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Terre des Éléments

Loin d'ici, les montagnes


Eyleen
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La nuit tombera dans deux heures environ.

Peut-être plus tôt, les montagnes sont hautes.

Je suis en route depuis trop longtemps, le cheval est fatigué.

Je dois en changer souvent, alors il n'a pas de nom, c'est juste le cheval.

Je ne le connais pas, je n'ai pas envie de le connaître, mais je le sens dans sa manière de baisser la tête, et de lever les pieds juste assez pour ne pas trébucher, il est épuisé.

J'ai encore une longue route, il faut qu'il tienne.

Je n'irai pas beaucoup plus loin aujourd'hui.

Ces montagnes sont vastes, je pensais en sortir depuis plusieurs jours déjà pour regagner les plaines.

La rumeur de guerre est arrivée il y a un mois dans le petit royaume isolé où je travaillais.

Patrouiller dans les bois pour débusquer la bande de pillards qui avait mis à sac plusieurs villages, c'était parfait.

Seule pendant des semaines, juste moi et mon objectif, et revenir de temps en temps pour faire le point avec les autres et me ravitailler.

Puis nous avons trouvé les pillards, tué les pillards...

Les trois autres traqueurs et moi, nous sommes revenus, deux seulement ont touché leur paie et sont partis.

Le troisième est resté dans la garde.

On me l'a proposé aussi.

Trop dangereux.

Rester à la capitale, vivre au milieu d'eux.

Ils auraient fini pas ouvrir les yeux, même les plus aveugles.

Ils s'approchaient trop déjà, et les regards étaient devenus curieux.

Surtout celui du troisième homme.

Quelques rencontres pour convenir de nos secteurs de recherche, pour échanger nos informations, quelques brèves rencontres, toujours de nuit. Une seule de jour. Une de trop. Cet homme avait l'oeil exercé des rôdeurs...

Il fallait que je parte.

La rumeur de guerre est venue juste à point, et j'ai repris la route.

Mais les crêtes succèdent aux crêtes et le cheval se fatigue vite.

C'est la bonne route, j'en suis sûre, elle est juste plus longue que prévu.

Depuis trois semaines, je franchis des cols, je gravis des pentes, je traverse les forêts épaisses qui se blottissent dans les combes et les ravins.

Mes provisions s'épuisent, je ne veux pas perdre de temps à chasser.

Et je n'ai presque plus de grain pour le cheval.

Je regarde la fumée monter, je réfléchis.

A travers le dernier rideau d'arbres, on devine le grand bâtiment de pierre.

Relais de voyageurs, ou refuge, je ne sais pas.

Pas une auberge, tellement éloignée de tout village.

J'y trouverai de quoi remplir mes fontes.

Puis repartir, une heure ou deux à travers bois, et camper.

Pas question de rester.

Le cheval respire trop fort, je descends de selle, je le mène par la bride dans la clairière.

Il n'a pas l'habitude de l'air plus rare d'ici, sans doute, car je ne l'ai pas poussé tant que ça.

L'homme du relais précédent m'a eue, il a de la chance que je n'aie pas le temps de retourner sur mes pas pour lui demander des comptes.

Je suis à découvert, dos au soleil oblique et le visage dans l'ombre, c'est parfait.

Le capuchon est soigneusement abaissé sur mes yeux, la cape me couvre jusqu'aux pieds.

Faire affaire, et puis partir.

J'avance, et mes yeux sous le capuchon balaient l'espace.

La grande bâtisse, une petite écurie à gauche, quelques remises et réserves à droite, et le vaste espace dallé, l'arbre qui donne son ombrage dans le soleil qui décline.

Les trois tables de bois grossier.

Les cinq hommes qui rient et boivent.

Pas des marchands, trop costauds, trop vulgaires.

Une escorte, peut-être.

Je ne vois pas de qui.

Le patron, cet homme énorme derrière les deux tonneaux et la planche qui forme bar d'extérieur, devant l'une des portes.

C'est à lui qu'il faut que je parle.

[RP réservé... pour le moment ^^ Merci]

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Je m'avance, laisse mon cheval devant un abreuvoir. Les hommes sont à gauche, je passe par la droite, je ne les regarde pas.

L'homme derrière le bar me regarde approcher, vaguement intéressé.

Cliente potentielle, je connais ce regard. Ce n'est pas un regard dangereux, il se moque de la cape et du capuchon, il voit juste une femme qui voyage seule.

Bonsoir.

Oui, c'est le soir...Le soleil baisse encore, la lumière devient orange.

J'ai encore une longue route, et peu de provisions.

Qu'aurais-tu à me vendre ?

La voix neutre, calme, basse.

Trop de lumière, encore, mais ça ira.

On ne fait pas de commerce chez les humains à la nuit tombée, je n'ai pas le choix.

Et il me faudrait du grain pour le cheval, aussi.

Les pâturages sont maigres par ici...

J'attends.

L'homme me soupèse du regard, qualité de l'étoffe, de l'agraffe de la cape, il évalue ce qu'il va pouvoir me faire payer.

J'ai du pain de voyage, des noix, de la viande sèchée et du fromage.

Mais j'ai pas de grain.

Que des pommes aigres.

Combien il t'en faut ?

Pas cordial, juste poli, mais il n'y a pas de méfiance dans sa voix.

Je me détends, un peu.

Trois pains, une livre de viande, un sac de noix et trois sacs de pommes.

Je réfléchis.

Le cheval ne portera pas tout ça.

Deux sacs de pommes, plutôt.

Il hoche la tête.

Ouais, j'ai tout ça, pas de problème.

Ce sera trois têtes-de-fouine.

Trois têtes-de-fouine.

Le prince local est du genre avorton, visage maigrichon aux petits yeux serrés. Son profil dépare l'argent de sa monnaie.

Trois pièces d'argent, donc. Exorbitant.

Le bonhomme cherche à marchander, la lueur joueuse s'est allumée dans son oeil glauque.

Marchander, ce n'est pas mon fort. Je préfère payer et partir.

Mais là j'ai besoin de ces vivres, et je n'ai pas l'intention de me laisser plumer.

5 cuivres.

A moins que ce soit de la viande de tigre ou que les coques des noix soient dorées à la feuille...

Tu veux jouer, l'homme, jouons.

Puisqu'il le faut.

Il s'exclame.

5 cuivres ?

En tout cas c'est pas de la viande de rat, jeune maîtresse, et les noix sont fraîches de cette année, ça vaut au moins 25 cuivres !

25 cuivres, soit deux argents et demie. Ca descend déjà.

8 cuivres. Allez, 10, parce que je suis pressée de repartir.

Sinon je peux bien tenir jusqu'au prochain relai, histoire de voir si l'on y vend aussi les noix au prix de la jamba fraîche.

Je fais mine de me détourner.

Hélà, pas si vite !

T'as bien le temps qu'on discute !

Il sort une chope et l'emplit d'un liquide doré, cidre doux, sans doute.

Il la pose sur la planche, sourire avenant.

En voilà des avances pour quelques bricoles.

C'est louche.

Bon, 10 cuivres, c'est trop peu, je ne peux pas te donner ça, jeune fille (encore... très louche), et 10 cuivres, c'est donné, ou presque.

20 cuivres, j'irai pas en-dessous.

Et j'ajoute deux bouteilles de ce cidre, goûte, qu'est-ce que t'en dis, hein ?

Son regard part trop souvent au-dessus de mon épaule gauche.

Et le rire des hommes a changé, à la table, c'est imperceptible et menaçant.

Je dégage mon bras droit de la cape.

Ma main gauche est sur la poignée de ma dague.

Lentement, posément.

Modifié (le) par Eileen
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J'ai entendu la bête dire : « viens et regarde »

Guerre

Mort

Famine

Peste

Voilà ce qui se tramait à l'Est. Voilà où on m'envoyait....

On aura besoin de nous là bas

soigner, protéger, apporter aide, soutien et miséricorde...

Et pourquoi, pour une fois, ne pouvais-je apporter bienfaits et soins à la Cour de l'Empereur ou parmi les pensionnaires de Dame Felindella ? ...

Mais non.. Encore une province reculée, probalement peuplées d'incultes sauvages anthropophages vêtus de peaux de bêtes...

