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Terre des Éléments

En effeuillant le chrysanthème


Guest Nadhir
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Guest Nadhir

Une disparition.

Un vide.

Un horrible sentiment de d'avoir loupé quelque chose, d'avoir laissé passer une chance, de n'avoir pas sauté sur l'occasion.

Et maintenant, trop tard?

Un peu...

Combien de temps a passé déjà, sans avoir ne serait-ce que l'espérance d'une nouvelle?

Beaucoup...

Et pourtant, depuis cette rencontre, comme j'y repense...

Passionnément.

Des rumeurs me sont parvenues, des cauchermars, le pire de mes doutes. Puis-je les croire? Où me mèneront-ils?

A la folie.

Peut-être que c'est trop dur, qu'il vaut mieux oublier, me faire une raison, tirer un trait. En suis-je capable?

Pas du tout.

...

Une rumeur, je n'ai que ça à me mettre sous la dent.

Des racontars. Des invectives parfois.

Un démon à l'apparence d'une rose.

Une rose aux couleurs des Enfers.

Lors de mes balades sur Melrath Zorac, parfois, je me suis retourné, j'ai eu une impression étrange le long de ma colonne vertébrale. Vu et être vu.

Un groupe d'Enfers, des silhouettes. Des armes brandies.

Des auras qui ne sont pas toutes de feu.

Des démons qui n'en sont pas tous.

Mais aucune certitude.

Je me suis forcé.

Forcé à les approcher, pour savoir.

Pour essayer de me persuader, dans un sens où dans l'autre.

Et quand on s'approche trop d'une flamme, on se brûle.

Une fois.

Deux fois.

Trois...

Quatre...

Des démons, destructeurs, assoiffés de sang, assoiffés de mon sang. Ma prudence qui s'étiole au fur et à mesure que ma curiosité, ma soif de savoir me poussent plus loin. Toujours plus près. Et toujours la mort.

Un chrysanthème à effeuiller, au lieu d'une marguerite.

Une fois... un peu.

Deux fois... beaucoup.

Trois fois... passionnément.

Quatre fois... à la folie.

Je suis en route une fois de plus, à la rencontre d'un démon, qui pourrait enfin me convaincre.

Leur avant-poste a été détruit. Ils ne peuvent plus s'y réfugier comme naguère. Ils doivent se faufiler à l'heure qu'il est entre les ombres, entre les innocents.

Une forêt, à écouter les arbres, à les entendre me prévenir. Une forêt, que peu de démons oseraient fouler du pied.

L'attente, le gibier. Aujourd'hui, c'est moi qui suis prêt, moi qui suis assoiffé.

Il en viendra un, démon.

Mon coeur saute à l'espérance que ce soit elle.

Et il se brisera de savoir que c'est elle qui est tombée en Enfer.

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Du silence...

Ca soulage.

Après le vacarme de l'acier, les cris et les râles, les appels au secours ou au meurtre, un peu de silence, enfin... Un peu de solitude...

J'ai la tête qui bourdonne et du sang un peu partout. Le mien, le leur... Ca pue. J'entends le ruisseau qui tintinnabule. De l'eau fraîche, propre. De l'eau pure. La source est proche, je la connais. Remonter un peu le cours rocailleux, et la voilà qui jaillit entre deux rochers.

Je plonge les avant-bras dans la petite cascade, le froid me saisit, mais le sang s'écoule... De longues minutes sans bouger, les mains tendues. Puis me jeter de l'eau à la figure, sur les épaules, les jambes. Tout ce rouge me dégoûte.

J'ai froid, maintenant... Je dégouline. Là, plus loin, une flaque de soleil entre les frondaisons. Je traverse le ruisseau un peu en aval, puis je gagne le bout de clairière. Je n'aime pas trop le soleil. Mais j'ai trop froid.

Il y a un rocher gris, je m'y adosse, jambes croisées, tête baissée. Et j'absorbe. Je silence, la chaleur. J'absorbe, je me vide et je m'emplis à la fois... De choses sans âmes, sans vie, sans mort. De choses qui existent ou disparaissent sans que j'aie rien à y voir. Des choses infiniment plus grandes que moi.

La chaleur et le silence. Les yeux clos, le soleil est trop vif. Je le sens qui cuit la peau de mes épaules et de mes bras. Je m'en fous. Cette chaleur-là n'est rien, cette brûlure est bonne, à côté de la chaleur et du feu d'en bas... Et ce silence délicieux...

Bruissements de feuilles...

Crissements d'insectes...

Oiseaux...

...

Tiens, non, pas d'oiseaux.

C'est étrange.

Et cette brise qui sifflote un air de rien.

Quelque chose s'éveille.

Une sensation qui vient de derrière la tête.

Je ne suis pas seule, ici.

Il y a quelqu'un d'autre.

Un ou plusieurs, je ne sais pas.

Hostile ou pas, aucune idée.

Rester immobile, sens en alerte.

Il finira bien par bouger.

Ou elle.

Ou eux.

Modifié (le) par Eyleen
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Guest Nadhir

Attendu.

J'ai préparé. Communié avec la forêt qui n'aime pas ces démons. Pas eu besoin de beaucoup de temps pour la convaincre. Des branches qui se croisent, des feuillages qui s'épaississent, quelques lianes qui se tendent.

Pas un piège, je n'y ai pas le temps, ni la volonté d'ailleurs. Juste de quoi me donner du temps. Juste de quoi entourer cette présence enférienne et la ralentir, si elle tente de fuir. Je ne sais que trop bien ce qu'une bête sauvage est capable de faire quand elle est poussée dans ses derniers retranchement, au milieu d'un piège, la seule sortie possible étant l'égorgement du piégeur. Laisser de quoi fuir. Mais pas trop vite, toujours trouver la végétation sur son chemin, qui la freine, la fait changer de direction, me donner le temps de lui arracher quelques paroles, quelques informations.

L'enfer qui remonte le cours d'eau, comme pour venir brûler à sa source... Quelque chose d'anti-naturel là dedans...

Ce n'est encore qu'une présence, dont la rougeur est colportée par la forêt. Répugnance et attraction en même temps. La forêt est partagée.

Ce pourrait être un indice, ce pourrait être un signe. Caché par les arbres, porté par la terre, sans bruit, je m'approche, portée de vue.

Une silhouette, au dessus de la source. Fine, élancée, féminine, mon coeur commence à battre plus fort. Une chevelure d'argent. Des reflets violets. Du rouge qui s'écoule.

Mon coeur qui loupe un battement.

Eyleen, enfer. La rumeur, et mon pire cauchemar, qui se réalisent à l'instant devant mes yeux.

Comment...?

Quand...?

Pourquoi...?

et si...?

Que des questions qui s'entrechoquent dans ma tête, beaucoup qui attisent ma colère, certaines que je n'ose même mener à leur terme, toutes qui me prennent à la gorge, et me laissent sans voix.

Observer alors. De loin, attentif, sans bruit, ma respiration contrôlée, corps avec l'environnement, étudier, comprendre.

Le feuillage s'ouvre pour laisser passer mon regard, et je prête ma vision à la forêt, témoin comme moi de ce qu'elle fait.

Mouillée par l'eau fraiche de la source, elle reprend une couleur plus naturelle. Naturelle pour elle, celle qu'elle ma montré comme une cicatrice, la dernière fois que je l'aie vue. Sombre, reflets bleu-mauve sous le soleil.

Elle frissonne. S'installe contre un rocher, en pleine lumière, en plein soleil.

Je ne sais plus.

C'est toujours la même, et pourtant tellement changée.

Elle est là, à un jet de pierre de moi, seule, presque à portée de main, tout ce dont j'ai rêvé depuis que j'ai quitté sa grotte, depuis ces dernières semaines interminables...

Et maintenant?

La confirmation de mes craintes me suffit-elle? Un trait pour effacer définitivement celle que j'essayais de découvrir? Ce serait la plus sage décision. La certitude de la perte, point.

Tu parles. Ce serait une vie, ça?

Il faut que je lui parle, qu'elle me dise, qu'elle...

Elle a changé, je le sais, qu'est-ce qui lui fera me parler? Qu'est-ce qui lui empêchera de viser ma gorge, comme tous les autres Enferiens rencontrés jusqu'à aujourd'hui? Qu'est-ce qui me permettra de l'entendre, sa voix perdue au milieu des mille cris et râles de mort qui doivent la hanter?

Un calme de mort sur les arbres. Je retenais ma respiration sans m'en rendre compte. La forêt s'en est émue, y a réagi. Eyleen a dû entendre ce silence, éveiller son attention.

Maintenant.

Mes pas qui m'approchent, sans hésitation, des pas mesurés, non pressés, même pas silencieux. La prendre par surprise, je ne sais comment elle réagirait, probablement trop vite. Des pas menaçants, elle ne m'attendrait même pas.

Peut-être qu'une proie, innocente, inconsciente du danger, ça garderait son attention assez longtemps...

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Ca y est.

Un seul pas.

Léger et souple, mais pas un pas féminin.

