Sans titre

[Euf]

Cela faisait plusieurs jours que l'Euf n'était pas rentré au camp. Plusieurs jours qu'il couchait à l'auberge de Melrath. Le confort y était sommaire, mais il s'était récemment épris d'une activité qu'il ignorait jusqu'alors : le jeu d'argent. Le talent de ces quelques escrocs de taverne le fascinait et le son de sa propre mise rejoignant la cagnotte lourdement suspendue à leur ceinture l'étourdissait. Bien que relativement chanceux, le jeune guerrier n'en avait que faire du gain. Il misait, doublait, toujours plus, toujours un tour de trop. Perdu ! Revenez plus tard ! Grisé, il s'en allait souriant s'affaler dans une chaise au fond de la salle. Une bière mousseuse à la main, il s'enfonçait dans son siège et se laissait bercer par le vacarme assourdissant de la salle, ces conversations animées qui ne l'intéressaient pas et il regardait sans vraiment les voir les corps valser d'un bout à l'autre de l'établissement sous l'influence de l'alcool.

Quelques fois, il avait arrêté son regard sur l'un de ces visages, attiré par un détail, une posture, ou encore des yeux troublants de profondeur... Une main familière vint le sortir de ses rêveries ce soir là. Elle tenait encore l'objet déposé sur la table et il fut surpris de la reconnaitre. Lui qui avait tant de mal à retenir les visages, voila qu'il se souvenait d'une main. Il leva les yeux vers la jeune fille mais elle ne dit mot. Ca c'est nouveau. Elle semblait attendre un signe de sa part, une invitation peut-être.

Assieds-toi...

Le ton était calme, presque convivial. Il était d'humeur joyeuse et un peu de compagnie n'était pas pour lui déplaire. Ca aussi c'est nouveau. Il lui désigna une chaise, intéressé par cette soudaine apparition.

[Luxiya]

Les quêtes, les missions, Luxiya les enchaînaient les unes après les autres dans une suite sans fin. Elle se jetait à corps perdu dans ses activités, y trouvant un remède satisfaisant pour tromper l'ennuie et s'éloigner de ses problèmes. Mais elle s'avouait qu'elle s'habituait déjà, tout comme elle prenait goût à s'oublier dans une hyper-activité. Par moment, elle se rappelait qu'elle avait des amis, des compagnons, alors elle envoyait quelques missives puis retournait dans le ballet incessant de ses affaires. Aujourd'hui était donc un jour comme un autre dans ce qui était devenu son quotidien.

Après avoir effectué une livraison d'anthracites, la guerrière prit le chemin de l'auberge. La nuit tombait déjà lorsqu'elle se présenta devant l'aubergiste et qu'elle lui demanda une chambre. S'y débarrassant de son équipement, la jeune fille se laissa tomber sur son lit qui protesta dans un grincement. Elle resta un moment allongée, perdue dans des pensées sans suite, avant de décider d'aller faire un tour dans la taverne. En traversant les couloirs de l'auberge, elle évita quelques clients ayant surestimer leur capacité d'endurance à l'alcool avant de parvenir au porte de la taverne. Elle pénétra les lieux en jetant machinalement un regard autour d'elle, cherchant par la même occasion, une place libre.

Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle reconnut une silhouette affalée sur une chaise, dans un coin de la salle. Sans hésiter, la guerrière se dirigea vers elle, ressentant pour la première fois depuis des jours l'envie d'une compagnie autre que celle ses outils et de ses clients. Tout en s'approchant, l'aqueuse enleva le collier qu'elle portait au cou et dont elle possédait un deuxième dans son sac à l'étage. Elle avait pensée à en faire cadeau à quelqu'un et la présence du guerrier d'aéris tombait doublement à point.

Sans tout autre forme de salutations, Luxiya posa sa main tenant l'objet sur la table. Tiré de ses pensées, l'aéride leva la tête, surpris par cette intrusion. Lui désignant une chaise, il l'invita à prendre place:

Assieds-toi...

La guerrière s'exécuta tout en pensant qu'elle n'aurait sans doute pas hésité à s'inviter elle même si il n'avait rien dit. Découvrant le collier en le laissant sur la table, elle lui répondit:

-Finalement on se rencontre de nouveau. Comment te portes-tu?