Quel sacerdoce...

Et j'ai vu sur un cheval blanc un cavalier qui tenait un arc...

Le mien de cheval n'est pas blanc... J'aurais aimé, pourtant. Un étalon, ombrageux et impétueux, fin et racé...

Mais on m'avait expliqué, de ce ton docte et condescendant que j'avais fini par prendre en horreur, que lorsqu'on voulait être un éclaireur, lorsqu'on voulait être discret, voire invisible, on évitait de choisir un cheval à la robe claire qui se repérait à des lieues..

Toujours ce petit côté pratique et mesquin...

Mon cheval est isabelle. Et c'est une jument.

Et je crois bien qu'elle me snobe.

De toutes façons, je suis fatigué. je n'arriverais pas ce soir. Ni demain soir d'ailleurs.

Le soir tombe et j'en ai assez, j'ai le dos douloureux, les épaules roides. Et j'ai soif.

Et j'en ai assez de ces montagnes, de ce paysage abrupt et minéral, avec ses sentes sinueuses, ces rochers froids, ce gigantisme prétentieux...

Alors, quand j'ai vu la fumée, j'ai fait obliquer ma monture.

Une pause, une halte, peut être jusqu'au matin.

Se désaltérer, échanger quelques mots avec les manants du coin, parler de choses insignifiantes et ennuyeuses, les récoltes, le petit dernier, le mariage de la cousine, faire semblant de s'intéresser, juste pour passer le temps.

Avant de pénétrer à découvert, je vérifie mes deux carquois, j'éprouve la tension de l'arc, j'insère un carreau dans l'arbalète, vérifie la sureté. C'est devenu automatique, un réflexe.

Inculqué à coup de badines des années durant.

Puis je lance la jument au petit trop, elle a senti la pâture et l'abreuvoir, elle a autant hâte que moi.

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Un froissement derrière.

J'en étais sûre.

Je tends la main vers la lourde chope de terre vernie. La prends par l'anse et la porte à mes lèvres.

Cidre doux...

Mais celui-là, je ne le goûterai pas.

Le frôlement, presque imperceptible.

Maintenant.

Je pivote brusquement, laisse la main qui tient la chope prendre de la vitesse au bout de mon bras.

Elle vient frapper l'homme en pleine tempe.

Il s'écroule.

Vite, les autres.

Deux sont toujours assis, un sourire idiot sur la face, ils n'ont pas encore compris.

Deux autres sont debout. L'un d'eux a les sourcils fronçés.

L'autre sourit, un horrible sourire plein de trous d'ombre verdâtre.

Eh ben gamine, on s'énerve ?

Faut pas te fâcher !

Gerd avait juste envie de savoir de quoi t'avais l'air sous ta tenture, là !

C'est pas un crime, si ?

Mais l'autre homme a vu, quand j'ai fait volte-face, il a vu l'acier sous les pans flottants de la cape.

Arb', attends. Elle est armée, la gueuse.

Oh oui je suis armée.

Plus que tu ne le crois.

La longue dague que tu as vue.

L'épée dans mon dos, sous la cape, la poignée derrière l'épaule gauche.

Une autre dague plus courte dans un étui le long de la cuisse.

Et deux stylets, un dans chaque botte.

Oh oui je suis armée.

"Arb" a cessé d'avancer et son sourire est devenu sinistre.

Les deux hommes assis se sont lentement levés, restés à côté de la table, et ils suivent le spectacle d'un air gourmand.

Le patron, je le surveille du coin de l'oeil, a fait trois pas en arrière.

Arb reprend la parole, et sa voix est plus grave, plus dangereuse aussi.

Armée, mais c'est pas bien, ça fillette, tu pourrais te couper, tu sais...

Tu vas me donner ce joli couteau bien gentiment, hein ?

Mes amis et moi on voudrait pas devoir venir te le prendre, pas vrai, les gars ?

(ricanement des "gars", sauf celui qui a toujours les sourcils froncés, et qui se déporte vers la droite. Mauvais)

Allez, fillette, sois gentille.

Déjà t'as assomé Gerd, il va pas être content quand il va se réveiller, Gerd, il est toujours mauvais les jours de gueule de bois, et là tu lui en a collé une de première, hein ? Joli coup, gamine, bien envoyé, mais voilà, Gerd il va être fâché, faudra lui faire un ptit cadeau pour te faire pardonner, pourquoi pas cette jolie dague, hein ? Et puis faudra lui demander pardon, aussi, c'est mal de frapper un gars qui voulait juste te dire bonjour, très mal, pour sûr...

Je n'écoute pas un mot de son verbiage, par contre le ton de sa voix devient vraiment préoccupant.

Il essaie de m'endormir, de détourner mon attention, pour que j'arrête de surveiller l'autre.

Peine perdue, je le tiens du coin de l'oeil, je continue à reculer en appuyant sur la gauche pour les voir tous.

Derrière moi c'était le mur et...

La porte.

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Quel détail m'a fait tirer sur le rênes ?

Quel élément particulier du décor m'a fait arrêter silencieusement la jument, me pencher sur son col et poser rapidement une main sur ses naseaux pour l'empêcher de souffler ?

Les oreilles dressées du cheval à l'abreuvoir et ses mouvements nerveux de queue ?

Le visage obstinément caché par le capuchon de la silhouette probablement féminine ?

La disposition des hommes, trop semblables à des rabatteurs excités par l'hallali ?

Les ricanements, trop rauques, trop rugueux, aux intonnations de sexe et de violence ?

Je dois l'avouer, même si ça me coûte, mais j'ai été à bonne école.

Mes professeurs n'étaient qu'un ramassis de fanatiques idéalistes incapables de soutenir la moindre conversation mondaine et d'éplucher proprement un kumquat mais question amélioration des perceptions, ils s'y entendaient...

J'ai entendu le bruit de la poterie se fracassant sur l'os.

J'ai entendu le bruit mat du corps qui tombe désarticulé sur le sol de terre.

J'ai senti la sueur âcre des hommes, énervement et adrénaline.

J'ai distingué l'éclat métallique sous la cape.

J'ai perçu suffisamment pour ne pas m'en mêler.

Pour rebrousser chemin, sans bruit, alors que personne ne m'avait encore vu et chercher plus loin, un lieu pour faire halte.

Mais je suis resté, solidement campé sur ma selle. J'ai fait glissé l'arc, j'ai encoché une flèche, une belle, une en buis, à la tête triangulaire. J'ai encoché, bandé à moitié l'arc.

Suffisamment pour gagner une ou deux secondes, plus tard, mais pas trop, pour ne pas fatiguer.

Ma jument est snobe mais elle est maligne. Elle a senti la tension de mes cuisses et elle sait qu'elle doit restée silencieuse et immobile.

J'attends.

Quand on prend une arme dans les mains, c'est pour s'en servir, l'expérience me l'a appris.

Je sais, intuitivement, que cette flèche, dont je tiens doucement l'empennage, finira par perforer une chaire vivante et respirante.

Mais laquelle ?

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Et le bruit, soudain.

Et les bras solides qui viennent me cercler la poitrine.

Bien joué.

Ils étaient six.

Et le sixième était moins balourd que les autres.

Silencieux.

Pincement au coeur, une seconde d'affollement, mais je sais comment lui faire lâcher prise.

Je vide mes poumons, serre les bras, gagne quelques pouces d'espace et une fraction de seconde, assez pour faire pivoter la dague et lui entailler profondément le poignet.

Cri, relâchement, vite, coup de coude dans les côtes de toutes mes forces, bruit fade de baudruche qui se vide, je bondis en avant, saccade, et je saute derrière le bar, bousculant le patron éberlué.

La cape tombe. Et brusquement j'ai une seconde lame dans la main droite, plus longue, plus menaçante.

Un temps, ils me scrutent, je les scrute.

Gerd geint par terre entre nous, le sixième homme cherche bruyamment son souffle sur ma droite.

Un temps figé, je vois leurs yeux et leurs dents serrées, ils ne voient pas mon visage, toujours abrité par le capuchon.

Ils voulaient savoir ce qu'il y avait sous cette cape, c'est chose faite.

Il y a une femme mince aux épaules fermes, aux muscles longs.