Décidé. Lent, cependant. Pas quelqu'un qui attaque, et pas quelqu'un qui fuit. Et pas quelqu'un qui contourne non plus, pas un de ces sournois qui s'embusquent.

Je garde les yeux fermés. J'entends mieux, plus clairement, je perçois plus nettement les vibrations ténues du sol. Et de toute manière le soleil m'éblouirait.

Frisson nerveux le long du dos, froid malgré la chaleur de la roche. J'ai tellement de mal à rester immobile, envie d'essuyer mes paumes moites sur mes cuisses. Je n'arrive pas à déterminer si ce pas est une menace, et pourtant, on dirait que quelque chose a décidé pour moi. Plus le pas s'approche, plus la frayeur sinueuse et glacée se coule dans mes entrailles. Danger, danger, très grand danger. Les remous violents qui agitent la brume, dans ma tête, la brume salvatrice qui ferme l'horizon du passé, et me garde des monstres d'hier. Danger. Tu as déjà rencontré des visages qui déchiraient la brume, l'espace d'un instant. Ce visage-là pourrait la chasser au loin.

Je sais, il n'y a aucune raison pour que qui que ce soit ait un tel pouvoir. Aucune raison qu'il soit plus ou moins dangereux que n'importe lequel de tes souvenirs. Aucune raison d'être aussi tendue, aussi angoissée. Il suffit de tuer, ou de partir. Ou les deux. Cette terreur n'a aucun sens, réfléchis. Il se rapproche, réfléchis. Ce pas rythmé, fluide, c'est rare une telle souplesse, chez un homme, une telle maîtrise, chaque mouvement contrôlé, chaque mot, la voix, ne laisse pas le son de la voix te remonter à la mémoire.

Fuis.

Maintenant.

Surtout ne pas le regarder.

Le plus vivement possible, me porter sur les genoux, bloquer mes pieds décroisés contre le rocher, et plonger, droit dans les broussailles. Un seul bond, loin. Rouler sur l'épaule en touchant le sol, vive douleur, la branche qui dépassait m'a arraché la peau. Je m'en fous. Rouler jusqu'à reprendre pied, me détendre à nouveau, foncer droit devant moi.

Et surtout pas un regard.

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Guest Nadhir

A peine quelques pas, et je l'entends bouger.

Des broussailles qui frémissent, un cri étouffé, et une fuite.

Peut-être était-ce le plus sûr pour moi, peut-être avons nous évité le sang.

Mais je n'ai pas l'intention d'en rester là, Eyleen. Que crois-tu, que ta fuite est une réponse pour moi?

Comment pourras-tu t'éloigner assez de moi pour que je ne sente plus ce vide?

Tu veux courir?

Tu veux foncer dans ces lianes qui te feront perdre pied? Peut-être t'écorcher. Oh, ça ne t'arrêtera pas bien longtemps, non, mais ça ne m'empêchera pas de te rattraper. Tant que tu restes à portée de ma voix.

Mes enjambées se font plus larges, la terre ploie légèrement sous la plante de mes pieds avant de me propulser, élastiquement, chaque fois un plus loin. Les vieux rouages félins, à moitié endormis, se remettent à tourner, lentement d'abord, puis plus rapidement, à mesure qu'ils s'échauffent.

Une image me traverse l'esprit. La dernière fois que j'ai chassé une biche, quand j'étais jeune, le plaisir de courir allié à la nécessité d'attraper son prochain repas. C'est un plaisir et une nécessité aujourd'hui encore, quoique tout autre.

Eyleen

Presque un murmure, à peine plus qu'un souffle.

Eyleen...

Plus fort déjà, et les arbres qui colportent ma voix, la réverbèrent, toute la forêt s'en emplit, la propage, l'amplifie. Une voix qui l'entoure, une voix de multiples nuances, celle qu'elle a entendu bien des fois en des circonstances toujours différentes. Une voix qui marque.

De quoi fuis-tu?

Tu m'as toujours tenu tête, souviens-toi!

As-tu donc tellement changé?

Où est-ce de toi-même que tu fuis maintenant?

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Pas seulement un écho. Le son vient de partout. Le son vient de l'intérieur de moi.

J'ai pilé net, une seconde, puis je suis repartie, dans une autre direction, n'importe laquelle, à travers tout, les branches me cinglant le visage et les bras, et les racines traîtresses qui cherchent à capturer mes bottes... Et la voix s'est élevée encore. Comme si les arbres eux-mêmes appelaient mon nom, tissaient les mots entre eux comme un filet, un piège. Mais je refuse d'entendre. Je refuse d'arrêter de courir, et je refuse de me laisser rattraper par le bruit derrière moi, le bruissement de feuillages qui me poursuit, qui me talonne. Je serre les dents et je fonce.

Un fourré trop épais, je change de direction brutalement, un ruisseau, un bond, un arbre mort, un autre bond, le sol sous mes pieds, je me concentre sur le sol, les buissons, les rochers et les arbres. Courir, et oublier pourquoi. Ignorer le bruit derrière, ignorer la voix, et ignorer la moquerie qu'elle recèle... La moquerie fait mal. Plus mal encore que le point de côté qui me vrille les côtes. Si j'ai changé ? Ce que je fuis ? Je n'en sais rien. Et je fuis justement pour ne pas avoir à le découvrir.

Croit-il qu'il que je suis ce genre d'adversaire qui bout si on égratigne sa fierté ? Qui se hausse du col et monte sur ses ergots dès qu'on sous-entend qu'il pourrait être lâche ? Je ne suis pas ce genre d'adversaire, et s'il le croit, il fait erreur. Celui qui fuit plus faible que lui est un lâche. Celui qui combat trop fort pour lui est un imbécile. Celui qui s'arrête de courir pour évaluer la situation est un imprudent. En l'occurence, je laisse mon instinct décider. Il a décidé que celui qui me poursuit est une menace. J'ai appris à l'écouter, mon instinct. Récemment, plus encore que... que par le passé. L'intinct ignore la brume, et il sait.

Cette voix me rend folle.

Je force l'allure.

Les poumons me brûlent.

Devant, un amas de rochers. Me concentrer sur les appuis, les prises, faut-il grimper, contourner ?

Trop haut. Contourner.

Sans ralentir, j'oblique à gauche, à travers les fougères.

Je vois la souche beaucoup trop tard.

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Guest Nadhir

Un instant, j'ai cru qu'elle s'arrêterait, ne saurait plus où aller, tant les échos de ma voix devaient l'entourer de tous côtés.

Mon élan me fait dépasser l'endroit où elle a bifurqué, subitement.

Ma voix se fait un peu plus rauque, plus essoufflée. Revenue à peine à un murmure, elle continue néanmoins à faire frissonner les feuillages.

Eyleen.

Parfois, j'entrevois un éclair blanc qui se faufile entre les arbres, parfois, c'est un craquement de branche qui me guide.

J'aurai pu la rattraper déjà. J'aurai dû. Mais je ne cours plus assez, je n'ai plus mes jambes d'antant, plus autant de souffle, plus autant de grands espaces comme seul terrain de jeu.

Plus sédentaire, me réussit pas, ça.

Elle hésite, cherche l'issue, perds quelques mètres sur moi.

Et puis elle tombe, sèchement. J'ai mal pour elle, et en même temps, c'est comme un soulagement, une opportunité, une chance de reprendre mon souffle aussi.

J'arrive sur elle, je ralentis. Elle relève à peine la tête, la secoue.

Elle a dû voir mes pieds, pas très loin d'elle.

Pas si près pour ne pas être dangereux, mais suffisament pour lui montrer que si elle se relève, je serai sur elle avant qu'elle ait fait deux pas, si elle bondit, peut-être risque-t-elle de trop forcer sur ce pied qui a pris un bon coup.

J'ai aperçu un regard vers moi, brillant, violet, rempli de quelque chose comme de la peur, de la haine, un peu perdu aussi.

De la haine.

Et en un éclair, je repère aussi cette cicatrice... non, cette marque. Comme brûlée au fer rouge. Une marque trop souvent vue, trop souvent associée à des regards sans pitié, à des rictus machiavéliques, à tout sauf... des sentiments.

Et là ça me frappe.

On m'avait prévenu, qu'elle pouvait être devenue elle aussi un démon.

Je l'avais sentie, cette aura rouge sang, qu'ils trimballent tous derrière eux comme une odeur putride.

Et là je l'ai devant moi. Elle, qui me regarde comme n'importe quel autre démon le ferait. Elle, marquée au fer, à même sa chair.

Je pouvais encore me raccrocher à une espérance que ce n'était pas vrai, que ce n'était pas elle, que ce n'était pas sa volonté.

Mais ses yeux qui reflètent son âme, me laissent-ils une quelconque chance?

Eyleen...

'Nea Ce souvenir d'un minotaure, aux yeux de braise, la hache plus grande que moi, et qui pourtant évoquait tendrement celle qu'il avait alors sous sa garde. 'Nea.

A moitié pensé, à moitié murmuré, Où est-elle donc partie, elle? Que lui est-il donc arrivé? Comment...

