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Terre des Éléments

Une nuit de plus...


Eleidon
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Le souffle martelant l'onde obscure qui stagne à quelques pas de là. Le réveil du fauve au pied de la maison du diable. Une capuche s'écarte, retombe mollement sur les épaules. La lueur glauque du marais se prend dans l'enchevêtrement de ma crinière, perdant de son éclat, comme aspirée par l'obscurité de l'âme y résidant. Une inspiration. L'air ambiant entre dans mes poumons. Saturé d'humidité, aux relents de décomposition. Les lambeaux de brume se déchirent sous le passage du prédateur qui se meut, tels des suaires fantomatiques.

Stature imposante, bien loin de la musculature fluette et du teint cadavérique caractéristique de la majorité de la profession. Pourquoi les pratiquants des magies obscures souffrent-ils de l'obscurantisme qui tend à les montrer tels des pantins dépenaillés, en haillons et d'une minceur maladive ? Sans doute de la faute à des types comme Drealath, quand j'y pense ça ne fait aucun doute. Comment peut-on cultiver à ce point le mauvais goût ? í€ cette question jamais réponse ne sera donnée, mais cela importe peu. De fait, il semble que je préfère ne pas connaître la réponse, tant l'éventualité d'une détérioration de mes points de vue sur le personnage me paraît un passage obligé.

Mais enfin, peu me chaud ces pérégrinations mentales dans l'immédiat. Derrière le brouillard, c'est le terrible croassement des crapaud-buffles qui s'acharne sur le sommeil immortel des morts-vivants du village jadis englouti par la furie aquatique. Un récurage en règle accordé par le très-haut, à l'inverse que l'idée de propreté semble n'avoir pas effleuré son subconscient lorsqu'il a déchaîné la furie des éléments sur la région.

í€ mesure que j'avance, mes pas se font plus sûrs, mes jambes plus agiles. Je retrouve les miasmes fétides si chers aux zones marécageuses d'un passé pas si profondément enfoui. Mais ces souvenirs d'un temps où mon nom était encore inconnu ne me font plus aucun effet. J'ai gagné en confiance. Le lustre du temps pâtine mon armure qui s'articule habilement à chacun de mes mouvements. Nul besoin de dorure, les éraflures superficielles ne font que démontrer sa qualité en tant que protection.

Un rauque feulement se fait entendre derrière les ramures. Depuis quelques temps le monstre de légendes a mis bas, et ses œufs arrivés à maturité éclosent. Mais le dragon n'est plus depuis un moment le dernier chaînon de la chaîne alimentaire. Les hommes, seuls ou en groupe, se sont fait traqueurs, et parviennent à mettre à bas les terribles bestioles. Leur sang légendaire éclabousse les mousses des berges, nourrit la terre. Leur sang mais pas seulement. Mûs par cette étrange soif, des armées se percutent, laissant derrière elles morts et blessés. Et encore une fois le sol s'abreuve du sang des vaincus.

Carnassier. Oui, l'homme est carnassier. Pas besoin de monstruosité reptilienne pour menacer la sérénité de la mère au foyer, qui se terre tremblante derrière ses volets clos à l'heure où les ombres rôdent. L'homme est un loup pour l'homme. Ainsi avait parlé un philosophe. Avant de rendre l'âme, victime de sa propre faiblesse qu'il pensait suffisante pour le protéger. Tous les érudits finissent un jour ainsi...

Un autre philosophe avait clamé : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort »

Autre proverbe auquel mon propre sang bouillonne. C'est tellement vrai, tellement simple, et pourtant si complexe.

En proie à une faiblesse physique résultant directement de la façon dont j'avais traité auparavant mon corps, j'avais avancé au bord du gouffre béant, qui tel un léviathan irrépressible n'attendait que de m'avaler.

Le futur qui m'était prédit allait pourtant devoir attendre. Tel un funambule, dansant en équilibre sur la corde raide de ma propre destinée, je sus choisir la voie qui allait permettre ma résurrection. Peu de questions furent posées, les réponses plausibles étant trop inquiétantes pour susciter plus qu'une méfiance domptée publiquement par une indifférence feinte.

Carnassier oui. C'est avec un sourire carnassier que je déroule mes pas, et que se trace le chemin qui me mène jusqu'à la source d'une nouvelle tragédie. Cette nuit encore, les feulements s'éteindront. Flamèches insignifiantes de vie dont les lueurs naissantes s'éparpillent déjà vers d'autres cycles de renaissance. Parcelles d'âme dont le corps n'a pas soutenu les vents brûlants de sa destinée. Morceaux épars de carapace, coquille vidée de son souffle. Réalité perdue.

Pas pour tout le monde...

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