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Terre des Éléments

Les morts marchent de nouveau


Matagot
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Une rumeur enfle.

 

Plusieurs méfaits ont été perpétrés ces derniers temps, et il semble que des morts-vivants en soient presque systématiquement la cause. Un regain d’activité notable pour des créatures qui ne débordent pas de vitalité et qui passent le plus clair de leur temps à errer en tentant d’attraper ce qui leur passe à portée de main. Les anciens marmonnent dans leur barbe, disant qu’il s’agit là de mauvais augures, voire des signes précurseurs d’une catastrophe à venir. Mais comme c’est ce qu’ils font à longueur d’année, personne n’y prête plus attention. Ce qui ne les empêche nullement de continuer.

 

Et puis la nouvelle est tombée.

 

« Les Ghosts ! Ils sont de retour !!! »

 

Un messager est arrivé d’IssCaNak, hors d’haleine. Le village est hanté par ces fantômes qui ont terrorisé Melrath Zorac le temps d’une nuit. A l’époque, une vaste mobilisation des aventuriers de ces terres avait permis de repousser la menace en chassant les plus puissants de ces fantômes. Aujourd’hui, d’après ce que dit le message, seuls les esprits les moins dangereux sont réapparus... du moins pour l’heure. Cela ne les empêche pas de mettre le village sans dessus dessous. Mais que diable font-ils du côté d’IssCaNak ?

Plus ennuyeux, il n’y a pas de troupes stationnées dans le marais. Le bourgmestre en appelle à l’aide de Melrath Zorac et de sa garnison, mais Madame la Maire hésite à déplacer les défenseurs de la région : qui sait si la ville ne sera pas leur prochaine cible ?

 

Quant aux soldats, ils ne sont guère pressés d’aller affronter une menace surnaturelle.

 

Alors la question se pose : cette fois, qui se dressera face à la menace spectrale ?

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Au village d’IssCaNak, la tension est palpable.

 

Des aventuriers viennent prêter main-forte à la population pour éloigner ces turbulents esprits. Grâce à leur valeur, de nombreux fantômes ont déjà été chassés... mais ils reviennent sans cesse, en dépit des efforts déployés. Les habitants, eux, tentent de se protéger et se claquemurent dans leurs maisons. Hélas, ce n’est pas cela qui va décourager ces esprits malins. Et les dégradations commencent à s’accumuler. Le bourgmestre multiplie les appels, à la Guilde des Chasseurs notamment, et à l’Académie. Les Leideniens, pris de court par cette menace inconnue d’eux, rassemblent des informations mais ne semblent pas décidés à bouger pour l’heure. D’ailleurs, pour faire quoi au juste ? Nul ne semble fixé sur la question. Quant aux mages de l’Académie, ils ont fait savoir au bourgmestre que ces événements ne les concernaient en rien, et qu’ils ne souhaitaient pas être perpétuellement dérangés pour ce genre de broutilles. Ils ont ajouté que le village ferait mieux de se tourner vers les prêtres de l’Unique dans pareil cas.

Le bourgmestre a sauté sur l’idée et a envoyé un appel à l’aide à l’église. Depuis, des prêtres viennent réciter des prières à l’Unique et pratiquer de saints rituels dans les rues du village, avec un certain succès : les fantômes s’éloignent prestement d’eux et ne les harcèlent pas... mais ils s’en vont juste en un autre endroit pour continuer à harasser les vivants, et reviennent dès que les prêtres sont partis. Bref, les avancées sont au mieux modestes.

 

Et deux jours après, c’est d’Irliscia qu’est venue la mauvaise nouvelle.

 

Les elfes ont repéré un groupe de Ghosts près du Rocher aux Cactus. Que font-ils là-bas ? Leur présence est une première en ces lieux. Ont-ils été attirés par la vieille tour Dilth, qui a causé bien des combats et de nombreux morts ? Mystère. Les elfes accusent les orcs et les sortilèges impies de leurs shamans, mais les orcs semblent encore plus effrayés que les elfes par les fantômes. Si vraiment leurs chefs espéraient reprendre l’avantage en recourant aux forces occultes, c’est raté.

 

Pour l’heure, ces nouveaux Ghosts, bien que plus puissants, ne représentent pas une menace majeure. Le lieu est plutôt désert et les esprits ne s’en éloignent pas, au moins pour le moment. Le Haut Conseil elfe s’inquiète néanmoins de cette manifestation spectrale et en appelle à toutes les bonnes volontés, pour chasser les Ghosts ou indiquer aux elfes une méthode d’exorcisme efficace. Bref, les elfes semblent aussi dépourvus que les humains face à ces esprits.

 

La question qui agite maintenant beaucoup de langues est : pourquoi ces réapparitions soudaines ? Nul ne semble comprendre ce qui se passe vraiment.

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Ce jour, un nouveau messager d’IssCanak se présente aux portes de Melrath Zorac et demande à être reçu immédiatement par les autorités locales. Madame le Maire lui accorde une audience sans tarder, curieuse de savoir comment la situation évolue au village. Les Ghosts ne se sont pas encore manifestés en ville mais elle redoute que cela se produise. De fait, le messager n’a pas de véritable révélation dans sa musette.

 

« ... la population fait face, et nombreux sont ceux qui viennent aider, mais les Ghosts sont toujours là. Impossible de les chasser pour de bon. Mais ce n’est pas le plus préoccupant... »

 

Madame le Maire ouvre des yeux ronds de stupeur. Celle-là, elle ne s’y attendait pas. Le messager poursuit :
« Nos concitoyens nous ont rapporté l’apparition de morts-vivants, au cœur même du marais. Des cadavres animés, et forts, qui s’en prennent à tout ce qui vit. La meute de serportues qui vit là-bas en a fait les frais : elles ont été presque décimées ! »

 

Madame le Maire était déroutée par la nouvelle.
« Des morts-vivants, mais pas des Ghosts ? Vous êtes sûr ? »

 

Le message acquiesça vigoureusement.
« Rien à voir avec ces saletés de fantômes, ça je vous l’assure ! Des cadavres réanimés, voilà ce à quoi nous avons affaire. Remarquez, cela peut s’expliquer : le cœur du marais est une zone assez dangereuse. De nombreux inconscients y ont disparu au fil des années. Mais jusqu’ici, tous ces corps étaient restés au fond de l’eau, jamais un ne s’était relevé... »

 

Madame le Maire demande alors ce qui peut bien ramener ces morts à la vie. Le messager écarte les bras en un geste d’ignorance teintée d’impuissance.
« Ca, nous n’en savons rien. Nous ne sommes que de modestes villageois, des artisans, des commerçants... et les Mages de l’Académie ne nous ont pas accordé leur aide, ni même leur savoir. Quant aux prêtres, ils nous assistent de leur mieux, mais ils ne semblent pas en savoir plus que nous. Et ils ont déjà fort à faire avec les Ghosts. Remarquez, les cadavres n’ont pas quitté le cœur du marais, ils ne sont un danger que pour ceux qui s’y rendent. C’est déjà moins grave, mais c’est problématique tout de même, et le fait que ces cadavres soient capables de tuer des serportues est très inquiétant... »

 

Madame le Maire n’y comprend plus rien. Le retour des Ghosts, d’accord. Ces esprits avaient surgi sans explication la première fois, pas de raison qu’ils en donnent une la seconde. Mais les cadavres ? Ils ne se sont tout de même pas relevés tout seuls, si ?

 

Elle remercie le messager en lui disant de l’alerter si jamais les cadavres réanimés menaçaient plus directement le village, lui assurant qu’elle enverrait des troupes le défendre. Juste après son départ, elle s’empare d’un parchemin et de sa plume favorite, qu’elle trempe dans son encrier. Elle a une missive à rédiger.

 

Il est temps, lui semble-t-il, de solliciter le conseil et l’assistance des Mages de l’Académie. Etant donné sa fonction, elle espère que sa demande aura plus de poids que celle du bourgmestre d’IssCaNak.

 

La réponse qu’elle obtient quelques heures après, par retour de pigeon voyageur, est fort bien rédigée et très courtoise. Elle peut néanmoins se résumer en quatre mots : lâchez-nous les chausses.

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La nouvelle se répand comme une traînée de poudre : l’Académie a été attaquée !

 

Un groupe de morts-vivants s’est manifesté dans les tunnels proches, et s’en est violemment pris à la foule massée devant l’entrée. Sans l’intervention de la Garde Académique et de plusieurs mages qui sont rapidement arrivés en soutien, les assaillants auraient fait un véritable carnage. Au lieu de cela, la populace s’en est sortie à bon compte, avec des blessés certes, et la peur de leur vie, mais rien d’irréparable. Les morts-vivants ont été refoulés, mais pas vaincus : ils ont fini par se retirer dans les tunnels.

 

Au fur et à mesure que les nouvelles arrivent, la situation paraît maîtrisée et rassurante. L’Académie en elle-même n’a jamais été mise en danger : son entrée est toujours bloquée par de puissants sortilèges que seuls les mages sont en mesure de franchir, ou de faire franchir à autrui. Ses troupes ont montré leur vaillance : face à un adversaire terrifiant, leur moral n’a pas flanché. Elles en sortent même grandies aux yeux du peuple, qui ne voyait en elles que des oppresseurs chargés de lui bloquer la route de l’Académie : elles sont devenues son sauveur et son protecteur, en versant leur sang à sa place.

 

Les Mages, eux, impressionnent encore plus qu’avant, leurs sorts ayant mis en déroute cet agresseur redoutable. Un ennemi qui fait bientôt encore plus frissonner, lorsqu’il est annoncé qu’il a attaqué le groupe d’Ulcausaurus qui rôdait non loin de là. Même ces puissants combattants ont fini par céder face à un ennemi presque impossible à terrasser. Fidèles à eux-mêmes, les Ulcausaurus se sont battus jusqu’au dernier, avec la fureur qui les caractérise. En vain. Ils ont été engloutis par la vague mort-vivante.

