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Terre des Éléments

La pierre moussue


Eyleen
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Le soir tombe.

Je suis bien ici, moi.

Je regarde la lumière qui vire à l'orangé.

Après l'orangé le rouge, puis le pourpre, puis le violet.

Le violet...

J'aime le violet.

Je l'aimais.

Mais c'est très loin tout ça.

Je suis assise sur ma pierre moussue, celle qui n'est plus moussue là où je m'assieds chaque soir quand il fait beau, et même parfois quand il pleut des cordes et que j'ai quand même besoin d'être assise ici.

Au calme.

Seule.

Mais pas seule pourtant.

Les mains vacantes et l'esprit qui flotte.

Dans l'orangé, le rouge, le pourpre. Puis le violet.

Le violet...

Mes yeux sont violets.

Je ferme mes yeux...

C'est si loin tout ça...

Si loin...

Reviens Yllanea...

Reviens...

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Yllanea !!!

Je me retourne.

Je souris.

Elle trottine derrière moi, avec son grand sourire auquel il manque deux dents.

Attends, 'Nea, tu vas trop vite !!

Je l'attends, ma petite Asyr, elle me rejoint sur ses jambes courtes, et sa peau sombre est assombrie encore par le sang qui lui est monté au visage.

Elle m'apporte un panier plein de bonnes choses, je sais qui l'a préparé, je sais pourquoi.

Je peux venir, cette fois ? J'ai grandi, regarde, je suis grande, je peux venir, hein oui ?

Je ris.

Elle disait la même chose hier, et déjà hier je disais non.

Elle est beaucoup trop petite pour la chasse au smarg.

Et beaucoup trop petite pour me suivre cette fois, puisque je ne vais pas à la chasse au smarg. Mais ça, elle l'ignore...

Non, tu ne peux pas, tu es toute petite, juste assez grande pour aller aider maman à cueillir les fraises, et encore, hier je t'ai vue grimper dans le fraisier.

Il faut dire que chez nous, les fraisiers font deux à trois mètres de haut.

Mon pays est très loin...

Elle tire sa petite mine habituelle, elle tente de m'apitoyer, mais elle sait, et je sais, qu'elle n'y arrivera pas, alors comme d'habitude, elle n'insiste pas, fait volte face, et repart dans l'envol de ses cheveux d'argent et de sa jupe courte.

Je la regarde courir vers la maison aux murs blonds.

Je la regarde y entrer.

Adieu Asyr.

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Il devait être long, mon voyage.

Mais je ne savais pas qu'il serait si long...

Je ne savais pas que je devrais renoncer.

Il n'était pas là où maman m'avait dit que je le trouverais.

Il n'était nulle part.

J'ai cherché pourtant.

Mais le monde des humains est vaste.

Bien plus vaste que le nôtre...

Et tellement peuplé...

Nous ne sommes plus qu'une poignée...

Quelques milliers, isolés dans nos cavernes.

Pourquoi est-ce que je dis encore nos cavernes...

Ce ne sont plus mes cavernes.

Ce ne sont plus les miens.

Ils ne l'ont jamais été.

Même si je l'ai cru, enfant.

Leurs regards étaient étranges, mais je ne me souvenais de rien d'autre.

Alors pour moi c'était normal.

Je n'avais pas remarqué qu'ils avaient la peau si sombre.

Bien plus que moi...

Maman me disait que c'était sans importance.

Et son sourire était si doux...

Je la croyais...

Et de fait, c'était sans importance.

Je n'avais pas besoin d'eux...

Puis Asyr...

Adorable bébé, yeux d'éclipse, cheveux d'ange...

Comme moi.

Peau de nuit...

Pas comme moi...

La mienne est sombre par rapport à ceux que je côtoie à présent.

Mais si claire à côté de la sienne...

Est-ce comme ça que j'ai réalisé ?

Ou est-ce que j'étais simplement devenue assez grande pour comprendre ?

Leurs regards sont devenus un poids.

Le sourire de maman est devenu un mensonge.

Je l'ai haïe.

Je les ai tous haïs.

Mais j'ai grandi, encore.

J'ai appris.

J'ai écouté.

J'ai questionné.

