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Terre des Éléments

imbrium

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Tout ce qui a été posté par imbrium

  1. La nuit, le bruit feutré des sabots sur le tapis d'humus, la lumière phosphorescente de la lune, la danse erratique de quelques lucioles, le balancement languide des branches sous la brise nocturne en contrepoint parfait du tangage de la monture. Et ce corps chaud contre le mien. Si facile, dans l'obscurité, de se fier aux sensations, en oubliant les a priori, le passé, ce qu'on croit savoir, ce dont on jurerait être sur. Juste la chaleur d'un corps féminin Juste l'odeur de cuir, de sueur féminine d'une guerrière Juste le poids d'une blessée. Juste la caresse frôlante de la chevelure blanche d'une Korgaï Juste le souffle haché d'une... Le souffle ? Je réalise soudain que je ne sens plus le poids de ses seins qui se soulèvent et s'abaissent juste au dessus de ma main, là où je la tiens Je réalise soudain que je ne sens plus ce chatouillis frais au creux de mon cou. J'ai échoué. Encore une fois Mon indécision a encore causé perte et malheur. Pendant quelques instants, je reste ainsi, laissant le cheval suivre sa route, obstinément, alors que je serre contre moi ce corps maintenant inerte. Tant de morts, tant de sang. Et pour quoi ? Je respire une dernière fois l'odeur de fumée de ses cheveux. Puis je stoppe d'un geste brusque ma monture. j'ai repéré l'endroit que depuis quelques instants je cherchais des yeux, chercher pour ne pas penser, scruter pour ne pas ressentir. Une anfroctuosité, ici, dans la roche. Assez large pour y glisser un corps menu. Assez étroite pour empêcher le passage d'un charognard. Je ne peux accomplir les rites que tu mérites, inconnue, mais je peux au moins respecter ta nature de demi Korgai. Dans la roche tu as du naitre et dans la roche tu retourneras. Quel piètre prêtre..... Lentement, je descend, comme si j'avais mille ans, comme si la montagne entière faisait peser sur moi sa réprobation silencieuse et son dégout minéral. J'attrape ce corps qui maintenant me parait si lourd, si froid, de la même façons qu'il ya une heure. Mais il y a une heure, je lui murmurais des encouragements. Maintenant, je suis silencieux, ne trouvant aucun mot pour m'excuser, demander pardon. En trébuchant, je grimpe l'éboulis, en pleurant je dépose doucement le corps sur le sol tiède de la caverne. Adieu, femme. J'aurais pu. J'aurais du. Je suis désolé.
  2. C'est elle qui me décide. Ses mots rauques, son phrasé haché. Sa main qui me serre et ce regard qui supplie. Oui. Ne t'inquiète pas. On part. Un dernier voyage vers le comptoir, pour récolter tout ce qui est utile. Le butin du tueur.... Je chasse cette pensée d'un hochement de tête. Je ne regrette absolument pas d'avoir éliminé cette vermine. Mais les dépouiller... Ca transforme mon sauvetage en dépeçage... enfin... Nécessité fait loi. Je ne prétends pas être un héros. J'avise quelques sacs de jute, des fruits sans doute. Je me hâte de charger son cheval. Etique et mal foutu. Bah, il n'a pas beaucoup à porter.... Voilà les deux montures prêtes. J'éteins la lampe à huile, plongeant le décor dans l'obscurité complice de la nuit. Elle respire plus calmement. Ses yeux suivent mes gestes mais elle ne me parle pas. Je préfère, presque. Prête ? Un bras sous les genoux, un sous les omoplates. Et je soulève. Elle a le bon goût de s'accrocher à mon cou. On dirait une mariée.... Quel humour... Je ne suis pas sur que ça l'amuse..... Quelques pas jusqu'à ma monture. Les muscles des bras qui se contractent, qui la hissent. La voilà sur la selle. Oulà, elle n'est pas vraiment stable. Je me dépêche de monter derrière elle. Un bras qui la retient, juste sous la poitrine, entre les deux blessures. Une main sur les rênes. Les rênes de son cheval sont accrochés à ma selle. Claquement de langue. Nous voilà partis. Repose toi sur moi. On va chevaucher quelques lieues. S'éloigner.
  3. imbrium

    Aptitude basique

    Peut être est-ce à découvrir par soi même ou peut être n'est-ce un secret pour personne (à part pour moi) : Est-ce que les aptitudes "attaques" dépendent de l'aptitude "basique" ? Ou, autrement dit : l'aptitude "basique" et les aptitudes "attaques" sont -elles indépendantes ou liées entre elles ? Faut-il, pour un rodeur, savoir bien lancer (jet basique) pour améliorer son attaque à l'arbalète ou à l'arc ? Augmenter l'aptitude "jet basique" augmente-t-il les aptitudes postérieures ?
