchoire serrée, son regard dur, pourtant, indiquent clairement qu'il suffirait d'un rien pour reprendre là où nous nous en étions arrêté. Je reste campé là. Rien ne me sert maintenant de fuir, rien ne me sert de le provoquer, je veux m'assurer. La présence d'Eyleen se fait toujours sentir, ce n'est pas dans son dos que je profiterai de l'occasion pour attaquer celui qui m'a fait peur.

Peur... Depuis longtemps, ça n'arrivait pas, ça. La peur de ne pouvoir retrouver Eyleen, de la perdre, de la savoir souffrir sans rien pouvoir y faire... Malgré la distance qui nous sépare habituellement, la connaissance de notre situation difficile, cette peur ne m'était pas à l'esprit. C'est lui qui lui a donné vie, et l'a atténué quelques instants plus tard. Je ne sais pas encore pourquoi.

Il est passé à côté de moi, m'a dépassé. Un instant j'ai cru qu'il se satisferait de mon remerciement muet. Et peut-être que ça m'aurait déçu.

Sa question est arrivée de quelques pas derrière moi. J'ai fermé les yeux. Ils ne me sont d'aucune utilité de toutes façons, dos-à-dos que nous sommes. Mes autres sens en éveil pourtant, pour prévenir si nécessaire, et pour capter si possible. L'herbe sous ses pieds. Le frôlement de la brise sur sa silhouette. Le craquement de ses jointures quand il serre le poing. Le froissement du tissu lorsqu'il bouge. Sa respiration, je croise les doigts pour qu'elle reste régulière, parce qu'on la retient quand on prend une impulsion.

Il m'a fallu quelques instants pour répondre. Tant de choses que je pourrais lui dire, lesquelles sont les bonnes, lesquelles nous aideront, lesquelles lui rappeleront sa fureur, il fallait que je choisisse, presque à l'aveugle.

Pourquoi ai-je choisi Hadès dans ma réponse?

Tenter de se mettre à sa place à lui, celui qui garde tout le port de l'empereur des Enfers, même s'il n'en a plus le titre.

Tenter de lui donner des arguments.

Eyleen a déjà fait son choix. Il y a longtemps. Lorsqu'elle a couru dans tes bras à toi, Aioros. Pas dans les miens.

Tristesse.

J'aurai voulu... Mais je ne sais même pas aujourd'hui si j'aurai pu lui offrir une alternative meilleure que ce qu'elle a trouvé.

Ce qui s'est passé depuis entre nous n'est que le prolongement d'une histoire inachevée.

Ce n'est pas la démone qui s'est trouvée une faiblesse en se rapprochant de moi. Ca venait d'avant. Et je ne crois pas que ce soit une faiblesse.

Aucune inquiétude à avoir de ta part, je n'ai jamais vu un soldat des Enfers quitter votre Empire pour s'élever parmi les Constellations. L'inverse est nettement plus vrai.

Et je ne crois pas que ce qui t'inquiète, ce soit qu'elle me tire à elle, vers vous, ou alors quoi, tu prendrais de l'ombre de ma présence en Enfer, si elle y parvenait? Je souris un instant à cette évocation.

Et pourtant les exemples d'étoiles déchues sont légions.

Un lien entre nos deux factions que tout oppose.

Et peut-être une raison pour laquelle je vois notre chemin, à une Eyleen enférienne et à moi parmi les constellations, pouvoir continuer ainsi.

Le centre d'une étoile est le plus flamboyant exemple de l'enfer.

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Son discours est clair.

Il ne veut pas l'influencer, et ne s'intéresse à elle que dans de bonnes intentions.

Oui mais ça je l'avais compris, malheuresement il n'est pas en mesure de comprendre la nature réelle de mon problème à l'heure qu'il est.

Seul un démon le pourrait.

Ces paroles ne me rassurent pas, et me blanchissent encore moins.

Oui car depuis que je l'ai laissée partir je suis sâle, une de ces tâches qu'il est impossible à ravoir.

Impossible de détourner mon esprit, impossible d'en passer outre, impossible d'échapper à sa conscience.

Il n'était pas nécessaire d'essayer de lui expliquer, mais il n'était pas nécessaire non plus de lui mentir.

Restons vague, sans faire de bruit ni d'insinuations trop explicite :

«Â Mes inquiétudes sont ailleurs. »

Phrase pouvant à la fois tout et rien dire.