 

Du côté de l’Académie, les Mages se réjouissent de voir cette menace anéantie : ils n’avaient guère apprécié de voir leurs sorts pris en défaut par ce groupe de reptiliens qui s’était ainsi échappé de l’abysse. C’est un problème de réglé pour eux, et sans qu’ils aient besoin d’intervenir. Mais cette satisfaction est au mieux éphémère : il leur suffit de penser à la menace que représente un groupe de morts-vivants capable de vaincre de tels adversaires, et campant presque devant leurs portes... Cette fois, ils ne peuvent plus se contenter de se tenir en retrait des affaires du monde : ils sont dans la bataille, qu’ils le veuillent ou non. Alors les Hauts Mages se réunissent pour définir une stratégie et, en l’espace de quelques heures, un plan d’action est adopté.

 

Le jour même, un investigateur académique quitte le domaine pour aller évaluer la situation dans les tunnels. Cela fait, il se rend directement à IssCaNak, et y rencontre la population pour rassembler des informations sur les derniers événements. Puis il prend congé, sans préciser où il compte aller...

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Le fléau continue de se répandre.

 

C’est ainsi désormais que la population de la région appelle la menace grandissante des morts. Et le fléau vient d’atteindre Melrath Zorac. La porte occidentale de la ville est maintenant hantée par des morts-vivants, des gardes de la ville, trépassés et enterrés, qui viennent de se relever.

 

Madame le Maire a demandé à la Garde de repousser ces morts, ce qui a été accompli pour l’heure : aucun ne semble parvenir à franchir les défenses de la porte. D’un autre côté, ces morts se relèvent sans cesse, toute victoire n’est donc que provisoire. Afin de ne pas s’user dans une bataille sans fin, la Garde a choisi de se retirer hors de vue des morts, ne laissant sur place que quelques sentinelles pour surveiller les morts-vivants. Si jamais ces derniers venaient à franchir la porte, la Garde se tient prête à intervenir. L’origine des gardes réanimés semble aisée à trouver : non loin de la porte, il y a une fosse commune où nombre d’entre eux, tombés en accomplissant leur devoir, ont été ensevelis.

 

La Guilde des Chasseurs fait également les frais du fléau : certains de ses éléments, morts au combat, se sont relevés. Fort heureusement, la Guilde avait choisi d’enterrer ses morts hors des murs de la ville, au nord, loin de toute porte... mais à proximité du fort d’une faction. Désormais, ses habitants doivent vivre avec le son lugubre des râles des maîtres-chiens réanimés et des aboiements de leurs compagnons à quatre pattes. Les scorpions noirs qui vivaient là ont fini par déguerpir sans demander leur reste.

 

La seule bonne nouvelle est une missive reçue par Madame le Maire : l’Académie l’informe qu’elle a revu sa position sur les événements actuels et qu’elle enquête activement sur le fléau. Un revirement qui fait briller une lueur d’espoir en ces heures sombres.

 

Mais une demi-bonne nouvelle, en fait. Car cette décision d’enquêter revient à avouer que les mages eux-mêmes ignorent l’origine du problème...

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A Melrath Zorac, la situation semble s’être stabilisée. Aucune nouvelle bande de morts-vivants n’est apparue depuis la première alerte. Du côté d’IssCaNak, le village est toujours assailli par les Ghosts mais les zombies du marais sont restés loin des habitations. Et à l’entrée de l’Académie, la Garde veille à la sécurité de tous. Les cavaliers morts-vivants n’ont pas tenté d’autre attaque en masse.

 

Pour autant, les choses n’évoluent guère.

 

Les morts continuent de se relever, comme s’ils narguaient les vivants : rien ne semble en mesure de les détruire une bonne fois pour toutes. Et c’est un navire de commerce qui apporte une mauvaise nouvelle – une de plus : des Ghosts ont été repérés au Fort d’Abroy. Et ceux-là sont encore plus dangereux.

 

A l’Académie, en attendant des nouvelles de l’investigateur récemment mandaté, les mages s’interrogent sur tous ces événements. Ils ne sont gère versés dans les arcanes de la nécromancie, mais tout ceci ressemble néanmoins, à leurs yeux, à une sorte d’appel, un rituel magique destiné à attirer des créatures vers ce plan d’existence. Les sorciers font de même avec les démons ; là, il s’agit de créatures spectrales. Mais qui pourrait bien agir de la sorte ? Et pourquoi ? Le nom de Rebom est bien prononcé, mais nul n’a entendu parler de lui depuis un temps prolongé. Aucun augure ne laisse présager son retour. En fait, personne n’y croit sérieusement.

 

En revanche, la localisation des Ghosts récemment apparus semble facilement compréhensible pour les mages. Le Fort d’Abroy a été la scène d’une terrible bataille entre les orcs et les humains. Le clan des Himms avait mobilisé une importante flotte d’invasion qui a tenté d’aborder en ce lieu. Beaucoup de sang y a été versé, et de nombreux corps sans vie y reposent pour l’éternité.

 

Sauf si quelqu’un a profané leur sépulture...

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A Melrath Zorac, la situation n’a pas évolué, ni en pire ni en mieux. Les morts-vivants hantent toujours la porte occidentale de la ville mais restent en dehors des remparts. Si la panique initiale a disparu très vite, une sourde appréhension s’est installée. Chacun redoute ce que les jours prochains pourraient apporter comme nouvelle menace pour les vivants... Madame le Maire n’est pas la moins préoccupée et multiplie les contacts avec la Garde pour anticiper tout nouveau problème, comme avec l’Académie pour tenter d’en savoir davantage sur le fléau, et un éventuel moyen de le contrer.

 

Les Mages lui répondent régulièrement, l’informant que l’enquête suit son cours mais qu’elle n’a pas encore abouti. Ils enjoignent les forces vives de Melrath Zorac à éviter tout affrontement inutile, dans la mesure où l’ennemi ne cesse de se relever. Il est plus avisé d’attendre la découverte d’un moyen de les terrasser définitivement, au lieu de perdre des combattants en vain.

 

Ils lui révèlent également que leur propre situation ne s’améliore pas : une nouvelle bande de morts-vivants est apparue dans les tunnels, loin des murs de l’Académie heureusement. Mais ces spectres s’en sont pris aux créatures présentes, notamment les Kermotians, de formidables combattants s’il en est ! Forts à faire frémir les plus valeureux, très résistants aux blessures, et capables de coups vicieux causant de terribles dégâts à leurs proies, ils comptent parmi les plus dangereux prédateurs de la création. Et malgré toute leur hargne, les Kermotians ont dû céder face à ces esprits, et se replier dans l’abysse dont ils étaient sortis.

 

Même si ces spectres ne présentent pas une menace immédiate, le renforcement de la présence mort-vivante dans les tunnels fait planer une menace grandissante sur l’Académie. Un messager a donc été envoyé trouver l’investigateur académique pour l’exhorter à presser le pas, quitte à solliciter le concours de la population locale et des aventuriers.

 

Madame le Maire, tout en reposant la missive, est saisie d’un mauvais pressentiment : si jamais l’Académie tombait sous les assauts des morts, quelle chance resterait-il à sa chère ville d’éviter le même sort... ?

 

Elle est subitement secouée d’un frisson.
 

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Seule dans son bureau de l’administration de la ville, Madame le Maire fait le point sur les avancées récentes.

 

Elle a pu rencontrer l’investigateur académique et échanger avec lui sur ses projets et sa stratégie contre le fléau. Il lui est apparu comme une personne très érudite et méthodique, ce qui est plutôt rassurant. Dans ce genre de période, les gens qui savent ce qu’ils ont à faire sont une bénédiction pour leur entourage. Il s’est avéré être féru d’alchimie, et compte employer ses connaissances en la matière pour comprendre la nature du fléau.

 

Madame le Maire se souvient en avoir éprouvé une pointe de déception.

 

Ayant affaire à un mage, elle s’attendait à... hé bien... elle ne sait pas au juste, mais à de la magie. Peut-être à le voir agiter les mains, prononcer des formules inintelligibles, et invoquer une lumière aveuglante qui aurait renvoyé tous les morts dans leur tombe en un claquement de doigts. Ou à réaliser une divination qui lui aurait révélé instantanément la source du fléau. Bon, elle s’est peut-être un peu emballée : si la magie pouvait tout résoudre sans effort, il y aurait probablement bien plus de mages, et tout le monde leur courrait après.

 

Et puis, elle ne peut pas faire grand-chose pour aider un mage, mais un alchimiste, c’est déjà un peu plus aisé.

 

D’abord, elle a mis à sa disposition un local dans lequel mener ses expériences. Ensuite, elle s’est engagée à lui fournir tout le menu matériel et les consommables dont il aura besoin. Elle lui a également assuré la contribution des sœurs Gerger et de leur personnel, Géfin et Gésouaf notamment : tout mage qu’il est, l’investigateur a besoin de manger, boire et dormir, comme tout un chacun. Madame le Maire tousse en pensant à la facture que les sœurs Gerger ne manqueront pas de lui présenter à l’issue de tout ceci. Mais si la survie de la ville est à ce prix... ce n’est jamais que de l’or.

 

Elle a donné au mage l’accès à la bibliothèque de la ville pour qu’il effectue certaines recherches théoriques, notamment en matière d’alchimie. C’est là que ses employés l’ont informée de la disparition d’un ouvrage que l’investigateur désirait consulter. Quelque indélicat l’avait barboté sous leur nez. Madame le Maire leur a passé un bon savon pour la peine : pour une fois qu’elle a l’occasion de donner une bonne image de Melrath Zorac à un membre de l’Académie, c’est un peu raté.

