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Terre des Éléments

Les morts marchent de nouveau


Matagot
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Le 6 Campana.

 

Presque une semaine venait de s’écouler en lectures ininterrompues ou presque pour l’équipe de mages chargée d’analyser les livres de feu Mortifer. Uskul se sentait déjà exténué par le manque d’exercice physique et les longues soirées à la lueur des chandelles. Mais la tâche primait sur toute autre considération.

 

Et son abnégation allait payer, précisément ce jour-là.

 

Alors qu’il venait de parcourir les deux tiers d’un ouvrage nommé La Légion des Morts, il tomba sur un passage qui capta toute son attention. Il dévora les pages suivantes en ignorant tout ce qui pouvait bien se passer alentour. Et au bout de deux heures, il sortit en trombe des locaux – houspillé vertement par le bibliothécaire au passage – pour aller demander audience au Grand Maître de l’Académie.

 

 

* * * * *

« Des sceaux ?

 

- Exactement, confirma Uskul. Comme les sceaux de résurrection, qui ramènent les vivants à la vie. Sauf que ceux-là sont conçus pour agir sur les morts.

 

- Je ne suis pas expert en la matière, mais c’est également le cas des sceaux de résurrection, non ?

 

- Pas exactement… Les sceaux de résurrection agissent sur les vivants tombés sous les coups pour leur éviter de mourir réellement. Ils les gardent en vie, en somme. Les morts-vivants, eux, ne sont nullement en vie : ils ont seulement été réanimés par un sort nécromantique. En aucun cas un sceau de résurrection ne permettrait de relever un mort-vivant, puisque la vie l’a quitté depuis longtemps. C’est pour cela que d’antiques nécromanciens ont un jour créé… des sceaux nécrotiques : des artéfacts capables de garder leurs serviteurs macabres perpétuellement à leur service, quand bien même ils seraient abattus.

 

- Et vous pensez que c’est là le secret des morts-vivants qui nous harcèlent ? Des sceaux nécrotiques ?

 

- Oui, je le crois. L’adepte des maudits qui les a relevés devait connaître le secret de ces sceaux et en aura doté ses serviteurs.

 

- Mmmh, c’est possible… mais les faits semblent contredire votre théorie : il est de notoriété publique qu’un certain nombre de morts-vivants disposent de sceaux de résurrection. Les tombeaux maléfiques, par exemple.

 

- C’est là que les créateurs des sceaux nécrotiques se sont montrés particulièrement vicieux. Un de leurs subterfuges a précisément consisté à doter certains morts-vivants de faux sceaux de résurrection, pour égarer ceux qui s’intéresseraient de trop près à leur œuvre.

 

- Des faux sceaux… ? Et nul ne s’en est aperçu ?

 

- Il semble que non. D’après ce que j’en sais, ils ressemblent à des vrais à tout point de vue. La seule règle à retenir est celle-ci : si un mort-vivant porte un sceau de résurrection, c’est obligatoirement un faux.

 

- Je vois… Il est toutefois surprenant que nul sceau nécrotique n’ait été trouvé depuis le début de l’invasion des morts-vivants.

 

- C’est un autre des subterfuges utilisés par leurs créateurs : un sort de dissimulation fait partie du processus de création des sceaux nécrotiques. Il empêche quiconque ne connaît pas le contre-sort de les découvrir accidentellement.

 

- Ah oui, très habile de leur part… En somme, si nous voulons briser la marée des morts, il nous suffirait de lancer ce contre-sort à grande échelle… sur toute la région, en somme. Ensuite, tous ceux qui combattraient les morts auraient une chance de découvrir les sceaux nécrotiques qui les réaniment. Et alors, privés de leur magie, ils resteraient inanimés définitivement…

 

- Grand Maître, vous lisez dans mes pensées. »

 

L’interpellé sourit avec bienveillance et prit quelques notes sur un parchemin en vue d’organiser au plus tôt le désenvoûtement des sceaux nécrotiques. Il posa quelques questions précises à Uskul pour être certain de ne rien omettre.

 

« Une fois ce rituel mené à bien, je compte sur vous, Uskul, pour le faire savoir de tous. Vous pensez que les aventuriers de la région participeront à l’éradication des morts-vivants ?

 

- Ils nous ont prouvé leur implication dans la défense de l’intérêt commun, Grand Maître. Ils répondront présent encore une fois, soyez-en sûr. Mais…

 

- Un problème ?

 

- Disons… un inconvénient. Les sceaux nécrotiques font tous l’objet d’une malédiction qui ne peut être levée sans détruire l’artéfact. Celui qui trouve un de ces objets maudits ne peut plus s’en défaire. Impossible de le céder à une autre personne, par exemple. Seule la mort met fin à ce lien. Je ne pense pas que cela arrêtera les aventuriers, mais… par honnêteté envers eux, il me semble important de les en informer.