L'entraînement qui se lit dans la posture un rien ployée, dans les lignes du ventre contracté, l'angle des poignets, l'écartement des pieds, solidement ancrés au sol.

Le buste qui se soulève régulièrement, la bouche qu'on devine entrouverte, ventiler, préparer.

L'éclat dans les yeux cachés.

Voilà ce qu'il y a sous la cape, les gars.

J'espère que vous aimez...

Le soleil de face, je vois mal, j'ai mal.

Deux pas prudents à gauche, vers le cheval, si loin, mais surtout pour placer un grand arbre entre moi et le soleil qui se couche.

Quelques minutes encore... Mais ça peut être infini, quelques minutes.

D'accord...

La voix basse, un rien rauque. Neutre. Contrôlée.

On va rester bons amis, messieurs.

Moi je repars tranquillement, et vous reprenez votre soirée comme si je n'étais jamais venue ici.

Vous direz à Gerd qu'il n'y avait rien à voir en fin de compte, et ce type, là, vous le féliciterez de ma part pour la légèreté de son pied.

Tout le monde sera content, ou presque.

Rien de grave pour le moment, mieux vaut en rester là...

Ils hésitent, se regardent.

L'homme qui tentait de me contourner s'est immobilisé dans l'ombre. Je les vois tous, sauf...

Où est le patron ?

Là.

Oh non.

Non...

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Rien de ce qui suit ne me surprend

Sauf que je reste. Ca, c'est étonnant.

Le plus simple à faire est de partir. Personne ne m'a aperçu, ici, à l'orée de la clairière. Le bosquet me dissimule et la nuit approche. Que m'importe ces misérables histoires du petit peuple ?

Que la gueuse se fasse violenter, elle n'en mourra pas. Si elle ne se débat pas, ça pourrait même vite finir, ces rustauds ne sont pas du genre raffiné.

Que les manants se fassent châtrés. Ils auront ainsi de quoi alimenter les soirées de veille et leurs femmes et leurs filles pourront enfin dormir tranquilles les nuits de beuveries.

Moi, je n'ai qu'à faire demi tour, cheminer quelque temps sous la lune montante et trouver un endroit tranquille, solitaire, certes mais tranquille pour y faire halte. Tout ça ne m'intéresse pas.

Alors pourquoi suis-je encore là ?

Elle, car c'est bien de "elle" qu'il s'agit, a étendu le sournois qui l'avait attaqué par surprise. Vu sa posture et son attirail, elle va leur donner du fil à retordre... S'ils y arrivent, ils auront bien mériter leur petite seconde de bonheur...

Agir alors...

Je me rappelle, après un mois de noviciat, cette sale petite fouine à l'haleine fétide qui pontifiait :

"il y a trois chemins possibles en ce monde : la karma mârga ou voie de l'action, la jnana mârga ou voie de la connaissance et la bhakti mârga ou voie de la dévotion. Laquelle vas tu emprunter, disciple ?"

Bien sûr, j'avais choisi la première, terrorisé que j'étais à l'idée de passer le reste de ma vie dans un temple en compagnie de moines aux lèvres molles et aux regards lubriques.

La voie de l'action...

Mon arc dans la main gauche, l'empennage de la flèche dans la droite. Ca serait si simple. Lever le bras, bander, viser, retenir son souffle, lâcher et écouter le shhlaaak libérateur, le bruit avide et gourmand du métal perforant les chairs, ce bruit que j'ai fini par attendre avec dégout et excitation.

Quelques secondes de plus pour encocher une nouvelle flèche, viser et tirer tout en pressant les cuisses pour que la jument s'élance. Une troisième pendant que je traverse la clairière.

Puis lâcher l'arc, saisir l'arbalète, retirer le cran de sureté, viser et un quatrième meurt avant que je sois descendu de cheval.

Entre temps, la mendigotte aura bien réussi à en occire deux, vu la ferraille qu'elle se trimballe.

Ou alors....

Lever, viser, tirer. Viser la poitrine ronde maintenant que la cape ne la recouvre plus. Visualiser la flèche pénétrant juste sous le sein. Car j'ai aperçu ce qui se cache sous le capuchon. Et il n'y a aucune raison que je l'épargne.

Si ?

Alors, pourquoi suis-je encore là ? Immobile ?

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Il tremble.

C'est de la rage.

De la haine, elle brille dans ses gros yeux verdâtres, je la vois.

Il fixe mes bras nus, mes cuisses, mon ventre.

Là où la peau est découverte.

Là où la peau n'est pas tout à fait comme la leur.

Et surtout, surtout, il fixe mon épaule.

Un coup d'oeil.

Elle est là, la longue natte blanche.

Elle a glissé hors du capuchon, sans doute pendant que je luttais avec le sixième homme.

Cheveux blanc et peau trop sombre, mais pas ambrée comme la leur quand le soleil les cuit.

Il écume presque, l'aubergiste.

Je vois les poils hérissés sur ses avant-bras, ses jointures blanches. La haine.

Il balbutie.

Chienne... Chienne des roches, salope de chienne...

Tous crevés, ils disaient, tous crevés ces chiens des cavernes, ils avaient dit.

Tous crevés, ils avaient promis.

Il sort un solide gourdin de sous le bar, le brandit.

Ce type a été soldat.

Il y a longtemps.

Mais ça se lit dans sa posture.

Chienne, tu vas crever, chienne...

Tu vas crever comme vous avez crevé mon Rob et mon Piedro.

Tu vas crever...

Il feule comme un tigre.

Il est dangereux.

Epaules massives, et encore de la puissance dans son ventre revêtu de graisse.

Il clame.

Faut la crever !

C'est une de ces ordures des Monts Korgaï !

Faut la crever, et que ça dure...

Ils ont eu mes deux gars, et mon frère...

Tout bascule.

Les deux types encore calmes ont fait mouvement pour me couper la route.

Les autres ont sorti leurs armes et toute idée de gaudriole a disparu de leurs regards.

A la place, la haine.

Une vieille haine, bien pourrie, bien puante.

Une haine qu'ils n'ont pas vécue, à part le patron, ils sont trop jeunes, et c'est encore pire, une haine qu'ils ont sucée au sein de leur mère, oncles morts, ou pères, ou frères.

Et moi je les hais aussi.

Je me fous de leur guerre, je n'étais pas née, et de loin.

Je me fous de leurs pères, de leurs oncles, femmes et enfants, qu'ils crèvent tous autant qu'ils sont, ces pourritures, à se nourrir de haine contre un peuple détruit.

Je hais le peuple détruit d'avoir survécu assez pour que leur haine à eux survive.

Je hais ma foutue crétine de mère d'avoir ouvert ses cuisses à l'un des leurs.

Je hais cette ordure d'avoir joui d'elle.

La route est barrée vers la fuite.

Ils vont saigner.

Ils vont saigner, ces porcs.

Le soleil est couché.

Un coup de tête pour repousser le capuchon.

Puisqu'ils savent, autant qu'ils voient mes yeux.

Qu'ils voient la haine et la fureur dans mes yeux.

Je n'ai pas peur.

J'ai soif...

Modifié (le) par Eileen
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Juste une Noiraude, une de ces créatures des montagnes.

C'est plus une agression, c'est juste du nettoyage...

Et pour cela, il n'ont pas besoin de moi, ils sont déjà 6.

Six qui commencent à haleter et geindre comme des hourets devant un terrier.

Et la femelle feule. Et la femelle acculée va se défendre. Ca va être sanglant.

Mais elle a beau être une professionnelle, elle ne fera probablement pas le poids devant six paquets de haine brute.

Qu'elle les étripe ou qu'ils l'écartèlent, ça a cessé de m'intéresser.

Une léger mouvement de poignet sur les rênes, une pression des cuisses et ma jument fait demi tour, silencieuse, retournant sans renâcler dans le bosquet.

Il fait presque nuit mais nous pouvons bien cheminer encore une heure avant de monter le campement, plus loin, dans un endroit calme, là où nous ne serons pas déranger par les piaillements du meurtre et de la souffrance.

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Le plus proche, c'est Arb'.

Puis son copain, celui qui a remarqué ma lame le premier.

A droite, le patron. Hors de portée.

