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Terre des Éléments

Au creux de Posicillon


Naxorm
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Le contact vaporeux de la brume.

Le souffle rauque du fait de la salinité ambiante.

Le roulis singulier de l'embarcation.

Egaré en pleine mer.

____

Du sang coagulé recouvrait le morceau de toile me faisant office de défroque. Vulgairement découpé dans une voile dénichée sur la plage, offrande journalière que me faisait la marée et qui venait s"˜ajouter aux désormais nombreux trésors tous découverts de la même façon qui remplissaient mon coffre.

L'écume des vagues vint lécher mes mains rougies par les carnages que je venais de proférer. Les carcasses sanguinolentes des Muridés abreuvaient le sable brûlant. Comme satisfait de mes dons carmin, il m'adressait des tourbillons d'air chaud venant cajoler mon front brillant de sueur.

Si l'orbe et le grimoire préservaient mon corps de l'empreinte du sang, les pulsions qui habitaient mon corps réduisaient à néant ces maigrelettes protections. Mes mains baignaient dans la lymphe à longueur de journée. Comme pour mieux se rendre compte du pouvoir dont mes membres s'emplissaient un peu plus chaque jour. Les viscères se perdaient entre mes doigts tandis que les relents du charnier m'invitaient à la vie. Les sangs se mêlaient, et parmi eux mon esprit se perdait. Tournoyant parmi les glaviots pourpres, il s'enorgueillissait de sa nature meurtrière.

Si les larmes coulaient sur mon visage asséché par la brise cuisante, elles disparaissaient sous les revers de mes manches vermillons. D'être de chair j'étais passé au rang d'épouvantail vivant. Pauvre gars en guenille qui fouillait les carcasses d'une main assassine.

Seul l'océan semblait se préoccuper de mes peines et de mes si soudains accès de rage. Et lui offrant mes caresses ensanglantées, je refermais les yeux sur mes crimes inavouables. Quoique dératiser ces terres ne me semblait pas un acte honteux.

Soupir bien vite ravalé.

Si seulement il n'y avait que la population muridienne qui devait craindre mon courroux..

Mon corps se délesta de la toile qui bon gré mal gré tentait de le protéger jusque là pour se plonger dans l'étreinte salvatrice de l'onde. Balloté amoureusement par la houle j'en venais à oublier mon occupation précédente.

Le crépuscule vint, le ciel se drapa peu à peu de sa si singulière étoffe sombre et étoilée sous mon regard enflammé par le sel de mes draps aqueux.

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Oppression intestine. Sensation étrangère et pourtant ô combien délicieuse et familière. Mystérieuse impression de déjà vu semblable au retour d'un parent éloigné depuis bien trop longtemps.

Saveur d'un vécu oublié.

Une lumière que trop éclatante baignant mon monde ténébreux de couleurs. Une invitation. Un rendez-vous fixé à mon insu. Et pourtant je m'y rendais, la démarche maladroite, fantomatique esclave d'une divinité marine. Une barque pour seul moyen d'atteindre le céleste.

Le départ pour un long cheminement intérieur.

Agréable bercement marin. Ronronnement interne.

Et pourtant la désagréable sensation d'avoir perdu le contrôle de sa destinée. De nouveau.

Un clignement de paupières préludant un réveil difficile.

L'océan à perte de vue.

Michellus et son assoupissement suspect. Vil complice à l'auteur de mon égarement. J'aurais dû me méfier. Mais l'appel marin m'ayant interpellé en plein sommeil et ne pouvant décliner l'invitation de Posicillon même, j'avais gagné la barque du pêcheur. Mes bottes ensablées avaient rejoint l'onde et je l'avais laissée m"˜emporter au loin.

Oui, j'avais cédé.

L'air marin emplissait désormais mes poumons novices de ce contact tant salé, mes cheveux ondulaient dans la brise, et mes lèvres se craquelaient sous l'effet des morsures du sel et du soleil mêlées.

Piégé sous les affres de l'étoile solaire. Sans aucun moyen de rebrousser chemin.

Impuissant devant les impulsions marines. Laissé en pâture aux déchainements écumeux.

Ni rame, ni gouvernail. Avec pour seul horizon l'onde.

Mes mains s'y plongèrent avidement dans un élan insensé pour s'y rafraîchir physiquement et les idées par la même occasion. Volonté éperdue de se réveiller de ce cauchemar aqueux. Aux regards interloquéx des habitants des abîmes je compris mon erreur. J'y étais et je me rendais dans ce nul part où ce quelqu'un m'attendait.

