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Terre des Éléments

Un client peu banal


Mach Gulam
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Période Azura, une taverne quelque part...

 

L'homme se dirigeait d'un pas lourd vers la seule bâtisse encore éclairée à cette heure déjà bien avancée de la nuit : la taverne. Réputée pour dégager une atmosphère de sérénité, ainsi qu'une sensation de bien-être, l'auberge n'en était pas moins un lieu public. Et c'est cela, plus qu'autre chose, qui comptait pour lui. Son client devait déjà l'attendre à l'intérieur, certainement à moitié caché par la pénombre, dans l'ombre d'un sous-bassement de la salle principale de la taverne. Le rythme cardiaque de l'homme s'accélérait au fur et à mesure qu'il s'approchait de la porte qui laissait passer un peu de la lumière et de la chaleur de l'intérieur. Pourtant, il le savait, il n'avait aucune raison d'être inquiet. Il avait tout préparé, et la situation, au moins cette fois, ne pourrait plus lui échapper. Pas comme à Ignis...

 

Là-bas, son client l'avait déstabilisé puis ridiculisé, devant d'autres clients potentiels, ruinant ainsi sa réputation. L'homme était un espion : laissant traîner ses oreilles, il vendait toutes sortes d'informations à toutes sortes de clients. Mais celui-ci avait eu une requête étrange, une de celles qui ne sont pas communes, et, tout d'abord, l'informateur avait cru mal entendre. Puis, lorsque cela s'était confirmé, il avait commencé par prendre peur. La chose en question était sacrée, religieuse, divine même. Quiconque ferait preuve d'avidité à son égard serait certainement maudit... Alors, le client, se contentant de sourire, avait sorti une bourse d'or, comme l'espion n'en avait jamais vu. A cette bourse, il ajouta qu'il y en aurait une autre en cas d'informations efficaces. Et, devant l'air stupéfait de l'informateur, il avait éclaté de rire, provoquant l'hilarité générale dans la taverne, et s'en était tout simplement allé.

 

Alors, l'informateur avait laissé traîner ses oreilles, il avait payé des pots-de-vin, et, si au cours des premiers temps nulle rumeur ne vint laisser espérer à l'espion une nouvelle paye de ce richissime et généreux client, il arriva un jour qu'une nouvelle, très discrète, tombe, et l'agent pensa aussitôt qu'il serait payé grassement pour cette information de premier ordre. Aussi, il avait organisé une nouvelle rencontre avec son client, mais cette fois, il avait pris ses dispositions. Il avait recruté ses amis, qui étaient des tueurs avertis, et les avait placé dans la taverne, afin qu'ils puissent le défendre si les choses venaient à  mal tourner. De plus, il avait choisi une taverne dont il connaissait les propriétaires, ainsi que les différentes issues. Il avait paré à toute éventualité... et pourtant, il ne pouvait se débarrasser d'un mauvais sentiment, comme s'il avait oublié quelque chose.

 

C'est donc avec ce malaise qu'il poussa la porte pour pénétrer dans l'atmosphère alcoolisée de la taverne. Il remarqua immédiatement son client, assis devant une cheminée, lui tournant le dos et semblant perdu dans la contemplation d'un feu crépitant dans l'âtre. L'informateur le rejoignit, tout en jetant des coups d'œil furtifs autour de lui. A droite, une dizaine d'ivrognes, groupe dans lequel s'étaient glissés certains de ses amis, semblaient parier aux dés des tournées de bière, tandis qu'à gauche, il vit ses  autres amis, faisant semblant d'être occupés à bavarder ensemble de choses et d'autres. A côté d'eux, trois vieillards apparemment édentés et vêtus de haillons buvaient un potage, leurs yeux hagards fixés sur les joueurs de dés qui semblaient retenir l'attention générale. Le tavernier n'était pas dans la salle, mais la lumière provenant de la remise derrière le bar témoignait de sa présence.

