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Terre des Éléments

En terre inconnue


Naxorm
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Je tenais encore la missive dans mes mains, seul signe de ma non démence. De mes doigts écorchés je resserrais mon emprise sur ce parchemin salvateur. Il y avait de la vie ici. Soupir d'apaisement.

Mais où étais-je ?

Je jetais un coup d'œil aux alentours pour finalement n'apercevoir qu'avec inquiétude les dunes sableuses de la Terre d'Aqua. Le sable, toujours le sable.. J'avais eu beau faire le tour de ce qui semblait être une presque'île voire peut-être même une île à mon grand désarroi, je n'avais vu que du sable. Si des touffes herbes maigrichonnes tentaient de se rebeller contre leur adversaire rocheux de temps à autre, elles étaient bien vite réfrénées par les ardeurs marines. Ma chair n'était plus que sel, chair que je caressais de mes doigts enflammés afin d'en saisir la réelle teneur.

Était-ce cela les vertus bénéfiques de l'eau ? La corrosion croissante de votre enveloppe charnelle et la sensation d'étouffement qui mord votre gorge..

Bien loin était sa semblante faculté de purification.. Ou alors était-ce justement ce qui se tramait sous mon regard perplexe ? Les écumes marines dans leur course effrénée me lavaient-elles de mes péchés.. ? Et là, le corps bercé par les relents salés, mes mains meurtries s'agrippèrent avec fureur à mes cheveux noueux. Où étais-je ? Qui étais-je ? Malheur de Malheur ! Quelle était cette punition divine que je m'étais vu infligé avec tant de hargne..

Saoul de ces interrogations tant déstabilisantes pour un esprit autant affaibli, je ne retins pas mon corps quand, ivre de détresse, il bascula dans l'immensité couleur soleil.

--

Pépiements agacés.. Sourire intérieur. Il semblait qu'Evrâ se préparait à m'asticoter de ses pics bien sentis, oh oui, je l'entendais déjà la malicieuse puinée, elle et ses familiers râles exaspérés quand elle venait à me surprendre dans un moment de faiblesse. Mes muscles se crispèrent, prêts à bondir sur la teigneuse au prochain piaillement si propre à la gente féminine.

Alors je décomptais silencieusement.. Quatre.. Trois.. Deux.. La grognasse m'avait griffé ! Douleur violente au poignet. La lumière s'était engouffrée sous ma paupière, j'apercevais déjà entre les interstices de mes doigts resserrés les boucles blondes de ma sœur. Ah Evrâ..

L'image s'est dissipée. Mon regard ne cesse de balayer l'horizon. Où suis-je ? Evrâ.. Evrâ ! EVRA ! Mon corps se meut, je le sens s'arquer de douleur et finalement s'élever pour fouler la plage en quête de son double charnel. Brisé, il apparaît comme brisé cet être qui parcourt la plage en tout sens les bras repliés en porte voix hurlant de tout son saoul des sonorités qui se perdent au vent.. Alors, je détourne le regard comme honteux de cette démonstration sentimentale. Mes mains se portent involontairement à mes lèvres abimées par le sel. Humide, gluant. De la salive. Ma salive. Elle s'écoule en abondance de mes muqueuses endolories au rythme saccadé de ma mâchoire. Il semblerait que je dise quelque chose.. Que je crie quelque chose, en prêtant attention je peux d'ailleurs le deviner entre mes hoquets larmoyants.

Il serait question d'une «Edrâ» ou peut-être «Evrâ», oui «Evrâ» sans nul doute.. Ma.. sœur puinée ? Je haussais les sourcils avec perplexité. Une sœur ?

Le ballet frénétique d'un volatile à proximité finit par attirer mon attention. Un réflexe des plus idiots me fit finalement me lever et me diriger vers lui. Las de ce corps qui ne m'écoutait plus je n'opérais aucune résistance.

Un pigeon, c'était un pigeon. La bestiole à l'esprit visiblement quelque peu tourmenté ne cessait de sautiller sur le sable tout en me tendant l'une de ses pattes duveteuses. C'était à n'y plus rien comprendre. Que signifiait tout ceci ?

Et tandis que je m'emparais du volatile afin de mieux me saisir du message qu'il me destinait mystérieusement, je songeais..

Avais-je réellement une sœur puinée répondant au prénom d'Evrâ ? J'en doutais sérieusement.

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  • 2 weeks later...

« Naxorm, tel est ton nom.. »

Une crispation de mâchoires pour accueillir cette ô combien miraculeuse révélation. Froncement de sourcils agacés suivi d'une danse effrénée du regard. Qui se jouait ainsi de moi ?! Qu'il se montre ce couard que je le dépèce avec application et délectation ..

Le messager s'était envolé, me laissant avec ma solitude et ce parchemin à la teneur des plus étranges. Devant l'impossibilité de me saisir des indices même moindre qu'aurait pu me fournir le volatile, je fulminais de rage. C'en était trop. J'étais las. Las de ce monde et de ces mystères. Je n'aspirais plus qu'à me réveiller d'une paisible nuit de sommeil en charmante compagnie parmi mes couettes duveteuses.. Le doux contact de la chair chaude à mes côtés, le souffle rauque de ma compagne encore essoufflée de notre nuit de jeu.. Les arômes des mets en train de cuire un étage plus bas, du ragondin caramélisé aux figues.. Les murmures apaisants dont je berçais mon amie l'incitant sans doute autant à quitter le monde des songes qu'à y demeurer.. Sa chevelure blonde qui cascadait sur ses hanches couleur miel.. Le sucre de ses joues rosies par l'éclat de son innocence.. Mon exquise Evrâ..