[Euf]

Une fois assise, Luxiya découvrit un collier que l'Euf avait eu l'occasion de voir en magasin et au cou de nombreux aventuriers. Elle ne portait plus le sien et le jeune homme en conclut qu'il s'agissait de celui là, posé sur la table. Il se souvint de ce corps inanimé sur le sol poussiéreux du camp et du pendentif rouge sang qui brillait à son cou ce jour là. Il n'y avait pas fait attention mais revoyait à présent ce scintillement presque aveuglant sous un soleil de feu.

-Finalement on se rencontre de nouveau. Comment te portes-tu?

Il leva de nouveau les yeux vers elle et la trouva changée. Fatiguée. Envolée, l'insouciance. C'était peut-être cela son quotidien. Rien d'étonnant à ce changement, se dit-il. Il l'avait rencontré dans des circonstances particulières, elle, loin de la ville et de ses compagnons, loin de sa routine. Pourtant, elle avait toujours ce sourire et semblait contente de le revoir, ce qui le mit totalement à l'aise.

De nouveau, oui. A croire que tu me suis. Devrais-je m'en inquiéter ?

Il avait un ton moqueur dans la voix et pesait lentement ses mots, ponctuant finalement sa question par un sourire. Il s'était parfois demandé ce qu'elle devenait lorsqu'il traversait la cour déserte du camp des Gardiens, ne pouvait s'empêcher de regarder du côté où le corps était apparu, se demandant s'il apprendrait un jour ce qu'il s'était réellement passé...

Le vacillement d'une flamme proche teintait la pierre rouge de reflets dansants, lui prêtant des pouvoirs qu'elle n'avait sans doute pas, mais l'Euf ne put s'empêcher de la regarder une fois de plus. Sans laisser le temps à la guerrière de répondre, il enchaina par une nouvelle question.

Qu'est-ce ?

[Luxiya]

De nouveau, oui. A croire que tu me suis. Devrais-je m'en inquiéter ?

Le sourire de la guerrière s'accentua, répondant à celui de l'aéris. De l'humour, c'était nouveau chez lui, il avait un peut être un minimum changé. Luxiya eut un bref retour en arrière, vers cette journée où elle s'était réveillée dans ce lieu désert. Ce jour-là, elle n'avait pas hésité à affubler les dieux de tous les noms qui lui venaient en tête, exaspérée par sa malchance quotidienne. Mais en somme, elle avait finie par apprécier le voyage et surtout les réactions du guerrier.

En même temps que ce rappel, une réplique germa dans sa tête. Mais avant qu'elle put a sortir, le guerrier désigna le collier et demanda:

Qu'est-ce ?

Baissant un regard sur l'objet et le prenant entre l'index et le pouce, elle l'agita tout en répondant:

-Ça ne se voit pas? C'est un collier, plus précisément un pendentif du guerrier. Selon le vendeur il renforce la force, la précision et la résistance et comme tu peux le constater, la plupart des guerriers en ont.

Je te le donne, il te sera sans doute plus utile que cette chose que tu as au cou.

Tout en ajoutant ces derniers mots, la jeune fille désigna l'amulette de croloup du guerrier. Anticipant un refus de l'aéris, Luxiya quitta son siège, s'approcha de lui et avant qu'il ne puisse réagir, lui arracha l'amulette d'un coup sec. Euf eut une exclamation de protestation qui se perdit dans l'oreille d'une sourde. Dévouée à sa tâche, Luxiya se pencha vers lui et lui passa le pendentif de guerrier. Se redressant, elle lui tapota l'épaule avec un sourire:

-Voilà, c'est mieux comme Ça, me voilà un tant soit peu rassuré sur ton sort.

Retournant à sa place, elle ajouta:

-Et il te va plutôt bien je trouve.

Détournant la tête pour masquer le rire qui menaÇait de sortir face à l'expression interloquée de son compagnon, l'aqueuse en profita pour commander une orangeade au tavernier.

Modifié (le) 8 novembre 2011 par Luxiya

[Euf]

-Ça ne se voit pas? C'est un collier, plus précisément un pendentif du guerrier. Selon le vendeur il renforce la force, la précision et la résistance et comme tu peux le constater, la plupart des guerriers en ont...

Elle détaillait les propriétés du collier comme elle s'adresserait à un enfant à qui il faut tout apprendre. Un enfant particulièrement lent puisqu'elle lui agitait nonchalamment le collier sous le nez pour illustrer ses propos. De la provocation. Il en sourit. Le guerrier avait déjà remarqué son désir de contrôle par moments ce jour là, dans la forêt. Dans le camp aussi. Elle avait testé ses limites, et elle jouait une fois encore. Son large sourire témoignait de cette malice et l'Euf eut l'intuition traître qu'il pourrait lui tenir tête cette fois-ci. Il pensait y être mieux préparé mais il n'en était rien.