Les couleurs chatoyantes de la diversité marine surent animer en moi une lueur d'euphorie bien vite canalisée par la peur grandissante de la rencontre avec mon futur interlocuteur. Posicillon. Effarante certitude. Lui croquant des apparences de plus en plus farfelues je me le songeais. Celui que j'avais appris à vénérer, aduler ou peut-être simplement respecter. Difficile était de faire le vide et la part des choses dans mon esprit mais il ne faisait nul doute que ma future entrevue divine m'aiderait concernant ce dernier point.

Ma tête rencontra l'onde. Un ballet de bulles vint saluer mes nouveaux compagnons écailleux tandis que mes doigts ancrés sur les rebords de la barque me maintenaient solidement du côté des abîmes marines. Mes cils sur lesquels des perles aériennes s'étaient perchées se refermaient sur mon regard d'enfant, ébahi devant ce monde aux merveilles aquatiques. Je sondais avec intérêt les profondeurs et me surprenais à distinguer des mouvements et lueurs écailleux. La barque se délesta de son voyageur et l'océan aimant m'accueillit.

Un instant apeurés par ma soudaine et étrangère apparition en leur domaine, poissons et hippocampes finirent par me recevoir, en leur domaine, en des frôlements enthousiastes auxquels je répondis par de longues caresses. Ma tunique flottait autour de moi, me dissimulant par instant la magie des lieux pour mieux me l'imposer un battement de cils plus tard.

Sans conteste le paradis avait des écailles.

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  • 3 weeks later...

Je continue de parcourir les profondeurs marines d'un regard avide m'étonnant soudain de ma déconcertante facilité à évoluer dans ce monde pourtant naturellement réservé à d'autres que moi. Un sourire amusé s"˜esquisse au coin de mes lèvres, sur lequel vient se percher une farandole de bulles. Perçant régulièrement la surface afin de satisfaire mes besoins humains, je n'en continue pas moins ma découverte du monde bleu comptant silencieusement les nouveaux compagnons qui se joignent à moi dans un ballet amusé et amusant où les tons vifs et colorés sont rois. Emerveillement du regard.

La vision de mes doigts fripés par mon contact pourtant récent avec l'onde pose cependant en moi les fondations d'une grande déception.. Ombre au tableau m'annonçant que jamais je ne serai de leur monde. Lévitant entre deux eaux, je rêve amèrement à ma vie perdue quand une vision cauchemardesque s'impose violemment à moi. Le regard ténébreux et dérangeant d'une murène plongé dans le mien me tire un tressaillement, faussant à jamais la représentation idyllique que les paisibles habitants de la mer jouaient devant mes yeux ébahis. Le contact visqueux et bouillonnant de l'invertébré s'attardant dangereusement sur ma cuisse gauche, je me décide, un rictus défigurant mon visage précédemment serein, à regagner ma piètre embarcation.

Les insultes fusent dans mon esprit, invectivant violement l'hideuse bête, cause de l'arrêt brusque de mon épopée marine. Les mains agrippées à ma fidèle barque, je tente de me hisser à son bord, plus ou moins conscient qu'il n'est pas naturel que celle ci ne soit pas venue à dériver. Mon bras touche la coque interne de mon embarcation et puis le monde bascule.. Le ciel devient océan, et je suis irrévocablement attiré vers le fond par une force inouïe et fatalement inhumaine mais je n'ai pas le temps de m'en rendre compte, trop préoccupé par la faible quantité d'air qui emplit encore mes poumons. Au dessus de moi, mon embarcation coque au ciel commence enfin à dériver. Un cri de désespoir s'échappe de mes lèvres pervenches, annonçant aux malchanceux témoins de mon trépas ma noyade prochaine. Bientôt un corps blafard errera en leur compagnie, détonnant de façon insupportable avec leurs couleurs chatoyantes, synonymes de vie. Un ballet de bulles s'échappe de ma bouche tordue de douleur tandis que l'onde se précipite à l'assaut de ma chair.

Le paradis devient enfer.

___

« Si tu ne peux t'éveiller seul, réveille toi. Je n'ai guère coutume d'accueillir âme qui vive en mon domaine il est vrai, mais plie toi à mon désir divin, homme. »

Comme face à une injonction maternelle, mes paupières se plissent plus vigoureusement, contrariées d'avoir à satisfaire les désirs d'autres même de l'autre côté du miroir. Je suis mort, et je n'aspire qu'à ce que ce constat s'impose à lui.