Le regard sur elle. Fixe. Vitreux.

Faiblesse, j'ai baissé ma garde.

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Rencontre avec le sol, brutale, atténuée par les fougères, mais je courais vite. La douleur qui explose dans la cheville, et en plein front, là où il heurte une racine. Quelques secondes étoilées, lumières noires qui dansent... Quelques secondes d'hébétude. Beaucoup trop de secondes.

Quand je reprends mes esprits, il est là. Tout proche. J'ai vu ses pieds à côté de moi, la panique m'a tordu le ventre, j'ai relevé les yeux, réflexe, mauvais réflexe. Le bas du visage, et les reflets d'or pâle sous le capuchon. Une résonnance au fond de mon cerveau, encore un visage que j'ai connu, mais pourquoi est-ce qu'il me terrorise à ce point ? Est-ce qu'il m'a tuée, est-ce qu'il a fait du mal à... à... à qui au fait ? Remous tournoyants de brume, non, non je ne veux pas voir...

Il ne frappe pas. Il parle. Et c'est pire encore.

Il dit le nom, encore ce nom, et puis il prononce cette courte syllabe... Personne ne sait. Personne ne connaît cela sauf elles. Elles... qui ? Vrille de souffrance qui entrouvre la brume, un souvenir, des voix de femmes, je grimace et je bronche comme un cheval qu'on cravache. Brusque flambée de colère, ce nom est à moi, à moi seule, plus personne ne le possède, que moi.

Du sang qui coule dans mon oeil, ça pique, je l'essuie d'un revers de la main en me redressant sur un coude. Encore du rouge, encore du sang. Je croyais avoir vu assez de sang aujourd'hui. Les étoiles noires se dissippent enfin, je vois plus clairement la forme debout, mais je refuse de relever les yeux encore, c'était une erreur. Il ne frappe pas, tant mieux. Tant pis. Je roule sur le côté, me ramasse pour me relever, les dents serrées et les yeux obstinément rivés sur ses genoux. Ma tête résonne et ma cheville hurle. M'éloigner, au moins jusqu'au tronc. M'appuyer pour essayer de me lever. Essayer.

Et retomber.

Laisse tomber la fuite.

Tu n'iras nulle part.

Reste à te tenir prête, l'épée est restée dans la clairière, mais les deux fines dagues sont toujours logées dans les tiges de tes bottes.

S'il approche, tue-le.

Tant mieux s'il n'approche pas.

Tant mieux aussi si il s'éloigne.

Je halète.

La course, et la douleur aussi.

Et puis la trouille, maudite trouille rampante.

Il ne frappe pas, il ne bouge pas. Il n'accuse même pas.

Ses questions n'ont aucun sens.

Ses questions...

Elles font mal.

Alors mordre.

Partie par là, ta 'Nea. Le loup l'a chopée, mais si tu cours, tu trouveras peut-être encore les os.

Laisse-moi.

Crachés les mots.

Entre deux halètements rauques.

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Guest Nadhir

Elle bouge, elle remue, sans même se relever, se rapproche d'un tronc d'arbre.

Je la suis, gardant cette distance de sécurité entre nous, aussi bien pour ma protection, que pour la sienne.

Près à réagir, si elle essayait de me prendre par surprise.

Tente de se relever, s'adosser, mais apparemment sa cheville ne lui permet pas. J'ai une grimace qui reflète la sienne, alors qu'elle retombe, au pied de l'arbre.

Un pincement au coeur, elle souffre elle aussi. D'une blessure à l'instant? Seulement?

Elle fuit mon regard, plus encore que la douleur, plus encore que ma présence, là, alors qu'elle est en position de faiblesse.

Faiblesse? Tu parles! Ses mains ne tremblent pas, elles gardent l'assurrance de la guerrière.

Peut-être que sans ses appuits, sans pouvoir oublier sa cheville, son allonge est moindre, mais elle reste mortelle.

Et surtout, elle garde tout son piquant verbal, la rose... Quelque part, ça me rassure. Un signe de reconnaissance. Jamais battue, Eyleen, même lorsque j'avais toute l'armée des Constellations contre elle et ses roses de soeurs, même quand j'avais toutes les cartes en mains pour faire plier sa volonté. Et toujours là.

... toujours là.

et pourtant.

Je fronce les sourcils. Est-ce bien encore elle? A-t-elle continué à se battre?

Ses soeurs ont disparu, celles qui l'ont acceptée comme humaine, celles parmi lesquelles elle semblait se sentir chez elle, à l'aise. C'est ça qu'elle aurait cherché - trouvé? - en descendant en Enfers? Ou est-ce qu'ils n'ont fait que faire revivre son autre moitié, celle qui lui a donné ces couleurs si particulières, sa peau, ses cheveux, ses yeux, sa haine...

Laisse-moi.

Tu voudrais ça hein?

Qu'est-ce que tu disais, il y a quelques semaines? Que l'on arrêtait pas de trouver des sujets qui fâchaient?

Oui oui...

Un sourire, plus incisif.

Elle m'a pourtant encore l'air bien en chair, la 'Nea. toujours très bien d'ailleurs.

Et encore bien prompte à la répartie.

Quel loup l'aurait attrapée alors, quel loup ne se serait pas étranglé en croquant ses épines?

C'est qu'une rose, ça ne se cueille pas comme ça.

Même moi j'ai eu du mal, à en cueillir, malgré ma serpe acérée, malgré mon habitude à l'herboristerie.

Je n'aime pas les couper. J'aime les voir fleurir.

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Charabia sarcastique auquel je ne comprends rien. Juste que j'ai senti son regard me glisser dessus comme s'il était matériel, et que ça m'a fait l'effet d'une longue griffe sur un tableau noir. A moins que ce ne soit ces allusions à des épines et à des roses, que je ne saisis pas, mais qui me ricochent douloureusement à travers la tête. Long frisson, appréhension, nervosité, colère. Encore un qui prétend savoir des choses sur moi que j'ignore. Encore un qui cherche à jouer sur je ne sais quelle corde sensible depuis longtemps rompue, mais dont les bouts effilochés me titillent de l'intérieur. Salaud.

Les loups sont carnivores, crétin.

Tes images me passent bien loin au-dessus, alors laisse tomber les jeux d'esprit, je suis pas d'humeur.

Si tu as quelque chose d'intéressant à dire, dis-le.

Sinon, merci de me foutre la paix.

Même plus craché, presque grondé cette fois.

Il s'enhardit, il parle plus longuement.

Peut-être même qu'il va s'approcher d'un pas ou deux.

Ma jambe repliée est tout près de ma main, je vois presque la dague à travers le cuir.

Les yeux fixés sur ses pieds, sans dévier, je me prépare, je me tend.

Respirer profondément, chasser la peur, la remplacer par la sourde vibration d'avant le combat.

Ca marche toujours.

Ici encore, ça marche.

A merveille.

J'ai presque envie qu'il s'approche à présent.

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Guest Nadhir

Crétin.

Et depuis quand est-ce que j'aurai à suivre scrupuleusement l'éthologie et le régime alimentaire d'un lointain cousin pour faire passer mes idées, hhhmmm? Toujours à trouver la petite bête dans ce que je dis, Eyleen, de ça, tu ne pourras me faire croire que tu es quelqu'un d'autre.

Et pourtant, pourquoi continuer à se braquer ainsi, pourquoi réagir comme si nous ne nous connaissions pas, comme si ne s'était passé, rien ne s'était dit entre nous...

Ou si? Quelque chose d'intéressant à dire...

Il y a une question en suspens entre nous. Une réponse à lui donner, depuis le temps, et une autre à lui demander. Je n'ai plus eu l'occasion, depuis cette conversation à l'ombre de l'arbre. Sa disparition. C'est la première fois que je la revoie depuis lors. Est-ce que cette question qui lui tenait tant à coeur, elle y aurait répondu elle-même par mon silence?

Qui ne dit mot consent. J'ai donc consenti à la voir comme la mi-sauvageonne qu'elle s'est toujours convaincue d'être? Comme cette erreur de la nature, refusée par tous les siens, les uns comme les autres, proscrite de partout, chez elle nulle part?

Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'aurai voulu dire autre chose, le contraire, mais je n'en ai pas eu le temps.

Aurait-elle interprété ainsi, et nourri sa déception, sa haine, de ce moment-là? Serais-je la seule raison de sa rage, de sa folie meurtrière chez les Enfers? Serais-je...?

Holà! Les pieds sur terre mon gars. Responsable de tous les maux d'ici-bas, ça te plairait, mais c'est te donner bien trop d'importance.

Et puis... Que ferait-elle alors? Ne me verrait-elle pas simplement avec haine, me tenir tête, me provoquer.

Oh, ses paroles oui.

Mais son regard...

Toujours fuyant, je n'en vois quasiment que le blanc. A peine un éclair violet. A peine de quoi plonger, comme déjà tant de fois, dans cet abîme de mystère. Elle devrait me regarder. Me prendre de haut, même si c'est moi qui suis debout, et elle accroupie. Pas regarder mes pieds, comme un gosse pris en faute, comme un gosse qui se referme, comme un gosse qui craint... Quoi?

