Aux premières lueurs de l'aube...

[Merr'Aos]

Aux premières lueurs de l'aube, sous la lumière conjointe des étoiles qui disparaissent et du soleil qui pointe à l'horizon, une paupière se soulève, dévoilant un oeil doré.

Puis une deuxième, à son tour, laisse filtrer un regard.

Je me suis assez reposé. Depuis trois jours, j'attends mon heure, patiemment, dans la grotte où Passironnus m'a guidé. Trois jours à accumuler des forces pour être prêt à explorer et combattre. Trois jours à épier les bruits, les ombres, et à en imaginer le monde qui m'attend.

Le moment est venu. A cette heure-ci, je risque moins de faire une mauvaise rencontre, et je serai tranquille. Je me redresse, me dirige vers cette échelle qui me nargue et met à rude épreuve ma patience depuis septante-deux heure. Je pose un pied sur le premier barreau de l'échelle. Plus de demi-tour possible. Le jour nait, et je nais avec lui, sortant de ma matrice de roc et de terre pour affronter ce nouveau monde.

Mes yeux, rompus à l'obscurité, n'ont aucune difficulté à apercevoir ce qui m'entoure. Accroupi pour être moins visible, je fais rapidement le tour. Une haute muraille, probablement un rempart, longe mon flanc droit vers l'ouest, tourne dans mon dos pour repartir de plus belle vers le sud. Un essaim de moustiques se balade au loin, et une colonie de rats joue autour d'une souche qui semble aussi vieille que le monde.

Aux premières lueurs de l'aube, sous la lumière conjointe des étoiles qui disparaissent et du soleil qui pointe à l'horizon, une paupière se soulève, dévoilant un oeil doré.

Puis une deuxième, à son tour, laisse filtrer un regard.

« - AAAH!»

Je n'ai pu réprimer ce cri... Derrière moi, ce que je prenais pour des pierres se sont animées soudainement, laissant apparaître des yeux ronds. Méfiant, j'examine d'un peu plus près la... chose. Il s'en dégage un indiscutable air reptilien...

« - Sortilège... Quel diable est donc l'auteur d'une telle abomination?» murmurais-je à voix basse...

Un rapide tour d'horizon... Personne en vue. Je lance une première frappe céleste, qui illumine les alentours - heureusement je suis seul, sans quoi tous les vautours qui doivent hanter les lieux auraient rappliqué. La... chose encaisse, sans broncher. Je retente ma chance, intrigué par cette diablerie...

« - AAAH!»

« - Nom de...»

Ma frappe avait ricoché sur la surface du... de... de la chose, et m'avait atteint en pleine poitrine. Rapidement, j'avale une potion de vie, et ma blessure se referme. Echaudé, je décide de ne plus risquer ma peau pour l'instant. J'ai des choses à faire.

Je me retourne, laissant là la "bête". Soudain, mes yeux percent l'obscurité et entre-aperçoivent un chapeau surmontant une forme humaine. Je m'accroupis instantanément, cherchant à mieux voir l'homme qui m'observe. Le soleil, qui monte de plus en plus dans le ciel, me permets après quelques hésitations, de reconnaître un villageois. Soulagé, je me redresse. Le saluant de loin, je m'éloigne.

Direction? Euh... Disons le sud. Je suis un petit ruisseau qui me mène à un étang, véritable usine à moustiques. Des rats courent ici aussi un peu partout.

« - Cette ville est dans un état déplorable...» ne pus-je m'empêcher de constater, inquiet.

Un bâtiment est éclairé, on voit la lueur dansant d'une bougie à l'intérieur. Des barreaux aux fenêtres et la porte massive ne laissent guère de doutes sur l'utilité de l'endroit. Peut-être que les gardiens de cette prison pourront m'aiguiller.

Je m'approche de l'entrée, suivant un étroit chemin pavé. Sur ma droite, brillent les yeux de ce que j'ai appelé les "choses". Je pousse péniblement la porte - la force n'est pas ma plus grande qualité... - et rentre dans la pièce. Deux hommes me regardent fixement. Je les salue, me présente, et demande :

« - Excusez-moi, geôliers. Je viens d'arriver d'Aqua, et je cherche à fonder ma faction. Pourriez-vous m'indiquer où aller?

Sourires entendus... J'ai frappé à la bonne porte. Après avoir rempli les formalités d'usage auprès de Balamus, je salue les deux hommes et ressort dans le petit matin.

Je passe de longues heures à explorer la ville et ses alentours, parler à tous les villageois que je croise, les aider si je peux, et à tout inventorier dans mon grimoire. Les Kaernos auront ainsi accès à la plus importante source d'informations imaginable. Le savoir est la plus grande des armes...

Ereinté, je me décide malgré tout à aller occire quelques uns des rats qui pullulent à Melrath Zorac, afin d'avoir une idée de leur résistance et de leur dangerosité. J'opte pour un endroit où je ne risque guère de croiser de malveillants à cette heure-ci : derrière l'armurerie, dans l'étroite venelle qui longe le rempart nord, encaquée entre la bâtisse et le mur d'enceinte. Ruelle sombre et malodorante, où les rats vivent dans ce qui doit leur sembler un Eden prodigieux.

Je me glisse entre la bibliothèque et l'armurerie, silencieux pour ne pas les faire fuir à mon approche. Ils sont nombreux, mais j'ai un stock conséquent de potions, et je ne les crains guère. Même une morsure mal placée ne devrait pas me tuer. Et tant que j'ai la possibilité de me soigner, tout va bien. J'en élimine un, puis un deuxième. Il n'en reste plus qu'un devant moi, qui semble particulièrement agressif et costaud. Le duel s'engage, tourne rapidement en ma faveur. Quand soudain, d'un bond, il me saute à la gorge, lacérant mon cou de ses dents aigües. Je le saisis à deux mains, l'arrache de son étreinte et l'envoie valser au loin. J'ai à peine le temps d'entendre ses os se briser contre le mur et d'esquisser un geste vers mes potions, qu'une seconde fois je sens la morsure d'un de ces rongeurs dans mon cou. Un quatrième rat, jailli de je-ne-sais-où, a appliqué la technique du précédent...

Et cette fois, le coup est fatal... Je sens la vie me quitter, le sang s'écouler de mes carotides labourées par le rat. Dans mes yeux qui déjà se troublent, je vois vaguement un garde de la ville se précipiter vers moi... Trop tard, mes yeux se ferment...