« Humain. »

Une imprécation. Courte mais lourde de sous-entendu, toutefois je continue ma rébellion infantile, persuadé d'être dans mon droit. Persuadé d'avoir mérité le repos que cette voix rocailleuse se permet allègrement de troubler.

Mon esprit vagabondant se glisse de mes lèvres entrouvertes et tisse précautionneusement un cocon à la blancheur éclatante dans lequel ils nous enferment tout deux, se coupant des tracas du monde constitués uniquement de la présence dérangeante d'un autre. Cet autre à l'aura inimaginable qui l'étouffe et le repousse plus loin, aux confins du possible, pour finalement briser les barrières dressées entre réalité et divinité.

« Comment te nommes-tu ? »

Approche judicieuse à laquelle je ne peux m'empêcher de soupirer un « Naxorm » entre les fils soyeux qui caressent mes lèvres. A ma réponse, une douleur sourde étreint ce qui reste de moi, suffisant à m'arracher des hurlements stridents. Mon enveloppe nacre se désagrège, imposant à mon esprit fragile celui terrifiant de l'auteur de mes meurtrissures.

« Comment te nommes-tu ? »

De nouveau la réponse implacable s'impose à moi, mais pourtant je la réprime durement derrière mes dents serrées, redoutant une nouvelle meurtrissure.

« Comment te nommes-tu ? »

Insistante la voix s'acharne sur mon corps pourtant lavé de toutes plaies carmins, s'insinuant partout, se faisant mon unique obsession. Partout où mon regard vide se pose, se dessine en lettres d'or la redoutable interrogation..

Le silence s'impose dans le paysage neige, mais la voix continue de résonner en écho dans mon esprit, percutant avec dureté mes parois crâniennes.

Je rassemble les fils de mes pensées tentant en vain de broder un canevas qui, je sais, ne sera qu'éphémère.. Mais salvateur.. Je n'aspire plus qu'à réchapper à cette interrogation des trop dérangeantes, gageant jusqu'à mon intégrité psychique. Pure folie qu'il ferait d'accepter.. Sourire carnassier à l'idée de me jouer de lui. Bien vite suivi d'un brasier s'enflammant aux portes de ma chair. Une réponse, vite, quel qu'elle soit, mais vite !

« Je n'en sais rien ! »

La douleur s'estompe à mesure de la croissance terrifiante d'un rire caverneux. Je me recroqueville sur ce qu'il reste de ce moi que je ne connais pas, pansant mes plaies de pleurs salés à l'excès. La douleur se ravive par l'épanchement de mes larmes, mais je ne peux me résoudre à les faire cesser. Tout n'est que peine et fardeau depuis mon arrivée sur ces Terres, j'erre à fleur de peau.

« Inhumain cet entêtement dont vous vous comblez à vous parer sans relâche.. »

Le déchainement guttural reprend tandis que mes mains se plaquent sur mes oreilles, se refusant à admettre l'impensable. Entre mes paupières, la vision d'un géant écailleux se dessine. Me dardant de son arme aux fourches acérées, il se moque allégrement de mon sort, poursuivant son monologue riant.

« Tu ne sembles guère apprécier mon jeu de mots petit homme.. »

« Par pitié, laissez moi.. »

Supplication susurrée..

« C'est justement cette même pitié qui m'a fait te mener jusqu'à mon propre domaine. »

L'incompréhension ne parvient à franchir les remparts pourtant malmenés par les intempéries mentales de mon esprit, la faiblesse s'étant définitivement imprégnée en moi, je ne porte plus que de l'intérêt à mes douleurs physiques Peinant à respirer, je renonce finalement à utiliser mes dernières forces en lui formulant une réponse. Il attendra. Le Dieu attendra. Si une lueur de lucidité a vacillé dans mon regard, elle n'est désormais plus.

« C'est le moment. »ã€€

Sa voix lèche toujours mon corps enflammé, mais je sens sa présence se dissiper. Doux euphémisme à la vue de l'aura imposante de mon hôte céleste. La blancheur m'entourant se dilue cependant dans un ciel azur. L'air marin emplit de nouveau mes narines, je me sens revivre.

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La salinité s'insinue dans mes pores alors que des milliers de lames me perforent la chair. J'hurle et broie violemment les quelques auteurs de mes tourments qui sont à ma portée. Mes doigts se referment avec dureté sur le sable que je griffe avec fougue. Ils me le paieront, tous.