  4. Elle gargouille. Une réponse sans doute. Une imprécation. Mais c'est un râle. Humide. Chaud. Rouge. Rouge ? D'où vient cette toux carmine ? Non... Pas possible. Je laisse mes doigts glisser le long de son ventre, remonte rapidement sur le bustier... le sternum....le sein gauche,...le droit... Ici. Une déchirure dans le tissu. Je relève ma main, touche mes lèvres, saleté d'obscurité ! on voit rien! Salé, et métallique. Le poumon.... Et j'ai failli ne pas le voir... Je n'y arriverai jamais... Je n'ai pas assez d'herbes, je ne suis pas un expert, merde, je suis un archer. Et elle, c'est qui ? Juste une paria, une exclue.... Le mieux est de la laisser, ou de l'achever, juste, proprement, faire preuve de miséricorde. Et partir d'ici. Elle tousse, oui, ça doit être douloureux. Et ce râle encore. Sans doute une malédiction des roches... Imbrium. C'est mon nom qu'elle essaye de dire ? Elle agonise et elle tente de prononcer mon nom. Dans le sang. Et la douleur. Soupir. Bon. Découper le bustier, doucement, la lame froide qui glisse sur la peau sombre. Voila, ici, si petit. A peine un trait légèrement rugueux sous les doigts. Une dague sans doute. Et cette obscurité.... Changement de priorité. Les herbes pour la poitrine et le ventre. Bandages pour les membres. Et tâches indélébiles pour ma tunique..... Je pose, à tâtons, une poignée de feuilles sur le sein. Je la sens frissonner, se crisper. Bon, la gymnastique, maintenant. Je la soulève doucement, une main sur les reins, l'autre sur la nuque. Une fois assise, je la cale contre moi, si chaude, contre mon torse, sa tête sur mon épaule. Bien sur, elle me tousse dans le cou.... Les mains libres, je passe le bandage dans le dos.. le ramène vers moi. Je la repousse doucement, d'un mouvement du torse, la rattrape d'une main avant qu'elle ne bascule. Son visage si proche du mien, ses yeux qui papillonnent, essayant de me fixer. Je me rend compte que je murmure, une mélopée sans mot, sans sens, juste un lien, auquel elle peut se raccrocher. Encore un tour, hop, par derrière, par devant. Je serre, oui, ça fait mal, ça comprime mais que veux tu.... Je la repose doucement. Le plus dur est fait. Je reprend le chiffon dans le seau, réessuie son visage, l'effort lui a collé une pellicule de sueur froide. Voilà... Maintenant, je peux me lever, fouiller de nouveau sous le comptoir. Plus d'étoupe et une lampe à huile. Et là, juste à côté, un briquet à amadou. Parfait. J'allume la mèche et revient vers ma blessée. MA blessée ? .... A la lumière jaune et tremblotante, c'est très vilain.... Je dispose les feuilles restantes sur la déchirure du flanc. En la soulevant juste un peu, une main sous les reins, j'arrive a passer le chiffon. Bon, ce n'est pas fameux, ça ne tiendra pas longtemps, mais ça ira. Pour le moment. Pour les membres, c'est plus facile, j'enroule, un tour, deux, trois. Aussitôt, le tissu s'empourpre... J'ai du mal m'y prendre.... J'ose enfin jeter un coup d'œil sur son visage. Elle a l'air d'aller mieux. Enfin, je trouve Enfin, c'est surtout pour me rassurer. Elle est grisâtre, les lèvres pâles.... mais elle tousse moins... Enfin je trouve. Retour au comptoir. Là, sur l'étagère, une flasque en grès. Je débouche, respire... cligne des yeux pour chasser les larmes... Le genre d'alcool local que ces culs terreux doivent s'envoyer en fin de soirée avec des claquements de langues obscènes de pseudo gourmets. Genre salpêtre distillé avec rognure d'ongles de sanglier.... Ca devrait aller, après tout, c'est une Khorgaï... De nouveau à genoux à ses côtés. Oui, c'est ça lève la tête. Un peu plus.... voilà Et bois.... Non, ne crache pas ! Je suis sur que ce truc va trouer mes vêtements... Rien ne me sera épargné.... Allez, plus doucement. C'est bien violet que sont ses yeux. Là, elle les écarquille suffisamment pour que je distingue la moindre paillette mouchetant l'iris. Au moins, elle n'est pas morte. Maintenant, la décision. Celle que je repousse depuis tout à l'heure. Rester. Partir. Rester la soigner avec les cadavres à côté et le risque que la famille consanguine et dégénérée de ces gueux se pointe. Partir, s'éloigner. Mais comment la transporter ? Et supportera-t-elle le trajet ? Deux options. Deux choix. Et je réalise seulement maintenant qu'elle reste avec moi dans les deux cas.
  5. Son visage, un kaléidoscope d'émotions. Peur haine, tristesse, résignation, accablement. je voudrais la rassurer, lui murmurer quelques paroles de réconfort mais je suis trop occupé à vérifier la gravité de ses blessures. La cuisse, ça va. Ca saigne mais la gueuse est musclée. Elle boitillera un peu. Je m'en occuperai plus tard. Le bras, c'est un peu plus profond, coupure jusqu'à l'os. Et ça saigne, j'en ai déjà plein les mains... Elle a intérêt à les mériter, ses soins, elle. Le flanc, par contre plus délicat. Alors que je me demande comment m'y prendre pour ôter le tissu poisseux et collant, je l'entends soudain fredonner. Surpris, je lève les yeux vers son visage. Si calme. Souriant. Elle n'est pas si laide finalement. Je me surprend à lui caresser le visage, presque tendrement, en lui renvoyant son sourire alors même que ces yeux vitreux ne me voient plus. Mais son air béat ressemble un peu trop à celui d'un agonisant rencontrant son dieu genre tunnel blanc, lumière éclatante et trompettes angéliques. Alors, j'arrache brutalement le haut de la jupe pour bien libérer la plaie. Hoquet. Aspiration chuintante. chhhhhh chhhhhh Du calme. je suis là Tout va bien chhhh Me voilà en train de jouer les nounous avec une demi Korgaï. Heureusement que personne ne me voit. Ses mains fines s'agrippent à mon poignet. Elle a des ongles, en plus. J'essaye de ne pas tenir compte de ses griffes plantées dans ma peau et jette un oeil sur la blessure. Eurk. Je palpe. Eurk Eurk C'est bien ouvert, mais pas d'organes internes touchés. Finallement, ils m'auront servi, ces cours dégoutants de chirurgie. Ne bouge pas (t'es un drôle, hein, Imbrium ?) Je reviens. Je file à la jument, fouille dans mes fontes. En sort les feuilles soigneuement emballées dans du parchemin huilées. Je déplie le vélin, compte mentalement. La plus grande part pour le flanc. le reste pour le bras. La cuisse se contentera d'un bandage. J'avise le puits, le seau sur la margelle. Et me voilà revenant tagant avec un seau rempli a ras bord tel un vulagire domestique. Elle a vraiment intérêt à être reconnaissante la donzelle. Quand j'arrive, elle a les yeux clos et elle est toute grise. Manquerait plus qu'elle soit morte. Je me prépare à la gifler mai, je ne sais pourquoi, je me contente de lui caresser la joue du bout des doigts éh ? éh ? Je suis de retour. Non, ne bouge pas. Chttt. Après. Aller retour rapide vers le comptoir, fouille brutale pour y trouver des chiffons propres. Je nettoie les plaies. Et je me tâche. Une tunique en soie toute neuve. Brodée en plus. L'eau du puits est fraiche. Je commence par le visage. Je m'appelle Imbrium. N'importe quoi... Tu te crois dans un salon ?