 

- Puisque nous le savons, autant partager ce savoir. Qui sait ? Peut-être l’un d’eux trouvera un expédient pour contourner ce désagrément. Ne négligeons pas leur ingéniosité. Et s’ils trouvent moyen de briser la malédiction, nous serons bien contents qu’ils nous fassent profiter de leur découverte.

 

- Très clairvoyant de votre part, Grand Maître.

 

- Bien. Ceci étant réglé, voyons le rituel d’abrogation de la dissimulation des sceaux nécrotiques… »

 

Et les deux mages se plongèrent dans l’étude détaillée de la formule ésotérique.

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Le 11 Campana.

 

Uskul s’en était retourné à l’étude des livres acquis auprès des héritiers de feu Mortifer. Depuis une douzaine de jours, il ne connaissait plus guère d’autre occupation. Après la découverte des sceaux nécrotiques, il n’avait mis le doigt sur aucune révélation majeure, et le Grand Maître se chargeait de préparer le rituel d’abrogation. Autant dire que ses journées n’étaient pas passionnantes… Toutefois, le livre qu’il tenait en main venait de capter son attention : il traitait d’un lieu antique, très particulier… un lieu bâti par une ancienne civilisation, disparue depuis des siècles.

 

Til’Lunis.

 

Ses citoyens avaient pour coutume de rendre hommage à leurs morts dans un endroit à part de la ville, une sorte de cimetière, ou de mémorial… L’endroit avait été construit au fil du temps et les citoyens n’avaient pas ménagé leur peine pour le transformer en un lieu de résidence digne de ceux qu’ils avaient chéris. Le lieu avait été soigneusement entretenu et même habité. Rien de bien extraordinaire jusque-là… mais l’auteur parlait ensuite de forces occultes qui se seraient abattues sur ce site cérémonial, forçant les citoyens à s’enfuir. Ils auraient même scellé le site par magie, pour éviter que certains d’entre eux ne soient tentés d’y retourner honorer leurs chers disparus.

 

Cette découverte laissa Uskul songeur.

 

Certes, ce texte ne révélait rien de précis… mais l’investigateur pressentait un lien avec les sceaux nécrotiques. Et puis l’idée de fouler un sol consacré puis dévoyé par des forces occultes ne le séduisait guère… mais s’il ne tentait rien, il n’apprendrait rien non plus. Alors il finit par se décider.

 

Uskul prit le chemin de Melrath Zorac, une fois de plus.

 

Mais cette fois, il obliqua vers le couchant et le désert occidental. Lorsqu’il vit les ossements blanchis du dragon, il sut qu’il n’était plus très loin de son objectif. Alors il lança une détection de la magie… et il ne fut pas déçu. La barrière magique élevée par les mages de Til’Lunis était bien là, et toujours active malgré les siècles. Une magie puissante l’avait enfantée, de toute évidence. Il hésitait à l’annuler. Après tout, peut-être les habitants de Til’Lunis avaient-ils de très bonnes raisons de sceller le lieu ? Mais cela faisait si longtemps…

 

Le risque était faible que les forces mentionnées soient encore à l’œuvre.

 

Uskul opta pour un compromis : il tenta de créer une brèche dans la barrière magique, sans pour autant l’abattre. Après une heure d’efforts, il sentit qu’il avait réussi : un passage était ouvert, vers le sud, à travers la canopée. Devait-il s’y rendre en personne ? C’était tentant mais pas sans risque… et puis il avait encore beaucoup de travaux de lecture devant lui. Il valait mieux déléguer. Et il savait que certaines personnes ne demanderaient pas mieux qu’un saut dans l’inconnu.

 

Il s’en alla vers Melrath Zorac, contacter une fois de plus les aventuriers pour leur faire savoir qu’une nouvelle zone était accessible et attendait d’être explorée – avec prudence – pour livrer ses secrets. Les aventuriers lui avaient déjà largement prouvé qu’ils étaient à la hauteur des défis les plus ardus.

 

Il les incita à ne pas traîner : sa brèche ne durerait pas éternellement.

 

Il avait senti la puissance de la barrière, et elle reprendrait le dessus tôt ou tard.

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  • 4 weeks later...

Le 7 Festiva.

 

Dans les jardins de l’Académie, un large groupe s’était constitué. Et du beau linge : des mages, des mages, encore des mages, rien que des mages.

Le Grand Maître présidait l’auguste assemblée, qui n’avait rien de festive. C’était lui qui avait convoqué un maximum de ses subordonnés car il avait pris la mesure de l’œuvre qu’il entendait accomplir ce jour : le rituel d’abrogation de la dissimulation des sceaux nécrotiques. S’il voulait que le rituel prenne effet sur toute la Terre des Eléments, il allait falloir lui fournir du mana en quantités proprement gargantuesques.