Mais les discours dans ce genre de situation n'était pas mon fort.

J'en avais pourtant eu l'habitude avec toute la conviction qui me venait des trippes, pour motiver mes hommes ou pour défendre nos idéaux, toujours je le faisais avec ardeur, d'une voie ferme et decidée.

Mais comme je le disais, ici la situation était différente.

J'y avais assez réfléchi pendant ma traversée de la forêt je n'avais plus d'autre choix qui s'offrait à moi.

Je devais faire vite, car plus le temps s'écoulait plus le dégout m'envahissait.

Je savais que je ne le croiserai plus jamais de la même façon, ni lui ni elle d'ailleurs.

Un poing m'envahit le coeur.

«Â Sache juste que mes rancunes ne sont par sur vous deux Nadhir. »

Une pensée vient me frapper l'esprit, au moment de prononcer ces quelques mots.

Une pensée qu'il était inutile de divulguer.

*Je ne peux échapper à ce que je suis*

Je sais que c'est sûrement la dernière fois que nous nous croisons sans armes ni sorts.

Ils ne comprendront pas, mais il n'est pas nécessaire après tout.

Je ne fais que mon devoir de démon.

Je la vois dans mes pensées, je n'aurai pas du lui donner de faux espoirs.

Plus d'importance maintenant, je suis lâche, non pas au combat, mais il y a bien des formes de lâchetés.

Je ne peux partir de cette façon pas après ce qu'il s'était passé.

Je réfléchis un instant, je relève la tête doucement et le regarde :

«Â Quand tu la reverras, dit lui.... »

Une pensée éclaire me frappant l'esprit.

J'en avais assez fait ainsi.

Je l'accuse lui de l'influencer, de lui faire semer le doute, mais c'est bientôt moi qui en serai responsable.

«Â Non, ne lui dit rien ça ira comme ça. »

Comme à ma dernière rencontre avec Eyleen, je reprend ma marche,nul besoin de plus long dialogue.

Un bref signe de tête en guise de clôture.

Je regarde au loin, le chemin n'est pas encore terminé, la nuit va bientôt tomber sur cette journée plus que speciale.

Je m'avance vers mon avenir à present.

Quant l'éternel se dresse devant soi, il nous reste plus qu'à l'affronter...

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Et rendre à Nadhir ce qui lui est à Nadhir...

Je pensais que ça ce serait passé comme ça. Qu'il aurait profité de cette occasion donnée pour reverser ses doutes, sa haine, sur moi.

Plutôt que sur elle.

Le focaliser sur autre chose que ce qu'il s'est passé là-bas, lui donner des arguments pour me prendre pour cible, moi, alors qu'il a déjà abattu Eyleen. Elle est partie sans certitude, avec un sursis peut-être. Et je n'ai aucune idée encore quand je pourrais la retrouver.

Au lieu de ça, il reste calme, seules quelques phrases prononcées qui semblent signifier tant pour lui.

Ses inquiétudes, pas de rancune sur nous... Quoi alors? Qui?

Et puis cette phrase énigmatique, laissée en suspens, et tout aussi rapidement effacée. La prochaine fois que je la verrai... Lui dire quelque chose de sa part.

Qu'est-ce qu'il veut dire? Il ne va pas la revoir d'ici là?

Il ne pourra pas lui dire alors ce qu'il pensait, aujourd'hui?

Je garde cet espoir ténu, de quelqu'un en qui je ne confierai jamais ma vie, de m'assurer pouvoir retrouver ces moments de bonheur, avec elle.

La prochaine fois que je la reverrai... Si lui évoque cette possibilité, j'aimerai m'y fier.

Je repense à ses mots. Quoi qu'il ait dit, il sera un sujet de conversation lors de notre prochaine rencontre avec Eyleen.

A ce moment-là, j'espère comprendre ce qu'il aurait voulu qu'elle sache.

Des mouvements à nouveau, il repart.

Je reste là, perdu dans mes pensées.

Essayant de remettre ensemble les pièces du puzzle. Plusieurs fois il a réagi différemment de ce que j'aurai pensé. Et je ne suis pas sûr encore de quelle est cette réaction.

Tu me diras, toi, Eyleen. Tu me diras ce qu'il y a derrière ce masque enférien. Tu me diras ce que ça changera pour nous, si ça ne fait que repousser l'échéance, si ça ne fait que nous donner un bouffée d'air...

Moi, je ne peux qu'espérer.

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