  6. Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice. Ses yeux étaient comme une flamme de feu ; sur sa tête étaient plusieurs diadèmes ; il avait un nom écrit, que personne ne connaît, si ce n'est lui-même Et il était revêtu d'un vêtement teint de sang. Son nom est la Parole de Dieu. J'arrive presque trop tard. A cause de mon indécision, de ma pusillanimité. Par ma faute. Alors ces chiens paieront. Du moins les survivants. Je débouche dans la clairière au galop. La nuit est presque là mais je n'ai pas besoin de beaucoup de lumière. La flèche transperce le torse du plus proche, celui qui avait déjà l'épée levée. Il s'effondre sans un bruit, une écume rosâtre à la bouche. Et d'un, proprement éliminé, comme j'aime. J'arrive trop vite, pas le temps d'encocher une seconde flèche. Ma jument freine devant la bicoque, le temps pour moi d'attraper l'arbalète chargée. Oter le cran de sureté, viser, à peine, à cette distance, c'est presque un jeu. Le carreau s'enfonce dans la gorge du second qui ne peut s'empêcher de mourir avec un râle glougloutant fort peu ragoutant. Ces marauds n'ont décidément aucune classe. Je descend de ma monture Un coup d'œil sur la forme allongée. Je suis arrivé trop tard. Mais il en reste un, qui s'approche. Quel crétin. Ne voit-il pas la lueur sombre de mes yeux? N'y distingue -t-il pas le meurtre et la vengeance ? Pour un peu, j'irais presque jusqu'à le tuer à mains nues, pour dire comme je suis agacé. Mais je me contente de rapidement charger l'arbalète, un tour de cric et je lui colle un carreau dans l'œil, à bout portant. Petit saut en arrière, pour éviter de tâcher ma tunique. Bien, voilà qui est rondement mené et pourtant, je sens encore la colère en moi. Une colère froide Le genre de fureur qui ne s'éteint pas facilement. le genre de colère dirigée contre soi. Je m'accroupis sur la forme affaissée. Elle a pas intérêt à mourir, celle là. Un coup de pied sur son poignet, pour qu'elle lâche sa dague. Manquerait plus qu'elle me plante dans son délire meurtrier. Moi, son sauveur.... Evidemment, elle n'a pas pu s'empêcher de se prendre des coups... Evidemment, elle saigne. Je vais devoir la toucher, quelle horreur. Mais c'est qu'elle me regarde méchamment en plus. Ces Korgaï, des boules de haine. Mais elle est trop claire pour une elfe noire. Une sang mêlé. Une paria, où qu'elle aille. Rejetée par ceux des cavernes, probablement. Jamais acceptée parmi les humains. Jamais à sa place. Nulle part. .... .... .... Alors, doucement, je la tourne, doucement, en tenant sa tête, je la couche pour mieux examiner ses blessures. Je vais te soigner et tu vas vivre Malgré tes yeux violets emplis de haine.
  7. J'ai du parcourir trois lieues avant de faire demi tour. Pourquoi revenir ? Pour jouir du spectacle ? Pour donner un coup de main ? Après tout, elle avait l'air dangereuse... Je n'essaye même plus de me leurrer. Je sais bien que c'est pour elle que je reviens. Je sais bien que c'est elle que je sauverai. Si j'arrive à temps. Pourquoi lui venir en aide ? Que m'apportera cet acte de miséricorde ? A part des ennuis ? Je ne suis qu'un crétin. Elle n'a même pas l'air mignonne. C'est qu'une créature de roches, le genre mauvais et vicieux. Au fond de moi, je sais pourquoi je viens à son secours. Sa façon de lutter, sa rage qu'on devine dans sa posture. Une couleur de peau comme une malédiction. Une destinée implacable qui la lie et l'englue. Une hérédité qui décide de sa vie. Ca ne te rappelle rien, ça, Imbrium ? Soudain, j'ai peur d'arrivé trop tard. La sauver devient urgent. Vital. Pour elle bien sûr. Et pour moi.
  8. Juste une Noiraude, une de ces créatures des montagnes. C'est plus une agression, c'est juste du nettoyage... Et pour cela, il n'ont pas besoin de moi, ils sont déjà 6. Six qui commencent à haleter et geindre comme des hourets devant un terrier. Et la femelle feule. Et la femelle acculée va se défendre. Ca va être sanglant. Mais elle a beau être une professionnelle, elle ne fera probablement pas le poids devant six paquets de haine brute. Qu'elle les étripe ou qu'ils l'écartèlent, ça a cessé de m'intéresser. Une léger mouvement de poignet sur les rênes, une pression des cuisses et ma jument fait demi tour, silencieuse, retournant sans renâcler dans le bosquet. Il fait presque nuit mais nous pouvons bien cheminer encore une heure avant de monter le campement, plus loin, dans un endroit calme, là où nous ne serons pas déranger par les piaillements du meurtre et de la souffrance. _________________
  9. La salle ronde est bondée. Habituellement, personne n'assiste à une telle cérémonie. Apprendre par les Crieurs d'Eau quel temple a été choisi pour quel puîné de Lignée est amplement suffisant. Cela fait partie du subtil jeu entre les temples et la noblesse qui permet à certaines familles d'avancer vers l'Empereur et d'autres de reculer en serrant les poings selon la religion attribuée à leur lignée. Mais ce n'est qu'un détail politique car les courtisans savent bien que ce genre d'avantage est éphémère : un temple favori de la famille impériale peut du jour au lendemain être rejeté au profit d'un nouveau dieu exotique. Mais il s'agit aujourd'hui des Adkan Al Djah', favoris de la Cour, ancienne lignée hautaine aujourd'hui en difficulté. Preuve de l'intérêt impérial : un cousin batard au second degré a été dépêché pour recueillir les mots de l'Oracle. L'Oracle siège, sur son socle d'obsidienne au milieu de la pièce. Hiératique, elle n'a pas un regard pour la foule colorée des femmes qui, au premiers rangs, agitent avec affectation leurs éventails richement perlés. Elle ignore complètement la masse claire des hommes, au dernier rang qui restent silencieux et immobiles dans leurs toges blanches. Il s'agit ici d'affaire de Lignée et seules les femmes comptent. Elle jette un coup d'œil à Spumans Adkan Al Djah', au premier rang. Pas d'agitation d'éventail, pas de sari ostentatoire, juste le kohl des yeux et la pourpre des lèvres. Effacé la morgue coutumière. Elle dissimule un sourire mauvais. Elle tourne lentement la tête vers le jeune homme debout au centre. Le teint pâle mais la chevelure neigeuse coiffée et tressée, Imbrium se tient droit, en tunique de lin gris comme la tradition l'exige. Il la regarde sans ciller. Elle le trouve fier et beau. Désirable même. Mais sa Lignée acommis une erreur, insulté les Dieux et la Pythie et pour cela il sera sacrifié. On n'achète pas l'Oracle comme on achète une catin vérolée. Elle se redresse, exposant son corps nu et sombre de gamine