... Je te le donne, il te sera sans doute plus utile que cette chose que tu as au cou.

Toujours aussi imprévisible, Luxiya avait quitté sa chaise alors qu'il baissait les yeux pour regarder son amulette. Il n'y faisait plus tellement attention mais avait pris l'habitude de le tripoter lorsqu'il réfléchissait. De toutes ses possessions, c'était le plus ancien, la première récompense de cette nouvelle vie. A peine posa-t-il les yeux dessus que la main, la même, se referma sur le cordon ; emprisonnant le pendentif entre ses doigts, elle tira un coup sec, sous le regard alarmé du jeune homme. Sans s'en préoccuper, elle prit sur la table le lourd collier à la pierre rouge pour le lui passer autour du cou.

L'Euf se laissa faire sans protester, toujours surpris par le manque de retenue de la jeune fille. Elle n'avait pas levé les yeux une seule fois et lorsqu'elle le fit, elle affichait son sourire victorieux, celui qu'elle avait si souvent lorsqu'il perdait lui ses moyens. Ses mots furent pourtant gentils et l'apaisèrent.

Il regarda un instant ce nouveau collier, plus épais, plus lourd. Luxiya passait commande auprès du tavernier. Il en profita pour vider sa chope, puis se pencha et tendit la main pour récupérer son amulette, abandonnée négligemment dans un coin de la table.

[Luxiya]

Empressé, serviable et tout sourire, le tavernier prit note de la commande de Luxiya et se dépêcha de la lui apporter. Un sourire rêveur sur les lèvres, la guerrière s'empara de la paille pour puiser sa boisson du verre. Du coin de l'oeil, elle observa les réactions de l'aéris. Celui-ci encore inaccoutumé au poids du collier le considérait d'un air curieux et fasciné. Après avoir fini sa bière, il tendit la main vers l'amulette dont l'aqueuse s'était débarrassée avec légèreté sur la table.

Tout en regardant la main d'Euf s'approcher de l'objet convoité, le sourire de Luxiya s'appuya et une lueur de malice brilla dans ses yeux. Rapide, elle se saisit de l'amulette avant l'aéris et la tint hors de portée de ce dernier. Tenant l'amulette accrochée à son index, elle demanda au guerrier avec taquinerie:

-C'est ça que tu veux?

Questionnant inutile, puisqu'elle en connaissait pertinemment la réponse, mais elle ne pouvait résister à l'envie de le taquiner. Tout en jouant avec la cordelette, elle ne quittait pas des yeux son compagnon, guettant sa réaction.

[Euf]

Elle avait l'air de prendre beaucoup de plaisir à l'agacer et avait toujours un coup d'avance sur lui. Devrait-il se méfier toujours ? Anticiper ses taquineries ? Imaginer le pire avant chacun de ses propres mouvements ? ...Qui ne finirait pas fou après une telle journée. Elle avait été plus rapide sur ce coup la. La main de l'Euf demeura figée à l'endroit même où ses doigts avaient frôlé l'amulette. Mais voila qu'elle pendouillait mollement au doigt d'une Luxiya triomphante. Encore. Toujours penché au dessus de la table, il l'observa un instant avant de se relever calmement. Le meilleur moyen de gagner était de jouer aussi.

Et toi ? Que veux-tu ?

Elle lui avait offert un collier sans rien lui demander en retour. Offert ? Elle ne lui avait pas laissé le choix. L'Euf s'interrogeait sur ses motivations et pour une fois, il soutenait son regard. Il ne voulait montrer aucun attachement à l'objet qu'elle tenait et manipulait pour le faire réagir.

Il lui semblait voir ses yeux pour la première fois.

[Luxiya]

Amusée, Luxiya patienta, observant un Euf encore une fois surpris et déconcertée. Lentement il se redressa, contrarié par la nouvelle farce de la guerrière. Cette dernière pouvait presque deviner les pensées qui le traversait, d'après les diverses expressions qui se succédaient sur son visage. Il paraissait si innocent parfois, ignorant de certaines choses pourtant simples, et lorsqu'il s'y trouvait confronter, il prenait un air perplexe et sérieux donnant à l'objet ou l'acte plus d'importance ou de gravité qu'il ne devrait avoir. Le sourire de l'aqueuse passa de la moquerie à l'attendrissement. L'aéris était tellement moins difficile à comprendre que les êtres qu'elle avait croisée jusqu'à présent...

