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Terre des Éléments

Au goût amer


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J'essuie ma lame.

Dans la neige, pour une fois.

Habituellemment c'est sur les vêtements de mes victimes que je l'essuie.

Mais pas cette fois.

La tache reste sur la neige piétinée.

Au milieu d'autres taches, un bourbier sanglant, ignoble.

Mes compagnons finissent de rassembler les matériaux récupérables. En silence.

Quelques regards se perdent dans ma direction.

J'imagine à tort qu'ils sont accusateurs... Mais l'ordre a été donné, c'est la seule chose à faire et nous le savons tous.

Celui qui a donné l'ordre s'éloigne, lourdement appuyé sur l'épaule de la Gardienne, sa robe noire alourdie de sang. L'Empereur est épuisé. Ou peut-être aussi affecté que moi, qui sait...

La plupart des autres ont déjà quitté le champ de bataille, certains sourient, fiers d'avoir défait l'ennemi cette fois encore, repus d'avoir tué à tour de bras, frappant leurs rangs désorganisés, la machine de guerre est bien huilée, bien rodée, meurtrière. Nous ne souffrons que peu de morts. Dont deux qui pèsent trop lourd en moi. J'ai essayé de faire vite, un coup bref et propre, mais rien à faire, ces deux-là ont des cous de taureaux, j'ai dû m'y reprendre à deux fois, la main un peu tremblante. Tuer ceux qui dorment... Tuer les nôtres. Avant que les charognards, hommes ou bêtes, ne viennent se repaître d'eux.

Ils s'éloignent lourdement chargés, je vois Raizen finir d'emplir un sac de pierres et de peaux entassées. Son regard qui dérive vers moi, entre mes deux cadavres... Ferme, neutre, grave. Un vague signe de tête, approbation, encouragement, réconfort... Je ne sais pas. Je détourne les yeux. Ils pouvaient le faire, mais pourquoi ajouter leur souffrance à celle de leurs frères du feu... Il n'y avait que moi...

Je me relève.

J'ai mille ans.

Le dernier de mes compagnons quitte la lande enneigée, au loin. Je charge sur mon épaule un sac presque aussi gros que celui qui déforme sa silhouette. La toile me mord l'épaule, profondément. Mais je la sens à peine. Glacée, pour le moment.

Mais je sais que la rage va venir.

Pour l'instant juste le deuil.

Une victoire, oui...

Mais...

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Elle se dresse encore fièrement devant moi.

Elle qui a supporté les assauts de nos assaillants mainte et mainte fois, elle qui fut toujours mise à mal mais jamais vaincue.

Cette tente représentait à merveille la réussite qui s'ouvrait à nous en ce moment, c'est pourquoi la détruire me fit un léger pincement au cœur, un pincement qui ne dura pas longtemps car la démanteler était la seule solution avec les évènements qui approchaient.

En effet, les ressources qu'elles représentent sont précieuses et nous aideront très rapidement à la remonter.

Pourtant la nostalgie est bien présente, je savais que cette tente aurait de toute manière du être démantelée dans un futur proche mais les cimes nous ont apportés beaucoup et il était temps pour notre empire de migrer autre part, de faire nos adieux aux neiges éternelles.

Je suis épuisé par la bataille qui vient de s'achever, des gouttes coulent le long de mon front. Une belle victoire encore mais qui nous a tous vidé physiquement. Ils nous restent à peine la force de partir avec nos ressources et descendre au sud. Je vois dans le regard de mes frères un mélange de fierté et d'épuisement.

Sans aucun doute, elle fut celle qui a failli nous couter cher, mais nous avons su tenir, et repousser chaque vague d'assaut pour tuer ces étoiles encore et encore, plus les vagues venaient plus la colère nous prenait aux tripes pour les exterminer jusqu'au dernier qui souillait notre demeure.

Nos pertes sont minimes, pour ne pas dire ridicule face à la bataille qui nous était offerte, mais celles qui furent les plus dures sont celles de nos frères. Nous n'avons pas eu d'autres choix que de les tuer, leur donner une mort noble pour ne pas donner à d'autres ce plaisir...

Nos plans devaient se changer, les discutions avaient déjà commencés sur le sujet de l'emplacement.

Mais les évènements ont fait que le plan se trouvait accéléré.

L'acharnement qu'ils s'efforçaient à mettre en œuvre sur nos tentes ainsi que leurs assauts inutiles qui ne furent que du vent, n'ont fait que les épuiser et les détourner de leur but.

Il est bien beau de vouloir détruire une demeure, mais même si ils avaient réussi, ils n'auraient rien arrangé, non les démons auraient toujours été debout et aussi puissants qu'avant, mais eux n'auront pas mis toute leurs forces dans des quêtes inutiles surtout après tant de reprises toutes aussi infructueuses les unes que les autres.

Les augures furent encore avec nous, et la montée de notre alliance n'est qu'à son début, l'ennemi s'épuisera et se découragera rapidement face à tant de pertes, mais ne parlons pas trop vite, un ennemi est avant tout un homme à visage masqué, qui sait ce que nous réservera le futur...

Modifié (le) par Aioros
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Je descends lentement la route qui mène aux plaines. Ma charge est en sécurité, mais je ne me sens pas plus légère pour autant. Mes compagnons sont loin devant moi, je les rejoindrai bientôt.

Alors que je quittais la lande, je me suis retournée une dernière fois. La bouillasse sanglante est partout, mais les corps ont disparu. Leur voyage a commencé vers la recycleuse d'âmes, ses mains froides et sa sollicitude neutre et figée.

J'ai soupiré, lentement.

Ils sont à l'abri à présent.

Aucune lame malveillante ne viendra souiller leur sommeil, pas cette fois.