 

L'informateur se mit assis aux côtés de son client. Longtemps, ils restèrent ainsi, sans se parler, l'un regardant le feu dans l'âtre, et l'autre tentant de deviner quels étaient les traits qui se cachaient derrière cette capuche. Ce fut l'espion, le premier, qui rompit le silence, tout en tendant discrètement un parchemin enroulé à son client.

 

« Tenez, c'est l'information que vous souhaitiez. »

 

Le client prit alors le parchemin, et, l'ouvrant, se mit à le parcourir rapidement. L'espion cru percevoir, l'instant d'une fugace lumière, un large sourire sur des traits marqués, en-dessous de la capuche. Le client rangea ensuite le parchemin dans une besace qu'il portait à sa ceinture. Puis, sa voix rauque se fit enfin entendre.

 

« Vous avez fait du bon travail. Et... je sais récompenser ceux qui se donnent du mal pour moi. »

 

Le client détacha alors une large bourse de sa ceinture, et sembla l'offrir à l'informateur, mais se ravisa.

 

« Cependant, je suis déçu de votre manque de confiance. Je n'accepte pas que mes subalternes prennent des mesures à mon égard. Comme, par exemple, changer un lieu de rendez-vous afin de m'attirer dans un piège. Ou encore, placer des amis tueurs afin de m'abattre au premier mouvement. Ces choses n'étaient pas dans notre contrat, croyez bien que j'en suis désolé, mais je ne peux me résoudre à vous faire don de cet or. J'ai été heureux de travailler avec vous, mais cette collaboration est terminée. Nous ne nous reverrons jamais, et je ne peux que vous conseiller à tenir mon existence comme secrète. Bonne soirée. »

 

Alors, faisant la preuve de toute l'arrogance contenue dans son discours, le client se leva, et, sans autre cérémonie, tourna les talons et se dirigea vers la porte, comme pour sortir. Enervé de ne pouvoir toucher sa prime, l'informateur se leva aussi, et hurla à l'intention de son client.

 

« Je sais qui vous êtes ! »

 

Aussitôt, tout bruit et toute activité cessèrent dans la salle. On entendait au-dehors le bruissement des feuilles sur les arbres, tellement tout était calme. Le client, qui s'était aussi arrêté de marcher, se retourna lentement, pour se retrouver de nouveau face à son informateur.

 

« Oui, je sais qui vous êtes. Je sais ce que vous cherchez, et comment vous comptez l'obtenir. Et si vous ne me payez pas, j'irais les avertir. Et si vous ne vous excusez pas immédiatement, je vous tuerai. Ici, et sans procès. Quand les gardes connaîtront votre nom, ils auront la justification de mon crime et me remercieront. Alors, que choisissez-vous ? Vous êtes en infériorité, ici. »

 

C'est avec un ton amusé que le client lui répondit.

 

« En infériorité ? Vraiment ? Je vous conseille de mieux regarder. »

 

Tout se passa alors très vite. L'un des vieillards édentés eut immédiatement l'air plus menaçant lorsqu'il souleva un cimeterre et le ficha dans le crâne de son voisin, laissant étaler le cerveau d'un des tueurs engagés par l'informateur dans le potage qu'il buvait. A ses côtés, l'autre mercenaire n'eût guère plus de chance : voulant crier à son ami de se mettre en garde, il se fit trancher la gorge par un clochard rentré quelques instants plus tôt pour faire l'aumône. Ses cris n'eurent pas d'autre effet que de déverser un long flot de sang ininterrompu sur le parquet sale de la taverne. En face, à la table des dés, le croupier sortit un arc de sous la table, le banda à une vitesse folle, et tira dans l'arrière de la tête d'un mercenaire qui avait sorti son épée et assaillait le client, qui n'avait toujours pas bougé. La flèche rentra avec un craquement sinistre par l'arrière du crâne, et ressortit par l'œil de l'autre côté. Le mercenaire s'écroula en hurlant de douleur, alors que le croupier, sautant au-dessus de la table, taillade d'une dizaine de coups de flèche très rapides l'abdomen du dernier des mercenaires qui n'avait pas eu le temps de se défendre. Tout s'était passé très rapidement, et tous les soutiens de l'informateur gisaient désormais à terre, morts. Le client reprit la parole.