de 12 ans aux yeux de l'assemblée. A ce signal, tous les murmures cessent. Même le cousin impérial quitte son air ennuyé et blasé pour se pencher avec intérêt vers les deux protagonistes. L'Oracle se leve, descendant de son socle. Cet évènement rarissime provoque un souffle bruissant d'éventails agités avec stupeur et fureur. Elle s'avance, frêle adolescente à la peau de jais, vers le jeune noble qui la regarde s'approcher, immobile et droit, mais avec une lueur de crainte dans les yeux. Elle ne s'arrete qu'à quelques centimètres de lui, respirant avec délice l'odeur de sa peau lavée et parfumée à laquelle commence à se mêler l'effluve aigre de la peur. Imbrium Adkan Al Djah', te présentes-tu en ce lieu saint de ton plein gré ? Acceptes tu de consacrer ta vie terrestre et ton âme immortelle à un temple sacré afin que demeure l'Honneur des Lidi et afin d'assurer la bienveillance des Dieux envers ta famille et l'Empire ? Oui, Armide. Imbrium Adkan Al Djah', crois tu en la justesse du jugement des Dieux ? Accepteras tu sans protester leur choix et leur décision ? Ne tenteras tu pas de contrarier le Destin de quelque manière que ce soit ? Silence. Cette question n'est d'habitude jamais posée. Pourquoi l'Oracle la pose-t-elle à l'aristocrate aux cheveux blancs ? Spumans ne peut retenir un leger gémissement d'angoisse. Elle vient de réaliser l'erreur commise en tentant d'acheter la pythie. Elle ne peut alors qu'attendre, attendre que son fils paye pour sa lacheté et ses compromissions. ... Oui, Armide... Oui, je crois au choix divin et l'accepte... Lui aussi vient de réaliser. Il le lit dans le regard mauvais de l'adolescente nue qui se tient face à lui, dans le pli narquois de ses lèvres. L'Oracle ferme les yeux et leve les bras, posant ses deux mains fraiches sur les joues d'Imbrium. Reçois donc le baiser des Dieux et écoute la prophétie. Elle se dresse sur la pointe des pieds, collant son corps souple contre la tunique et pose ses lèvres pleines sur la bouche close d'Imbrium. Se reculant à peine, elle annonce, visage figé et yeux fermés, comme se nourrissant du souffle du jeune noble de 16 ans : Adkan Al Djah', les Dieux ont choisi. Plus la lignée est ancienne.... Plus la lignée est respectable..... Plus la Lignée est pure..... Plus la lignée est honorable.... Plus la Lignée est riche..... Et plus le sacrifice doit être extrême.... Ton frère a blasphémé et tu t'offres pour laver la tâche. Ta famille a cru pouvoir infléchir la décision divine et tu t'offres pour absoudre leurs pêchés. Les Dieux.... Les Dieux ont choisi. Imbrium Adkan Al Djah' , Fils des Pluies, Enfant de la Lune et de l'Ivoire... Imbrium est tétanisé. Les mains de la jeune fille le brulent, il a l'impression que ses lèvres à quelques centimètres des siennes aspirent son souffle et sa vie, le vidant de son essence comme elle est en train de le déposséder de son héritage. ... Imbrium, bel enfant, à partir de cette minute, ta vie sera maintenant consacrée à servir les Sœurs de la Miséricorde. Adieu, Imbrium, adieu.
  10. Le soleil vient d'apparaître. On entend les premiers appels à la prière des différents temples, et déjà les odeurs de pain chaud, de rôtissoires et d'encens flottent paresseuses dans l'air frais du matin. Un messager de confiance est parti, discrètement, un coffret dissimulé sous sa cape, rencontrer l'Oracle pour lui assurer de la dévotion et du soutien des Sombre Ivoire... Imbrium, d'un pas las, se dirige vers les thermes familiaux. Dans deux heures, il se rendra au Temple et entendra la prédiction de l'Oracle. Un membre de la famille impériale sera présent pour attester de la prophétie qui sera ensuite annoncée dans toute la ville par les Crieurs d'Eau. Absent, l'esprit vide, il se laisse laver, récurer et masser sans même répondre aux œillades aguicheuses de la jeune esclave. Il a 16 ans et sa vie se terminera dans deux heures.
  11. Rien de ce qui suit ne me surprend Sauf que je reste. Ca, c'est étonnant. Le plus simple à faire est de partir. Personne ne m'a aperçu, ici, à l'orée de la clairière. Le bosquet me dissimule et la nuit approche. Que m'importe ces misérables histoires du petit peuple ? Que la gueuse se fasse violenter, elle n'en mourra pas. Si elle ne se débat pas, ça pourrait même vite finir, ces rustauds ne sont pas du genre raffiné. Que les manants se fassent châtrés. Ils auront ainsi de quoi alimenter les soirées de veille et leurs femmes et leurs filles pourront enfin dormir tranquilles les nuits de beuveries. Moi, je n'ai qu'à faire demi tour, cheminer quelque temps sous la lune montante et trouver un endroit tranquille, solitaire, certes mais tranquille pour y faire halte. Tout ça ne m'intéresse pas. Alors pourquoi suis-je encore là ? Elle, car c'est bien de "elle" qu'il s'agit, a étendu le sournois qui l'avait attaqué par surprise. Vu sa posture et son attirail, elle va leur donner du fil à retordre... S'ils y arrivent, ils auront bien mériter leur petite seconde de bonheur... Agir alors... Je me rappelle, après un mois de noviciat, cette sale petite fouine à l'haleine fétide qui pontifiait : "il y a trois chemins possibles en ce monde : la karma mârga ou voie de l'action, la jnana mârga ou voie de la connaissance et la bhakti mârga ou voie de la dévotion. Laquelle vas tu emprunter, disciple ?" Bien sûr, j'avais choisi la première, terrorisé que j'étais à l'idée de passer le reste de ma vie dans un temple en compagnie de moines aux lèvres molles et aux regards lubriques. La voie de l'action... Mon arc dans la main gauche, l'empennage de la flèche dans la droite. Ca serait si simple. Lever le bras, bander, viser, retenir son souffle, lâcher et écouter le shhlaaak libérateur, le bruit avide et gourmand du métal perforant les chairs, ce bruit que j'ai fini par attendre avec dégout et excitation. Quelques secondes de plus pour encocher une nouvelle flèche, viser et tirer tout en pressant les cuisses pour que la jument s'élance. Une troisième pendant que je traverse la clairière. Puis lâcher l'arc, saisir l'arbalète, retirer le cran de sureté, viser et un quatrième meurt avant que je sois descendu de cheval. Entre temps, la mendigotte aura bien réussi à en occire deux, vu la ferraille qu'elle se trimballe. Ou alors.... Lever, viser, tirer. Viser la poitrine ronde maintenant que la cape ne la recouvre plus. Visualiser la flèche pénétrant juste sous le sein. Car j'ai aperçu ce qui se cache sous le capuchon. Et il n'y a aucune raison que je l'épargne. Si ? Alors, pourquoi suis-je encore là ? Immobile ?
