Aller au contenu
Terre des Éléments

Une terreur sans nom


Suyvel
 Share

Recommended Posts

« J’te jure, mon gars ! C’est comme j’te l’dis ! Il est vivant et il s’promène dans l’coin ! »

 

Ce jour-là, à la taverne de Melrath Zorac, les conversations allaient bon train. Elles prenaient même une allure franchement débridée. Il faut dire que la dernière rumeur en date faisait sensation, non sans raison d’ailleurs.

 

« Qu’eusses-tu me chantes là ? Tout ça, c’est sornettes et calembredaines...

- Meuh non ! Je l’avions vu ! De mes yeux vu !

- Je m’demandions justement si tu devrais pas t’acheter des lorgnons...

- J’avions point besoin d’lorgnons pour voir qu’t’es plus borné que ton âne ! »

 

La rumeur en question n’était pas sans générer un certain scepticisme parmi l’auditoire. Mais le narrateur, lui, n’en démordait pas.

 

« J’te disions qu’il est bien vivant et que j’l’avions vu déambuler près des tentes des nomades ! Et hier, le gars Rouvy l’avait repéré près du moulin...

- Oui ben l’gars Rouvy, il devrait se calmer sur la boutanche, moi j’dis...

- Ca, c’est pas le gars le plus sobre du patelin, j’te l’accordions, mais il picole pas avant midi, et c’est hier matin qu’il dit l’avoir vu.

- M’a tout l’air d’un délirium très mince, cette histoire...

- Alors comment t’expliques que j’l’avions vu aussi ? J’étions sobre comme un chameau ! »

 

Le delirium tremens est une conséquence neurologique grave du sevrage alcoolique, c’est-à-dire de l’arrêt brutal ou de la diminution drastique d'une consommation excessive et prolongée d’alcool. Cette complication se traduit essentiellement par un état confusionnel et délirant. Mais même si Rouvy en avait effectivement été atteint, en aucun cas il n’aurait pu contaminer son entourage.

 

« Je l’avions vu, j’te dis !

- Admettons que t’aies vu un truc, ça , j’disions pas. Meuh ça peut pas être lui...

- Allons donc ! Qui c’est-y qu’irait se fringuer de la sorte, je te l’demandions ! Un grand manteau noir en haillons, qui claque au vent, t’en vois beaucoup des comme ça ?!

- Non, mais...

- Y a pas de mais qui tienne ! C’était lui, j’te le disions ! L’épouvantail du père Gaborit ! Il a quitté son champ et il se balade près de Melrath !!! »

 

Suite à cette proclamation, un silence s’abattit sur l’assemblée comme une chape de plomb. Si maintenant les épouvantails venaient à la vie, il y avait de quoi s’inquiéter.

 

« J’étions sûr qu’il cherchait quelqu’un pour lui faire subir un sort pire que la mort, alors j’avions pris mes jambes à mon cou sans attendre de voir !

- J’comprenions bien, mais que ça peut point être lui. Un épouvantail, ça se baguenaude pas...

- Allons donc ! Il s’promène les bras tout raides, en croix ! Qui c’est-y qui se balade de la sorte ? Hein ?

- Ben... y a bien le père Fauchou, quand il a une grosse crise d’arthrose.

- Le père Fauchou ! Tu croix que je l’aurions point reconnu ? Et puis il tenait un grand bâton noir ! L’en a un comme ça, le père Fauchou ?

- Ca, je savions point, mais p’têt ben que oui...

- Et le chapeau de paille ? Hein ? Il porte un chapeau de paille comme celui de l’épouvantail, le père Fauchou ?

- Heu non, ça j’croyons point...

- C’était lui, j’te disions ! L’épouvantail du père Gaborit ! Je savions point comment, mais il marche ! »

 

Un nouvel arrivant fit son entrée dans la taverne en hélant l’assemblée d’un moyennement cordial : « Salut les bouseux ! »

 

Vingt paires d’yeux se tournèrent vers l’individu.

 

C’était LUI.

 

L’épouvantail.

 

Le narrateur eut un terrible sursaut, puis prit la fuite en hurlant comme un beau diable, suivi par les deux tiers de l’assistance. Le dernier tiers, lui, resta tranquillement dans la taverne. Très tranquillement même, vu qu’il s’était évanoui.

 

L’arrivant souleva son chapeau de paille pour se gratter le crâne. Il avait certes l’habitude de répandre la peur, mais là, c’était sans commune mesure avec ce qu’il observait au quotidien. Et il ne se battait pas dans la taverne, non plus.

 

Une nouvelle arrivante le salua.

« Messire Yaninho, bien le bonjour.

- Ah, Gertrude, ravi de vous voir.

- De même. Très joli, votre nouveau chapeau. Très seyant, tout en étant moins formel que tout ce que portent les mages.

- Ah oui, merci. Et vous au moins, vous ne prenez pas la fuite...

- Ca ne m’aiderait pas à encaisser ce qui m’est dû, vous savez.

- Certes... d’ailleurs, je vais vous prendre une chambre pour la nuit.

- Bien sûr... dès que vous aurez réglé votre ardoise. La maison ne fait toujours pas crédit, vu ? »

 

Le mage se mit à transpirer à grosses gouttes tandis qu’il fouillait ses poches à la recherche de quelques pièces d’or égarées.

 

A chacun ses épouvantails.

 

 

 

epouva10.png

[HRP] Merci à Tigrrr pour l’illustration. [/HRP]

Modifié (le) par Suyvel
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

 Share

×
×
  • Créer...

Important Information

By using this site, you agree to our Terms of Use.