Lui foutre la paix, dit-elle.

Un regard étonné, incrédule. Comment?

... La paix à peine répété.

N'est-ce pas ça le fond de l'histoire? Plus fort.

As-tu donc oublié notre première rencontre? Toi, Tallulah, Roxanne, venues en paix, et reparties en guerre, pour ne pas avoir accepté que nous ne soyons pas pacifistes à outrance? Toi qui a défendu bec et ongles tes soeurs, ta position, au nom de la seule paix. Toi qui n'a jamais levé ne serait-ce qu'une griffe sur les nôtres, alors qu'ils te pourchassaient? Toi qui aurait déjà pu plusieurs fois me trancher la gorge, si telle avait été ta volonté, ton envie. La forêt s'est tue, seule ma voix qui perce, et qui gonfle encore.

Aujourd'hui tu tues, tu détruis, sans même y penser? Ah oui, bien sûr, ton héritage, c'est lui qui a repris le dessus alors, hein? Facile de se croire prédestiné à la haine, quand on descend d'une race meurtrière! Et pourquoi ce n'est plus ta propre volonté, qui commande tes actes plutôt que ce que l'on t'a forcé dans la tête?

Regarde moi! Crié. Sans doute réverbéré, je ne me suis même pas rendu compte.

Mon regard qui perce, les sourcils froncés, je veux qu'elle voie ce qu'il y a dans mes yeux. Faire tomber ma capuche, pas d'ombres qui trompent, pas de faux semblants. Juste moi.

Je me fous que tu sois pour moitié une elfe des grottes. Le ton qui retombe, qui reprend un peu de calme... Tout ce que j'ai vu en toi, c'était ton comportement fraternel, droit, fier, avec tes soeurs, avec cette grande peluche de SEPPA, avec Anamaya, avec moi... Quelqu'un en qui je pouvais avoir plus de confiance même qu'avec mes propres frères des étoiles. Quelqu'un que j'aurai voulu connaitre plus encore, découvrir...

... ne pas laisser sombrer. Plus qu'un souffle.

En parlant, je me suis accroupi à son niveau, un pas en avant, poussé par mon aveu.

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Les noms.

Ils me percutent, comme des poings qu'on ne voit pas.

Je n'ai pas de souvenir de ce dont il parle, mais les noms résonnent... J'aurais du frapper avant qu'il les dise.

Avant... Il se réfère à un avant qui a disparu pour moi, qui dort dans la brume, qui dormait... Mais les noms éveillent les images, et j'entrevois à peine une image, même pas une image, un sentiment, colère, dégoût, amertume. A peine des visages, fermés et tristes. Deux femmes. Et cet homme. Les voix... Les voix filtrent à travers la brume. Les mêmes voix, les voix de femmes. Je ne comprends pas les mots.

Il vocifère, il accuse, et moi je n'écoute pas vraiment, j'essaie d'oublier que je ne suis pas sourde à sa voix, et aux leurs.

Il est facile de fermer les yeux, mais on ne peut pas s'empêcher d'entendre.

Héritage... Et là les images changent, sombres, les visages aussi, plus sombres, plus froids. Mais ce qu'il dit... c'est faux. Ce qu'il croit est faux. Je le sais. Mais je ne sais plus. Je ne sais plus rien.

Il crie maintenant. Et moi j'ai envie de rire. Le regarder, hein ? Plutôt crever. Il sait trop de choses, et il les croit trop fort. Un vent de tempête fait tourbillonner la brume, et j'ai trop besoin d'elle pour prendre le risque. Je garde les yeux baissés, férocement baissés, les dents serrées et les poings aussi.

Il parle encore. Encore des noms, encore des images d'avant, et le son d'une grosse voix inhumaine, des bruits familiers, que je n'arrive pas à reconnaître, conversations, rires. Des rires...

J'ai fermé les yeux, brièvement, au souvenir des rires.

Je ne l'ai pas vu s'approcher, juste entendu le bruissement d'étoffe, tout près.

Mon poing fermé est sur ma botte, un geste suffit.

Le sang apaise la brume et la rend opaque et rouge.

C'est toujours comme ça que ça a marché.

Mais ça marchait parce que ce qui était derrière la brume était douloureux et sombre.

Les rires... Est-ce que le sang suffirait, cette fois ?

Est-ce qu'il est assez près, seulement ?

Je rouvre les yeux, rivés au sol. Prudemment, je les fais glisser vers lui. Juste un peu trop loin pour que le geste soit assez rapide. Il risque de réussir à esquiver, et je ne crois pas que j'arriverais à le poursuivre. Il faut qu'il approche encore. Il faut qu'il oublie le danger, que le trouble dans sa voix soit plus fort.

... le trouble...

La brume se tord violemment, une image trop nette, un bouquet d'arbre, et un homme assis qui me fixe.

Je referme les yeux, vite, j'essaie de respirer lentement pour calmer la brume, recouvrir l'image, mais c'est de plus en plus difficile...

Le son de la voix, la même voix, calme, sereine, tellement plus sereine que maintenant...

Respire... Respire et ne pense à rien, juste au vide gris et rouge, pense au Juge et à sa face de cauchemar, pense à la mort du Juge, pense à la souffrance et aux sarcasmes, au mépris ricanant, du ricanement au gargouillis, au râle, imagine son regard qui s'éteint...

La voix chaude et anxieuse, elle n'est pas couverte par le râle du Juge...

Il faut qu'il se taise...

Il le faut...

Ma voix est mince comme une corde qui finit de s'effilocher. Mince et rugueuse et faible.

Je ne sais pas de quoi tu parles. Ni de qui. Ni rien.

Je ne porte aucun héritage, je n'ai pas de soeurs, et tu as raison de parler de confiance au passé.

Je ne sais même pas ce que tu me veux, alors laisse-moi tranquille.

Tais-toi et va-t-en.

Ou approche.

Mais dans ce dernier cas tu meurs.

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Guest Nadhir

Elle bouge à peine. Juste la respiration, contrôlée, qui fait onduler sa poitrine. La mâchoire serrée, toujours à regarder tout sauf mes yeux. Qu'ai-je donc fais à Fimine pour mériter ça?

Quelques paroles. Elle n'a jamais été très locace, Eyleen, de ce que j'ai pu en entendre. Jamais dit un mot de trop, juste les suffisants. Décidés toujours, incisifs souvent.

Ces derniers-là ne le sont pas tant que ça. Rien à voir avec les précédents, qui étaient bien agressifs.

Ceux-là sont défensifs, ils reculent, ils essayent de se convaincre eux-mêmes.

Y parviennent-ils?

Sans ses yeux, je ne peux faire que des suppositions.

Il y avait une possibilité que sa rancoeur ne soit que contre moi. Elle est effacée par ces derniers mots.

Envers tout le monde, même ceux en qui elle avait toute confiance auparavant. Celles pour qui elle aurait donné sa vie, jusqu'à...

Jusqu'à ce que l'on n'entende plus parler d'elles. Aucune rumeur qu'elles aient elles aussi fait leur chemin vers les Enfers, ou ailleurs. Juste disparues, sans laisser de traces, sans laisser d'adresse. Elle, elle est restée. Et elle arbore maintenant ce signe qui me fait serrer les dents chaque fois que je le vois.

Tu ne sais pas ce que je te veux?

Je ne suis même pas sûr de savoir moi-même. Il y a quelques semaines, ça aurait été de te connaître, parler plus avec toi, se découvrir mutuellement.

Maintenant...? Je ne sais plus. C'est un vide que j'éprouve en moi. Un vide qui a ta forme, ta silhouette.

J'ai peu souvent été aussi confus avec moi-même. Celle avec qui je parle pour le moment, ce n'est pas toi.

Ce n'est pas l'Eyleen que je connais. Je ne sais pas qui tu es, toi, et j'ai peur de découvrir vraiment.

J'ai l'impression que toi-même tu ne sais plus. Que tu te caches, ou que tu t'es oubliée.

Je ne sais pas non plus ce que tu veux, toi. Est-ce que tu te complais dans ces massacres?

Est-ce que tu te bats contre ce qui te force? Ou est-ce que tu ne t'en rends même pas compte?

Une pensée pour Anamaya, qui m'avait rappelé qu'Eyleen avait besoin d'espace, n'était pas accoutumée à la proximité.

Tu crois que je fais bien, Ana? Tu ne crois pas qu'il faut que je tente?

Une inspiration. Une expiration, lente, calmante.

Tu ne m'as pas l'air dans ton assiette, Eyleen. Je ne te reconnais pas.

Et je ne pense pas que te laisser comme ça, toute seule, sans essayer de te donner un coup de main, ce soit le comportement d'un am...i.

Respirer, contrôle, pas laisser ça déraper... mais il y a d'autres mots qui m'étaient venus à l'esprit.

Trop encore. Que puis-je dire avant de savoir vraiment à qui j'ai affaire? Elle pourrait si facilement rire de moi, elle...