___

De profonds sillons strient le banc de sable sur lequel je suis allongé de tout mon long. Le regard fixé depuis un temps immémorial sur la grotte caverneuse qui se dresse avec affront devant moi, je tousse violemment. Des glaviots de sangs s'échappent de mes lèvres pourpres que mes mains sableuses viennent essuyer machinalement, marquant mes joues de peintures de guerre improvisées.

Je parviens à entendre une nouvelle fois leurs chuchotements lascifs qui ne cessent de m"˜inviter à les rejoindre, et leur adresse de nouveau un regard envieux. Regard tendre qui se brise sur l'épaisse muraille rocheuse qui nous sépare.

Je laisse la brise caresser mon visage, tentant en vain de rassembler une once de courage pour me mouvoir jusqu'à elles. Mais de courage, j'en suis démuni. Comme de tout d'ailleurs, mis à nu sur une plage algueuse, je tends une main suppliante vers celles qui se prétendent pouvoir soulager mes peines.

A ma supplique, un souffle marin s'engouffre dans la caverne pour me revenir paré d'images délicieuses, et d'exquises saveurs.

La pénombre régnant dans mon corps mourant devient lumière éclatante.

___

L'onde lèche amoureusement mes doigts. Leurs chants désormais plus proches m'annoncent milles délices charnels, et je sens mon corps vaciller dangereusement sur le précipice sur lequel je me tiens. Des remous viennent finalement troubler la sérénité du champs cyan que je surplombe. Les chants deviennent mélopées érotiques tandis qu'un rayon perçant la grotte se répercute avec violence sur un rocher particulièrement écailleux. Les couleurs se jettent avec fougue dans mon regard blessé, tournoyant avec délectation dans le crépuscule qui jusque là l'habitait. L'onde semble soudain s'animer, habillant sa robe cobalt de milles parures. Ivres de ce spectacle inhabituel, mes épaules se penchent, m'entraînant funestement à leur suite. Plus bas, encore plus bas. Jusqu'à me faire devenir danseur de ce ballet hypnotique. Egaré dans cette peinture surnaturelle, j'admire les traits de pinceaux compulsifs qui ne cessent de me frôler voluptueusement ajoutant au croquis de nouveaux attraits charmeurs.

Tourbillonnant entre les présences aquatiques, je me laisse enivrer par leurs saveurs écumes. Des baisers langoureux s'accrochant de temps à autres à ma chair aux sens enflammées, j'exhibe avec hardiesse mon corps meurtri. Des doigts cajoleurs glissent sur ma peau, et je m'enorgueillis de ces contacts présageant un aboutissement idyllique. Une langue salée se jette à l'assaut de mes lèvres, s'entrouvrant à cette invitation sans équivoque. Je ne parviens pas à distinguer ma nouvelle compagne de jeu mais me l'imagine avec force de détails. Autour de moi, l'eau s'agite avec davantage de violence que précédemment, ses occupantes semblant s'enrager de l'attention portée plus particulièrement à l'une de leurs sœurs. Des mains se précipitent sur ma chair pour se la disputer amoureusement, des langues salées s'y épanchent me tirant quelques tressaillements d'extase.

Nouvelle facette à mon paradis.

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Mon regard ne parvient plus à suivre les mouvements furtifs de mes amantes, toutefois je leur ai accordé, dans ce que je pensais être un moment de lucidité, la nature de sirène. Merveilleuses anges des eaux.. Les chants se poursuivent, mon bonheur n'a plus de fin. Mes rêves sont désormais réalités, mon corps gémissant cède sous leurs caresses.

Entre songe et réalité, j'oublie jusqu'à même ma fin prochaine, désormais résigné à n'être plus que Naxorm. Jusqu'à la toute fin, jusqu'à ma toute fin je n'aspirerai plus qu'à mêler mon entité à la sienne.

Un gémissement énamouré s"˜échappe de mes lèvres entrouvertes. Les baisers se font carnassiers, satisfaites de mon dévouement sans faille, elles entourent ma chair de les leurs. Seule l'onde me rappelle encore vaguement où se situent ciel et terre. Egarement et émerveillement se mêlent. Mais la musique change. Brutalement. Avec horreur, mes yeux s'écarquillent de douleur, des morsures lacèrent ma chair bleutée et des nuages pourpres tâchent mes draps aqueux. Je sens mon trépas approcher alors que les démons écailleux assouvissent seulement leur faim. Carnage.