Délaissant son verre et sa si utile paille, Luxiya se pencha vers lui et appuya un coude sur la table afin de loger confortablement sa joue dans la paume de sa main. Tout en faisant tournoyer la cordelette autour de ses doigts, elle répondit:

-Rien du tout, je suis juste contente de te voir, toi et ton sérieux...

Pour signifier une trêve temporaire, elle lui tendit l'amulette. Mais aussi, elle voulait voir jusqu'où la méfiance d'Euf avait monté. Même si elle agissait avec légèreté, elle avait conscience qu'elle pourrait bien finir par rendre le guerrier définitivement suspicieux à son égard.

[Euf]

-Rien du tout, je suis juste contente de te voir, toi et ton sérieux...

Elle changeait si vite d'attitude qu'il avait du mal à suivre. Tantôt exubérante, tantôt calme et posée, toujours imprévisible, elle était à l'image de cette ville agitée, commandée par les caprices des uns et des autres.

Tout le monde avait un but, des ambitions, un passé leur indiquant la voie à suivre. Plus il les côtoyait, plus l'Euf s'interrogeait sur Melrath et sur les terres au delà de celle-ci. Elle était loin la discipline de sa vie d'antan, loin aussi les préceptes d'Eolia, martelés par le régent d'Aeris. Il se demanda alors quel était le but de Luxiya, ses ambitions, elle qui ne voulait "rien du tout", tout juste "contente" de le voir. Son sérieux ? Il n'était pas sur de comprendre. Elle lui tendait sa vieille amulette, déjà lasse de son propre jeu. Le jeune homme considéra cette "˜proposition' quelques secondes. Il voyait dans ses yeux qu'elle comprenait sa méfiance et elle lui laissa le temps de la réflexion.

Il referma les doigts autour de son bien qu'elle lui céda sans un mot. Il ne put s'empêcher de penser qu'elle jouait encore.

Tu dois bien rechercher quelque chose.

Il ne savait si elle y répondrait. Bien que bavarde, la jeune fille demeurait bien silencieuse sur sa personne.

[Luxiya]

Silencieusement, l'aéris considéra la main tendue et le bijou logé à l'intérieur. Il semblait peser le pour et le contre, chercher le piège. Patiemment, Luxiya attendit jusqu'à ce que les doigts du guerrier effleurent la paume de sa main afin de se saisir du collier que l'aqueuse lui céda sans résister.

Tu dois bien rechercher quelque chose.

La jeune fille le fixa un moment, surprise par la remarque. Si elle recherchait quelque chose? Peut être bien. A vrai dire, au fur et à mesure que s'accumulait les jours sur Melrath Zorac, elle oubliait certaines choses, remplacées par d'autres. Et à présent, elle ne pouvait dire avec certitude si elle avait un objectif autre que celui de vivre tout simplement. Un sourire rêveur étira ses lèvres lorsqu'elle répondit:

-Je ne sais pas, je saurai bien lorsque j'y serai confronté.

Et toi, que cherches tu?

Si l'heure était aux questions, autant en profiter pour en savoir plus...

[Euf]

Pour la première fois, elle semblait déconcertée par la remarque de l'Euf, surprise et à la fois perplexe. Il n'était pas doué pour lire les émotions et la regarda en silence, attendant sa réponse pour juger du véritable effet que ses mots avaient pu causer en elle. Luxiya le regardait aussi, et lorsqu'elle ouvrit la bouche pour lui répondre, un étrange sentiment de curiosité le gagna. La déception qui suivit arriva tout aussi brutalement. Il avait espéré qu'elle lui réponde quelque chose, n'importe quoi. Vrai ou faux, il espérait une réponse claire plutôt que cet évitement.

-Je ne sais pas, je saurai bien lorsque j'y serai confronté.

Et toi, que cherches tu?

Lui qui n'avait de référence que sa lointaine contrée d'origine, ne pouvait concevoir qu'un être à la capacité de se tenir sur deux pieds puisse n'avoir aucun but. Sur Aeris puis à Melrath, il avait découvert l'égoïsme et la cupidité. En devenant un Gardien, il s'était lui-même détourné de ses principes et de ses croyances. Pourtant, son but était inchangé, le chemin pour y parvenir importait peu. Il sourit à son tour et lui répondit posément.

Je ne sais pas, je saurai bien lorsque j'y serai confronté.

Il était décidé à ne rien lui céder tant qu'il n'en saurait pas plus sur ses intentions. Bien qu'il lui avait parlé plus qu'à quiconque, il avait conscience de ne pas la connaitre plus que les autres.