Un coup d'oeil sur son pied, qu'elle semble tenir avec plus d'attention.

Tu as dû te faire mal, il vaut mieux que je jette un coup d'oeil, je dois avoir quelques herbes qui calmeront la douleur.

Un mouvement vers l'avant, pour retirer sa botte.

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Paroles emplies de doute, d'hésitation. Des mots qui en cachent d'autres, des mots de sollicitude, incongrus, m'aider, quelle drôle d'idée...

M'aider... Et s'approcher pour ça.

Maintenant.

Il a posé une main au sol, un genou. Il a avancé l'épaule, la main... et la gorge.

C'est le moment d'arrêter de penser, d'oublier remords et doutes.

Le moment où le corps perçoit et réagit, où toute souffrance morale disparaît.

Plus de peine, plus de manque, plus de peur.

Plus que le mouvement, la lame.

Plus que la cible.

Mes doigts ont plongé sous le rebord de cuir, trouvé l'anneau de métal. La dague a glissé dans ma paume comme si elle n'attendait qu'une caresse pour jaillir. Et dans le même mouvement, large cercle, la lame a sifflé vers son cou.

Etrange silence.

Etrange impression que tout est ralenti.

Du flou dans son mouvement qui s'interrompt, qui dévie.

Ses yeux qui s'écarquillent.

Ses yeux...

Je ne voulais pas voir ses yeux.

Je ne devais pas...

Je n'aurais pas du...

Trop tard.

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Guest Nadhir

Elle était assise, là, à moitié par terre, à moitié sur sa jambe droite, je me suis approché, mes mains ouvertes, tendues vers sa cheville douloureuse, et la botte qui la recouvrait.

Un serpent qui me guettait dans l'ombre de sa botte, tapis, enroulé, comprimé à l'extrème, comme un ressort près à se détendre.

Il aura suffit que j'approche la main, que je traverse cette barrière invisible qui est la différence entre la vie et la mort, l'indifférence et l'urgence. Un serpent de métal qui attaque, fluide, désespéré, affamé.

Un éclair qui reste gravé au fond de ma mémoire. J'aurai apprécié la technique, à une époque, la furtivité de la lame, le mouvement direct, ample, précis, élégant.

Mais aujourd'hui, il me surprend, je n'y crois pas, je ne veux pas y croire.

Je serre les dents en sentant le fil de la lame mordre dans mon avant bras.

Heureusement qu'elle était assise, sans appuis, en arrière.

Heureusement qu'elle a visé mon cou, trop loin, au lieu de mon poignet, trop sûr de lui et exposé.

Heureusement qu'il ne me fallait qu'un réflexe, pour bloquer son bras en y opposant le mien.

Dans mon réflexe, j'ai lancé ma main gauche en avant, m'attendant au même serpent de l'autre côté.

Trouvé son biceps, forcé en arrière avec mon poids.

Repoussée la tête la première contre l'écorce de l'arbre, la tête droite, et le contact.

Contact de la lame froide avec ma chair.

Contact de nos regards, enfin, ses yeux dans les miens.

Pas de parole, ma machoire serrée comme ma main sur son poignet, comme la dague sur ma blessure.

Mais il n'y a plus que ses yeux.

Ses yeux fixes dans les miens, se reflétant l'un l'autre.

Ses yeux enfin. Si proches, si lisibles, si... terrorisés?

Pas cette peur que l'on chasse lorsque l'on se bat, non...

Pas cette peur qui survient quand on a raté, et que l'on ne peut qu'attendre la vengeance en retour....

Une peur plus profonde, plus ancrée, plus permanente.

Pas de ce que je pourrais lui faire, même si mon réflexe doit me donner un regard dur, les sourcils froncés, l'adrénaline qui pompe.

Mon regard, juste mon regard... pourquoi?

Qu'est-ce qu'elle y découvrirait qui la met dans cet état?

Ses yeux, comme une mer turquoise. Malmenée par la houle. Couverte par une brume...

Brume?

Une masse cotoneuse, qui ne laisse passer que de la lumière diffuse, à peine quelques rayons incohérents, peut-être des bribes d'images. Des souvenirs. Cachés, refoulés? Et la peur, de les affronter, de les laisser la submerger, de les oublier?

Plus elle-même. Qui le serait, sans sa mémoire?

Ne pouvoir s'accrocher qu'à des faux-semblants, des mirages, des mensonges par omission.

Chérir ses souvenirs, pour affronter le futur, n'est-ce pas un de mes piliers?

Sans presque desserrer les dents, un ordre, bref.

Lâche-la.

Je pourrais aussi lui donner un coup de tête dans le nez, là, pour qu'elle la lâche, sa lame, et faire arrêter l'insidieuse douleur qui finira par me couper toute force dans le bras.

Mais il est joli, son nez.

Modifié (le) par Nadhir
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Trop lente.

Trop molle.

Trop...

Le recul, c'est ça qui a tout fait foirer.

J'aurais du porter tout mon poids en avant, et à la place, j'ai reculé.

A cause des yeux.

Et maintenant il sont plantés dans les miens, les yeux.

Tout proches.

Furieux, implacables, beaucoup plus tranchants que cette petite lame ridicule.

Ils me clouent à l'arbre, plus violemment que le poids qu'il exerce sur moi.

La tête qui fait mal, le dos aussi, plaqué sur l'écorce, le bras, il serre fort, le poignet tordu.

Même en tortillant la main pour essayer de taillader plus profond, je ne me libèrerai pas. Cette lame n'ira pas plus loin.

De toute manière je n'ai plus de force, presque plus.

Tout s'écoule par les yeux.

Ils m'aspirent.

M'aspirent...

Cette colère froide et rentrée...

Et la voix coupante.

Je me souviens d'avoir vu ces yeux me fixer, couleur chaude mais éclat glacé, et j'étais seule à les affronter, et j'avais tant de choses à défendre.

Je me souviens de les avoir vu me fixer encore, et j'étais anxieuse et tendue, cette fois ils étaient doux, juste un peu perplexes.

Je me souviens de les avoir vu me chercher.

Je me souviens de lui.

Je me souviens de tout.

Je crois que je vais crever, Nadhir.

La brèche dans la brume, je le savais que je devais te craindre.

La brèche a été percée, et tout le passé s'engouffre.

Les bonheurs perdus, et les souffrances qui restent.

Tout.

Lâcher la dague ?

Et comment est-ce que je pourrais la tenir encore ?

J'ai plus aucune force pour ça.

Aucune force pour me tenir moi-même.

Juste assez pour essayer de ne pas perdre totalement l'esprit.

Et même pas sûre de réussir.

Tout se rue sur moi, en moi, d'un seul bloc, tout, les sourires, les colères les rages et les larmes. Larmes d'enfant qui coulaient, larmes d'adultes qui ne coulaient plus jamais, jamais...

Tout, c'est un peu trop, non ?

Ca fait un peu trop peur.

Un peu trop mal.

J'en peux plus.

Et j'arrive même pas à te sortir de mes yeux...

Lâcher la dague ?

Voilà.

Lâche mes yeux alors.

Pitié.

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Guest Nadhir

Comme une rafale de vent qui vient lever la brume sur la mer.

Ses yeux se sont agrandis, ils ont changé. C'était de la peur, ce n'est plus qu'une plainte, une supplique.

Comme des embruns qui font voler l'eau de la mer, ses yeux s'embuent.

Peut-être des pleurs encore retenus, peut-être d'avoir trop regardé le soleil en face, peut-être...

La dague qui tombe, l'air frais et piquant contre ma blessure qui brûle. Une grimace à peine cachée.

Quelle Eyleen se retrouve devant moi maintenant?

La rose qui n'aurait jamais dû embrasser le blason de sang?

La demi elfe des cavernes, éduquée pour haïr tout ce qui ressemble à un humain?

L'amie à qui je devais une discussion encore?

L'enfer qui vient de retrouver ses raisons de s'attaquer à toute vie?

Une supplique. Peut-être que ça élimine deux des précédentes hypothèses, peut-être.

Je la sens comme trembler dans mes mains. Se pousser contre l'arbre, vouloir rétrécir, vouloir s'éloigner.

Reprendre les choses calmement, Nadhir, une à la fois.

D'abord...

Un coup d'oeil à la dague tombée à terre, le fil rougi par mon sang. Pas de reflets verdâtres ni de réaction sur le métal. Sa botte, à peine une ouverture dans le cuir pour y loger la lame, pas vraiment un fourreau, rien qui puisse contenir du poison sans la mettre en danger elle aussi. J'arrive à me convaincre que l'arme était nette, et propre, un souci en moins.

Un genou par terre, pour reprendre mon équilibre, sans peser sur elle. Lui rendre un peu d'espace vital, un peu d'air pour respirer. Je garde ma main gauche au dessus de son coude, garder ce contact humain, cette moitié de sécurité aussi. Je lâche finalement son poignet gauche. Plus difficilement que je n'aurai voulu, d'ailleurs, le choc de la blessure ayant fait crisper mes doigts sur elle. Contre l'écorce de l'arbre, adossée, pas très confortable, mais au moins elle tient, ainsi. Son bras est tombé à son côté. Instinctivement, j'ai noté la distance entre sa main et la dague tombée à terre. Relative sécurité à nouveau.