Des lambeaux de ma chair s'enfuient entre leurs crocs alors que je me débats furieusement. Leurs baisers continuent de me couvrir le corps toutefois je discerne enfin la brûlure que laisse chacun de leur passage. Salive empoisonnée. Je hurle de rage devant ma nouvelle déconvenue, maudissant encore une fois ces terres désolées. Mes mains se refermant durement sur la gorge de l'une de mes amantes, je tente de me frayer un passage vers un promontoire rocheux. J'ai certes pied, mais ne suis pas à même de vendre chèrement ma peau le corps entravé par l'onde. Les coups continuent de pleuvoir sur ma chair, la saveur du sang emplit désormais ma gorge. Goût ferrailleux.

Le corps zébré de griffures, je me traîne vers ce que je pense être un refuge, mes amantes toujours durement agrippées à moi. Plus d'une fois je trébuche et chancelle, mais enfin le contact ferme et froid de la pierre se fait ressentir. Un regain d'espoir bien vite balayé par la fougue avec laquelle elles s'efforcent de me maintenir en leur domaine aqueux. Gifles griffues, coups de crocs, tout est bon pour que je ne vienne jamais à quitter vivant leur caverne.

Mes muscles mis à nu par leurs heurts se contractent pour hisser difficilement le reste de ma chair sanguinolente sur le terre plein caillouteux, opposés à mon sauvetage que sont les tapis d'algues visqueux qui refusent avec ferveur mon ascension. J'hurle de nouveau, une nouvelle zébrure carmin orne désormais ma main, mais son origine loin de noyer mon courage le ravive. Un silex. Affuté. Tranchant. Présage de mort.

Le coutelas improvisé fait son œuvre me libérant le chemin vers l'esplanade rocheuse. Un sourire désormais carnassier s'affiche sur mon visage tuméfié. Sauront-elles payer le prix ? Décidé à en emporter le plus grand nombre avec moi dans l'au-delà, mon corps entame une danse macabre dans laquelle elles ne sont plus que proies. Les membres sont sectionnés, les visages éborgnés. Quiconque parvient à se hisser jusqu'à moi est refoulé dans l'instant. Ma chair gagne de nouvelles meurtrissures mais qu'importe elles tombent une par une et moi je demeure, là, imperturbable face à leur rage démoniaque. L'odeur du sang les aliène, et bientôt elles gagnent plus nombreuses mon ilot rocheux, me mettant encore plus à mal. Mais une nouvelle fois je les repousse avec hargne.

Les cadavres s'entassent, qu'importe mes pieds meurtris les foulent pour faire encore d'autres victimes à ma folie. La lassitude face à ces terres hostiles guide ma main tremblante, je n'en puis plus, je les hais tous, je hais ce que je suis et là où je suis. Et c'est de cette haine vivace que naît la mort. Pourtant au creux de mes reins la traitresse fatigue m'étreint et je me sens faiblir. A cette sensation honteuse, le combat reprend. Un combat qui ne semble pas avoir de fin. A chaque épanchement de sang, mon trépas semble s'éloigner et je m'en enorgueillis. De là renaît la vie.

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Le sang.

L'onde n'est plus qu'une vaste mer pourpre où baignent les corps mutilés des reines des eaux. Diaboliques succubes.. Qui viennent encore m'assaillir lorsque mes jambes faiblissent.

Mes mains poisseuses de lymphe poussent les cadavres au bas de mon promontoire rocheux, me matérialisant un espace préservé de tout vice. Nombreux, trop nombreux sont ces êtres pour que ma seule force en vienne à bout. Et pourtant je vacille mais me complais encore et encore à jeter à l'eau les corps sans vie. Mes lèvres pansent mes plaies de leur salive salée, pour cracher plus loin ce qui reste de leur passage.. Du sang et du venin aux saveurs amères. Qu'importe je vais mourir. Tachons donc d'être présentable aux auréolés en apparaissant lavé de tout pêché..

Une main crochue a pris appui sur mon domaine. Râle inhumain présageant l'émergence d'un corps aux milles plaisirs. Ma main se referme en étau sur mon arme improvisée. En voilà une autre.