Loin à gauche, les deux autres, qui essaient de me contourner.

Gerd toujours hors de combat, et le dernier, celui qui essaie toujours de respirer normalement.

Tout ça vu en une fraction de seconde, un coup d'oeil très bref tout autour, et puis il faut entrer dans la danse...

Avant eux...

Tant qu'ils croient qu'une femme seule reste sur la défensive face à 5 hommes armés.

Classique.

Erreur classique.

Autre erreur, croire que je vais m'en prendre à la cible la plus évidente.

Oh non, bien sûr que non.

Il sait qu'il est le plus proche de moi.

Il sait qu'il serait le premier attaqué... si j'étais une débutante.

Une novice.

Mais je ne le suis pas...

Oh non.

Il ne me faut qu'un pas et un bond.

Accroupie sur la planche qui faisait bar.

Et au deuxième bond je suis sur lui.

Un rien trop long, il m'a vue venir, il a levé le gourdin pour bloquer l'épée.

Mais il n'a qu'un gourdin, un seul, et il a 20 ans de graisse en trop, et le souffle trop court, et il est surpris.

La dague plonge.

Sous les côtes, en oblique, en remontant, elle est longue, affûtée, je prends soin de mes armes...

Le poumon...

Une fois perforé, le sang le remplit en quelques secondes.

Vis encore tes quelques secondes, ordure.

Profite.

Et puis noie-toi dans ta haine.

C'est elle qui te tue...

Je suis tout près de lui pendant une seconde ou deux.

J'ai ses yeux, verdâtres, écarquillés, furieux, je les ai là, dans les miens, dans mes yeux d'orage.

Tu voulais me voir crever lentement, raclure...

Je crèverai peut-être, mais tu n'en verras rien.

Si ça tombe, si les Maîtres ont de l'humour, je suis peût-être ta nièce, ou ta petite-fille, qui sait ?

Est-ce que l'un de tes rejetons avait des cheveux de soleil et des yeux d'ambre ?

Oui ? Non ?

Peu importe...

Je voudrais avoir le temps de te voir comprendre, mais il sont cinq dans mon dos.

Alors pardonne-moi, connard, mais je dois faire vite.

A mon grand regret.

Un coup de poignet, la lame pivote et tranche.

Il souffle une sorte de soupir qui gargouille et son bras est tout mou soudain.

J'arrache la lame en reculant, vite, très vite, derrière la planche et les tonneaux.

Il tombe.

Il me regarde.

Je lui souris.

Un sourire horrible.

Les autres.

Ils ont suivi le mouvement des yeux, mais un seul a bougé.

Le seul qui ait les yeux en face des trous apparemment.

Il s'est approché, en silence, et en souplesse, lui c'est un sournois, un vicelard, ça se voit, il a le regard bas, fourbe, c'est le type qui s'approche par derrière et te plante sa lame dans le dos sans un bruit.

Le plus dangeraux c'est lui.

Et donc je fonce... sur l'autre.

Après deux pas de feinte.

Un, deux, et le troisième franchement en oblique, pivot, et me voilà à portée de lame de ce cher bavasseur de Ard'.

Il n'est pas aussi balourd qu'il en a l'air, je le trouve en garde, bien assuré sur ses pieds, solide.

Mais sa faiblesse apparaît, immédiate.

Trop haut, et trop ancré au sol.

Sans doute jamais lutté contre quelqu'un comme moi.

Plus petit, plus souple... Plus vif.

Lui c'est le combattant lourd, le genre qui charge dans une mêlée, armé d'une masse ou d'une épée à découper les boeufs.

C'est presque facile.

Plonger au sol, sous la garde.

L'épée serrée dans le poing, je m'appuie, je me tords.

Je m'enroule, jambes lancées en arc, presque derrière lui maintenant.

La dague, encore, un seul coup, du tranchant, de gauche à droite. Dans l'arrière des genoux.

Et rouler en arrière pendant qu'il s'écroule.

Plus que trois.

Je suis ramassée dans la poussière, un pied au sol et un genou.

Les deux plus éloignés se rapprochent, et celui qui sait regarder aussi.

Lentement.

J'ai un type à gauche, un type devant, un type à droite.

Cernée.

Le cheval, trop loin.

Ou alors...

Détente brusque, vers celui de gauche, celui qui me coupe la fuite.

Il faut que je passe...

Après, sauter sur le cheval trancher les rènes qui l'attachent, je m'en fous, je peux mener un cheval sans rènes.

Trois pas de course, oblique, mais il m'attend, il frappe, je dois me jeter de côté.

Je choisis le bon côté...

Pas de dos par rapport aux autres.

Je les entend.

L'homme qui cherche à respirer, celui qui hurle les jarrets tranchés, et celui qui agonise en gargouillant.

Plus les deux qui se rapprochent.

Vite.

Le type sourit.

Peut-être le même sourire horrible que j'avais moi tout à l'heure.

J'abats ma lame, il pare, je pointe ma dague, il esquive, il me repousse en arrière d'une impulsion, il est fort, un pas, l'air siffle, juste le temps de me défiler à gauche, mais la douleur cuisante le long du bras droit, touchée, merde, touchée déjà...

Trois pas de recul, en garde...

Et le mur.

Tout proche.

Il a été chauffé par le soleil tout l'après-midi, je le sens qui rayonne dans mon dos...

Acculée.

Merde...

Celui qui sait regarder arrête les autres d'un geste.

Son rictus me retourne le ventre...

Il a des yeux de hyène, un sourire de hyène, même son attitude courbée, son dos ployé, ses fesses fuyantes, une hyène...

Alors, Tache de Suie...

T'en as un sale caractère...

Même sa voix traînante et mielleuse... J'ai envie de vomir.

T'aurais jamais dû sortir de ton trou...

D'ailleurs qu'est-ce que tu fous là, hein ?

Toute seule avec ta ferraille...

T'as vraiment cru que personne te reconnaîtrait ?

Il me détaille du regard, ses yeux qui traînent, sales. J'ai la nausée.

C'est vrai qu'on s'y tromperait...

T'es pâle pour une Korgaï...

Si le gros Moddy avait pas vu tes cheveux on te prenait pour une gamine qui jouait à se donner des frissons...

C'est peut-être pour ça que t'es ici, en fait...

Justement parce que t'es pâle et que c'est pas facile...

Il réfléchit.

Tu réfléchis trop, Ducon.

Je suis ici parce que je suis pâle, oui, parce qu'une merde dans ton genre a réussi à se planter entre les jambes de ma mère, et que c'est moi qui paie depuis le début de ma vie.

Pour ceux des cavernes je ne suis pas assez sombre, et pour toi je le suis trop.

Je te vois d'ici échaffauder tes théories à la con, espionnage, assassinat, t'es vraiment qu'un veau, qu'est-ce qu'il y a à espionner dans ce trou perdu, tu lis trop de livres, enfoiré.

C'est sans doute dans tes livres que tu vas aller chercher ta prochaine réplique, d'ailleurs...

Chopez-la.

On va la faire chanter.

Eh ben voilà.

Ca ne rate pas.

T'es vraiment qu'un déchet, la Hyène.

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J'ai du parcourir trois lieues avant de faire demi tour.

Pourquoi revenir ? Pour jouir du spectacle ?

Pour donner un coup de main ? Après tout, elle avait l'air dangereuse...

Je n'essaye même plus de me leurrer. Je sais bien que c'est pour elle que je reviens.

Je sais bien que c'est elle que je sauverai. Si j'arrive à temps.

Pourquoi lui venir en aide ? Que m'apportera cet acte de miséricorde ? A part des ennuis ?

Je ne suis qu'un crétin. Elle n'a même pas l'air mignonne. C'est qu'une créature de roches, le genre mauvais et vicieux.

Au fond de moi, je sais pourquoi je viens à son secours.

Sa façon de lutter, sa rage qu'on devine dans sa posture.

Une couleur de peau comme une malédiction.

Une destinée implacable qui la lie et l'englue.

Une hérédité qui décide de sa vie.

Ca ne te rappelle rien, ça, Imbrium ?

Soudain, j'ai peur d'arrivé trop tard. La sauver devient urgent. Vital.