[Luxiya]

La déception se lisait sur les traits de l'aéris, il semblait avoir espéré plus de la part de Luxiya. Celle-ci s'attendit à ce que cela joue sur la réponse que lui fournira le guerrier sur la question qu'elle lui avait retourné.

Je ne sais pas, je saurai bien lorsque j'y serai confronté.

Les lèvres de la guerrière frémirent un bref instant, retenant un sourire, amusée par sa propre réponse redonnée. Elle demeura silencieuse, se contentant d'examiner le sourire d'Euf, ressassant le ton calme de sa réponse dans son esprit. Elle sonnait presque comme un reproche sur le refus de la jeune fille d'en dévoiler plus sur sa personne. Devait-elle se sentir flattée d'avoir secouée un minimum l'attention du Gardien habituellement indifférent? La question était juste bonne à lui faire se hausser les épaules.

Elle pouvait très bien lui dire qu'elle n'avait aucun but, qu'elle se contentait juste de parcourir parce qu'elle n'avait que cela comme occupation, ce n'était pas faux mais pas entièrement vrai. Tout être a un but, insignifiant ou important, pouvant soulever mille et une réactions et interrogations. Lui quel serait la sienne si elle satisfaisait sa curiosité? Elle se voyait mal lui dire qu'en ce moment, elle cherchait avant tout à empêcher sa jumelle à prendre le dessus sur elle. Il la prendrait sans doute pour une folle, surtout si elle précisait que Skotia vivait en elle, était d'un élément et d'un karma opposé. Elle soupira.

Se penchant par dessus la table, elle effleura brièvement de ses doigts le contour des lèvres de l'aéris et se contenta de faire remarquer:

-C'est la première que je te vois sourire.

Se rasseyant, elle ajouta:

-Tu sauras peut-être un jour...

La réponse se référait plus à la question d'Euf qu'elle avait esquivée que à la réponse qu'il lui avait donnée, mais elle lui laissait la possibilité de se méprendre. Tout en remuant le contenu de son verre avec la paille, elle enchaîna sur une autre question:

-As-tu de la famille sur Aeris ou ici à Melrath Zorac?

[Euf]

Luxiya semblait avoir perçu le reproche dans la réponse de l'Euf mais elle ne dit rien, se doutant peut-être qu'il guettait la moindre réaction de sa part. Elle se pencha en avant et il cru un instant qu'elle s'était décidé à lui parler plus ouvertement, mais elle était aussi déterminée que lui à ne rien laisser paraitre. Sa meilleure défense jusqu'ici avait été l'attaque et elle prenait énormément de plaisir à se jouer de la naïveté de son interlocuteur. Une fois de plus, elle trouvait le moyen de corriger son audace.

Quelques heures en compagnie de l'aéride avaient appris à la jeune fille beaucoup plus sur son caractère qu'il n'avait voulu partager et il payait à présent le manque d'artifices de son personnage. Lorsqu'elle posa les doigts sur ses lèvres, il comprit.

-C'est la première fois que je te vois sourire.

Tout était plus clair. Les pièces de ce formidable casse-tête s'imbriquaient une à une dans son esprit, créant des connexions dans un ordre qu'il n'avait pas imaginé auparavant...

-Tu sauras peut-être un jour...

De quoi parlait-elle ? Il ne fit aucun effort pour comprendre ces mots prononcés sur un ton énigmatique. Elle jouait encore et il se lassait de ce jeu d'où il ne pouvait sortir qu'un gagnant, toujours la même. Elle faisait les règles et les défaisait à sa guise, le menant par le bout du nez. Cependant, alors qu'il la regardait remuer le contenu de son verre, il ne ressentait plus aucune méfiance à son égard.

-As-tu de la famille sur Aeris ou ici à Melrath Zorac?

-Oui.

Il avait toujours eu un doute, mais répondit toutefois par ce qu'il avait envie de croire.

[Luxiya]

-Oui.

Luxiya ne put s'empêcher de se sentir légèrement envieuse à l'égard d'Euf lorsqu'il répondit. Lui il avait une famille, des êtres proches, ce qui n'était plus son cas à elle depuis bien des années. Involontairement, elle chercha une faille dans la réponse de l'aéris, quelque chose qui lui apporterait un certain soulagement dans la jalousie qui lui pinçait le coeur.

-Oui sur Aeris ou Oui sur Melrath Zorac?