 

L’investigateur ne s’est pas démonté pour autant et a lancé plusieurs aventuriers volontaires sur la piste du livre manquant.

 

Madame le Maire ne peut s’empêcher de se dire que, si tout dépend des efforts et de la bonne volonté de ces aventuriers, le destin de sa chère ville est au mieux incertain...

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  • 2 weeks later...

A l’Académie, le Haut Conseil est en session.


Les mages débattent des dernières nouvelles et de leurs possibles répercussions, ainsi que de la conduite à tenir. La situation paraît stabilisée : l’Académie n’a pas été attaquée de nouveau et, même si des morts-vivants hantent désormais les tunnels, la sécurité de l’entrée ne semble pas gravement menacée. La garde a été renforcée en conséquence et des mages se tiennent prêts en permanence à voler à leur secours en cas d’alerte. Rien ne semble remettre en cause l’efficacité de ce dispositif défensif.


Du côté d’IssCaNak, le bourgmestre appelle toujours à l’aide, et les résultats de l’intervention des prêtres sont toujours aussi mitigés. Le Haut Conseil, après en avoir débattu, décide que le village n’est pas en danger immédiat et qu’il vaut mieux concentrer leurs forces armées ici, à l’Académie, le seul lieu à avoir connu une attaque en règle. Ce point est d’ailleurs souligné lors des débats : qui donc s’en prendrait à l’Académie ? Quelqu’un qui souhaiterait exercer une vengeance à l’encontre des mages ? Ou quelqu’un qui aurait intérêt à ce que l’Académie soit détruite ? Par exemple, pour éviter que ses mages ne finissent par nuire à ses plans...


Les résultats obtenus par l’investigateur académique sont également examinés de près, même s’ils sont encore largement lacunaires. Leur émissaire leur signale qu’il a dû faire face à quelques contretemps imprévisibles, mais qu’il peut compter sur le soutien de la ville de Melrath Zorac et de plusieurs aventuriers. Il est donc plutôt optimiste sur la poursuite de sa mission et de ses chances de succès. Il souligne que les morts-vivants s’étant manifestés aux alentours de la ville ne sont ni bien nombreux, ni franchement redoutables, et que les efforts combinés de la garde et des aventuriers suffisent – au moins pour l’heure – à les tenir au large. A la lumière de ce rapport, le Conseil décide également de ne pas bouger pour soutenir militairement Melrath Zorac. La dispersion de ses forces présenterait des risques évidents, et un bénéfice qui semble faible.


Les mages finissent leur réunion sur un point décevant et troublant : l’échec de leurs rituels divinatoires pour identifier la source du fléau, en dépit de leurs tentatives répétées. Certains des leurs sont des experts en la matière, mais rien n’y fait : ils se heurtent à une barrière impénétrable. Un voile noir au travers duquel ils ne parviennent à rien distinguer. Cela laisse penser que l’entité qui se cache derrière le fléau avait prévu cette démarche des mages, et qu’elle s’y était préparée. Pire, elle doit être d’une grande puissance, supérieure à la leur.


Une autre possibilité serait qu’il ne s’agisse pas d’une entité unique et surpuissante, mais d’une organisation bien établie et ne manquant pas de ressources, notamment en matière de magie.


Une organisation habituée du secret, tirant les ficelles dans l’ombre...

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A Melrath Zorac, le moral de la population n’est pas au beau fixe. Plus d’un mois déjà que le fléau s’est manifesté, et quatre semaines que les morts rôdent devant les remparts de la ville. Rien ne semble présager d’une fin rapide à la menace. Ni même d’une fin, d’ailleurs... L’anxiété est sourde mais palpable dans les rangs des habitants. 


Madame le Maire continue à maintenir le contact avec l’investigateur académique mais celui-ci s’est lancé dans des expériences d’alchimie qui l’accaparent et auxquelles elle n’entend goutte. Leurs deux dernières entrevues ont été peu productives. Elle préfère maintenant le laisser travailler sans plus s’en mêler. Le problème est qu’elle n’a pas grand-chose à annoncer à ses administrés, et elle sent bien que l’angoisse les ronge. Une bonne nouvelle serait la bienvenue.


La garde de la ville n’est pas au mieux non plus. Tout un chacun la sollicite à tout bout de champ. En gros, dès que quelqu’un a besoin de sortir de la ville, il demande une escorte armée. Or la garde n’a pas les moyens de protéger chaque citoyen, et ses membres commencent à s’épuiser, à force de patrouiller sans cesse. Tout ceci a également un impact sur le commerce : les marchands deviennent réticents à tenter leur chance dans la région. Même si leurs convois ne sont guère menacés, ils ont déjà eu maille à partir avec des morts, et eux aussi réclament une protection. La Guilde des Chasseurs y contribue, pour soulager la garde, mais cela ne suffit pas encore.


Et puis une rumeur commence à circuler en ville.


Au débit, ce n’est qu’un chuchotis, mais il va en s’amplifiant peu à peu, tant et si bien qu’il finit par parvenir aux oreilles de Madame le Maire.


Le célèbre rôdeur Cheuk Maurice aurait été aperçu dans la région.


Un bruit qui suscite la curiosité, et un regain d’espoir. Sa visite semble trop providentielle pour n’être qu’une coïncidence : serait-il sur la piste du fléau ? Si oui, ce serait inespéré. Recevoir l’aide d’un tel justicier... même les mages n’ont pas une telle cote auprès de la populace. Pour Madame le Maire, c’est une aubaine, et il s’agit de ne pas la manquer.


Le jour même, les officiers de la garde reçoivent l’ordre d’ouvrir l’œil et de transmettre à Cheuk Maurice une invitation de Madame le Maire, dès qu’ils réussiront à le localiser.
 

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  • 2 weeks later...

Les jours passent, et Madame le Maire s’inquiète de l’absence de nouvelles concernant Cheuk Maurice. Elle finit par convoquer les officiers de la garde.


Leur rapport est lapidaire : aucune nouvelle du célèbre rôdeur. Pourtant, eux aussi entendent dire qu’il est dans la région. Il aurait été aperçu à plusieurs reprises, mais la garde n’a jamais pu le croiser. Ce qui est plutôt curieux étant donné que les soldats multiplient les patrouilles dans tout le secteur de Melrath Zorac, au vu des événements actuels. Cheuk Maurice prendrait-il soin de les éviter ? Ce serait possible – il en aurait les capacités – mais nul ne voit la moindre raison à un tel comportement de sa part. Madame le Maire finit par renvoyer les officiers en les exhortant à se bouger : le sort de la ville en dépend peut-être !


Une gravité non-feinte, à laquelle le destin va se montrer imperméable – mais pas dénué d’humour.


Quelques jours après, alors que la nuit est tombée, un rapport lui parvient d’une sentinelle inattendue : une des sœurs Gerger. Celle-ci lui signale innocemment que Cheuk Maurice a pris une chambre dans son établissement. Madame le Maire étouffe un hoquet de surprise, puis lève les yeux au ciel : le rôdeur est dans les murs de la cité, et pas un garde ne l’en a informée ! Puis elle se rappelle qu’à force d’envoyer des patrouilles dans toute la région, la garde a quelque peu délaissé la ville en elle-même.


L’ironie de la chose lui laisse une certaine amertume en bouche.


Quoi qu’il en soit, elle sait enfin où trouver le rôdeur. Et le lendemain, elle rédige une belle lettre et la fait porter à Cheuk Maurice par un de ses assistants. Lorsqu’il revient, la mine déconfite, Madame le Maire réalise que tout n’a pas dû se passer comme prévu. Et pour cause : lorsqu’il est arrivé, l’aubergiste lui a signalé que le rôdeur a rendu la clé de sa chambre de bon matin. Il a bien tenté de le rattraper, mais en vain. Cheuk Maurice a été aperçu à la porte occidentale, quittant la ville. Il n’a donc pas pu lui remettre la missive et a rebroussé chemin.


Ulcérée, Madame le Maire réunit tout le personnel municipal dont elle peut se passer dans l’immédiat et les envoie sur les traces du rôdeur. Elle transmet également l’information à la garde, l’enjoignant de l’intercepter sans délai.


Ce jour-là, il y a donc de l’animation en ville.


Ce qui ne manque pas d’amuser les anciens, qui rappellent à tous ceux qui veulent bien les écouter une chose que tout le monde semble avoir oubliée.


Personne ne peut trouver Cheuk Maurice : c’est lui qui vous trouve.
 

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Une semaine s’est enfuie en catimini, et rien de bien nouveau ne s’est produit. Pas de mauvaise nouvelle, ni de bonne, et aucune de Cheuk Maurice non plus.


Ce soir, Madame le Maire est restée à travailler tard dans son bureau du bâtiment de l’administration. Les locaux sont presque déserts, mais elle reste sereine et concentrée : la garde veille de près sur la ville, et sur elle-même en particulier.


Aussi, lorsqu’un inconnu franchit la porte de son bureau sans être annoncé, elle se lève d’un bond.


« Quoi ?! Qui êtes-vous ? Et que faites-vous là ?


- Je suis Cheuk Maurice. »


Et cela dit comme si ça expliquait tout.


Madame le Maire, revenue de sa surprise, retrouve sa maitrise d’elle-même et se rassoit. Elle remercie le rôdeur d’avoir répondu à son invitation, puis se souvient que son bureau est fermé à clé.


« Comment êtes vous entré ici ? J’avais verrouillé ma porte.