Pour elle bien sûr.

Et pour moi.

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Les deux gars avancent, courbés, précautionneux.

Un de chaque côté.

En arc de cercle.

Et là, plus loin, je vois le type de la porte.

Courbé aussi, la main à l'estomac.

J'ai dû taper fort.

Côte cassée, peut-être.

M'en fous.

Pas le temps.

Encore moins le temps.

La lueur dans son oeil...

Si celui-là remet la main sur moi... Frisson.

Un avantage pour moi, dans cette pénombre je vois mieux qu'eux.

Un avantage pour eux...

Ils sont quatre.

Et j'ai le bras droit qui s'engourdit.

La main poisseuse.

Respiration rapide, bouche ouverte.

Les yeux qui filent, gauche, droite, gauche.

La Hyène qui me fixe.

Son sourire, un rictus d'auto-satifaction, hideux.

Très fier de toi, hein ?

T'en rêvais...

Tu te vois déjà, en train de jouer de la lame sur ma peau, pour me faire avouer n'importe quoi.

Parce que tu t'en fous, de ce que je dirais, hein, la Hyène ?

Que je suis espionne ou ombre-lame ou la fille du Grand Mage de l'Ouest ou même son fils tant qu'on y est. Tu t'en fous.

Tout ce que tu vois, c'est tes deux sbires qui immobilisent une ennemie dangereuse, le dos sur une table, pourquoi pas, et toi, qui découpe.

Tu dois être le genre à faire des petits dessins avec la pointe de ta lame, des petits dessins écarlates.

Dommage pour toi, la Hyène, sur ma peau à moi ça donne moins bien que sur le sein blanc de la fille de hors-la-loi que tu tortures dans tes rêves lubriques.

Mais ça t'excite quand même, ça se voit.

Tout juste si t'en baves pas, ordure.

Tous les larves, blanchâtres, repoussants.

Même vos mouvements mous me foutent la gerbe.

Me foutent la rage.

Me laisser coincer par ça ?

Plutôt crever.

Je fonce.

Droit devant.

Rien à foutre des deux types qui font barrage des deux côtés.

C'est ton sourire que je veux, la Hyène.

Je veux le voir se tordre.

Je veux te voir relever ta lame, mouvement hâtif, trop hâtif, tu t'attendais pas à celle-là, hein ?

Les deux autres étaient plus proches, celui de gauche, surtout, pour filer vers la sortie, vers la liberté, mais non, toi t'étais en sûreté, hein ?

Regarde-moi bien, la Hyène.

Regarde bien mes yeux.

Les yeux des Korgaï, violet sombre.

Tu ne les avais jamais vus de près...

Voilà...

Tout près, maintenant.

Tu aimes ?

C'est pas si laid, le violet, en fin de compte, n'est-ce pas ?

Regarde-moi, la Hyène.

Ne tombe pas tout de suite...

Je te tiens bien, là, planté sur mon épée...

Elle est rentrée toute seule, il a suffit d'un coup pour écarter ta lame courte, un coup de dague, de côté, ta main n'était pas assez ferme, la surprise...

C'est vrai, c'est rapide, un Korgaï... C'est des elfes après tout...

Tu l'avais oublié, sans doute...

Moi j'ai pris leurs yeux et leurs cheveux, un peu du sombre de leur peau.

Et leur rapidité...

C'est pour ça que tu meurs, la Hyène...

Ou que tu mourras, dans quelques heures...

Le ventre, ça fait mal.

Ca met longtemps...

Deux pas rapides autour de toi, pour te mettre entre eux et moi, et le premeir coup d'épée est pour toi.

Pas de chance...

Ou peut-être si...

En pleine gorge, sous l'oreille, c'est propre et net...

Mort tout de suite.

Dommage...

Ils sont déjà sur moi.

Trop vite.

Sortir l'épée du corps de l'autre, un mouvement.

Trancher de la dague, pour les faire reculer, trop courte la dague.

Trois pas en arrière, vite, distance.

Ils avancent, l'un trébuche sur le corps, mais ils avancent, et leurs yeux...

Bruit violent sur la gauche.

Respiration lourde.

Le type de la porte.

Parer, réflexe.

Les deux autres foncent.

Moulinet d'épée, latéral.

Oh merde...

Mon bras.

Cri.

Mal.

Choc, métal sur métal, choc violent, main affaiblie, l'épée tombe.

Et juste après, le feu.

Dans ma poitrine, le feu.

Là, à droite.

Horrible, le feu qui m'envahit, qui se rue, depuis la brèche dans ma peau, qui explose, mal, j'ai mal...

Recul, en désordre.

L'autre qui beugle la haine et la victoire.

Bloquée.

Une table, derrière.

Merde, c'est fini, fini...

Un autre coup.

Flanc gauche.

Un autre, à la cuisse.

Je m'écroule.

Je m'engourdis...

Presque plus mal, déjà...

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Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice.

Ses yeux étaient comme une flamme de feu ; sur sa tête étaient plusieurs diadèmes ; il avait un nom écrit, que personne ne connaît, si ce n'est lui-même

Et il était revêtu d'un vêtement teint de sang. Son nom est la Parole de Dieu.

J'arrive presque trop tard.

A cause de mon indécision, de ma pusillanimité.

Par ma faute.

Alors ces chiens paieront. Du moins les survivants.

Je débouche dans la clairière au galop. La nuit est presque là mais je n'ai pas besoin de beaucoup de lumière.

La flèche transperce le torse du plus proche, celui qui avait déjà l'épée levée. Il s'effondre sans un bruit, une écume rosâtre à la bouche. Et d'un, proprement éliminé, comme j'aime.

J'arrive trop vite, pas le temps d'encocher une seconde flèche.

Ma jument freine devant la bicoque, le temps pour moi d'attraper l'arbalète chargée.

Oter le cran de sureté, viser, à peine, à cette distance, c'est presque un jeu.

Le carreau s'enfonce dans la gorge du second qui ne peut s'empêcher de mourir avec un râle glougloutant fort peu ragoutant. Ces marauds n'ont décidément aucune classe.

Je descend de ma monture

Un coup d'œil sur la forme allongée.

Je suis arrivé trop tard.

Mais il en reste un, qui s'approche.

Quel crétin. Ne voit-il pas la lueur sombre de mes yeux? N'y distingue -t-il pas le meurtre et la vengeance ?

Pour un peu, j'irais presque jusqu'à le tuer à mains nues, pour dire comme je suis agacé.

Mais je me contente de rapidement charger l'arbalète, un tour de cric et je lui colle un carreau dans l'œil, à bout portant.

Petit saut en arrière, pour éviter de tâcher ma tunique.

Bien, voilà qui est rondement mené et pourtant, je sens encore la colère en moi. Une colère froide

Le genre de fureur qui ne s'éteint pas facilement.

le genre de colère dirigée contre soi.

Je m'accroupis sur la forme affaissée. Elle a pas intérêt à mourir, celle là.

Un coup de pied sur son poignet, pour qu'elle lâche sa dague. Manquerait plus qu'elle me plante dans son délire meurtrier. Moi, son sauveur....

Evidemment, elle n'a pas pu s'empêcher de se prendre des coups... Evidemment, elle saigne.

Je vais devoir la toucher, quelle horreur.

Mais c'est qu'elle me regarde méchamment en plus.

Ces Korgaï, des boules de haine.

Mais elle est trop claire pour une elfe noire.

Une sang mêlé.

Une paria, où qu'elle aille.

Rejetée par ceux des cavernes, probablement. Jamais acceptée parmi les humains.

Jamais à sa place. Nulle part.

....

....

....

Alors, doucement, je la tourne, doucement, en tenant sa tête, je la couche pour mieux examiner ses blessures.

Je vais te soigner

et tu vas vivre

Malgré tes yeux violets emplis de haine.

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Coup sur la main, comme si j'avais encore la force de lever un bras, comme si...

Ca t'amuse, ordure, de désarmer un cadavre, ça fait dramatique, ça ajoutera à ton aura de héros quand tu raconteras ça à ta marmaille...

J'en pleurerais de rage...

Molle et vide comme une outre percée...

Fichue...

Des mains, on me retourne, pas la peine de faire doucement, tas de brutes, je suis fichue, vous ne le voyez pas ?