Tout en même temps que la remarque franchie ses lèvres, elle se rendit compte de sa futilité. Serrant convulsivement son verre, la guerrière détourna les yeux et murmura:

-Je n'ai plus de famille, mes parents ont disparus alors que je n'étais encore qu'une enfant. J'ai été recueillie et élevée parmi d'autres enfants dont les parents sont morts en servant la cause d'Aqua.

La guerrière se sentait lasse tout à coup, lasse moralement. Le besoin de se confier lui chatouillait les cordes vocales. Avec un soupir, elle y céda:

-Que voudrais-tu savoir d'autre sur moi?

As-tu encore des questions auxquels je pourrai répondre cette fois?

En ajoutant ceci, Luxiya se référait à la première question du Gardien et signifiait ainsi qu'elle n'était pas prête à répondre à cette interrogation. Patiemment, la jeune fille attendit une réaction de son compagnon.

[Euf]

-Oui sur Aeris ou Oui sur Melrath Zorac?

Il s'attendait à une question de ce genre et se demandait comment il allait y répondre lorsqu'elle changea brusquement de sujet.

-Je n'ai plus de famille, mes parents ont disparus alors que je n'étais encore qu'une enfant. J'ai été recueillie et élevée parmi d'autres enfants dont les parents sont morts en servant la cause d'Aqua.

L'Euf repensa à son clan et au visage de chacun de ses anciens compagnons. Eux n'étaient pas morts comme la famille de Luxiya mais ce qu'ils étaient devenus lui importait peu. Il se demanda si l'idée de "˜famille' tel que l'entendaient les melrathiens était comparable à ce qu'il avait connu, lui qui n'avait eu ni père ni mère. Il regardait la jeune fille avec intérêt et peinait à comprendre cette tristesse qui lui cassait la voix et lui faisait baisser les yeux. Les visages se succédaient dans sa tête mais nul d'entre eux ne lui procurait de tristesse. Que ferait-il s'il retrouvait l'un d'eux ? Ce n'était pas le moment d'y penser.

-Que voudrais-tu savoir d'autre sur moi?

As-tu encore des questions auxquels je pourrai répondre cette fois?

Il fut étonné par la question. Les premières confidences avaient changé quelque chose à son attitude et l'Euf n'était pas certain de vouloir pousser cette porte là. Il ramena son regard au verre qu'elle serrait encore.

Veux-tu boire autre chose ?

[Luxiya]

L'étonnement, ce fut l'expression qui parut sur le visage du guerrier lorsque Luxiya se proposa à s'ouvrir plus. L'aqueuse s'y attendait à ce que cette incrédulité perce les traits de l'aéris et se dévoile aux grands jours. Dans son esprit, la jeune fille avait fait défiler les possibles réactions de son compagnon. Elle s'attendait donc à bien de choses, mais surtout pas à ces mots quelques peu désinvoltes.

Veux-tu boire autre chose ?

Elle observa quelques minutes de silence, observant le Gardien. Elle ne savait trop comment considérer cette demande. Etait-ce un refus catégorique ou juste une diversion? Finalement elle secoua négativement et appuya d'une réponse orale:

-Non merci.

Portant son regard sur la salle qui s'animait de plus en plus, la guerrière se demanda si finalement Euf n'était pas lui aussi complexe que les autres, avec une façade déroutante de simplicité. Luxiya ferma les paupières et expira avant de se lever. Elle se tourna alors vers le jeune homme:

-Sortons.

Un mot, bref et significatif, n'ayant d'autre sens que celui qui lui était propre. L'aqueuse avait soudain un besoin de sortir, de changer de lieu, de s'éloigner de se brouhaha intempestif. Elle se dirigea vers la sortie, avertissant l'aubergiste au passage de son retour. Elle ne savait pas si l'aéris la suivrait dehors ou s'il préférera rester dans le confort de la taverne.

Un vent frais et d'un doux piquant l'accueilli lorsqu'elle franchit les portes de l'auberge. S'appuyant au mur du bâtiment, elle croisa les bras et attendit, ne sachant plus trop elle même le but de son attente.

[Euf]

-Sortons.

Elle s'était levée et l'avait regardé en disant cela, puis se retourna et quitta la salle sans laisser le temps à l'Euf de lui répondre. Ce qui semblait d'abord être une suggestion lui fit l'effet d'un ordre par sa promptitude à quitter les lieux. Il la regarda se frayer un chemin entre les autres clients et remarqua qu'elle ne s'était pas retournée une seule fois. Drôle d'invitation. Savait-elle qu'il la suivrait sans autre explication ? Etait-ce un autre de ses jeux ? Bien que cela ne lui ressemblât pas, il se leva à son tour, poussé ou tiré par une force invisible qui lui dictait de ne pas la perdre des yeux. Le jeune homme était conscient qu'il cédait encore une fois à un caprice inutile et que ce n'était pas dans ses habitudes de suivre aveuglément une autre volonté que la sienne.