- Rien ne résiste à Cheuk Maurice. »


Interloquée, Madame le Maire se dit qu’elle a dû se tromper, étant donné que la porte s’est ouverte devant son visiteur sans un murmure. Elle ne perd néanmoins pas le fil de ses idées et aborde avec le rôdeur le sujet qui la préoccupe depuis des semaines. Cheuk Maurice a de son côté constaté la réalité du fléau et de la menace qu’il fait peser sur la région. Il ne connait pas la nature exacte du fléau, ni son origine, mais il se fait fort de le découvrir sous peu – et de lui apprendre la vie.


Et sur ces mots, il prend congé aussi vite qu’il a surgi dans le bureau.


Madame le Maire, estomaquée par ces manières abruptes, reste sans réaction quelques instants, puis se lance à sa poursuite dans les couloirs. Elle a pas mal de détails en tête, des actions à mettre en place avec le concours de la garde, l’investigateur académique qu’elle souhaiterait présenter au rôdeur... mais ce dernier semble s’être volatilisé à une vitesse déroutante. Elle finit par débouler dans la salle de garde, et le chaos indescriptible qu’elle y découvre la cloue sur place de stupeur.


Une douzaine de gardes en armure gisent à même le sol, certains entassés les uns sur les autres, d’autres manifestement projetés contre les murs avec force.


Madame le Maire repère sur leurs casques des traces de coup, en forme de semelle de botte, et comprend soudainement ce qui s’est passé. Elle lève les yeux au ciel tandis que sa paume vient frapper son front.


Ces crétins ont essayé d’empêcher Cheuk Maurice d’entrer !!!


Non seulement la garde n’a pas réussi à lui mettre la main dessus, mais quand le rôdeur s’est présenté de lui-même, ils ne l’ont pas reconnu et ont tenté de l’éconduire. Fort heureusement, il ne les a pas tués : ils sont juste inconscients, étendus pour le compte. Quelques mots lui reviennent en mémoire.


... Rien ne résiste à Cheuk Maurice...


Elle réalise qu’elle ne rattrapera plus le rôdeur, maintenant. En revanche, elle connait certains gardes qui n'échapperont pas à un savon en bonne et due forme dès qu’ils tiendront à nouveau debout...


Le lendemain, elle est néanmoins satisfaite d’annoncer à ses administrés que le célèbre rôdeur prend les choses en main. Avec un allié de ce calibre, il lui semble que le sort de sa chère ville est beaucoup moins incertain. La nouvelle se répand dans les rues à la vitesse d’une traînée de poudre, provoquant un grand soulagement parmi la populace. Certains pourtant émettent de sérieux doutes sur ce qu’un homme seul pourrait bien accomplir face à des hordes de morts-vivants, et se demandent ce que l’avenir leur réserve.


Les anciens qui les entendent ne manquent pas de leur rétorquer :


C’est l'avenir qui devrait s’inquiéter de ce que Cheuk Maurice lui réserve.

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Madame le Maire est au beau milieu d’un conseil municipal lorsqu’un messager déboule sans crier gare.


« Une missive pour Madame le Maire. De la part de Cheuk Maurice ! »


Elle n’apprécie guère d’être interrompue aussi cavalièrement, mais la curiosité l’emporte sur la contrariété. Elle prend le parchemin, remercie le messager, congédie les conseillers et s’enferme dans son bureau pour prendre connaissance de la missive.


Et elle n’est pas déçue.

 

A Madame le Maire.

 

Après quelques recherches, tout me porte à croire que le fléau est l’œuvre d’une poignée d’individus, manifestement pas très sains d’esprit, qui croient en l’avènement du règne des morts, ou un délire du même calibre. Ils relèvent tous les morts qu’ils peuvent, en pensant renverser l’ordre des choses. Je n’ai pas encore identifié leur meneur, mais il a été fait référence à lui comme étant un adepte de la Secte des Maudits. Je suis sur sa piste et je compte bien la suivre jusqu’au bout. J’interrogerai tous ses complices qui me tomberont sous la main jusqu’à ce que l’un d’eux crache le morceau.
 

Cheuk Maurice


Un compte-rendu direct, simple, lapidaire. Pas de fioritures de style, pas de formules de politesse. La plume d’un homme d’action, plus habitué à se battre qu’à discuter.


D’habitude, Madame le Maire s’en offusquerait quelque peu, mais dans les circonstances présentes, elle ne s’en formalise même pas. A quoi bon, d’ailleurs ? Cheuk Maurice est l’homme que la situation exige, voilà tout. Tant pis pour ses manières. Elle réfléchit plutôt à la manière dont elle pourrait assister le rôdeur dans ses recherches. Cette secte des Maudits, cela lui évoque vaguement quelque chose. Elle pense en avoir déjà ouï parler...

 

Le jour même, les officiers de la garde sont convoqués, et Madame le Maire leur donne l’ordre d’enquêter sur cette secte et ses agissements. Les gardes reçoivent de sa main un mandat pour arrêter toute personne qui pourrait appartenir à cette organisation. Dans le même temps, elle fait publier un ban public, invitant le meneur de cette secte à se manifester et la rencontrer sans délai, afin de clarifier les choses, notamment concernant sa possible implication dans le fléau.

 

La nouvelle fait sensation en ville. Si beaucoup ne connaissent pas la secte en question – voire n’en ont jamais entendu parler –, ce n’est pas le cas de tout le monde. Et certains doutent fortement que ladite secte puisse tremper d’une façon ou d’une autre dans cette affaire. D’autres soutiennent même ouvertement les Maudits. Ce qui les amène à proclamer que Cheuk Maurice raconte n’importe quoi.

 

Les anciens qui les entendent rient dans leur barbe et les reprennent d’une simple phrase :


Cheuk Maurice ne ment pas, c'est la vérité qui se trompe.

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Les nouvelles pourraient être meilleures.


Voilà ce que se dit Madame le Maire en ce jour de Festiva.


Sa première déconvenue réside dans les maigres résultats obtenus par l’enquête sur la secte des Maudits. Peu de leurs membres ont été dénoncés et encore moins mis aux arrêts, car ils sont particulièrement discrets, et manifestement habitués du secret. Ils sont donc difficiles à débusquer. Et ceux qui ont pu être identifiés ont reçu divers soutiens. Une partie de la population qui s’oppose à ces arrestations jugées arbitraires, une autre qui voit les Maudits comme des protecteurs. Et des aventuriers aussi, dont certains se sont révélés menaçants envers la garde. Madame le Maire en vient à penser que cette secte a des alliés et des soutiens un peu partout dans la région. Une mainmise qu’elle ne soupçonnait même pas, et pourtant les Maudits semblent s’être enracinés en profondeur.


La seconde tient en une missive reçue la veille, signée de la main du Maître des Maudits. Celui-ci lui explique courtoisement que son groupe ne saurait en aucun cas être impliqué dans les événements actuels, il l’en assure avec autorité. Quant à son invitation à venir la rencontrer en personne, il préfère la décliner au vu du climat actuel, qu’il juge tendu et quelque peu hostile à sa faction et à lui-même. Il conclut en faisant valoir que l’édile de Melrath Zorac ne souhaiterait certainement que son invitation ne provoque des troubles en ville, voire une rixe armée. Madame le Maire grimace, en partie parce qu’il a raison, mais surtout car, de toute évidence, il ne la prend pas au sérieux.


Et la troisième provient de celui en qui elle a placé beaucoup d’espoirs : Cheuk Maurice. Le célèbre rôdeur a multiplié les actions contre les responsables du fléau, mais il ne parvient toujours pas à mettre la main sur l’adepte des Maudits qui serait aux commandes. Dans sa dernière lettre, il s’en étonne lui-même : aucune de ses pistes n’a abouti. Il a soigneusement suivi tous les indices rencontrés – il insiste sur le fait que l’adepte, en raison de sa fascination pour les morts, est du genre à laisser des signes morbides partout où il passe, et que son repaire doit donc arborer quelques éléments nécrotiques. Il est pourtant certain que l’adepte se terre dans la région, dans quelque tanière connue de lui seul ou presque, mais en dépit de ses talents de pisteur émérite, il n’a toujours pas pu la localiser. Or cela ne lui prend jamais aussi longtemps. Il suspecte donc quelque stratagème d’ordre magique, la magie étant la seule chose qu’il ne puisse détecter.


Madame le Maire s’est ouvert de ce problème à l’investigateur académique, qui, en l’absence de données plus concrètes, s’est trouvé dans l’incapacité de proposer des idées susceptibles d’avancer l’enquête, voire de résoudre le problème.


Depuis, le mage a eu le temps d’y songer plus posément. Cette idée d’une intervention magique de l’adepte pour masquer ses traces et égarer les recherches du rôdeur lui paraît être une hypothèse sérieuse. Les sortilèges de dissimulation ne sont pas ce qui manque. Ni les contre-sorts pour les dissiper, d’ailleurs. Non, là où le bât blesse, c’est qu’il ignore quel sort précis a pu être utilisé, et sur quel endroit. Cela dit, une stratégie commence à s’esquisser dans son esprit...


Uskul prépare un rituel de haute magie comme il en a réalisé bien peu dans sa carrière. Pour cela, il a besoin d’une quantité énorme de mana – bien plus que les siennes propres. Il choisit donc d’utiliser un sort qui connectera son aura aux réserves de mana de l’Académie. Là-bas, dans le secret des laboratoires des mages, se trouvent moult accumulateurs de mana reliés entre eux, et destinés à être utilisés par les représentants de l’Académie si d’aventure le besoin s’en fait sentir. Et dans l’opinion de l’investigateur, c’est précisément le cas. Cela accompli, il est paré pour recourir à un puissant rituel magique : un sort de Révélation, prenant effet sur Melrath Zorac et toutes les régions avoisinantes. Le procédé est éreintant pour un mage seul, mais Uskul parvient à le mener à bien, au bout de plusieurs heures d’effort.