J'ai froid aux jambes, aux bras, le coeur qui s'épuise...

Je tousse, et ça coule chaud sur mon visage, je le sens, juste un peu, il est froid, mon visage, un masque de pierre, déjà...

J'ai envie de hurler, j'ai envie de rire, fichue, tout ça parce qu'il n'y avait pas d'herbe dans cette forêt pour donner à manger à un cheval.

Tout ça parce qu'une bande de soudards avait envie de s'amuser...

Je ris, je tousse, je geins, il reste encore de la douleur dans cette masse cotonneuse que je suis devenue...

J'y vois mal, mais pas assez mal quand même...

Aucun de ces types n'avait les cheveux aussi clairs...

Et aucun de ces types n'aurait pris la peine de tenir ma tête pour que je ne me cogne pas...

Qui est-ce ?

Le dernier coup, est-ce qu'il va venir ?

Une lame dans la gorge ?

Ou dans le coeur ?

Ca tarde...

J'ai froid, et l'impression de flotter...

Comme quand on est couchée dans l'eau et qu'on regarde le ciel...

Il y a un visage dans le ciel, une peau trop blanche, mais des cheveux clairs, longs...

Cheveux d'aube...

Mains douces...

Cette berceuse qu'elle me chantait quand j'étais malade...

Je fredonne...

Je croyais pourtant avoir tout oublié...

Oublié tout ce qui était doux...

Je flotte...

Maman, est-ce que je vais mourir ?

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Son visage, un kaléidoscope d'émotions. Peur haine, tristesse, résignation, accablement.

je voudrais la rassurer, lui murmurer quelques paroles de réconfort mais je suis trop occupé à vérifier la gravité de ses blessures.

La cuisse, ça va. Ca saigne mais la gueuse est musclée. Elle boitillera un peu. Je m'en occuperai plus tard.

Le bras, c'est un peu plus profond, coupure jusqu'à l'os. Et ça saigne, j'en ai déjà plein les mains...

Elle a intérêt à les mériter, ses soins, elle.

Le flanc, par contre plus délicat. Alors que je me demande comment m'y prendre pour ôter le tissu poisseux et collant, je l'entends soudain fredonner.

Surpris, je lève les yeux vers son visage.

Si calme. Souriant.

Elle n'est pas si laide finalement.

Je me surprend à lui caresser le visage, presque tendrement, en lui renvoyant son sourire alors même que ces yeux vitreux ne me voient plus.

Mais son air béat ressemble un peu trop à celui d'un agonisant rencontrant son dieu genre tunnel blanc, lumière éclatante et trompettes angéliques.

Alors, j'arrache brutalement le haut de la jupe pour bien libérer la plaie.

Hoquet. Aspiration chuintante.

chhhhhh

chhhhhh

Du calme.

je suis là

Tout va bien

chhhh

Me voilà en train de jouer les nounous avec une demi Korgaï. Heureusement que personne ne me voit.

Ses mains fines s'agrippent à mon poignet.

Elle a des ongles, en plus.

J'essaye de ne pas tenir compte de ses griffes plantées dans ma peau et jette un oeil sur la blessure.

Eurk.

Je palpe.

Eurk Eurk

C'est bien ouvert, mais pas d'organes internes touchés. Finallement, ils m'auront servi, ces cours dégoutants de chirurgie.

Ne bouge pas (t'es un drôle, hein, Imbrium ?) Je reviens.

Je file à la jument, fouille dans mes fontes. En sort les feuilles soigneuement emballées dans du parchemin huilées.

Je déplie le vélin, compte mentalement. La plus grande part pour le flanc. le reste pour le bras. La cuisse se contentera d'un bandage.

J'avise le puits, le seau sur la margelle. Et me voilà revenant tagant avec un seau rempli a ras bord tel un vulagire domestique.

Elle a vraiment intérêt à être reconnaissante la donzelle.

Quand j'arrive, elle a les yeux clos et elle est toute grise.

Manquerait plus qu'elle soit morte.

Je me prépare à la gifler mai, je ne sais pourquoi, je me contente de lui caresser la joue du bout des doigts

éh ? éh ? Je suis de retour.

Non, ne bouge pas. Chttt. Après.

Aller retour rapide vers le comptoir, fouille brutale pour y trouver des chiffons propres.

Je nettoie les plaies. Et je me tâche. Une tunique en soie toute neuve.

Brodée en plus.

L'eau du puits est fraiche. Je commence par le visage.

Je m'appelle Imbrium.

N'importe quoi... Tu te crois dans un salon ?

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Mal...

Tu me fais mal !

Arrête !

Arrête...

La douleur reflue, un peu, mes mains lâchent...

Air froid sur mon ventre brûlant, fièvre bizarre, glacée, sueur comme une pellicule de givre, partout, froid, mal, mal...

La voix, douce, voix d'homme, voix d'homme ?

Mais qui...

Mains qui me fouillent la chair, mal, trop mal, je gémis...

Gémir fait mal aussi, dans la poitrine, je tousse...

Et puis plus personne.

Parti.

Parti...

Même pas soulagée.

Abandonnée... laissée...

La main douce sur la joue, la voix douce...

Un homme ? Un inconnu...

Parti, mais revenu...

Son pas sur le sol, dans mon dos, le sol, je sens son pas dans mon dos, il vibre.

La voix, la main douce.

La douleur...

Froid contre mon ventre, ma jambe, mon bras aussi.

Et la fièvre qui monte dans mon torse.

Mon souffle, plus difficile, je le sens, il gargouille, il s'étrangle...

Le frais, sur mon visage en sueur...

Si bon, le frais, si bon, si doux...

Frais qui passe le masque de marbre...

Frais qui me fait cligner des yeux, essayer de voir...

Sa voix encore, un nom, rythmé, comme un battement de coeur unique...

Imbrium...

J'ai essayé de le dire.

Impossible.

Le souffle qui se noie, la toux, horrible, mal, j'ai mal, j'ai si mal.

Mal au ventre, mal au côté droit, trop mal, et cette toux qui refuse de cesser...

Et ce fluide qui coule le long de ma joue.

Il doit être épais.

Et rouge.

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Elle gargouille.

Une réponse sans doute. Une imprécation.

Mais c'est un râle. Humide. Chaud. Rouge.

Rouge ?

D'où vient cette toux carmine ?

Non...

Pas possible.

Je laisse mes doigts glisser le long de son ventre, remonte rapidement sur le bustier... le sternum....le sein gauche,...le droit...

Ici.

Une déchirure dans le tissu. Je relève ma main, touche mes lèvres, saleté d'obscurité ! on voit rien!

Salé, et métallique.

Le poumon....

Et j'ai failli ne pas le voir...

Je n'y arriverai jamais...

Je n'ai pas assez d'herbes, je ne suis pas un expert, merde, je suis un archer. Et elle, c'est qui ? Juste une paria, une exclue.... Le mieux est de la laisser, ou de l'achever, juste, proprement, faire preuve de miséricorde. Et partir d'ici.

Elle tousse, oui, ça doit être douloureux.

Et ce râle encore. Sans doute une malédiction des roches...

Imbrium.

C'est mon nom qu'elle essaye de dire ? Elle agonise et elle tente de prononcer mon nom.

Dans le sang. Et la douleur.

Soupir.

Bon.

Découper le bustier, doucement, la lame froide qui glisse sur la peau sombre.

Voila, ici, si petit. A peine un trait légèrement rugueux sous les doigts. Une dague sans doute.

Et cette obscurité....

Changement de priorité. Les herbes pour la poitrine et le ventre. Bandages pour les membres.

Et tâches indélébiles pour ma tunique.....

Je pose, à tâtons, une poignée de feuilles sur le sein. Je la sens frissonner, se crisper. Bon, la gymnastique, maintenant.

Je la soulève doucement, une main sur les reins, l'autre sur la nuque. Une fois assise, je la cale contre moi, si chaude, contre mon torse, sa tête sur mon épaule.

Bien sur, elle me tousse dans le cou....

Les mains libres, je passe le bandage dans le dos.. le ramène vers moi. Je la repousse doucement, d'un mouvement du torse, la rattrape d'une main avant qu'elle ne bascule. Son visage si proche du mien, ses yeux qui papillonnent, essayant de me fixer.