  12. imbrium

    Calith =D

    Heleim, il s'appelle Heleim.... (non, je l'ai deja faite, celle là...)
  13. Le chant se transforme en bourdonnement grave et rythmé afin que la transe du récit ne soit pas interrompu. Le griot se souvient, il était présent dans le jardin. Il avait toujours trouvé que ses récits étaient meilleurs quand il avait lui-même enregistré les évènements que lorsqu'il les avait copié dans l'esprit d'un autre griot, comme ça avait été le cas pour l'épisode d'Imbrium à la taverne. Pensée dérangeante car elle sous entendait qu'il mettait de l'affect dans son récit... Tout en continuant la lente mélopée du rêve, il contemple la fillette, la sœur d'Imbrium, qui ne l'a jamais connu. C'est pour elle qu'il chante car c'est la seule de son auditoire qui découvre l'histoire... Il ferme les yeux, laissant les souvenirs affluer. L'aube, le premier chant des oiseaux, timide et hésitant. Les sanglots espacé de Spumans. Les épaules voûtées de son mari. Et Imbrium, fier et rageur, debout devant eux, le regard fixe, ignorant les esclaves et les femmes sœurs, ignorant le jardin, tout entier concentré sur le visage de sa mère. Chant qui enfle et envahit la pièce. Il a les dents serrées. Ses pensées s'entrechoquent, il est au bord de la nausée. Le goût âcre et persistant de la drogue dans son palais se mélange à l'odeur piquante du Saalsq administré par le garde. Il est noble, il est riche, il est hors de question que ça change. "Mère, je..." Tu quoi, Imbrium ? Tu refuses, enfant capricieux et égoïste ? Quelle idée géniale va donc sortir de ton esprit de drogué décadent ? Raconte nous donc, ô grand Imbrium, Lumière des Adkan Al Djah' , Héritier de la Lune et de l'Ivoire, Futur Maitres des 3000 épices !! Il déglutit. Sa mère a cessé de pleurer et lève vers lui un visage pâle sillonné de traces salées de Kohl. Ses yeux rougis et brillants transpercent Imbrium. Elle attend. De ce qu'il va dire dépend tout l'avenir de sa lignée séculaire. Alors, Imbri ? C'est quoi l'idée ? Empaqueter nos affaires, fermer nos coffres remplis d'or et fuir à dos de yack ou de méhari ? Aller vivre riche et opulent dans quel Royaume éloigné ? Monter une boutique ? Une échoppe ? Tu pourras continuer à te droguer et à trousser les catins. Si on se dépêche, on peut même sauvegarder une grande partie de la fortune... Elle n'est pas géniale cette idée ? Bien sûr, plus d' Adkan Al Djah' , évidemment. Fini l'aristocratie, finie la lignée, fini les Sombre Ivoire, fils de Sélène. Mais quelle importance ? Quelle importance ? "Je... J'irai rencontrer l'Oracle, demain, Mère afin que par sa bouche, les Dieux m'assigne un temple où je consacrerai ma vie à les servir pour laver ce blasphème..." Eh oui, Imbrium... La première leçon de ta vie. Tu es avant tout un Adkan Al Djah' ... Tu viens de découvrir que tu ne peux sacrifier l'honneur de ta lignée à ton plaisir personnel. Tu viens de découvrir que tu n'es pas libre, malgré ta richesse, malgré ta noblesse, malgré ta jeunesse... Tu appartiens au Lidi et pour eux tu vas sacrifier ta vie... Et tu n'en tireras nulle gloire, nulle satisfaction. Pendant que tu boiras la coupe amère du sacrifice, c'est la Lignée qui sera applaudie et honorée. Toi, tu seras oublié, comme ton frère était destiné à l'être, comme un membre qu'on a amputé pour que survive le blessé ... Et l'ironie de l'histoire est, tu t'en rends compte, n'est-ce pas? c'est que au moment même où tu sauves les Adkan Al Djah', tu cesses d'en être un pour devenir un pauvre prêtre anonyme dont la Lignée aura oublié le nom dans moins d'un mois... Spumans se redresse et se jette sur son fils, couvrant le bas de son visage de baisers affolés et éperdus. "Imbrium, Imbrium, miel de ma vie, merci, je savais, je savais que tu le ferais, mon pauvre amour, je vais mourir, je ne peux continuer ce chemins d'épines, merci mon fils malheur malheur, je perds un fils !" "Il y a peut être un moyen de rendre les choses plus...euh... faciles..." La voix de son père s'élève, grave et hésitante. Imbrium et Spumans se retournent vers lui, lui qui passe une main tremblante dans sa barbe. Comment rendre les choses plus faciles ? Je vais, à 16 ans, aller m'enterrer dans quelque temple moisi où je passerai le reste de ma misérable vie à agiter un encensoir en marmonnant des prières à des Dieux goguenards et il parle de facilité ? Devant ce silence tendu qui s'éternise, le Maitre de l'Epice trouve enfin le courage de continuer : « L'Oracle... C'est elle qui... qui va choisir dans quel Temple notre fils va assurer sa prêtrise...Mais... euh... tous les temples ne se valent pas, nous le savons bien... les prêtres de Mirnaa, par exemple, sont bien moins à plaindre que ceux de Kaliansialee... Certains assurent même leur sacerdoce au sein des nobles familles, comme précepteurs et confesseurs... Alors, peut être que... on pourrait.... s'assurer d'un choix satisfaisant de temple pour notre enfant...en aidant l'Oracle dans sa prophétie... par une offrande appropriée... » Cette proposition, que seul un Marchand pouvait avoir eu, heurta viscéralement Imbrium et sa mère. Corrompre l'Oracle ! Blasphème et Infamie ! Alors pourquoi acceptèrent-ils ? Comment des Adkan Al Djah' purent penser que de l'or pouvait contrecarrer le destin ? Ils acceptèrent et, en acceptant, scellèrent définitivement le destin d'Imbrium.