Alors il contacte tous les aventuriers qu’il a pu rencontrer jusqu’ici, les enjoignant à se mettre en quête du repaire de l’adepte des Maudits : où qu’il se trouve, il est sous l’effet de la Révélation, donc tout sort de dissimulation que l’adepte aurait utilisé est désormais caduc. Son antre doit donc être maintenant dévoilé. Pour sept jours. C’est le temps que la Révélation perdurera.


Le 18 Festiva, la Révélation expirera. Si l’adepte n’a pas été débusqué, on peut craindre qu’il trouvera une parade ou qu’il prendra tout simplement la fuite. Et que le fléau n’aura pas de fin...


Pendant ce temps, Cheuk Maurice continue à botter l’arrière-train de tout ce qui ressemble à un nécromancien, dans l’espoir d’en apprendre un peu plus sur l’adepte des Maudits. Mais tous ses complices l’envoient au diable. Cheuk Maurice a l’habitude : ses ennemis lui disent souvent d'aller au diable. D’ailleurs, le Diable aimerait bien qu'ils arrêtent.

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Après sa rencontre avec l’aventurier qui a finalement trouvé et occis l’adepte de la Secte des Maudits, Cheuk Maurice va présenter son rapport à Madame le Maire. Dès qu’il franchit les remparts, il est abordé par de multiples badauds qui le pressent de questions, ce qui le pousse à faire une déclaration sur la Place des Statues, où une foule se rassemble.


« Bonnes gens, soyez rassurées : l’adepte des Maudits a fini de nuire, et pour de bon ! Il a été terrassé par –


Et le reste de sa déclaration se perd dans un immense cri de joie et de soulagement. Cheuk Maurice est longuement ovationné, puis porté en triomphe jusqu’au bâtiment de l’administration. Là, Madame le Maire lui décerne le titre de sauveur de Melrath Zorac et lui remet une médaille sous les applaudissements de la foule. Cheuk Maurice a beau tenter de dire que ce n’est pas lui qui a vaincu l’adepte, ses dénégations sont couvertes par les ovations répétées.


La victoire est néanmoins bien réelle : l’adepte avait misé sur l’invocation des King Ghosts pour faire revenir encore davantage d’esprits spectraux. Mais après sa disparition, plus rien ne retenait les King Ghosts dans ce monde, qui sont alors retournés vers celui des esprits. Et tous les autres Ghosts ont suivi leurs maîtres. Comme la nature a horreur du vide, les créatures vivantes commencent à recoloniser les sites abandonnés par les Ghosts.


Dans l’assistance, un homme, lui, n’est qu’à moitié soulagé : l’investigateur académique. Il sait que les autres morts-vivants sont toujours présents et qu’ils continuent de se relever encore et encore. La mort de l’adepte n’a pas résolu ce grave problème. Et ses expériences alchimiques ne lui ont pas permis d’identifier la racine du mal. Il va devoir retourner faire son rapport au Conseil, et se lancer dans des recherches fondamentales sur les morts-vivants. Alors, sans plus tarder, il réunit ses affaires et se met en route vers l’Académie.


Dans les jours qui suivent, Madame le Maire hésite sur la conduite à tenir envers la Secte des Maudits : le responsable du fléau étant l’un des leurs, il lui semble légitime de mettre au cachot tous les membres de cette organisation. D’un autre côté, étant donné le secret qui les entoure, et le soutien dont ils bénéficient auprès de beaucoup, une telle mesure paraît difficilement applicable. Une nouvelle missive du Maître des Maudits l’aide à se décider : il atteste que le coupable était certes un membre de sa secte, mais qu’il en avait été exclu en raison de ses idées extrêmes que les autres membres ne partagent pas. Il n’a donc reçu aucun soutien des Maudits dans ses projets déments. Madame le Maire se résout à le croire sur parole et à classer l’affaire. D’ailleurs, avec la période Festiva qui s’avance et les animations de la ville qui ont pris du retard, elle a des sujets plus plaisants en tête.


Dans le même temps, une sorte de frénésie joyeuse envahit les rues de la ville : tout le monde semble contaminé par une adulation inconditionnelle du saveur de Melrath Zorac. Chacun veut s’habiller comme lui, certains se ruent sur les poupées à son effigie, d’autres arborent la fameuse étoile qui orne sa poitrine... C’en est presque du délire collectif. Le fameux chapeau de soleil qui le caractérise si bien fleurit un peu partout sur les têtes, même si la période n’est guère ensoleillée. D’aucuns se plaignent d’ailleurs que le fameux chapeau ne leur porte guère chance : ils escomptaient probablement qu’un tel couvre-chef les protégerait des mauvais coups du sort.
Les anciens en rient et leur en donnent la raison : c’est que Cheuk Maurice ne compte pas sur la chance. Jamais. C’est la chance qui compte sur Cheuk Maurice.


*** Fin de la première partie ***
 

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  • 8 months later...

 

Les morts marchent de nouveau – seconde partie

 

Uskul s’affairait dans les rayonnages de la bibliothèque de l’Académie.

 

Inlassablement, il consultait des ouvrages ayant trait aux morts-vivants, à leurs capacités, à la nécromancie… depuis maintenant huit mois. Huit mois d’une vie de rat de bibliothèques, à chercher la moindre information, la moindre piste, et à la suivre pour voir si elle pouvait déboucher sur une réponse à la question qui l’obsédait :

 

Comment les morts-vivants peuvent-ils se relever sans cesse ?

 

Huit mois de labeur acharné pour un maigre résultat. Hélas, la nécromancie n’était pas le sujet favori des mages, et cela se ressentait dans le contenu de la grande bibliothèque. Uskul avait fini par se tourner vers certains de ses confrères mages et leurs collections privées, en espérant y trouver la perle rare : un grimoire traitant des morts-vivants et de la façon de les détruire à tout jamais, par exemple. Mais là également, ses espoirs avaient été déçus. Et ses confrères n’en savaient pas davantage. Après ces mois de recherche, Uskul était probablement devenu le mage le plus calé sur la question des morts-vivants, ce qui en disait long sur l’expertise moyenne des mages en la matière. Alors, encore et toujours, il revenait vers la bibliothèque, formant des vœux pour qu’il y découvre un jour le grimoire providentiel. Pour l’heure, il avait terminé d’examiner une nouvelle fournée d’ouvrages – en vain – et il se décida à les rendre. L’austère bibliothécaire était à son poste et l’accueillit d’une question :

 

« Alors ? Votre recherche a-t-elle été plus fructueuse avec ces livres ?

 

- Non, malheureusement, et je crains de ne jamais –

 

Uskul s’était interrompu. Son regard venait de tomber sur un morceau de parchemin posé sur le bureau du bibliothécaire.

 

… suite au décès du Grand Mortifer, Maître Nécromant, nous portons à votre connaissance la mise en vente de…

 

Uskul posa machinalement les ouvrages sur le bureau, relut l’annonce et se tourna vers le bibliothécaire.

 

« Ce message… est-il récent ?

 

- Hmm ? Oh, oui, arrivé ce jour. Je ne l’ai pas encore traité. Il faudra que je liste les biens en vente et que je voie si… Hé ! On ne court pas dans la bibliothèque ! »

 

Mais il parlait dans le vide : Uskul était déjà loin. Il venait d’avoir une illumination, et il n’avait pas de temps à perdre.

 

Car s’il voulait profiter de l’opportunité, il allait devoir obtenir en urgence une audience auprès du Haut Conseil.

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Le Haut Conseil était en session, et la discussion battait son plein.

 

Uskul achevait de développer ses arguments en faveur de la requête présentée.

 

« … et pour cela, Vénérables Membres du Conseil, je vous demande de valider le projet d’acquisition du fonds documentaire de feu Messire Mortifer. »

 

Les réticents ne manquaient pas autour de la table, et le Maître des Savoirs était le plus audible d’entre eux.

 

« Uskul, le fonds en question tourne exclusivement autour de la nécromancie. Telle n’est pas notre spécialité. Cette acquisition n’est pas fondée. Et surtout, cela n’a plus vraiment de sens : vous nous avez rapporté vous-même que le responsable de la prolifération des morts-vivants avait été châtié une bonne fois pour toutes. Le risque est écarté. Que le monde extérieur se charge de se réguler lui-même. Observons notre principe de non-ingérence, comme à notre habitude. »

 

Une opinion qui fait naître un concert de murmures approbateurs. Le Maître des Défenses, lui, ne partageait pas ce point de vue et le fit savoir à l’auguste assemblée.

 

« Notre principe de non-ingérence nous a très certainement permis d’éviter moult conflits, mais un fait demeure : nous ne pouvons pas demeurer en dehors du monde extérieur comme s’il n’existait pas. Car tôt ou tard, il se rappelle à notre bon souvenir, que nous le souhaitions ou non. L’Adepte des Maudits n’est pas le premier à s’en prendre à l’Académie, et nul doute qu’il ne sera pas le dernier ! Aujourd’hui encore, nous subissons les conséquences de notre propre politique : nous sommes quasiment en état de siège à cause des hordes de morts-vivants à nos portes. Nous devons desserrer cette étreinte. Maîtres, vous m’avez conféré de larges moyens pour renforcer la sécurité de notre chère Académie, et je vous en sais gré. Mais je vous le dis : la menace morte-vivante perdure, et elle va éroder progressivement nos forces. Nous l’avons simplement tenue à distance… et j’ignore combien de temps nous tiendrons. »

 

Un silence préoccupé suivit cette déclaration. Le Grand Maître en profita pour prendre la parole.