Je me rend compte que je murmure, une mélopée sans mot, sans sens, juste un lien, auquel elle peut se raccrocher.

Encore un tour, hop, par derrière, par devant. Je serre, oui, ça fait mal, ça comprime mais que veux tu....

Je la repose doucement. Le plus dur est fait. Je reprend le chiffon dans le seau, réessuie son visage, l'effort lui a collé une pellicule de sueur froide. Voilà...

Maintenant, je peux me lever, fouiller de nouveau sous le comptoir. Plus d'étoupe et une lampe à huile. Et là, juste à côté, un briquet à amadou. Parfait.

J'allume la mèche et revient vers ma blessée.

MA blessée ?

....

A la lumière jaune et tremblotante, c'est très vilain....

Je dispose les feuilles restantes sur la déchirure du flanc. En la soulevant juste un peu, une main sous les reins, j'arrive a passer le chiffon. Bon, ce n'est pas fameux, ça ne tiendra pas longtemps, mais ça ira. Pour le moment.

Pour les membres, c'est plus facile, j'enroule, un tour, deux, trois. Aussitôt, le tissu s'empourpre...

J'ai du mal m'y prendre....

J'ose enfin jeter un coup d'œil sur son visage.

Elle a l'air d'aller mieux.

Enfin, je trouve

Enfin, c'est surtout pour me rassurer.

Elle est grisâtre, les lèvres pâles.... mais elle tousse moins...

Enfin je trouve.

Retour au comptoir. Là, sur l'étagère, une flasque en grès. Je débouche, respire... cligne des yeux pour chasser les larmes...

Le genre d'alcool local que ces culs terreux doivent s'envoyer en fin de soirée avec des claquements de langues obscènes de pseudo gourmets. Genre salpêtre distillé avec rognure d'ongles de sanglier....

Ca devrait aller, après tout, c'est une Khorgaï...

De nouveau à genoux à ses côtés.

Oui, c'est ça lève la tête. Un peu plus.... voilà

Et bois....

Non, ne crache pas !

Je suis sur que ce truc va trouer mes vêtements... Rien ne me sera épargné....

Allez, plus doucement.

C'est bien violet que sont ses yeux. Là, elle les écarquille suffisamment pour que je distingue la moindre paillette mouchetant l'iris.

Au moins, elle n'est pas morte.

Maintenant, la décision.

Celle que je repousse depuis tout à l'heure.

Rester.

Partir.

Rester la soigner avec les cadavres à côté et le risque que la famille consanguine et dégénérée de ces gueux se pointe.

Partir, s'éloigner. Mais comment la transporter ? Et supportera-t-elle le trajet ?

Deux options. Deux choix.

Et je réalise seulement maintenant qu'elle reste avec moi dans les deux cas.

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Froid...

Là où ça brûle, soudain du froid, un froid doux et bienfaisant...

J'ai eu peur que ça fasse mal.

Je me suis tendue...

Mais le froid a sucé la douleur hors de moi.

Elle bat encore avec le sang, mais le sang reflue.

On dirait que le froid l'aspire, lui aussi.

Hors de moi...

Il me soulève, je serre les dents, ça va faire mal, ne pas crier, je ne crie pas, je geins...

Molle comme une poupée de chiffon...

Asyr, tu as encore déchiré ta poupée...

Mais non, 'nea, c'est le loup, il a joué avec et regarde, maintenant, elle a un trou, elle va mourir tu crois ?

Je ne sais pas ma chérie... Et si on la soignait ?

Oh oui, dis, on la soigne, je vais chercher les herbes et les bandages.

Bonne idée, regarde, si on met les herbes là, on les attache avec le ruban, elles ne bougeront pas, et ta poupée va guérir...

Tu crois qu'elle a mal ?

Oh oui, elle a mal, Asyr, bien sûr qu'elle a mal, elle n'a pas de forces pour crier, juste pour gémir, et encore...

Mais elle pleure, tu vois, elle pleure dans le cou de celui qui la soigne...

Il essaie d'être doux, mais elle est en chiffon, elle me peut pas l'aider, alors il doit tout faire tout seul, et c'est difficile... Mais il y arrive, tu vois, il a fixé les herbes sur la blessure, attaché le bandage, et elle n'a plus aussi mal, maintenant... Ecoute, il chantonne pour elle, et elle entend, elle sourit... Regarde comme il est doux... Il efface le sang et la sueur et les larmes...

Maintenant elle a moins mal, et elle voudrait dormir, mais il a encore du travail, vilain loup, il lui a percé le ventre aussi, tu vois ?

Oui, ça saigne beaucoup... Mais les herbes vont l'arrêter, le sang, hein ?

J'espère, Asyr, j'espère...

Ca lui fait mal quand il la soulève ?

Un peu, ma chérie... Mais elle est toute engourdie, tu sais, le sang, elle en a beaucoup perdu, alors elle est très fatiguée...

La pauvre...

Toux violente.

Brûlure dans la gorge.

Je m'agite, et la douleur explose, au ventre, à la poitrine.

Qu'est-ce qu'il me fait ?

Râle, toux...

Du sang, encore un peu...

Encore l'eau qui brûle.

Alcool.

J'avale, péniblement.

Le feu dans mon ventre, douleur, mais chaleur aussi, là où la glace s'installait, insidieuse...

Je respire.

Souffle rauque, pénible...

Mais je respire, et j'ai les yeux ouverts.

Et je le vois.

Et je sens sa main sous ma nuque.

Un homme, oui.

La peau pâle et les yeux inquiets.

Inquiets pour moi...

Inquiets pour lui.

Regards autour, les corps.

Les questions, je les vois presque.

Mais ses questions ne sont rien à côté des miennes. Celles qui tourbillonnent dans ma tête embrumée...

Pourquoi m'a-t-il sauvée.

Pourquoi est-il resté pour me soigner.

Et pourquoi hésite-t-il à partir...

S'il part je suis perdue.

Il me faudra des heures pour pouvoir me redresser, sans parler de monter à cheval...

Des heures... en admettant qu'on me laisse le temps.

Ils viendront avant. Les autres...

Il m'a aidée, il ne me refusera pas... Ca n'aurait aucun sens, sinon.

Les bois... cacher...

Les bois.

Cache-moi un peu plus loin dans les bois.

Pars après si tu veux, mais ne me laisse pas ici...

Pas rester... ici...

C'est tellement difficile.

Inspirer me fait mal.

Expirer me fait mal.

Pousser l'air pour ce filet de voix rauque, presque inaudible, à peine plus qu'un soupir...

Me relever et marcher ? Impossible...

Donne-moi cette chance-là...

Tu m'as donné beaucoup, beaucoup plus que ne m'ont jamais donné tous ceux de ta race mis ensembles.

Juste ce dernier effort...

S'il te plaît.

Allez, dis-le.

Pas la force ?

Alors dis-le autrement.

Avec les yeux.

Et cette main serrée sur son poignet.

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C'est elle qui me décide.

Ses mots rauques, son phrasé haché.

Sa main qui me serre et ce regard qui supplie.

Oui. Ne t'inquiète pas. On part.

Un dernier voyage vers le comptoir, pour récolter tout ce qui est utile. Le butin du tueur....

Je chasse cette pensée d'un hochement de tête. Je ne regrette absolument pas d'avoir éliminé cette vermine.

Mais les dépouiller... Ca transforme mon sauvetage en dépeçage... enfin... Nécessité fait loi. Je ne prétends pas être un héros.

J'avise quelques sacs de jute, des fruits sans doute.

Je me hâte de charger son cheval. Etique et mal foutu. Bah, il n'a pas beaucoup à porter....

Voilà les deux montures prêtes. J'éteins la lampe à huile, plongeant le décor dans l'obscurité complice de la nuit.

Elle respire plus calmement. Ses yeux suivent mes gestes mais elle ne me parle pas. Je préfère, presque.

Prête ?

Un bras sous les genoux, un sous les omoplates. Et je soulève. Elle a le bon goût de s'accrocher à mon cou.

On dirait une mariée....

Quel humour... Je ne suis pas sur que ça l'amuse.....