 

Uskul était présent, bien entendu. L’investigateur académique avait tenu à participer au rituel, en gage de gratitude pour les aventuriers qui avaient rendu tout ceci possible. Et il lorgnait du côté du Grand Maître avec anxiété. Il connaissait le rituel, pour l’avoir étudié dans le détail avec lui, et il en comprenait toute l’exigence, la maîtrise et la concertation qu’il allait requérir. Un échec serait vite survenu… mais avec le concours du Grand Maître, il avait bon espoir. Celui-ci avait pris le temps qu’il jugeait nécessaire pour préparer le rituel au mieux, quitte à faire patienter les aventuriers. Uskul admirait sa rigueur et sa sérénité.

 

L’assistant du Grand Maître passa dans les rangs pour indiquer à chacun la place précise qu’il devait occuper : là non plus, rien n’avait été laissé au hasard. Les mages, vus du ciel, composaient un glyphe ancien, une rune incarnant l’annulation. Puis le Grand Maître leva haut son bourdon de mage.

 

Uskul se tendit.

 

C’est parti !

 

L’assemblée des mages entama la litanie du rituel.

 

Il allait durer six heures pleines. La magie n’était pas chose aisée à dompter.

 

Les badauds qui se pressaient à l’entrée de l’Académie ce jour-là purent témoigner des immenses vagues de puissance magique qu’ils ressentirent jusqu’aux tréfonds de leurs personnes, ainsi que des chants mystérieux et des lueurs féériques qui montaient vers les cieux.

 

Le Grand Maître finit par conclure le rituel : il sentait qu’il avait été mené à son terme de façon satisfaisante. Surprenant un regard inquiet d’Uskul, il lui fit un signe d’apaisement.

 

« Tranquillisez-vous : le rituel est accompli. Il va prendre effet progressivement, mais une chose est sûre : la dissimulation dont bénéficiaient les sceaux nécrotiques appartiendra bientôt au passé.

 

- C’est une excellente nouvelle, Grand Maître. Dois-je en informer les aventuriers ?

 

- Bien sûr. Précisez-leur tout de même que cela va prendre du temps : le sortilège que nous avons dissipé est antique, fait pour durer. Il va résister encore un moment. Certains sceaux seront révélés avant d’autres, et nous n’y pouvons rien. Qu’ils se montrent patients : l’abrogation fera son œuvre, quoi qu’il arrive. »

 

Et le Grand Maître prit encore un moment pour remercier tout un chacun de sa contribution. Uskul, lui, alla boucler son sac : après une bonne nuit de repos, il comptait se rendre à Melrath Zorac.

 

Il avait une grande nouvelle à annoncer à la population. Aux aventuriers en particulier.

Modifié (le) par Matagot
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  • 1 month later...

Au sud de l’oasis verte, les papillons à corne voletaient tranquillement avec leur grâce habituelle. L’endroit paraissait parfaitement calme, sans la moindre once de danger.

 

Ce n’était pas le cas.

 

La menace était invisible, car magique : la barrière qui ceignait le cimetière de Til’Lunis luttait pour colmater la brèche ouverte par Uskul, l’investigateur mandaté par l’Académie, il y avait déjà deux mois. Le passage était resté ouvert tout ce temps, mais le sortilège du mage faiblissait, et peinait à se maintenir face à la puissance de la barrière, née de la volonté commune d’un groupe de mages puissants. Les aventuriers de la région en avaient largement profité pour explorer la zone, et venir en aide à ses ‘habitants’ – des esprits de personnes bien réelles, mais décédées depuis longtemps, très certainement à l’époque où de mystérieuses forces occultes avaient déferlé sur le cimetière. Ces entités spirituelles en avaient retiré un peu de sérénité, et un jeune homme du nom de Gille en avait même profité pour le quitter, après avoir compris que Sophie, sa promise, ne reviendrait plus… Les aventuriers en avaient également bénéficié, profitant des indications judicieuses des résidents et de leurs bénédictions.

 

Tout cela avait été très positif, mais ce moment de répit touchait à sa fin.

 

Une petite fille fixait avec attention le passage ouvert vers le cimetière. Rien ne laissait supposer sa présence, invisible qu’il était, perdu dans la canopée si dense, mais elle semblait le discerner, le voir se déformer, s’effacer partiellement, regonfler… La petite fille sentit qu’elle devait le franchir maintenant, ou qu’elle resterait définitivement bloquée ici, hors de son foyer. Mais ce n’était plus si important pour elle. Elle n’avait plus envie de rentrer. Elle continua donc à observer sans bouger, à voir le passage décliner, puis s’évanouir dans le néant. Et la barrière magique reprit ses droits.

 

Le cimetière de Til’Lunis était à nouveau hors du monde.

 

Ce fut à ce moment qu’un autre passage s’ouvrit. Et celui-là paraissait plus avenant, plus clair. La petite fille le regarda avec attention, puis fit un pas hésitant dans sa direction. Elle ne savait pas où il pouvait bien mener… mais rester ici ne servait plus à rien. Sa mère ne reviendrait plus. Et elle avait retrouvé sa poupée, le dernier cadeau de celle qui lui manquait tant.

 

La serrant un peu plus fort sur son cœur, elle avança vers la lumière…

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