  14. Quel détail m'a fait tirer sur le rênes ? Quel élément particulier du décor m'a fait arrêter silencieusement la jument, me pencher sur son col et poser rapidement une main sur ses naseaux pour l'empêcher de souffler ? Les oreilles dressées du cheval à l'abreuvoir et ses mouvements nerveux de queue ? Le visage obstinément caché par le capuchon de la silhouette probablement féminine ? La disposition des hommes, trop semblables à des rabatteurs excités par l'hallali ? Les ricanements, trop rauques, trop rugueux, aux intonnations de sexe et de violence ? Je dois l'avouer, même si ça me coûte, mais j'ai été à bonne école. Mes professeurs n'étaient qu'un ramassis de fanatiques idéalistes incapables de soutenir la moindre conversation mondaine et d'éplucher proprement un kumquat mais question amélioration des perceptions, ils s'y entendaient... J'ai entendu le bruit de la poterie se fracassant sur l'os. J'ai entendu le bruit mat du corps qui tombe désarticulé sur le sol de terre. J'ai senti la sueur âcre des hommes, énervement et adrénaline. J'ai distingué l'éclat métallique sous la cape. J'ai perçu suffisamment pour ne pas m'en mêler. Pour rebrousser chemin, sans bruit, alors que personne ne m'avait encore vu et chercher plus loin, un lieu pour faire halte. Mais je suis resté, solidement campé sur ma selle. J'ai fait glissé l'arc, j'ai encoché une flèche, une belle, une en buis, à la tête triangulaire. J'ai encoché, bandé à moitié l'arc. Suffisamment pour gagner une ou deux secondes, plus tard, mais pas trop, pour ne pas fatiguer. Ma jument est snobe mais elle est maligne. Elle a senti la tension de mes cuisses et elle sait qu'elle doit restée silencieuse et immobile. J'attends. Quand on prend une arme dans les mains, c'est pour s'en servir, l'expérience me l'a appris. Je sais, intuitivement, que cette flèche, dont je tiens doucement l'empennage, finira par perforer une chaire vivante et respirante. Mais laquelle ?
  15. J'ai entendu la bête dire : « viens et regarde » Guerre Mort Famine Peste Voilà ce qui se tramait à l'Est. Voilà où on m'envoyait.... On aura besoin de nous là bas soigner, protéger, apporter aide, soutien et miséricorde... Et pourquoi, pour une fois, ne pouvais-je apporter bienfaits et soins à la Cour de l'Empereur ou parmi les pensionnaires de Dame Felindella ? ... Mais non.. Encore une province reculée, probalement peuplées d'incultes sauvages anthropophages vêtus de peaux de bêtes... Quel sacerdoce... Et j'ai vu sur un cheval blanc un cavalier qui tenait un arc... Le mien de cheval n'est pas blanc... J'aurais aimé, pourtant. Un étalon, ombrageux et impétueux, fin et racé... Mais on m'avait expliqué, de ce ton docte et condescendant que j'avais fini par prendre en horreur, que lorsqu'on voulait être un éclaireur, lorsqu'on voulait être discret, voire invisible, on évitait de choisir un cheval à la robe claire qui se repérait à des lieues.. Toujours ce petit côté pratique et mesquin... Mon cheval est isabelle. Et c'est une jument. Et je crois bien qu'elle me snobe. De toutes façons, je suis fatigué. je n'arriverais pas ce soir. Ni demain soir d'ailleurs. Le soir tombe et j'en ai assez, j'ai le dos douloureux, les épaules roides. Et j'ai soif. Et j'en ai assez de ces montagnes, de ce paysage abrupt et minéral, avec ses sentes sinueuses, ces rochers froids, ce gigantisme prétentieux... Alors, quand j'ai vu la fumée, j'ai fait obliquer ma monture. Une pause, une halte, peut être jusqu'au matin. Se désaltérer, échanger quelques mots avec les manants du coin, parler de choses insignifiantes et ennuyeuses, les récoltes, le petit dernier, le mariage de la cousine, faire semblant de s'intéresser, juste pour passer le temps. Avant de pénétrer à découvert, je vérifie mes deux carquois, j'éprouve la tension de l'arc, j'insère un carreau dans l'arbalète, vérifie la sureté. C'est devenu automatique, un réflexe. Inculqué à coup de badines des années durant. Puis je lance la jument au petit trop, elle a senti la pâture et l'abreuvoir, elle a autant hâte que moi.