 

« Bien, voyez, je voulais me montrer magnanime, et vous épargner, alors que n'importe quel être de ma condition vous aurait tué, en éprouvant un certain plaisir d'ailleurs. Néanmoins... vous n'avez pas su profiter de votre chance, et vous avez cru pouvoir me défier, parce que vous vous pensiez en sécurité.  Ces choses, que vous croyez connaître à mon endroit... vous n'êtes qu'un pion, vous ne pouvez saisir l'étendue de l'échiquier. Des choses importantes se préparent. Malheureusement pour vous, vous ne pourrez les voir. Car vous allez mourir, ici. Toutes les issues, sauf la porte, ont été condamnées. Et nous prendrons le soin de bloquer la porte après notre départ.

 

Puisque vous savez qui je suis, vous savez que j'attache une grande importance au feu, mais pas à n'importe lequel... Le feu des damnés, celui qui déchirera votre âme avant de l'envoyer où elle doit être tourmentée pour l'éternité. C'est ainsi que vous allez mourir. Voyez comme je me soucie de vous, c'est moi l'informateur, et vous le client. »

 

Sur ces mots, le client, laissant là l'informateur encore tétanisé à la fois par le discours et par les actes commis, sortit de la taverne avec ses compères, y laissant l'espion seul. Les lourdes portes furent fermées de l'extérieur, puis bloquées à l'aide de gros rondin de bois. Puis, le client, à l'aide d'une invocation, déclencha les enfers. Le bois du plancher pris feu instantanément, faisant reprendre ses esprits à l'informateur, qui se mit à courir. Sautant au-dessus du comptoir, il s'engouffra dans la remise. Il en était certain, la sortie qui menait aux égouts, dans la cave, n'était pas bloquée. Personne ne connaissait cette sortie secrète, à part le tavernier et lui, et jamais le tavernier n'aurait parlé.

 

Ouvrant la porte de la cave, il dévala les marches de bois qui allaient bientôt s'enflammer sous l'effet des flammes rugissantes qui détruisaient tout dans la salle. Il se rua sur la trappe qui était cachée derrière un tonneau, et tenta de l'ouvrir. Mais elle ne céda pas, quelque chose bloquait le mécanisme de la serrure. Se penchant l'informateur essaya de dégager l'objet coincé dans la serrure de la trappe. Quand il eut réussit, il hurla d'effroi. L'objet n'était rien d'autre qu'un petit os apparemment humain, et très frais. Il y avait une flaque de sang, derrière un autre tonneau. L'espion s'y rendit, et, alors qu'il croyait avoir déjà atteint l'horreur la plus totale, il découvrit ce qu'il restait de son ami le tavernier. Il semblait avoir été sauvagement dévoré par une créature féroce. Dans sa mémoire s'imposa l'archer talentueux qui accompagnait son client. Il en était sûr, l'archer avait du sang autour de la bouche.

 

Il était, de toute façon, trop tard pour échafauder ce genre d'hypothèse, car l'informateur était coincé dans la cave, et les flammes commençaient à lécher les marches, rendant toute sortie impossible. Une seule chose restait à faire, laisser une trace, un indice pour Eux. Ils étaient, sans le savoir, en grand danger. Et fonçaient tête baissée dans le piège tendu par son client. Rassemblant ses dernières forces, l'indic se mit alors à peindre avec le sang du tavernier sur les murs de la taverne, écrivant inlassablement, jusqu'à ce que les flammes le rongent pour le laisser sans vie, le nom de son client et désormais meurtrier.

 

Mach Gulam.

 

 

Modifié (le) par Mach Gulam
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