Il se dirigea lentement vers la sortie en suivant ces longs cheveux bleus et s'arrêta à quelques pas de la porte. Il savait qu'il la franchirait mais voulait être sur de l'avoir décidé. Quelques secondes suffirent. Il poussa la porte et fut bousculé par un ivrogne qui précipita sa sortie. Enfin sur de ses appuis, il leva les yeux sur les alentours et l'aperçut, adossée au mur.

Et maintenant ?

Modifié (le) 24 novembre 2011 par Euf

[Luxiya]

D'une démarche dansante, un ivrogne se dirigea vers l'auberge, jetant des coups d'oeils dénués de lucidité à la silhouette adossée au mur. Luxiya lui jeta un regard indifférent et se tourna vers l'horizon, tentant de trouver un remède à la tempête qui menaçait d'éclater dans son esprit. évoquer ses parents n'avait pas été une bonne idée, surtout en ce moment. Elle pensa à Euf. Ce dernier devait être bien déconcerté par ses réactions trop imprévisible. Avec un soupir, la guerrière passa la main dans ses cheveux.

Un bruit de pas posé attira de nouveau son attention et ses yeux croisèrent ceux remplis de questions de l'aéris.

Et maintenant ?

Luxiya baissa les yeux, penaude, le regard inquisiteur du guerrier lui imposait la futilité de l'impulsivité de ses actes. Elle se sentait comme une enfant fautive sous le regard sévère de son précepteur. Au bout de quelques minutes de silence, l'aqueuse répondit:

-Et Maintenant rien.

Cette réplique donnée sur un ton de bravache inutile ne fit qu'accentuer son embarras. Légèrement exaspérée, Luxiya remarqua cependant que son humeur grise de dissipait. Préférant éviter que le guerrier ne s'interroge plus, elle s'orienta sur un autre sujet qui l'intéressait:

-Dis moi, pourquoi es tu loin de ta famille?

Modifié (le) 25 novembre 2011 par Luxiya

[Euf]

-Et Maintenant rien.

Elle n'avait pas l'air dans son état normal, mais il haussa les épaules, se demandant s'il connaissait vraiment son état normal. Il n'avait cessé d'être surpris par cette guerrière parfois rude et défiante, mais si souvent insouciante comme une enfant. Encore une fois elle changeait de visage et d'intention, et encore une fois l'Euf se laissait entrainer par cet étrange personnage, lui qui évitait le monde et ses conversations chaque jour, préférant se fondre dans le décor à une table excentrée.

-Dis moi, pourquoi es tu loin de ta famille?

Pourquoi s'obstinait-elle à évoquer ces liens passés ? Il était clair que la conversation la perturbait mais elle ne pouvait s'empêcher d'en parler. Pourquoi à lui ?

Il s'approcha d'un tonneau à quelques pas de Luxiya et s'assis dessus, cherchant les mots pour répondre le plus simplement possible à cette question qu'il se posait encore toutes les nuits.

Mon apprentissage était terminé. Ils n'avaient plus rien à m'apprendre.

Ce n'était pas tout à fait faux. Il avait ressenti le besoin de connaitre autre chose, et pour cela il avait renié ses croyances et son clan. Cependant, il ressenti une pointe de culpabilité en prononçant ces mots. Chaque chose qu'il découvrait depuis son arrivée à Aeris lui donnait tort. Il ne trouvait toujours de réponse que dans son initiation passée.

L'Equilibre n'existe pas en ces nouvelles terres et pourtant..., pensa-t-il.

Il jeta un coup d'œil rapide à son interlocutrice. Tous ici semblaient se contenter de ce Chaos.

[Luxiya]

Avant de lui répondre, l'aéride s'installa sur un tonneau. Il ne fit aucun commentaire sur les récentes réactions de Luxiya. La jeune fille en était soulagée, mais d'une part, elle aurait souhaité qu'il la questionne. Cela l'aurait peut être amenée à comprendre ce à quoi elle même avait du mal à trouver une raison valable.

Le guerrier demeura un court instant silencieux, songeur. Luxiya attendit en silence, guettant sa réponse et l'observant, parcourant les traits d'un visage qu'elle connaissait déjà par coeur:

Mon apprentissage était terminé. Ils n'avaient plus rien à m'apprendre.