Maman a pleuré, s'est enfermée dans le silence.

Puis elle a fini par me raconter l'homme.

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  • 1 month later...

Elle l'avait trouvé tout blanc de douleur, une jambe cassée en plein milieu d'un passage.

Une lumière fade venait de la voûte, effondrée sous son poids.

Il était tombé de près de trois hauteurs d'homme, il avait eu de la chance...

Et encore plus de chance que ce soit maman qui l'ait trouvé là.

Un autre l'aurait tué.

Juste comme ça.

Les humains ne sont pas très appréciés...

Si nous sommes si peu à présent, c'est principalement de leur faute...

Mais maman était jeune, encore tendre, et elle n'a vu qu'un être blessé avant de voir un ennemi mortel.

Alors elle l'a caché, et soigné.

Elle lui apportait de la nourriture, à boire, et un peu de compagnie.

Et lui en échange...

Je me suis toujours demandé si sa jambe était déjà guérie.

Sans doute pas tout à fait.

Donc il est exclu qu'il l'ait violée.

D'ailleurs elle n'a pas raconté ça.

Mais je ne sais pas pourquoi, je préfère le croire.

C'est plus facile de le détester, ainsi.

Enfin soit.

Toujours est-il que je suis arrivée peu après qu'il soit reparti.

Et que de ma naissance date sa mise à l'écart à elle.

Pensez-vous.

Ca a dû être évident pour eux tous...

Plus tard Asyr est arrivée, et elle est revenue vivre parmi les autres, avec Rheann, le père.

Il est mort peu après.

Un accident de chasse...

Je ne l'ai pas pleuré.

Il ne m'aimait pas.

A présent je suis adulte.

Ou presque.

Je peux choisir ma vie.

Ils ne me regretteront pas, je ne suis pas comme eux, et ils détournent les yeux à ma vue.

Je ne suis pas une épouse potentielle, pas une mère, mon sang est pollué.

Ils m'ont laissé apprendre le maniement des armes, parce que je n'étais pas assez précieuse à leurs yeux.

Maman le sait.

Elle l'a accepté.

Dans quelle mesure est-elle du même avis qu'eux ?

Je préfère ne jamais le savoir...

La porte est refermée.

Il est temps.

Je me détourne de tout ce que j'ai connu, mon sac m'attend caché dans un buisson, Asyr ne devait pas le voir.

Elle sera mon seul regret.

Elle l'est encore...

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Tant de mois, des années...

J'ai caché mes yeux blessés au fond d'un capuchon.

Il me protège et me dissimule...

Ma peau est un peu trop sombre, elle reflète trop le mauve et le bleu, ça peut encore passer inaperçu, ils regardent si mal...

Mais mes yeux...

Violet foncé, c'est rare.

Surtout avec les cheveux blancs.

C'est rare, et caractéristique...

La guerre date d'il y a très longtemps, mais peut-être certains se souviennent-ils des elfes des cavernes, et je ne veux pas être prise en chasse.

Ils sont rares ceux qui connaissent la couleur de mes yeux.

Rares, et leur vie s'écourte souvent.

Je n'aime pas les tuer, même ça, c'est un contact en trop.

Je l'ai cherché, l'homme qui a pris ma mère.

Elle m'a dit qu'il s'appelait Daeron.

Qu'il était chasseur, et vivait dans une ville proche.

J'ai cherché cette ville, il n'y avait personne de ce nom.

Je n'y ai vu que peu d'hommes grands, aux cheveux blonds et aux yeux de miel.

Dans la ville suivante, non plus.

Pas plus que dans la ville d'après.

Peut-être qu'elle m'a menti.

Peut-être qu'elle savait que j'allais le chercher et le tuer.

En tout cas, je ne le cherche plus, à présent.

J'ai renoncé.

Mon épée était à vendre.

Et à plonger dans la tripaille de ceux qui m'approchent de trop près.

J'ai marché seule, j'ai appris à vivre seule sous la lumière cruelle de ce soleil jaune.

Jaune comme les cheveux de l'homme que je ne cherche plus.

Je le hais.

Oui, l'homme aussi, je le hais encore, mais là je parlais du soleil.

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