  16. Grand Chant Le soldat redresse le jeune homme, aidé par les autres sbires de sa garde personnelle. La fête est finie. Le nervi jette d'un geste dédaigneux une bourse rebondie sur les genoux de la catin avant de quitter la fumerie, le visage fermé et le regard fixe, trainant un Imbrium hagard et bafouillant: " Suicidé... Ce rat s'est suicidé.... Pour m'ennuyer... Rien que pour me gâcher ma vie.... Sale petite raclure... Sale petit jaloux sournois ! " Il stoppe brusquement, manquant faire trébucher le garde. " Mais que m'importe ? Hein ? En quoi cela me concerne-t-il ? Je n'irais pas ! Ce n'est pas ma destinée ! je dois choisir demain une Fille d'une Sœur-Lignée !! Pourquoi devrais-je renoncer à cette vie de plaisirs ? Le garde ne dit rien, se contente d'hocher la tête avant de tirer le jeune aristocrate par le bras, peut être un peu plus brutalement qu'il ne le se serait permis la veille encore... Après tout, il n'était plus rien...plus qu'un futur petit moinillon... Et c'est silencieusement que la troupe armée, entourant un Imbrium titubant aux yeux fous et aux traits décomposés, chemina rapidement à travers les ruelles boueuses du port d'Hanno, longea la muraille imposante du Couvent qui tel un veilleur attentif, dominait le port et la baie avant de s'engager dans les rues pavées et escarpées des quartiers marchands qui menaient, au sommet, aux hauts quartiers et à la Cité Impériale. Déjà, à l'est, le ciel, là où il rejoignait les flots, blanchissait et les cris des mouettes dérangées dans leur sommeil semblaient comme autant de rires moqueurs aux oreilles du noble déchu. Là bas, plus haut dans la vaste demeure fraiche et obscure, à peine éclairée par quelques lampes à huile, trois esclaves transportaient le corps sans vie d'un garçon de 18 ans afin d'aller l'enterrer dans quelque fosse commune d'un quartier pauvre. Là bas, plus haut, dans le jardin protégé par les épais murs ocre d'adobe, une mère effondrée pleurait, entourée de ses servantes. Pleurait et gémissait car elle venait de perdre un fils, son fils, la prunelle de ses yeux. Là haut, plus haut, un homme massif, enfermé dans son bureau, écoutait les pleurs de sa femme en se frottant la barbe tentait de trouver une solution, en réfléchissant comme il l'avait toujours fait : comme un marchand et un commerçant : trouver qui payer et combien. Et lorsque la troupe arrive devant le portail de bois odorant, richement sculpté aux armes de la famille, lorsque les deux battants s'écartent lentement, tirés par des esclaves au torse musclé, Imbrium se redresse, époussète ses habits tâchés et chiffonnés et entre d'un pas digne, quoique mal assuré, traverse la cour et le court tunnel avant de pénétrer à la lueur de l'aube dans le jardin, vers la fontaine où il sait qu'il trouvera sa mère et ses femmes sœurs, ainsi que son père, l'attendant éplorés pour lui faire leurs adieux. Mais il n'acceptera pas.
  17. je ne suis plus là.......
  18. Son frère ? Pourquoi venait-on l'ennuyer avec son frère ? Un grand malheur ! La bonne affaire ! Evidemment, il serait envoyé à la prêtrise demain, quel grand malheur que cela ! Mais quelle importance pour lui, Imbrium ? Son frère pouvait même s'être cassé le cou en tombant des escaliers, qu'est-ce que ça pouvait faire ? Mourir dans un accident ou partir s'enfermer dans un temple, c'était du pareil au même pour les Adkan Al Djah' . Que les Dieux le prennent d'une façon ou d'une autre, tant que la Lignée accomplit le sacrifice d'un de ces fils. Le garde insistant s'approche, avance la main et frotte sous le nez d'Imbrium quelques feuilles de Saalsq. L'odeur aigre et acide lui pique aussitôt les yeux et chasse la brume ouatée de son esprit. « Mais comment oses tu ?! Que m'importe ce qu'il arrive à mon frère! Qu'il passe ses derniers moments de noble avec quelques vierges de bordel et qu'il se fasse ensuite oublier à jamais !! Mais qu'on me laisse....» « Maitre... Il s'est pendu... » Le silence comme une couverture, comme un crépuscule tropical, rapide et sans effet d'annonce. Imbrium reste ainsi, yeux rougis plissés par la fumée, bouche molle et pendante. Un de ses compagnons a laissé échapper un hoquet d'horreur en lachant l'embout du narguilé. Même la catin est stupéfaite, ses doigts maigres et tendineux serrant convulsivement sa tunique défaite. Les femmes s'agitent dans la transe, mal à l'aise, gémissantes et transpirantes. Le griot se tait, laissant son auditoire émerger doucement, sachant que le moment est pénible, avant de continuer.... Une fois toutes les femmes entièrement réveillées, il les regarde, aperçoit les attitudes de gêne: les bouches crispées, les mains qui se tordent, les yeux qui restent obstinément fixés sur la trame du tapis. Seule l'aïeulle reste impassible, son regard sans vie fixée sur le visage du griot, comme si elle le voyait vraiment. Avec un sourire de respect à son égard, il reprend son récit, d'une voix basse et grave. « Blasphème.... Blasphème..... Le mot fuse à travers la ville à mesure que la nouvelle se répand... L'aîné mâle des Adkan Al Djah' a échappé à son devoir sacré ! La veille du choix de l'Oracle !! Déshonneur et Malédiction éternelle sur la Lignée ! Perte du titre de Dihqan ! Exil même peut être, dans un quartier sordide comme Hanno! La chute ! L'abîme ! » La rumeur enfle, bruisse à travers la cité noble, teintée d'horreur et de morbide fascination... Les Adkan Al Djah' ! Perdus à jamais ! A moins..... A moins..... Oui, il y a une seule façon de sauver la Lignée Lidi. De laver la tâche. Voire même de sortir grandi de cette terrible épreuve... Un sacrifice... à la hauteur du blasphème.... Pour apaiser les Dieux. Et satisfaire l'Empereur... Mais acceptera-t-il ? Il n'a jamais été préparé ! Il est si jeune ! Si fragile! Si délicat... Il ne pourra jamais... Imbrium.....