Evrâ..

Evrâ..

Tintement éraillé, mélopée brisée.. Eclat du cristal.

N'étions-nous pas frères et sœurs l'instant précédent ?!

La traîtrise de mes souvenirs m'acheva et le sable chaud m'accueillait de nouveau. Faiblesse du corps, faiblesse de l'esprit. Furtif espoir que personne ne m'épiait avant de me perdre dans le néant. L'obscurité. La pénombre. Je m'y noyais avec avidité, m'enfonçant toujours plus profondément dans l'inconnu. Cet inconnu qui ne m'effrayait plus autant, celui qui en une phrase avait su me cajoler et m'apprivoiser à jamais. Ces quelques mots murmurés qui eux seuls suffisaient à m'ancrer dans la réalité.

« Naxorm, tel est ton nom.. »

Des feu follets d'ombre s'emparaient de moi avant de me rejeter vidé de toute sensation plus loin, leur ballet tourmenté durait et durait, il ne devrait jamais cesser jusqu'à la toute fin. Jusqu'à la toute fin, je ne serai que Naxorm, celui qui oublie.

Naxorm.. Naxorm, celui qui n'a ni père, ni mère. Ni passé, ni futur et encore moins de présent. Seul, balloté par l'écume nacrée d'une destinée qui ne lui appartiendrait plus, il errerait parmi les limbes qu'on lui avait dévolu et désigné comme la Terre des Eléments.

« Naxorm, tel est mon nom .. »

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Elancements mentaux, souffrance crânienne. Une main endolorie qui se porte sur sa sœur de chair pour l'emporter en un geste bien plus haut sur un regard hagard meurtri par l'action solaire.

« Naxorm.. »

« .. Naxorm.. »

Des chuchotements langoureux qui se font hurlements funestes pour ne jamais oublier la fragilité de ce qui me retient ici. « Naxorm.. » Soupirs qui se meuvent en soulagements à l'idée que plus aucune interrogation ne viendra me tourmenter sous peine d'être anéanti au seul rappel de mon nom, Naxorm. « Je suis Naxorm, et vous vous n'êtes rien. »

Rappel à l'ordre.

L'obscurité me quitte, les flammèches ténébreuses s'enfuient en un cri strident. Une mouette. Une mouette sur le ciel azuré.

« Où suis-je ? Qui suis-je ? »

Brûlure, ébullition sanguine, abrasion de la matière grise contre les parois osseuses en une unique clameur « Naxorm. » ..

Térébrant émergement, Naxorm et moi nous nous relevions avec peine, endoloris par notre sieste cauchemardesque. Après quelques salutations échangés courtoisement, il me délivrait ma mission du jour. Å’uvrer sous les affres du soleil jusqu'à l'arrivée de la nuit. Mes bras tressaillirent, tentant de montrer physiquement leur désaccord à leur nouveau propriétaire. Peine perdue, l'homme les rabroua d'un regard meurtrier.

Je me contentais de leur adresser un regard empli de pitié et d"˜impuissance, nous étions trop faibles. Mes jambes se mouvaient sous l'ordre psychique de Naxorm, je n'y opposais aucune résistance. Après tout mon nom était et demeurerait à jamais Naxorm.

Les dunes défilaient sous les hurlement stridents des oiseaux de mer, les bâtisses aux portes ensablées apparurent enfin, et je redoutais silencieusement les raisons pour lesquelles je me rendais là-bas. Mes craintes furent réduites au silence par les crissements de mes pas monocordes. La case réservée aux commerçants d'armes se dressait désormais devant nous, du moins était-ce que j'avais appris lors de mes escapades de découverte quelques décans plus tôt. Si je tentais d'ancrer mes pieds dans le sable fuyant, il ne sembla pas s'en apercevoir, pénétrant dans la masure de bambous avec une détermination dans le regard qui était loin de me rassurer.

Manara s'affairait à ranger ses étals dans d'effrayants tournoiements de cape, si celle-ci souhaitait terroriser ses visiteurs, preuve était faite que c'était bien réussi. Je refreinais ma marche rapide et tentais d'obliger mon corps à faire demi tour. J'avais compris. J'avais compris ce qu'il attendait de moi, et je n'étais pas prêt à lui céder. Certes j'avais atterri ici bon gré mal gré mais il était exclu que je participe à la vie de cette contrée. Je me laisserai mourir de faim plutôt que de me mêler aux habitants de ces terres et ainsi marquer mon appartenance à Aqua. J'étais étranger et je le resterai. Je fuirai, je retournerai chez moi.. Ce chez moi que je n'avais jamais connu.. Ni père, ni mère, ni passé..

« Assez ! » Silence durement imposé. Naxorm en avait décidément autrement. Un grimoire vint se placer entre mes doigts rougis par le soleil. Usagé, à l'aura pétrifiante il ne m'inspirait rien de bon. Mais Naxorm tel étant mon nom, je me devrais de l'utiliser. Et tandis que la commerçante me dévoilait un sourire disgracieux, je me détournais. Le sang d'autres m'attendait.

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