 

« La sécurité toute relative que nous vivons entre nos murs ne doit pas nous faire oublier les réalités extérieures. C’est précisément pour cela que ce Conseil a dû mandater Uskul en toute urgence, il y a quelques mois. Maître Uskul, encore merci pour vos efforts.

 

- Mille grâces, Grand Maître. Vénérables Membres du Conseil, soyez assurés d’une chose : la mission que vous m’avez confiée me tient particulièrement à cœur. Et c’est pour la mener à bien que je vous recommande d’acquérir les biens de ce maître nécromant. »

 

Et Uskul déposa la liste des biens près du Grand Maître. Celui-ci s’en empara et la parcourut, puis finit par demander :

 

« Quel est ce nombre en bas de page ?

 

- Le prix demandé par les héritiers de feu Mortifer. »

 

Le Grand Maître fut pris d’une légère quinte de toux, et fit passer le document. Plusieurs membres du Conseil faillirent s’étrangler en le lisant.

 

« Ah oui, tout de même… Ils ne seraient pas un peu gourmands, ces héritiers ?

 

- D’après le bibliothécaire, qui a procédé à l’examen de la liste, ce prix semble justifié, à la fois par l’ampleur de cette collection d’ouvrages, et par sa qualité.

 

- Une analyse certes rassurante, mais qui ne va pas nous laisser de marge de négociation… »

 

Le Maître des Défenses intervint de nouveau.

 

« Je crois que la question n’est pas tant le prix qu’il nous coûtera de faire ce que nous devons faire… mais celui qu’il nous en coûtera de ne pas le faire. »

 

Nouveau silence. Celui-ci fut lourd. Le Grand Maître s’éclaircit la voix.

 

« Bon, je crois qu’il est temps de passer au vote. Que ceux qui sont en faveur du projet d’acquisition lèvent la main. »

 

Lentement, une par une, les mains se levèrent. Le Grand Maître eut un sourire épanoui.

 

« Unanimité en faveur du projet présenté. Vous m’en voyez ravi. »

 

Se tournant vers le scribe :

 

« Depuis combien de temps cela n’était-il plus arrivé ?

 

- Je l’ignore, Grand Maître. Je ne suis le scribe du Conseil que depuis trente ans…

 

- Ah oui, c’est juste. Veillez à consigner le résultat de ce vote, surtout. »

 

Mettant ainsi fin à l’aparté, le Grand Maître s’adressa au Conseil :

 

« Estimés Membres du Conseil, l’acquisition des biens de feu Mortifer est entérinée. Reste à trouver les fonds nécessaires… Que chacun me fasse parvenir au plus tôt une estimation du budget qu’il peut affecter à cet achat exceptionnel. Et proposez-moi toute idée susceptible de nous procurer des liquidités. Faites passer le mot à tous les mages de l’Académie : tous les apports seront les bienvenus. Il nous faut de l’or. Et vite. »

 

Et la séance fut levée. Chacun aurait fort à faire dans les prochains jours…

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Plusieurs jours après, Uskul était reçu en audience privée par le Grand Maître de l’Académie. Ils échangeaient ensemble sur l’avancement de leur collecte de fonds. Le Grand Maître paraissait plutôt satisfait.

 

« … Outre les efforts consentis par chacun des membres du Haut Conseil pour réallouer une partie de leur budget annuel, de nombreux mages ont réalisé des dons sur leurs deniers personnels. A l’heure actuelle, nous approchons la somme de… vingt millions. »

 

Uskul, qui compulsait les feuilles de compte également, se permit de ne pas partager son optimisme.

 

« Ce ne sera pas assez. »

 

Le Grand Maître posa sa feuille et ses lorgnons sur le bureau, et se cala plus confortablement dans son fauteuil.

 

« Uskul, vous êtes bien conscient du peu de temps dont nous avons disposé. C’est déjà formidable d’avoir pu amasser un tel montant dans ce bref délai.

 

- Bien entendu, Grand Maître, et ne croyez pas que je minimise les efforts accomplis, ou que je n’en sois pas reconnaissant à chacun… Mais le fait demeure : si nous ne pouvons pas disposer de l’intégralité de la somme, nous serons dans l’incapacité de nous porter acquéreurs des biens de feu Mortifer. »

 

Le Grand Maître prit quelques instants de réflexion avant de répondre.

 

« Certes, au final, il nous faudra l’intégralité de la somme demandée… et cela me semble réalisable, avec plus de temps.

 

- Si je puis me permettre, le temps est la ressource qui risque fort de nous faire défaut. Il suffit qu’un seul acquéreur se manifeste avant nous, et nous pourrons dire adieu à cette collection de livres.

 

- En effet, mais considérons la chose de façon plus pragmatique. La somme demandée est tout bonnement pharaonique. Si nous avons du mal à la réunir rapidement, qui donc serait en mesure de nous coiffer au poteau ? »

 

Uskul jaugea l’argument avant de se prononcer.

 

« A part quelques puissants et opulents nobles étrangers, je ne vois pas…

 

- Et parmi cette poignée de personnes, combien pourraient être suffisamment intéressées par les savoirs de feu Mortifer pour engager une telle dépense ?

 

- A peu près aucune, j’imagine… mais je ne saurais l’affirmer.

 

- Moi non plus, Uskul, moi non plus. Cela reste néanmoins une hypothèse robuste, sur laquelle nous pouvons bâtir une stratégie. Dans les prochains jours, les dons devraient atteindre les vingt-cinq millions. Soit la moitié de la somme exigée. Je me propose donc d’envoyer un émissaire auprès des héritiers de feu Mortifer. Il leur fera connaître notre intention de nous porter acquéreurs de ses biens, et pourra engager une promesse de paiement étalée, avec règlement immédiat d’un acompte de cinquante pour cent. Si les héritiers acceptent la proposition, tout risque sera écarté. Et même s’ils la rebutent, je doute que quelqu’un puisse réunir la totalité de la somme plus vite que nous. »

 

Uskul grimaça en songeant que l’avenir allait dépendre de la rapacité des héritiers.

 

« Restera à trouver le solde… pensez-vous que cela soit réalisable ?

 

- Pas par nos seuls moyens, Uskul. L’effort consenti est déjà énorme, aller plus loin reviendrait à mettre en péril les finances de l’Académie pour plusieurs années. Je sors d’un échange plutôt âpre avec le Maître du Trésor. Si j’avais suivi ses recommandations, vous ne disposeriez que de la moitié de la somme actuelle, et encore… mais je lui ai rappelé le vote du Haut Conseil et il s’y est plié. Il n’en demeure pas moins qu’il a raison sur le danger que présente une fuite massive de nos fonds propres. Nous allons donc avoir besoin de partenaires. »

 

Uskul interrogea le Grand Maître du regard, visiblement curieux de savoir à quoi il pensait. Ce dernier l’éclaira sans attendre.

 

« C’est là que je vais à nouveau avoir besoin de vos services, Uskul. Reprenez la route. Faites savoir à tous que l’Académie travaille à résoudre le mystère de la réanimation perpétuelle des morts-vivants. Parlez-leur de notre projet d’acquisition des livres de feu Mortifer. Mentionnez le fait que l’Académie a consenti un investissement considérable pour le bien de tous, mais que cela ne sera pas suffisant. Et demandez-leur de participer à cet effort. »

 

Le mage évalua les chances d’un tel projet. De nombreux individus avaient proposé leur aide pour traquer l’Adepte des maudits. La ville de Melrath Zorac avait soutenu ses recherches. Si ce soutien ne se démentait pas, alors l’affaire était sans doute jouable…

 

« Il en sera fait ainsi, Grand Maître. Pour le bien de l’Académie.

 

- Pour le bien de l’Académie. Et pour le bien de tous, Uskul. »

 

Le mage s’inclina et quitta le bureau. Il avait quelques bagages à préparer en vue d’un départ sans délai. Où irait-il ? Probablement là où il pourrait rencontrer le plus de monde : à Melrath Zorac. Il se dit qu’il pourrait descendre à l’auberge de la Pinte d’Or, là où il avait pris ses quartiers la dernière fois…

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Uskul relisait le message qui venait de lui parvenir de l’Académie. Le Grand Maître l’informait de la suite de la collecte de fonds engagée : comme prévu, les vingt-cinq millions avaient été atteints. L’Académie allait donc envoyer séance tenante un émissaire auprès des héritiers de feu Mortifer pour leur présenter sa proposition : une promesse d’achat sous trois mois, avec la moitié de la somme demandée en acompte. Il lui faudrait un peu de temps pour arriver à destination, car les héritiers de feu Mortifer résidaient à Fang Dolm. La réponse ne viendrait pas immédiatement. Ce qui n’était pas un réel problème.

 

Le seul problème est de savoir si quelqu’un d’autre va se manifester… et s’il serait en mesure de nous devancer.

 

C’était la pensée qui hantait Uskul. Imaginer que la solution au problème des morts-vivants soit là, à portée de main, dans les écrits collectés par feu Mortifer, et qu’un autre les coiffe au poteau au dernier moment…

 

Le mage tenta de chasser ces idées négatives. Il avait de bons motifs d’espérer. De très bons, même. Les habitants de la région avaient écouté attentivement sa requête et y répondaient avec célérité. En moins d’une semaine, il avait déjà réuni cinq millions.

 

Et ce n’est qu’un début.

 

Uskul se disait qu’il pouvait multiplier les démarches auprès de tous les groupements qui possédaient des biens, ou des moyens de lever des fonds. Il avait d’ailleurs audience avec madame le Maire le lendemain. Et il prévoyait de solliciter d’autres contacts. Ainsi, il augmenterait ses chances de trouver de généreux donateurs.

 

Nous pouvons y arriver. Nous le devons.

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Tout se passait bien.