La guerrière rumina un moment ces paroles. Elle ne s'y attendait pas vraiment, à moins que si? Il parlait de sa famille comme si elle n'en était pas vraiment une, comme si c'était autre chose que le lien du sang qui les unissaient. Luxiya se jucha à son tour sur le rebord d'une fenêtre et appuya son dos contre le cadre. Ainsi positionnée, elle inclina légèrement la tête de côté et observa son compagnon les yeux plissés, puis après une brève réflexion, décida de lui poser directement la question:

-Et ton père, ta mère? Tes frères ou tes soeurs de sang si tu en as? Qu'en est il d'eux?

[Euf]

-Et ton père, ta mère? Tes frères ou tes sœurs de sang si tu en as? Qu'en est-il d'eux?

Elle prenait conscience de la relation particulière qui liait l'Euf à sa famille, et en un sens, il fut satisfait de cette question. Jusque là, il avait évité de partager ses pensées mais elle semblait prête à accepter l'idée qu'il puisse exister des peuples éveillés à des principes qu'elle n'imaginait pas et aux desseins obscurs pour celui qui n'a pas reçu l'enseignement qui lui fut imposé.

Je n'ai que des maitres et mes frères et sœurs ne sont pas de mon sang.

Le guerrier parvint sans grande difficulté à capter le regard de Luxiya, l'encourageant à ouvrir son esprit à ces nouvelles choses. Lui qui avait tenté ces derniers mois de distancer son passé se trouva à cet instant dans la position de ses initiateurs. Il ne considérait pas comme tels ceux qu'il appelait ses "frères et sœurs", mais il lui parut important d'employer des mots aussi familiers pour éduquer un esprit qu'il savait corrompu par d'autres croyances.

Peut-être en as-tu rencontré ici.

L'Euf n'attendait pas de réponse. S'ils étaient toujours tels que lui, ils demeuraient discrets ou comme lui, ils s'étaient perdus dans le Doute.

Dis moi, comment as-tu appris à lire les routes dans le ciel ?

[Luxiya]

Je n'ai que des maitres et mes frères et sœurs ne sont pas de mon sang.

La guerrière dressa l'oreille, son attention entièrement reportée sur Euf. Pendant un court instant, elle caressa l'idée qu'il y ait quelqu'un comme elle, quelqu'un qui n'ait pas de famille. Cela résonna presque comme un espoir et elle se sermonna. Personne ne méritait de vivre la perte de proches. A quelques exceptions près...

L'aéride chercha le regard de Luxiya et l'accrocha. La jeune fille y vit une invitation, une invitation à comprendre les moeurs avec lesquelles il avait grandi, à chercher à savoir.

Peut-être en as-tu rencontré ici.

Luxiya secoua négativement la tête en signe de réponse. S'inquiétait il pour eux? Maintenant elle avait envie de savoir. De lui poser des questions, de fouiller son passé, déterrer ses souvenirs les plus enfouit, le dénuder à l'âme. Mais peut-être pas maintenant. Une autre question fut levée, s'adressant à elle.

Dis moi, comment as-tu appris à lire les routes dans le ciel ?

L'aqueuse eut un sourire. Décidément, tout la décidait un peu plus à chaque fois à se replonger dans l'histoire de sa faction. En ce moment, elle l'avouait, elle ignorait encore beaucoup de choses. C'était assez étrange puisqu'elle était membre de cette communauté, cependant elle doutait qu'elle fût la seule dans ce cas. Avec une une plus grande conviction, Luxiya se promit de débuter au plus tôt ses recherches. Retournant à la question du Gardien, elle réfléchit un moment avant de répondre.

-Ce n'est pas quelque chose qui s'apprend, mais ce n'est pas non plus quelque chose qui est destiné aux personnes qui forment cette faction. Toute personne, même toi peut trouver sa voie dans le ciel, pour peu qu'elle prête attention à ce que les étoiles lui disent.

Les étoiles ne sont pas de simples repères pour nous aider à retrouver notre chemin lorsque nous nous égarons, elles sont nos guides à chaque instant.

La guerrière soupira et détacha ses yeux du regard brun de son compagnon.

Malheureusement, j'en connais moi même peu sur ce qui forme l'essentiel de ma faction et je ne veux donc pas me hasarder à dire ce qui n'est pas. Mais je ne compte pas en rester là, et peut être que dans l'avenir je pourrai mieux te répondre.