  19. Le Conteur revient au chant mineur et les femmes s'agitent doucement, comme lorsqu'on sort d'un rêve étrange, l'esprit alourdi et embrumé, mais les images et émotions du rêve encore présentes. Ainsi se déroula l'enfance d'Imbrium, vie de plaisirs et de satisfaction, enfant plantule croissant grâce au riche engrais qu'est le mélange de l'amour maternel et de la richesse paternelle. Une horde d'esclaves pour assouvir le moindre de ses caprices, l'enfant grandit sans connaître le moindre refus, petit despote grassouillet imbu de lui-même. A la puberté, son appartenance à la Haute noblesse lui valut le privilège d'être déniaisé par une concubine impériale, ce qui ne contribua pas à développer sa modestie. Il découvrit à 13 ans le monde fabuleux et irréel des fêtes de la noblesse, les rencontres avec les héritières calculatrices, les hallucinations provoquées par la fumée de Qät, les stupeurs narcotiques dues aux liqueurs d'épices, les virées dans les bas quartiers pour jouer à se faire peur, pour jouer à l'aventurier, alors même qu'une armée de garde du corps se tient prête, dans l'ombre, à occire le malheureux manant qui s'approcherait de trop près. Grand chant. Les membres sont engourdis, les idées ont du mal à s'accorder. Tout parait revêtu d'un enduit rougeâtre. Imbrium éclate de rire mais le son semble sortir au ralenti, comme dégoulinant, bavant de la bouche entrouverte et la voix est rauque et granuleuse. Il est affalé sur les coussins tachés d'un tripot du port de Hanno. Le narguilé à ses côtés glougloute doucement tandis qu'un de ses compagnons de débauche aspire la fumée jaune. Une jeune catin au visage abîmé se pelotonne contre la soie fine et arachnéenne qui recouvre son torse. Lorsqu'il lève les yeux, il distingue dans une sorte de buée poisseuse les lueurs avides de nombreuses paires d'yeux braqués sur leur groupe. Maquereaux, mercanti et margoulins espérant un signe, une invite qui les autoriserait à franchir la limite impalpable, la distance de sécurité mise en place par les gardes en livrée qui surveillent leurs protégés. Imbrium ricane et il ne sait même pas pourquoi. Qu'importe le jour, qu'importe la femelle, qu'importe le lieu, qu'importe tout ça!! Tout n'est que jeu et rien n'est important. Demain, son benêt d'aîné rencontrera l'oracle qui lui attribuera un Dieu à vénérer. Demain, Imbrium recherchera une Première Fille de Lignée pour conclure une alliance. Demain il se réveillera dans son lit sous la caresse des doigts frais d'une esclave puis, lorsqu'il sera en forme, il ira rendre visite à sa chère mère dans sa chambre, débitera quelques compliments sur sa jeune sœur née il y a peu avant de réclamer d'un ton cajoleur et geignard quelques piécettes supplémentaires pour assurer la fête du jour suivant. Un mouvement sur le côté attire son attention. Un garde de la famille, haletant, vient de pénétrer dans la taverne, essoufflé et transpirant. Que lui veut-il ? La fête vient juste de commencer, il est hors de question qu'il rentre maintenant ! C'est le genre d'incident qui peut nuire à sa réputation de noceur : « vous savez quoi ? Hier, Imbrium a du rentrer à la maison appelé par sa Moman ! ah ah ah ah ! » Il repousse d'un geste agacé la main de la putain qui s'agitait dans son saroual et s'adresse au soldat d'un ton rogue : « Que viens tu faire ici, faquin ? Vérifier si je m'amuse ? C'est le cas, tu peux aller le rapporter à ma mère... » « Maitre, Maitre, vous devez rentrer ! Un grave malheur est arrivé. Votre frère.... »
  20. Ah, si, possible. Mea Culpa, je me suis trompé. Donc l'historien parle des dirigeant(e)s. Au temps pour moi.
  21. Par contre, il est vrai que les indications sur les sensibilités entre éléments données par l'historien à l'agonie ne correspondent pas à celles du tableau de la Faq, de même que les noms de dieux.
  22. Eileen, elle s'appelle Eileen elle est une fille ....comme les autres Eileen Elle a ses joies, ses peines elles font sa vie comme la votre elle voudrais trouver l'amour simplement trouver l'amour... (comprenne qui pourra. Je profite honteusement de son absence pour poster une telle ignominie.....)
  23. Pas d'air chevalin mais elle piaffe.... c't'un signe.... les gènes, ça trompe pas.....
  24. Merci. Dès qu'elle sera écrite, tu auras en avant première. :wink:
  25. Le cheveu neigeux et l'œil sombre, ainsi qu'il sied à un Sombre Ivoire, l'enfant possédait aussi les traits fins et les os légers de sa lignée maternelle, la seule qui compte en cette ville. Il passa sa prime enfance à être cajolé.... Une pause..... Chéri.... Une pause, plus longue.... Pourri par sa mère qui en raffolait. C'était en effet le premier de ses enfants qui était tout à elle, le seul qu'elle garderait, le seul qui pourrait sa vie durant rester auprès d'elle. Etre Noble, on le sait, se mérite et se paye en fils et en filles ... La première fille, dès sa naissance, est élevée dans le but de perpétuer le nom et la lignée. Passant sa vie chez les femmes de la tribu disséminées à travers tout le pays afin de maitriser les arcanes familiaux et les rouages subtiles du Sérail, elle est enlevée à sa mère à peine sevrée. Maîtresse sans avoir eu le temps d'être fillette, courtisane comploteuse à l'âge où les autres gamines coiffent encore les cheveux de lin de leur poupée. Le premier fils est offert aux Dieux afin de ne point les offenser. Sachant qu'il quittera la famille une fois ses 16 ans révolus, on ne s'attache guère au puiné mâle, enfant ombre en attente de partir honorer les dieux, petit fantôme qui grandit sans affection ni intérêt avant de se transformer, à l'adolescence, en être avide de plaisirs intenses et interdits car si brefs! si courts! .... Avant que le dais de la religion ne les coiffe et ne les éteigne à tout jamais. Mais le benjamin... Le miel de sa mère, son réconfort, son trésor et la promesse d'amour et d'affection pour une vieillesse qui, déjà, insidieuse et rampante, apparaît, au détour d'une ride presque translucide... La voix sembla enfler soudain, puis se réverbérer, couler comme la vague et glisser comme le vent.... Puis elle ne fut plus là... Et la scène apparut sur les paupières closes des auditrices qui humèrent soudain les senteurs décrites, sentirent les dalles chaudes sous leurs pieds nus telles que les contait le griot. Il employait le grand chant et elles étaient plongées dans le Dit. L'enfant court, ses pieds nus sur les dalles ocres. Son corps rondouillard se déplace avec gaucherie, il souffle fort, des halètements secs et sifflants. Sur ses cheveux blancs, la sueur se mélange à la laque, créant un effet grisâtre. Les femmes accroupies sur les nattes l'encouragent et lui envoie des mots doux pendant qu'il mime un combat contre une créature imaginaire, une minuscule épée-jouet en acajou dans la main. Malgré l'ombre prodiguée par les dattiers, il a chaud, sa tunique de soie l'engonce et le gène mais sa mère et ses tantes sœurs le regardent, l'admirent, l'aiment, alors, il n'en tient pas compte, alors, il joue aux héros. Il ne jette pas à seul regard à la silhouette terne de son frère, debout contre le mur, à l'écart, qui le regarde d'un air méchant. Ce n'est qu'un futur petit prêtre! Lui, Imbrium, ici, est le Prince en son palais. Son rire fuse, enfantin et cristallin et les encouragements affectueux de sa mère lui répondent. Sa vie n'est que délices et ainsi sera demain ainsi que le jour suivant et tous ceux qui viendront
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