Je porte mon avant bras à mes lèvres, en lèche la blessure pour la nettoyer. Goût de sang, piqûre sur mon bras, une douleur qui fait du bien. Des souvenirs de détresse mêlés de tendresse maternelle me reviennent. Blessés, on revient toujours au plus profond de soi, au plus animal, au plus instinctif. J'ai de quoi bander mon bras, sans doute, pansement de fortune, mais pour l'instant, pas le temps pour ça.

Elle a nié son nom avant, j'ai besoin de savoir qui me répondra maintenant.

Eyleen?

Mon regard sur elle à nouveau, et j'ai perdu le sien.

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...oui...

Sert plus à rien de faire semblant...

Faire comme si c'était pas moi, comme si je ne me rappelais pas, comme si ça ne me détruisait pas...

Plus la peine de jouer à celle qui serait capable de lui tenir tête et même de l'éloigner. Celle qui est forte et qui se fout de tout, même de la souffrance.

La tête qui pend en avant, le bras tombé comme un chiffon. Immobile, inerte, pesante.

Je me souviens.

Depuis le premier regards d'améthyste qui se détourne de moi, jusqu'aux yeux sombres d'un nécromant qui me regarde mourir. Tout.

On dit qu'une blessure mal nettoyée se referme trop vite et s'infecte. Quand on crève l'abcès, c'est trop tard, ça sent la charogne. Cette dernière blessure-là... Elle n'échappe pas à la règle. Rouverte à présent, elle suinte en moi ses fluides ignobles et empoisonnés. Et si la douleur est plus sourde que celle que j'ai sentie ce jour-là, c'est parce que la chair autour a commencé à mourir. Parce que j'ai crevé de mal, ce jour-là, hurlé de mal, pleuré comme j'avais plus pleuré depuis l'enfance. Mais pas assez... J'ai serré les dents beaucoup trop vite. Fermé la blessure, cachée sous la violence et la rage. Couverte d'oubli bien épais...

Juste assez de forces pour essayer de tenir tout ça à distance encore un petit instant, juste le temps de me préparer à plonger le scalpel bien profond. Trifouiller la chair et enlever ce qui pue. Trouver le vif, faire saigner un bon coup. La seule solution. Inspire, bloque. Et laisse venir.

Imbécile.

Si t'en crèves maintenant c'est uniquement de ta faute.

Parce que tu savais que c'était dangereux de t'attacher à elle. Aimer c'est toujours prendre le risque d'être abandonné, oublié, trahi. Tu le savais. Tu leur as fait confiance et tu t'es trompée... Le matin où tu es revenue tu as récolté ce que tu as semé, rien de plus. Une preuve de ton propre échec, de ta propre naïveté. Comment as-tu pu croire, 'Nea, comment as-tu pu croire qu'elles étaient sincères...

Et tu ne comprends toujours pas pourquoi.

Ni pourquoi elles sont parties, ni pourquoi elles t'ont acceptée si longtemps auprès d'elles.

Tu n'auras jamais la réponse.

Accepte ça et creuse.

Leur amitié et leurs sourires étaient faux, comment pourrait-il en être autrement, alors qu'elles ont quitté les lieux sans même un regard ou un mot, sans se préoccuper le moins du monde de ceux qu'elles laissaient en arrière. Il y avait d'autres Roses, éparpillées maintenant aux quatre vents... Oubliés comme toi. Mais tu les as oubliés toi-même, plongée jusqu'au nez dans ta propre douleur, dans ta propre colère, tu les as oubliés. Tu ne vaux pas mieux qu'elles.

Accepte ça et creuse.

Parce c'est comme ça depuis le début, 'Nea. Depuis le début de ta vie maudite. Tu le sais depuis que tu sais pourquoi ils ne te parlaient pas comme aux autres, ne te souriaient pas comme aux autres. Là où les enfants étaient des cadeaux des Dieux, tu n'étais qu'une aberration, une chose vaguement menaçante, vaguement dégoûtante, la disgrâce pour ta mère, repoussée si longtemps par les siens. Elle est rentrée en grâce au bout de quelques années, ils avaient trop besoin d'elle. Mais pas toi. Personne n'a jamais eu besoin de toi. Tes amies les Roses... un joli rêve d'enfant, une soif de toute une vie, enfin étanchée, tu y as cru, Yllanea la bâtarde, tu as cru à leurs sourires, tu voulais tellement y croire... Tu as baissé ta garde, ouvert les bras. Tu serais morte pour elles. Tu meurs, oui. Et c'est de ta faute.

Accepte ça et creuse.

Regarde-toi, maintenant.

Un tas pitoyable et tremblant, saignant de partout, intérieur et extérieur.

Une chose informe qui ne se débat même plus. Dépassée, vaincue.

Vide et déserte, juste l'écho lointain d'un môme qui pleure parce que sa mère ne l'aime pas.

Tu avais oublié comment on pleure ?...

De ça aussi tu te souviens maintenant.

Une longue expiration. Irrégulière, entrecoupée.

Garde la tête penchée, laisse passer le flux, laisse saigner, laisse couler...

Ca finira bien par faire moins mal à un moment...

Il y a une main autour de mon bras...

Il y a quelqu'un devant moi...

Et ça te gêne ? Qu'est-ce que tu en as encore à foutre de ta dignité, 'Nea ? Qu'il voie, quelle importance ? Une tueuse qui se lamente. Une bête féroce clouée dans un piège et qui s'y enfonce au lieu de tenter de s'enfuir. Une lâche et une hyène qui préfère cacher sa propre douleur dans la souffrance des autres au lieu de se regarder dans le miroir et de porter le poids.

Tu es pitoyable.

Tu es pathétique.

... c'est moi...

Et c'est vraiment pas une réussite.

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Guest Nadhir

Une faible réponse, qui passe à peine ses dents serrées par le choc.

Le souvenir. Tout un pan de sa vie qui lui revient.

On dit que ça n'arrive que juste avant de mourir, de voir passer toute sa vie devant ses yeux. Et d'habitude, ce qui suit n'est pas agréable. Ca n'a pas l'air différent ici, malheureusement.

Attentif à son visage, j'essaye d'en apprendre plus. Son regard baissé, mais je ne le cherche plus, elle a déjà fort à faire avec elle-même. Des expressions qui passent sur son visage, colère, déception, dégoût, défaite...

Quelle boite de Pandore ai-je bien pu ouvrir?

C'est ça que je lui ai apporté alors? Des mauvais souvenirs, des raisons de se haïr, la mémoire du pire?

Calme, Nadhir, laisse un peu couler, c'est le contre-coup. Peut-être ne voit-elle encore que de ses yeux pessimistes. Le reste viendra plus tard, et recouvrira tout ça, lui fera oublier...

J'espère.

S'occuper d'elle, rester présent, ne pas la laisser seule...

Son front devant moi, et le filet de sang jusqu'à son sourcil me rappelle. Une sacrée chute, tout à l'heure. Ça n'a sans doute pas arrangé son état.

Ma gourde, à la ceinture, il doit rester un peu d'eau. Je vais pour la prendre, de ma main libre. Un mauvais mouvement, mon avant-bras qui me lance. Grimace. L'adrénaline qui part, et c'est la douleur qui revient, avec la promesse de me cuire, méchamment. Je repose la main, sur son genou, devant moi, moins d'effort sur le bras, ça ira pour l'instant.

Je lâche son bras, de ma main gauche, décroche la gourde. Pas trop lourde, je ne pourrais pas la gaspiller. Un morceau d'étoffe dans la poche. D'une main, j'ouvre la gourde, la bouche de l'étoffe, la retourne promptement, juste assez pour l'humidifier. Fermer la gourde, sur le sol.

Je tends la main et nettoye sommairement la coupure sur son front. Du scalp, ça saigne facilement, même pour des blessures superficielles.

Tu as la tête dure, tu t'en remettras...

Et avec ta crinière argentée, on n'y verra rien.

La laisser faire la paix avec elle-même, d'abord, ne pas brusquer.

Et s'occuper de sa cheville ensuite. Sans ça, elle n'ira pas loin.

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L'eau est fraiche...

L'air frais aussi sur ma peau humide.

Ca me dégouline un peu le long de la joue, ça fait mal, mais ça fait du bien, c'est quelque chose de réel, de tangible. J'ai relevé un tout petit peu la tête quand il a écarté la masse de cheveux qui m'était tombée devant le visage. Mais j'ai pas encore relevé les yeux... Pas le courage pour ça... J'arrive déjà pas à affronter mon propre jugement, pas encore. Alors le sien... Pas maintenant. Peut-être jamais.