 

Les dons continuaient d’arriver et les divers entretiens que l’investigateur avait pu avoir s’étaient déroulés au mieux. Madame le Maire de Melrath Zorac lui avait prêté une oreille attentive et s’était engagée à organiser des actions auprès de ses administrés pour encourager les dons. Il avait également obtenu l’appui du bourgmestre d’IssCaNak. Et il devait rencontrer prochainement les elfes d’Irliscia. Vraiment, tout se passait bien.

 

Jusqu’à l’arrivée de cette missive de l’Académie.

 

Maître Uskul,

Le Grand Maître vous fait mander.

Veuillez vous présenter devant lui sans délai.

Il compte sur votre habituelle diligence.

 

Il avait été surpris par le côté péremptoire de cette injonction. Et par le fait que le sujet de cet entretien ne soit pas mentionné, aussi. C’était inhabituel et mystérieux. Aussi avait-il tout laissé en plan pour regagner l’Académie au plus vite. Dès qu’il s’était présenté devant l’assistant du Grand Maître, il ne lui avait fallu patienter que quelques minutes pour se voir accorder audience. Cela disait à quel point le sujet était prioritaire.

 

Uskul salua le Grand Maître, qui l’invita à s’asseoir avant d’entrer dans le vif du sujet.

 

« Je viens de recevoir un message de notre émissaire auprès des héritiers de feu Mortifer. Il est arrivé à Fang Dolm et a pu les rencontrer.

 

- Oh ! Très bien. Notre proposition a-t-elle eu l’heur de leur convenir ?

 

- Malheureusement non. Ils ont reçu une meilleure offre. »

 

Uskul en resta sans voix, sidéré. Puis il se reprit.

 

« Meilleure… ? Quelqu’un a renchéri sur cette somme faramineuse ?

 

- Non, tout de même pas… mais cette personne s’est engagée à verser l’intégralité des cinquante millions dans quelques semaines. Pour le tout début de Campana.

 

- Dans cinq semaines, donc… Par les cendres de Karnak ! Qui dispose de tels moyens ? Qui est cette personne ?

 

- De ce que notre émissaire m’a dit, un négociant originaire de Fang Dolm.

 

- Un marchand itinérant ? Et pourquoi s’intéresserait-il à l’héritage de feu Mortifer ?

 

- Cela est un mystère. Ainsi que la provenance de ses ressources. Ce négociant ne dispose clairement pas de tels moyens. Il doit avoir des partenaires d’un tout autre acabit. Il se pourrait même qu’il ait juste été engagé pour mener la transaction. C’est du moins ce que pense notre émissaire… il doit se renseigner davantage et revenir vers moi dès qu’il en saura plus.

 

- Très bien… Mais au fond, peu importe : ce qui compte, c’est le délai qu’il nous impose de fait si nous souhaitons remporter l’enchère. Car si notre offre arrive après la sienne, nous n’avons plus aucune chance, c’est bien cela ?

 

- En effet, Uskul, en effet… C’est bien pour cela que je souhaitais avoir cet entretien avec vous. Il va nous falloir nous hâter. Nous devrons disposer des vingt-cinq millions qui nous manquent pour… le 28 Ciella au plus tard. Nous devrons alors envoyer les fonds pour qu’ils arrivent à Fang Dolm avant que notre rival ne revienne conclure la vente. Où en êtes-vous de la collecte ? »

 

Uskul laissa échapper une grimace crispée.

 

« Je pensais qu’elle se déroulait très bien, mais maintenant… Nous disposons d’environ sept millions en l’espace de deux semaines. Pour une échéance dans cinq semaines, le rythme actuel est insuffisant.

 

- Pouvons-nous espérer d’autres donateurs ?

 

- Certainement, et j’en ai déjà contacté certains. Je vais multiplier mes démarches. Et je me demandais… serait-il possible d’envisager une incitation aux dons ? »

 

Le Grand Maître se renversa confortablement dans son fauteuil et prit le temps d’examiner la suggestion.

 

« Ce serait certainement envisageable, et même souhaitable. Encourageons les bons gestes. Dites à tous que l’Académie remettra un acte de reconnaissance aux plus généreux de nos donateurs. Cet acte sera nominatif et incessible. Leurs détenteurs pourront à tout moment solliciter un service ou une contrepartie plus matérielle en échange de la restitution de l’acte. Bien entendu, étant donné la situation, ladite contrepartie ne pourra en aucun cas être financière. Autrement dit : l’Académie ne versera pas la moindre pièce d’or. Et la contrepartie devra être raisonnable au vu du don réalisé.

 

- Merci, Grand Maître. Je vais faire circuler cette information parmi mes contacts. Espérons que cela nous permettra de tenir ce délai.

 

- Faites tout ce qui est en votre pouvoir, Uskul. Nous ferons de même. Et nous restons en contact. A bientôt. »

 

Et après avoir pris congé, l’investigateur reprit la route de Melrath Zorac où il se mit à claironner les dernières nouvelles.

 

Clôture de la collecte le 28 Ciella au plus tard.

Et si elle est couronnée de succès, remise d’un acte officiel de reconnaissance de l’Académie pour les donateurs les plus méritants.

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Une semaine s’était envolée et l’échéance du 28 Ciella commençait déjà à se profiler. Uskul était de retour dans le bureau du Grand Maître de l’Académie. Ce dernier usait de sa magie pour établir une communication directe avec leur messager à Fang Dolm. Après quelques minutes de concentration, une image se forma dans le miroir mural : celle de l’émissaire. Comme convenu, il se présentait au rapport.

 

« Mes respects, Grand Maître. Comme convenu, après notre dernier entretien, j’ai investigué sur notre concurrent. Ce négociant n’a clairement pas les moyens nécessaires à un tel investissement, d’après ce que la Guilde des Marchands locale a pu m’indiquer. Cela m’a incité à prendre l’individu en filature. Dès le lendemain, il partait pour la ville de Saintes, avec deux gardes et des chevaux rapides. J’ai donc décidé de les suivre. Trois jours après, nous arrivions dans ce grand port fluvial et maritime.

 

- Ce négociant a des possessions là-bas ?

 

- Juste un comptoir commercial, de ce que j’ai pu apprendre. Et un entrepôt de marchandises. Mais je me suis dit qu’il venait peut-être rencontrer ses partenaires… ou ses commanditaires.

 

- Très juste. Et que votre surveillance vous a-t-elle appris ?

 

- En fait, la population locale parlait beaucoup d’un événement très récent : l’arrivée d’un navire étranger. Et pas de n’importe quelle nation : celle de Krshn’Akÿr. »

 

Uskul et le Grand Maître échangèrent un regard surpris.

 

« Un navire orc ?

 

- Exactement, Grand Maître. Les citoyens de Lesmû ne sont pas en guerre avec les orcs, mais les relations avec ses turbulents voisins ne sont pas bonnes. Néanmoins, le navire orc s’est présenté de manière pacifique, et a donc reçu la permission de mouiller dans le port de Saintes. Tout le monde se demande la raison de sa présence, naturellement. D’autant qu’il ne semble rien faire de particulier : pas d’achat, pas de débarquement de marchandises… même son équipage ne quitte guère le bord.

 

- Intéressant, mais est-ce lié à notre affaire ?

 

- J’en ai vite eu la confirmation, Grand Maître. Le négociant s’est vite présenté au port, devant le navire, et un gobelin en est descendu pour le rencontrer et lui parler. Etant donné sa tenue, je pencherais pour un dignitaire de haut rang, ou un représentant officiel.

 

- Avez-vous pu surprendre la teneur de leur échange ?

 

- En recourant à la magie, oui. Le négociant a informé le gobelin que son offre était retenue par les héritiers de feu Mortifer. Il l’a également informé que l’Académie était sur les rangs, mais n’était pas en mesure de tenir l’échéance de début Campana. Le gobelin a grimacé en disant que c’était une bonne chose, mais que la nouvelle n’allait pas faire plaisir à son seigneur. Et qu’ils allaient activer davantage la levée des fonds pour être sûrs de tenir le délai annoncé, pour début Campana. Suite à cela, le navire orc a appareillé vers le sud, le jour même.

 

- Alors ils n’ont pas encore les fonds… Néanmoins, il serait périlleux de compter sur une défaillance de leur part.

 

- Sans doute, Grand Maître. Je recommande de remettre les fonds aux héritiers pour la fin du mois de Ciella.

 

- Nous ne modifierons donc pas notre objectif du 28 Ciella pour la fin de la collecte. Uskul, veillez à ce que cette date soit tenue. »

 

L’investigateur académique approuva, bien décidé à finaliser la collecte dans les délais impartis. Le Grand Maître se tourna à nouveau vers l’émissaire.

 

« Et dites-moi, ce gobelin… a-t-il mentionné qui était son seigneur ?

 

- J’ai… surpris un nom durant leur échange, Grand Maître. »

 

Le ton hésitant de l’émissaire interpella ses interlocuteurs. Ils pressentirent qu’ils n’allaient pas aimer ce qu’ils allaient apprendre.

 

« Un nom ? Lequel ?

 

- … Rebom. »

 

Uskul eut l’impression d’être jeté dans une cascade d’eau glacée.

 

« L’Ombre Suprême ?

 

- Il semblerait, hélas…

 

- Cela expliquerait bien des choses, j’en ai peur, intervint le Grand Maître. D’abord, la question des moyens financiers. Et ensuite, l’intérêt pour de tels savoirs.

 

- Mais qu’en fera-t-il au juste ? questionna Uskul.