Aucun ennemi ne viendra ricaner par-dessus leur dépouille.

Ils sont à l'abri...

Alors que je quitte les régions enneigées, les questions tourbillonnent et m'agacent comme les insectes piqueurs qui vous zonzonnent autour les soir d'été. Cette attaque a failli réussir. A failli... Cette fracture infime qui sépare la victoire de l'échec, quand exactement ont-ils trébuché dessus ?

Ultério m'a éveillée tard, la nuit entrait déjà par de larges brêches dans la toile, la tente ne tenait plus que par quelques appuis précaires, et pourtant ils ont échoué. Comment est-ce qu'ils ont pu, à deux doigts du succès, tomber dans une telle débâcle ? On m'a dit le nombre de leurs morts, et je n'y aurais pas cru si je n'avais été témoin de leurs attaques...

Je ne comprends pas...

Ils ne cessaient de revenir après avoir été chassés, mais pourquoi si dispersés ? Là où un groupe soudé, même restreint, nous aurait mis en difficulté, ils arrivaient seuls, un à un, l'arme au clair et les dents serrées... Seule l'une d'entre eux, réputée pour sa puissance et sa rapidité, a réussi à forcer le barrage, brièvement, avant de laisser son sang dans la boue et son âme à qui en voudrait... Les autres... Ecrasés. Je ne comprends pas...

L'herbe silencieuse et élastique étouffe mes pas. Je repense à la forme massive du Baron, immobile, planté devant notre tente, tel que nous l'y avons trouvé à plusieurs reprises. Les déchirures dans la toile, rien de bien méchant, mais que cherchait-il, à part la mort, encore et encore ? A la fin nous nous contentions de le pousser à l'écart, agacés. En quoi cette attitude pouvait-elle bénéficier aux siens ? Que cherchait-il ? Ne voyait-il pas le côté puéril et pathétique à la fois de cette sorte d'offrande ridicule ? Est-ce qu'il prenait ça pour de la bravoure, du défi ? Et cette nuit encore, quand il est arrivé alors que nous finissions de regrouper ce qui serait prochainement notre nouveau refuge, quand il a surgi en hurlant, les yeux fous. Etait-ce un rire ou un hurlement de dépit ? Je n'ai pas réussi à savoir, le cri s'est éteint en gargouillement quand l'un de nous l'a étendu dans la neige. Une fois de plus. Je crois qu'il est devenu fou... Quelle perte pour les siens...

Le pont de pierre, et plus loin, l'auberge de la mine. Mes compagnons m'y attendent.

...

Et eux, où se rejoignent-ils ?

Ces gestes désordonnés sont-ils les derniers éclats désespérés d'une braise qui s'éteint ?

L'éclat terne de ceux qui sont plus morts que vifs passait dans les yeux de certains des plus puissants d'entre eux, je les ai vu, ceux à qui la mort ne faisait même plus mal tellement l'odeur leur en restait collée à la chair... Et cette course effrénée des papillons se ruant vers la flamme pour y mourir dans un grésillement pitoyable, l'un après l'autre, sans relâche...

Dispersés, désunis...

...

Sont-elles donc trop loin d'eux, leurs étoiles ?

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J'aimerais le faire à sa place, mais c'est contre ma nature.

Lui épargner cette peine, mais c'est la seule qui puisse.

...

Jours après jours il est venu, désespéré qu'il est, frapper avec toute la force et la haine qu'il a encore en lui.

Et à chaque fois, la meme indifférence lorsque ma lame le transperce dans son sommeil.

Un regard vers le ciel alors que je repousse son cadavre encore chaud un peu plus loin.

Est-ce cela que les étoiles nous envoient pour nous contrer ?

Un fou, sans ame, sans raison, un pantin qui revient sans cesse, combien de temps avant que la recycleuse d'ames ne mette fin à ce cercle... ridicule ?

Mais il a bien préparé le terrain ..

Ils déferlent par vagues, venant se fracasser sur nos murs.

Comme s'ils prenaient gout à la mort, malgré la fatigue, malgré la morsure du froid.

Pourquoi ? Pourquoi continuent-ils ?

Oui c'est une victoire, mais quelle victoire ..

Je ne verrai pas ce qui aurait pu se passer.

Ce que j'ai éprouvé.

Ce que j'ai appris.

N'a jamais transparu dans mon attitude.

Mon regard croise celui d'Eyleen, c'est la bonne décision. Jamais nous ne leur donneront ce plaisir. Mes frères, ils comprendront. C'était le mieux à faire.

L'Empire ne sacrifie pas ses membres comme des chiens, l'Empire leur évite une mort bien amère. Nous ne regrettons rien. Meme si c'est le meme déchirement.

C'est un combat qu'ils ne peuvent gagner.

Impardonnables pour ce qu'ils nous ont forcés à faire...

Nous cacherons la lumière à jamais sous les cendres.

Modifié (le) par Raizen
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Sans un mot je prends ma chambre.

Mes vêtements aussi sont poisseux. Dégoulinant de sang.

Le mien, et celui des autres, mélangés.

Elle n'hésite pas à me donner la clef quand même

Elle fait bien, ce n'est pas le jour...

Toute la nuit et la moitié de la journée...

Les ennemis sont tombés. Tous, les uns après les autres.

Les nôtres aussi. Puis notre place forte, dans les Cimes.

Ils ont atteint leur but, malgré les pertes...

C'est idiot...c'est vain...

C'est une victoire...non...

Une demi-victoire.

Tout ça me contrarie.

Vraiment...

Hadès...encore combien de sang à verser ?..

Pour ta Gloire...

Ordonne-nous.

La partie est presque achevée.

Les pions sont de notre côté.

Hadès, garde nous du sursaut.

Pour ton Règne.

Modifié (le) par Medolie
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