Le contact du chiffon mouillé qui passe et repasse sur mon front... ça m'apaise... Je me souviens que je caressais comme ça la tête du loup quand il grondait les nuits de grand vent, quand ça hurlait dans les cavernes. Pour le rassurer lui. Et moi. Il se couchait et posait sa grande tête sur ses pattes, fermait à demi ses yeux dorés. Ca m'arrivait de m'endormir le nez dans sa fourrure, parfois. J'aimerais avoir un loup près de moi pour pouvoir me rouler en boule et dormir dans sa chaleur... Tellement fatiguée...

Quelques mots neutres, prononcés à mi-voix... La tête dure... Est-ce qu'il parle du coup de racine dans le front ou du reste ? J'ai un maigre sourire, fugace. Les joues mouillées, pas seulement de l'eau du chiffon. Les yeux dans le vague... Je laisse les images passer et repasser comme son bras passe et repasse devant mes yeux. Les douces qui me font mal parce qu'elles sont perdues. Les horribles qui me font mal parce qu'elles sont horribles. Sur celles-là j'ai parfois la bouche qui se crispe, ou les paupières ou le front. Elles me possèdent, et moi je reprends possession d'elles. Mes images à moi...

Les secondes s'écoulent... Je me laisse aller contre le tronc, la tête contre l'écorce, ferme les yeux un instant... Long soupir, très lent... Mal dans les côtes, mal au ventre, mal au coeur. Inspirer ça fait mal, expirer aussi. Vivre. Je voudrais être à nouveau toute petite et m'endormir entre les pattes du loup... Le chiffon passe et repasse, pourtant la blessure doit être propre à présent. Je rouvre les yeux. Son visage est tout proche, il est pâle, et ces yeux étranges qui lisent l'âme des gens... Je me demande ce qu'il lit de moi en ce moment. Ses mots durs me reviennent, il me provoquait pour que je lui réponde, pour que je lui dise où était cette 'Nea qu'il cherchait. Mais laquelle cherchait-il ? Il y a celle qui était seule et qui n'en souffrait plus, celle qui était au milieu d'elles et se sentait enfin complète, et puis celle de maintenant... Seule à nouveau.

Et puis celle de ce matin-là.

Folle de rage et de chagrin, folle à lier, à abattre.

Juste assez consciente de ça pour me jeter dans le premier noeud de serpents venu, avant de risquer de trucider le passant lamba qui aurait l'infortune de croiser ma course frénétique... Et j'ai trouvé les serpents. Mais c'étaient des dragons... Et ils m'ont gardée dans leurs griffes.

Je fixe le visage devant moi. Toute calme. Du reste pourquoi est-ce que je m'agiterais... Le tuer, c'est devenu complètement superflu. Et je n'en ai pas envie. M'enfuir, pour aller où, et surtout comment, avec cette cheville qui me lance. Mes démons sont en moi, je pourrais fuir n'importe où, ils me suivront. Ils ne m'ont jamais vraiment quittée. C'était idiot...

Alors ce n'est plus vraiment la peine de continuer à l'éviter, non plus. Plus trop la peine de détourner les yeux... Pour lui cacher quoi de toute manière ?... Pour me protéger de quoi ?... Tout est joué, le mal est fait. Ou le bien. Ou peu importe. Je ne jouerai pas à imaginer que ça pouvait durer indéfiniment...

Merci...

Ca va mieux.

C'est pas tout à fait vrai.

Le filet de voix cassée en témoigne.

Mais ça finira par être vrai un jour...

Occupe-toi de ton bras, plutôt.

Tu saignes.

Tiens, je redeviens bourrue.

Déjà ?

Modifié (le) par Eyleen
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Guest Nadhir

J'étais en train de laver sa plaie, au front. Je la sens bouilloner à l'intérieur, Eyleen. Mais elle a besoin de ça je crois. Se réapproprier ses souvenirs, avec tout ce qu'il y a de bon et de mauvais dedans, les refaire siens.

Elle se cale un peu plus confortablement contre l'arbre, s'abandonne légèrement à ma caresse, via l'étoffe mouillée. J'espère que ça lui fait du bien, que ça ne viole pas son besoin de solitude. J'ai un peu forcé, pas autant besoin de laver la plaie, mais de lui montrer que je suis là pour elle, peut-être...

Elle rouvre les yeux vers moi. Je réfrène un sourire. Ce serait crier victoire trop vite. Je ne me rends pas encore compte de ce qui l'anime. D'à quel point elle a changé en déchirant ce voile de brume. D'à quel point elle est retournée en arrière.

La réponse est là, juste derrière ces yeux violets. Première fois qu'elle me regarde dans les yeux, volontairement, depuis longtemps. Il n'y a plus cette peur, il n'y a plus ce danger. Mais il reste la prison. L'ile déserte au milieu de la mer. La brume la cachait. Ou peut-être cachait-elle la mer, vue de l'île.

Mal à l'aise. Ce n'est pas la première fois pourtant... Mais là, il me semble que je ne peux aller plus loin, pas comme ça, pas sans que ça vienne d'elle. Chercher la réponse, plutôt que la laisser s'exprimer, ça allait bien dans l'urgence, contre l'ennemie, mais plus maintenant.

Son remerciement me prend presque par surprise, j'étais encore en train de faire glisser l'étoffe sur son front, perdu dans mes pensées, dans ses yeux. Rien que ses yeux, rien derrière. Perdu tout de même.

Un hochement de tête, mais ce n'est rien voyons, c'est tout naturel, tout ça...

Un petit mensonge qui suit, ça va mieux. Pas convaincue d'elle-même. Mais qui peut l'obliger à se sentir instantanément bien après ça? Savoir se donner le temps pour guérir.

J'esquisse un sourire à sa dernière remarque. Typique de l'Eyleen ça. Quelque part, ça me rassure...

Le sourire se fige, ma blessure se rappelle à mon mauvais souvenir.

Oublier la douleur, ça n'a qu'un temps. Et quand elle revient...

Ma main droite laissée sur son genou, l'avant bras qui ne bougeait plus, ma concentration sur autre chose, ont laissé le temps à mon sang de couler, quelques gouttes qui tombent, régulièrement, sur l'humus.

Je me reporte en arrière, m'assied à même la terre, portant mon bras blessé de la main gauche.

J'ai bien une aiguille et du nerf de boeuf, mais me recoudre de la main gauche, moi-même, ça va pas être joli joli. Faudra que ça attende un peu.

Dans une petite pochette à ma ceinture, ma trousse de secours, quelques herbes d'urgence, pour quand il n'y a plus que ça à faire.

De la main gauche, j'en écrase quelques unes entre le pouce et l'index, avant d'en recouvrir la plaie.

Celles-ci n'aideront qu'un peu à cicatriser, mais devraient surtout apaiser la douleur. Ca me laissera quelques heures de répit.

Puis, le tissu, un bout aggripé dans ma main droite, je le fais tourner autour de mon avant-bras, pour recouvrir la blessure en longueur. Plus qu'un noeud à faire... D'une main, et des dents.

Bien serré. Bien serrées.

Je sens dans mes doigts la pression sur mon bras. Ne pas trop les bouger, et ça devrait tenir.

Je m'en serais passé, de ta dague. Toujours aussi incisive en tout cas.

Me suis retenu du sourire blagueur qui aurait dû aller avec, il aurait semblé faux.

Comment sens-tu ta cheville? Avec le peu d'eau qui me reste, et les quelques pousses de menthe là-bas, un peu de froid serait la meilleure façon d'éviter une complication.

Tant que plus aucune dague ne sort de sa botte, en tout cas...

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Je ne baisse pas les yeux, quand il parle de la dague. Je ne m'excuse pas non plus... Ca n'aurait aucun sens.

Par contre, je glisse la main droite sous mon genou, pour sortir l'autre dague, geste calme et lent, sans équivoque. Et je la lui tends, manche en avant. Voilà. Inoffensive, maintenant... Je baisse le bras. La marque... Je sais qu'il l'a regardée aussi. Comme moi.

Puis je tâte mon pied à travers la botte, et je grimace un peu.

C'est engourdi... Mais quelque chose me dit que je ne vais pas rigoler quand il s'agira de retirer cette botte...

Autre grimace. Je réfléchis quelques secondes, je regarde autour de moi, j'écoute... Oui, c'est bien ça. Le ruisseau est proche, je l'entends faiblement. J'ai du tourner en rond dans ma fuite... Soupir. Eh ben y'a plus qu'à.

Je relève le nez, bref élancement derrière l'oeil... Je le fixe à nouveau, calmement. Un maigre sourire...

On fait une belle paire d'éclopés...

Grimace à nouveau. Les yeux dans le flou, un instant... Ca ne sert à rien de tergiverser.

Je te propose un marché. Aide-moi à aller jusqu'au ruisseau pour que j'y mette cette cheville au frais. Et tu pourras poser toutes les questions que tu veux. Je ne sais pas si j'ai toutes les réponses, mais j'essaierai.

Tes questions et les miennes... Une notamment, qui commence à me faire peur.

Comment continuer après ça ?...