La chevelure poisseuse et pourtant ô combien délicieuse de l'être aqueux me fait face, dissimulant à mon regard désormais coutumier de l'obscurité son visage angélique. Je me décide à reculer pour la laisser gagner pleinement ce qui est devenu mon territoire, résolu à enfin admirer ce qui cherche hardiment à me tuer. Mon regard erre sur son corps. Ses formes généreuses, sa chair imberbe.. Ses mains éclatantes de blancheur se révèlent pourtant être dangereusement tachetées de carmin.. Qu'importe je relève mon regard pour venir le plonger dans la nudité de sa gorge. Beauté infernale.. Dont je n'aspire plus qu'à m'abreuver goulûment. Pourtant le silex reste imperturbablement ancré dans mon poing blanchi par la tension émanant de mon corps. Ma méfiance s'endort toutefois lorsque relevant de ses doigts ses cheveux vermeil j'entraperçois son regard de braise. Fille des eaux qui sait éveiller en moi les flammes du désir.. Flammes qui se font brasier quand ses lèvres s'entrouvrent pour découvrir une langue concupiscente.

Ma main libre se tend vers elle en un égarement compulsif. Jaugeant mon invitation d'un battement de paupières, elle glisse son corps vers moi, lascive. Des perles de sueurs s'accrochent à mes sourcils, tandis que j'entrouvre mes mains devenues moites. L'étreinte avec mon silex se fait plus réservée, et je me perds de nouveau dans son regard. Les relents de la mort tourbillonnent avec affolement autour de nous. Mais je n'ai de yeux que pour elle, elle et sa beauté céleste. Fille de Poséidon.

Poséidon ? Une vague appellation qui ne me rappelle plus grand-chose. Qu'importe, mon attention se reporte de nouveau sur ma muse aux écailles. Mon corps tremble d'excitation alors qu'elle s'approche encore davantage, s'arrêtant par moment pour mieux me faire languir. Eveiller ma folie.. Si c'est-ce qu'elle souhaite, elle l'obtiendra.. Mes dents se referment violemment sur ma lèvre inférieure et je gronde d'impatience. Dangereuse ? Certainement.. Et tant mieux, notre joute amoureuse n'en sera que plus jouissive.

Mes doigts se lèvent vers son visage mais n'osent la caresser. Pudeur insensée. Son visage arbore un sourire carnassier, broyant l'humanité qui me reste. Ses mains crochues s'emparent des miennes pour mieux me les plaquer contre sa poitrine invitant à la débauche. Mes lèvres se jettent à l'assaut des siennes tandis qu'elle esquive et me mord sauvagement à la gorge. Des grenats gouttent le long de mon échine, réveillant les sens qui avaient pu jusque là rester assoupi. Ne faire plus qu'un. Volonté inébranlable partagée par nos deux corps, mais dont les moyens pour y parvenir différent. Sa morsure se fait plus brûlante, et je gémis d'impatience. Mais tandis qu'une nouvelle fois elle raffermit sa prise, un mauvais pressentiment m'assaille. Elle va me perdre, et me faire perdre. Pensée bien vite suivie d'un violent coup que je lui assène au niveau du bas ventre. La pierre s'enfonçant sévèrement dans sa chair, elle gémit mais ne lâche prise, me tailladant furieusement la gorge de ses crocs acérés. Je tente de me dégager avec difficulté et la poignarde de nouveau. Ma main meurtrière ne s'arrête plus, je tranche sa chair, la fouillant avec perversion de mon arme affutée. Ma respiration se saccade, essoufflé que je suis par mes efforts vains et par l'étau de sa gueule. La pluie de mes coups devient crachin.

Blancheur aveuglante.

Mon esprit vagabonde privé de sa geôle charnelle, et de nouveau une aura incommensurable l'oppresse et finalement le terrasse.

« As-tu enfin saisi ta réelle teneur mon ami ? »

Aucune réponse.

Qu'ais-je à lui dire après tout ? Un simple et bête oui ou non.. Et pourtant je m'en abstiens, cherchant étrangement la présence maléfique de la succube afin de mieux la dissiper dans le sang.

Je sens mes viscères se contracter : on me fouille. Mon esprit tente de se refermer face à ce contact obscène mais sans y parvenir de toute façon la sensation a déjà disparu.

« Visiblement non. »

Implacable.

« Je ne t'oublierai pas, tâche d'en faire de même homme. Et veille sur elle, peut-être saura-t-elle davantage que toi un jour nous apporter une réponse. »

La présence se retire, les limbes me laissent m'échapper et de nouveau je me retrouve en proie aux crocs de la bête. Le contact rassurant avec le froid du silex me tire toutefois un sourire. Tout ne semble pas être perdu. Une nouvelle fois je la darde de coups alors que ma main s"˜accroche à son bras poisseux de sang.. Puis.. plus rien.

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