 

- Rien qui puisse nous plaire, je le crains. En fait, nous pouvons redouter que de nouveaux fléaux s’abattent sur toute la région si jamais Rebom fait main basse sur les livres de feu Mortifer. Déjà, nous aurions peu de chances de nous débarrasser des morts-vivants. Et qui sait si Rebom ne trouvera pas le moyen de les contrôler, ou de les renforcer…

 

- Une sinistre perspective…

 

- En effet, Uskul. Alors faisons circuler l’information que si notre collecte échoue, Rebom mettra la main sur ces noires connaissances, et que tout un chacun en pâtira. Nous devons tenir le délai. A tout prix ! Dites bien que notre offre de reconnaissance envers nos généreux donateurs est plus que jamais d’actualité. Nous honorerons cette dette.

 

- Bien compris, Grand Maître. Nous ferons l’impossible. Je repars dans l’instant. »

 

Et Uskul reprit le chemin de Melrath Zorac, où il claironna à qui voulait l’entendre que l’ombre de Rebom planait à nouveau sur la Terre des Eléments.

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  • 2 weeks later...

A Melrath Zorac, le soir, l’ambiance était festive à l’auberge de la Pinte d’Or.

 

Un convive, cependant, ne s’amusait pas.

 

Il était trop occupé à mettre ses comptes à jour. Et à examiner le calendrier pour la énième fois, aussi. Uskul, l’investigateur académique, tenait ses comptes avec une rigueur d’orfèvre et préparait ses prochaines entrevues avec des donateurs potentiels. Pourtant, les chiffres sous ses yeux étaient satisfaisants, et même rassurants.

 

Le mage refit encore une fois ses calculs. Oui, ils étaient corrects. Les dons avaient déjà dépassé la moitié de la somme nécessaire à l’acquisition du fonds documentaire de feu Mortifer. Mais le 28 Ciella n’était plus très loin. Il restait néanmoins trois semaines.

 

Seulement trois semaines…

 

Uskul tenta de repousser cette angoisse sourde qui le tenaillait depuis qu’il avait appris qui était leur adversaire. Après tout, les aventuriers avaient une nouvelle fois répondu présent, et le montant des dons laissait espérer une heureuse conclusion.

 

Si le rythme des dons se maintient sur ces trois dernières semaines.

 

Là était la question : les aventuriers ne risquaient-ils pas de s’émousser ? De s’épuiser ? De douter ?

 

Notre sort à tous dépend de leur détermination.

 

Et il comptait bien continuer à leur rappeler l’importance de la tâche. Son importance vitale.

 

Rebom ne doit pas gagner. A aucun prix.

 

Si jamais cela devait advenir… alors la Terre des Eléments pourrait vite se renommer la Terre des Morts-vivants.

 

Jamais ! L’Ombre ne gagnera pas !!!

 

Perclus de fatigue, Uskul décida de s’octroyer quelques heures de sommeil avant son premier rendez-vous de la journée. Il faudrait qu’il ait les idées claires. Et qu’il soit persuasif. Il ne pouvait pas se permettre le luxe d’échouer.

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  • 3 weeks later...

A la tête d’une imposante troupe de l’Académie, Uskul avançait dans les tunnels.

 

Le jour même, un commandant de la garde académique s’était présenté à lui, mandaté par le Grand Maître pour convoyer les fonds récoltés. Il dirigeait une large escouade de soldats vétérans, flanquée d’un groupe de crabes jade-or et des mages qui les contrôlaient. C’est qu’il en fallait, des bras, pour charger et décharger les coffres qui recelaient vingt-cinq millions de pièces d’or. Et une somme aussi mirobolante pouvait aiguiser bien des appétits. Ce n’étaient pas les individus peu recommandables qui manquaient dans la région. Rebom lui-même était un risque lointain certes, mais s’il avait entendu parler des efforts de l’Académie pour racheter l’héritage de feu Mortifer, il était à craindre qu’il tente un de ses coups tordus pour que le convoi n’arrive pas à bon port. La colonne de gardes, épaulée par les mages et leurs crabes, était aussi là pour dissuader tout voleur – et repousser un éventuel assaut des sbires de l’Ombre Suprême.

 

La somme demandée avait finalement été réunie – et dans les temps. L’investigateur académique se souvint de la manière dont la collecte s’était conclue, pas plus tard que la veille…

* * * * *

Il était derrière son bureau, dans le petit local que l’aubergiste de la Pinte d’Or avait mis à sa disposition, très occupé à refaire ses comptes et rédiger des relances auprès de potentiels donateurs, lorsque deux jeunes femmes s’étaient présentées. Elles étaient fort chargées. La première, vêtue d’une tenue de forestière, prit la parole :

 

« Nous venons contribuer au fonds pour le rachat des livres du nécromant.

 

- Fort bien, fort bien ! L’or nous fait encore défaut pour réaliser cette acquisition. Un don sera le bienvenu.

 

- Quelle somme vous manque-t-il au juste ?

 

- Deux millions et demi, en gros.

 

- Mmmh… attendez. »

 

Et les deux femmes se mirent à déposer des sacs visiblement lourds, tintant de leur contenu, devant le mage. Celui-ci se fit la réflexion que sa seconde visiteuse était une consœur magicienne, d’après sa tenue. Mais il ne la connaissait pas. Il les observa empiler les sacs avec intérêt, au début, puis sentit naître la surprise. Le tas devenait plus que conséquent, et elles continuaient à apporter davantage de fonds. La rôdeuse finit par arrêter son manège et compter les sacs. Elle ne paraissait pas complètement satisfaite, alors elle entreprit de fouiller son sac et en sortit trois bourses qu’elle lança sur le tas.

 

« Voilà ! Deux millions et demi… toutes nos économies à ma sœur d'armes et moi, mais le compte devrait être bon. A vous de jouer, messire mage. Nous comptons sur la diligence de l’Académie. »

 

Et elles prirent congé d’un Uskul médusé.

 

C’était le 27 du mois de Ciella, en l’an 116.

 

Un jour avant la date limite.

* * * * *

« L’entrée de l’Académie est en vue ! »

 

Ce cri de l’éclaireur tira l’investigateur de ses souvenirs. Ils arrivaient à bon port, avec la somme requise, et sans avoir subi d’attaque. Avaient-ils surestimé les risques ? Rebom n’avait probablement pas entendu parler de leur action, finalement.

 

Ce fut donc en toute quiétude que le convoi franchit les portes de l’Académie, qui se scellèrent à nouveau derrière lui…

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Le 31 Ciella.

 

Quelque part dans un lieu secret, au cœur de l’Académie.

 

Sous l’œil vigilant des mages, la garde académique s’échinait à transporter les coffres remplis d’or, jusqu’à un disque miroitant par lequel ils disparaissaient avec leur chargement : un portail dimensionnel qui menait à Fang Dolm. Les mages avaient sorti le grand jeu pour assurer une livraison des fonds rapide et sécurisée.

 

De l’autre côté, l’émissaire de l’Académie veillait à leur bonne réception et les comptabilisait. Rien ne devait manquer pour que la transaction finale puisse avoir lieu comme prévu. Les héritiers de feu Mortifer n’étaient pas du genre à accepter un paiement approximatif. Une troupe de la garde académique avait franchi le seuil pour sécuriser le point d’arrivée, et des mages l’avaient accompagnée : il était à craindre que Rebom tente une manœuvre à Fang Dolm même. Uskul avait tenu mordicus à la présence d’une force de sécurité idoine sur place. Et de toute manière, l’émissaire avait besoin de nombreux bras pour remettre les fonds aux héritiers de feu Mortifer.

 

De fait, il avait soigneusement planifié la remise des fonds avec les héritiers : le portail avait été ouvert à l’intérieur des locaux d’une banque. Ainsi l’or était sécurisé immédiatement par le personnel, au profit des héritiers dont le représentant comptabilisait l’or reçu. Dès que la dernière pièce d’or fut engloutie dans les coffres de la banque, le représentant donna son assentiment pour la remise des livres de feu Mortifer. Et le ballet s’inversa, les gardes repartant en sens opposé pour emporter les ouvrages de nécromancie vers l’Académie, toujours par le biais du portail dimensionnel. Là-bas, ils furent remis à la garde vigilante du bibliothécaire, connu pour faire frémir même les plus téméraires des aventuriers.

 

Dès le lendemain, une section de mages était déléguée pour prendre connaissance du contenu des livres, à la recherche d’informations sur la raison pour laquelle les morts-vivants se relevaient sans cesse. Uskul lui-même était présent, ayant absolument tenu à faire partie de ce groupe.

 

Même ainsi, il savait que cette séance de lecture allait durer des jours, voire des semaines…

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Le 4 Campana.

 

Le Grand Maître de l’Académie vit son assistant entrer dans son bureau, porteur d’une conséquente pile de parchemins qu’il déposa devant lui, et l’entendit lui demander laconiquement de bien vouloir signer la liasse. Le mage haussa un sourcil.

 

« De quoi s’agit-il au juste ?

 

- L’ensemble des actes de reconnaissance destinés aux donateurs qui ont répondu à notre demande, Grand Maître. Maître Uskul m’en a communiqué la liste ce jour et m’a demandé de rédiger ces actes pour ensuite les officialiser par vos soins.

 

- Ah oui, quand même… ça en fait, de la paperasse ! »

 

Le Grand Maître trouvait qu’il croulait déjà sous les tâches administratives, en voir arriver une de plus n’était pas pour le réjouir. Mais il était de bonne humeur : la collecte de fonds avait été un succès. Les livres de feu Mortifer étaient en cours d’analyse, et hors de portée de Rebom. Et il devait reconnaître que Uskul avait eu raison de croire dans les aventuriers de la région : à eux seuls, ils avaient réuni tout l’or manquant.

 

Aussi fut-ce de bonne grâce que le Grand Maître parapha chacun des parchemins avant de les remettre à son assistant. Celui-ci se chargerait de les faire parvenir à chacun des destinataires.

 

Avec toute la reconnaissance de l’Académie.

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