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Guest Nadhir

Elle me tend sa seconde dague, comme pour m'assurer qu'elle ne s'en servira plus.

Je la prends dans ma main gauche, dans un réflexe, presque sans vouloir. Et inconsciemment, je la manipule un instant. Bien équilibrée, bonne taille, juste assez longue pour faire mal si besoin, juste assez courte pour être rapide et vivace dans des mains expérimentées. J'espère ne jamais me retrouver trop proche d'elle avec tous ses moyens, et l'envie de s'en servir.

D'un coup vif du poignet, je l'envoie se ficher dans l'écorce d'un arbre, à quelques mètres. A bonne distance pour ne plus que l'on s'y pique, mais au bon endroit pour pouvoir la récupérer plus tard, le calme revenu. Et pour la lame, autant qu'elle soit fichée dans un arbre qu'à prendre de l'humidité sur le sol.

Je souris à sa remarque. Une belle paire d'éclopés. Oh oui, j'ai vu pire. Mais l'important n'est pas de boiter, l'important, c'est la paire...

En revenant à son pied, comme je l'avais suggéré, elle me surprend alors.

Un marché. C'est beaucoup dire dans sa situation, ris-je intérieurement.

Des réponses à mes questions pour un peu de l'aide que je lui aurai de toutes façons prodiguée. Non, même pas en fait. Des questions seulement, elle m'assure. Celles que j'ai déjà posées peut-être, celles qu'il me brûle encore de poser aussi. Aurait-elle envie de ces questions? Peut-être pour tester sa propre mémoire, vérifier ses souvenirs... Ou alors pour me tester moi. Pose-moi des questions et je te dirai qui tu es. Ce n'est pas connu comme maxime, mais ça mériterait...

L'urgence, c'est de mettre ton pied au frais, oui. Et j'aurai posé des questions même sans ton marché, tu sais? Je ne m'en prive généralement pas...

Sa botte... Oui, ça ne va pas être la joie pour la retirer. J'aurai pu utiliser sa dague pour l'ouvrir, mais se retrouver sans botte après, ce n'était pas bien malin non plus. Faudra serrer les dents...

Je me lève, range la gourde et les herbes que j'avais sorties. Je lui tends ma main gauche, prend la sienne, me penche en arrière pour la faire se relever doucement.

Si je n'avais pas eu un bras en manque de santé, je l'aurai bien portée, mais là, faut pas y compter. Dommage, faudra faire moins glamour.

Accroche toi à mon épaule, je ne peux pas te tenir de la droite.

Je passe sa main droite par dessus ma tête, jusqu'à mon épaule droite. Ma main gauche dans son dos, pour prendre appui sur son flanc gauche. Ma main droite le long de mon corps, je ne vais pas la forcer tout de suite...

Je prends la direction de l'eau courante, pas loin, aidant Eyleen à avancer. Quelques détours, et nous arrivons au bord du ruisseau.

Allez, je vais commencer par une question facile alors... Tu veux que je t'aide à retirer ta botte? Un coup sec, tu crois?

Moue dubitative, si c'est une petite entorse, plus de peur que de mal, ça ira. Si elle s'est un peu déplacé quelquechose, ça aurait toutes les chances d'empirer la situation...

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Des questions...

Oui je me doute qu'il en aurait posé.

On peut aussi poser des questions à un rocher. Il y a cependant peu de chances qu'il réponde...

La perspective change brusquement, une traction, et me voilà debout, mal assurée sur un pied valide, serrant les dents à l'idée de poser l'autre sur le sol. Et comment que je vais m'accrocher à ton épaule, il va juste falloir que je fasse attention à ne pas y planter mes ongles quand je... trop tard, désolée. J'ai posé le pied, j'ai eu mal, j'ai crispé la main... Heureusement que la cape de voyage qu'il porte est épaisse... Je respire profondément, trop vite, le temps que la douleur reflue, et c'est pas fini, il va falloir marcher maintenant. Même en reportant mon poids sur ma béquille humaine, je crois que je vais déguster...

Et c'est tant mieux.

Ca détourne mon attention d'une proximité aussi soudaine qu'incongrue. Le monde est devenu dingue. Il y a cinq minutes j'essayais de l'égorger. Et là il m'enlace et me soutient en me guidant vers un petit coin de ruisseau parfaitement charmant, rochers gris et lisses dans leur écrin de mousse, fleurettes mauves et feuillages odorants. Manque plus qu'un petit lapin aux oreilles roses pour complèter le... tableau. Presque. La bestiole qui détale devant nous est un écureuil roux. Je glousse brièvement. Ce serait écrit dans un livre, le lecteur trouverait qu'on exagère...

Trève de béatitude bucolique, je crève de mal, j'ai des perles de sueur au front et je tremble de partout. Cramponnée à son épaule droite, j'ai agrippé son poignet gauche aussi pour essayer de m'équilibrer, et utiliser ce foutu pied le moins possible. Mais j'ai l'impression d'avoir la cheville en papier. Du papier qui ferait mal. Oh misère... Rien de cassé apparemment, mais je commence à me demander comment je vais arriver à quitter cet endroit...

Je souffle comme un coureur de fond quand il me dépose enfin au bord de l'eau sur un grand rocher plat. J'enrage. Une stupide entorse ou quelque chose comme ça, et je me retrouve aussi vulnérable qu'un nouveau-né vagissant. C'est ridicule. J'ai besoin d'une seconde ou deux pour lui répondre tellement j'ai le souffle court. Je vire les cheveux collés sur mon front d'un revers de main rageur. Je regarde ma cheville gauche avec un air de rancune. Traîtresse. T'avais pas le droit de me lâcher. Tu vas voir ce que tu vas prendre. Je suis tentée de lui répondre oui, un coup sec et sans ménagement, mais je me déballonne au moment où j'ouvre la bouche.

Euh... Plutôt doucement, je préfère...

Je cale mon pied droit contre un rocher plus petit, plaque les mains sur la surface rocheuse et je me prépare à crier après ma mère. Façon de parler. Si je lui criais après, en admettant qu'elle vive toujours, ce serait pour l'injurier de m'avoir donné cette foutue vie qui aboutit ici à ce qu'un ennemi d'hier et d'aujourd'hui se prépare à me faire mal pour mon bien. C'est pas permis que le monde soit aussi dingue. Je proteste. Même si tout le monde s'en fout.

Tu parles d'une question facile...

Rien de tel qu'un petit grognement pour vous donner du coeur au ventre.

Je t'en prie. Et fais-moi bien mal, j'adore ça...

Je rigole. Mais j'ai jamais serré les dents aussi fort.

Allez ma vieille cette fois tu vas essayer de rester digne, d'accord ?

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Guest Nadhir

Déposée près du ruisseau, en essayant du bras gauche de porter la moitié de corps qu'elle ne peut appuyer sur son pied endolori. Le rocher pas trop glissant, heureusement, sinon on se serait pris un bain tous les deux, et pas mal d'ecchymoses en plus.

Une fois assise, elle semble pester contre son pied qui aurait dû louper la souche, plus tôt. Si elle avait réussi, serions-nous ici maintenant? Moi et Eyleen, en pleine possessions de ses souvenirs, sinon de ses moyens? Evidemment, j'aurai préféré qu'elle ne se blesse pas, mais après tout, ça sert mes intérêts, là.

Ma main gauche libérée, je vais frotter un instant mon épaule droite, torturée pendant que je l'aidais à marcher. Elle a des griffes, elle aussi...

Après quelques grognements pour sauver les apparences, elle s'installe pour me permettre de retirer sa botte. On est d'accord, mieux vaut y aller doucement. Et on est d'accord, à part mordre dans un bout de ceinture, je n'ai rien ici pour te faire passer la douleur quand je la retirerai, ta botte. Je m'assied en face d'elle, étudiant un instant comment, avec juste ma main gauche, et un bras droit estropié, je vais réussir à lui tirer sa botte, sans être trop brutal en plus.

Je ne peux pas dire que cette perspective m'enchante. Quoique bien souvent, il faut commencer par faire mal avant que ça ne fasse du bien.

... pour l'entorse hein? retirer la botte, ça fait mal, mais après, le pied dans la fraîcheur de l'onde, ça ira beaucoup mieux! hhmmm? si si!

Je me suis assis à droite de son pied, face à elle. Le bout de la botte sous mon aisselle, mon bras gauche soutenant le mollet. Avec le poids et une pression de mon épaule, le cuir de la botte se plie, jusqu'à aligner son pied et sa jambe. Plus qu'une ligne droite. Portant mon poids graduellement vers l'arrière, la botte bien fixée sous mon bras, il n'y aura plus qu'à laisser glisser...

Et si ma réserve de questions faciles semble être déjà épuisée, dis moi, Eyleen, ce qui a bien pu se passer pour que tu fuies de moi?

Mon regard dans le sien. Dis moi, Eyleen. Et continue à me regarder. Non, pas ton pied, mes yeux seulement, mes yeux aux reflets magnétiques, mon regard qui semble comprendre plus qu'il ne perce, mes iris qui brillent lorsque je te regarde...

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