Quelques pas jusqu'à ma monture. Les muscles des bras qui se contractent, qui la hissent. La voilà sur la selle.

Oulà, elle n'est pas vraiment stable. Je me dépêche de monter derrière elle. Un bras qui la retient, juste sous la poitrine, entre les deux blessures. Une main sur les rênes.

Les rênes de son cheval sont accrochés à ma selle.

Claquement de langue.

Nous voilà partis.

Repose toi sur moi. On va chevaucher quelques lieues. S'éloigner.

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  • 2 weeks later...

Echo...

Ne pas le perdre des yeux...

Le regarder approcher les chevaux, charger le mien avec je ne sais quoi, l'image se brouille, je plonge une seconde ou deux...

Non !

Yeux rouverts en sursaut, non, pas ici, pas question, tenir encore.

Ne pas le perdre des yeux...

Il revient vers moi, ombre compacte dans les ombres éthérées de la nuit.

La lumière est éteinte, mais je vois bien, moi...

Sa silhouette haute, dense, silhouette vivante et forte qui se courbe, et puis ses bras qui se glissent en-dessous de moi, et je souris, il n'y arrivera pas, je suis de plomb...

Il y arrive si facilement...

A tout hasard je ne cramponne, et mon sourire part en grimace, j'ai mal, élancement brûlant dans mon torse, bulles sourdes de douleur dans le ventre, tête lourde, nausée, vertige...

Sa voix me parvient, je ne comprends pas, mais il y a quelque chose dans sa voix que je peux saisir, retenir, quelque chose comme une prise dans un rocher lisse, une prise où se suspendre pour ne pas tomber et se fracasser en bas...

Je m'accroche...

Mouvement, souffrance, cette fois je crie, mais aucun son ne sort de ma gorge, juste les yeux qui brillent, la souffrance est claire et vive comme une flamme, puis la flamme décroît, l'ombre retombe dans mes yeux, mes paupières sont tellement lourdes, et ma tête, et mes épaules, je suis si fatiguée...

Puis la selle oscille, le cheval renâcle, et sa chaleur me rejoint, tout le long du dos, contre mes cuisses inertes, le bras qui vient me plaquer contre lui, chaud aussi, fort... Il me tient serrée contre sa poitrine, attire mon poids vers lui, et ma tête ballotte, roule, vient se caler sur son épaule, le front contre son cou.

Je suis bien...

Tellement bien...

Le cheval marche, et le rythme de son pas me berce...

La respiration contre mon dos, lente et profonde, et la mienne, que je sens parce que je sens son bras, soulevé à chaque souffle.

La tiédeur contre mon front, si douce, mes yeux sont fermés, le cheval marche et je m'abandonne à son pas, au balancement souple qui me fait glisser au creux de la selle, tout contre ce corps chaud et fort qui m'enveloppe et me maintient.

Je souris.

Je n'aurais jamais cru...

Mais c'est bien, c'est très bien comme ça...

Le moment est un peu magique, je ne m'attendais à rien de la sorte, la souffrance s'apaise et se dissout, alors que je me détend, que je me relâche, que je me donne, presque... Engourdie, je laisse mes sens m'échapper, je laisse mon souffle aller et venir, au rythme du pas du cheval, au rythme du bras qui me serre, du sang qui bat dans son cou, je lâche prise, parce que c'est le meilleur moment...

Je ne voulais pas, pas dans cette clairière, au milieu des tables renversées, des corps de ces brutes, le dos contre la terre qui buvait mon sang, seule, non, pas seule...

Il s'écoule encore, mon sang, je le sens vaguement, ma jambe je crois, je ne sais plus très bien, et c'est sans importance à présent... C'est le moment, le bon moment, le meilleur... Des années si seule, si loin de tout et de tous, j'ai imaginé mille fois ma mort, je l'ai frôlée parfois, tant de fois, mais jamais je n'aurais cru...

Le pas du cheval, le monde qui oscille, je flotte, comme sur un lac, je ne sens plus mon poids... Je n'ai plus froid, je suis si bien, il est chaud et fort contre mon dos, l'anneau rassurant de son bras sontre ma poitrine, sa vie, que je sens, forte, solide... Je souris...

Parmi toute les morts que j'ai imaginée, jamais je n'aurais cru...

Mais c'est bien, c'est doux, c'est parfait...

Mes yeux se rouvrent, juste un peu, je vois la ligne de son menton, les arbres qui nous entourent, qui se balancent au pas du cheval, soulignés d'argent par la lune...

C'est beau, c'est sombre, mais c'est beau...

Je referme les yeux, je souris...

C'est parfait, et si étrange...

Qui aurait dit que je mourrais en paix, le sourire aux lèvres, dans les bras d'un homme inconnu ?

Son nom...

Je lâche prise, je m'échappe...

Et j'emporte son nom...

Moi, j'étais Yllanea.

Mais tu ne le sauras jamais...

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  • 2 weeks later...

La nuit, le bruit feutré des sabots sur le tapis d'humus, la lumière phosphorescente de la lune, la danse erratique de quelques lucioles, le balancement languide des branches sous la brise nocturne en contrepoint parfait du tangage de la monture.

Et ce corps chaud contre le mien. Si facile, dans l'obscurité, de se fier aux sensations, en oubliant les a priori, le passé, ce qu'on croit savoir, ce dont on jurerait être sur.

Juste la chaleur d'un corps féminin

Juste l'odeur de cuir, de sueur féminine d'une guerrière

Juste le poids d'une blessée.

Juste la caresse frôlante de la chevelure blanche d'une Korgaï

Juste le souffle haché d'une...

Le souffle ?

Je réalise soudain que je ne sens plus le poids de ses seins qui se soulèvent et s'abaissent juste au dessus de ma main, là où je la tiens

Je réalise soudain que je ne sens plus ce chatouillis frais au creux de mon cou.

J'ai échoué.

Encore une fois

Mon indécision a encore causé perte et malheur.

Pendant quelques instants, je reste ainsi, laissant le cheval suivre sa route, obstinément, alors que je serre contre moi ce corps maintenant inerte.

Tant de morts, tant de sang. Et pour quoi ?

Je respire une dernière fois l'odeur de fumée de ses cheveux.

Puis je stoppe d'un geste brusque ma monture.

j'ai repéré l'endroit que depuis quelques instants je cherchais des yeux, chercher pour ne pas penser, scruter pour ne pas ressentir.

Une anfroctuosité, ici, dans la roche. Assez large pour y glisser un corps menu. Assez étroite pour empêcher le passage d'un charognard.

Je ne peux accomplir les rites que tu mérites, inconnue, mais je peux au moins respecter ta nature de demi Korgai.

Dans la roche tu as du naitre et dans la roche tu retourneras.

Quel piètre prêtre.....

Lentement, je descend, comme si j'avais mille ans, comme si la montagne entière faisait peser sur moi sa réprobation silencieuse et son dégout minéral.

J'attrape ce corps qui maintenant me parait si lourd, si froid, de la même façons qu'il ya une heure. Mais il y a une heure, je lui murmurais des encouragements. Maintenant, je suis silencieux, ne trouvant aucun mot pour m'excuser, demander pardon.

En trébuchant, je grimpe l'éboulis, en pleurant je dépose doucement le corps sur le sol tiède de la caverne.

Adieu, femme. J'aurais pu. J'aurais du. Je suis désolé.

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Immobile...

Les membres mous et abandonnés, la tête inclinée, les yeux entrouverts...

On dirait qu'elle le regarde partir, mais son regard est vitreux.

Elle ne voit plus.

Elle n'entend plus.

Elle repose...

La pierre nue sous sa peau nue, et son sang qui s'y écoule encore, goutte a goutte...

Qui roule sur la pierre.

Qui trouve une fissure, si étroite, invisible...

Mais assez large pour du sang...

La pierre boit.

La pierre était tiède du soleil reçu et gardé.

La pierre s'échauffe lentement sous le corps inerte...

Et le sang s'écoule doucement, goutte à goute...

Et la chair reste souple et tiède.

Cette femme n'est pas morte, Imbrium.

Cette femme a survécu.

Cette femme se souviendra de toi...

La suite...

Modifié (le) par Eileen
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