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Terre des Éléments

Don ou malédiction


Neala
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Une petite tête aux cheveux noirs dépasse d'un buisson. Elle semble dormir, aussi ne peut-elle pas voir l'homme arriver. Son visage buriné et fermé semblait peu engageant. Il tenait une pelle dans sa main droite, et se dirigeait à grand pas vers le buisson.

Il regarde autours de lui, comme s'il cherchait quelqu'un. Une proie peut-être ?

Ses yeux tombent sur la fillette. Impossible de savoir ce qu'il ressent en le regardant. Il semble avoir le visage figé. La petite gémi dans son sommeil. L'homme se précipite vers elle. Sa pelle tombe sur le sol dans un bruit mat.

Dans la minute, il se retrouve à genoux, sa grosse main calleuse sur le front pâle. Étonnamment, il fait preuve de douceur, la caresse doucement. Son visage, enfin, se met à s'exprimer, par un sourire.

La petite ouvre les yeux, qui se posent sur lui. Elle sourit à son tour, et tend les bras vers lui, accrochant ses mains sur sa nuque. L'homme l'attrape, la soulève.

Il ne dit rien sur son escapade, ce n'est pas la première fois. Et puis, elle s'enfuit toujours au même endroit.

S'il devait dire quelque chose, ce n'était pas à elle, mais plutôt à sa femme, qui était la cause de ses multiples petites fugues. Comment une femme pouvait-elle avoir si peu d'amour maternelle en elle ?

Rien ne l'intéressait plus que sa propre personne. Il ne pouvait plus la supporter, l'amour qu'il avait un jour éprouvé pour elle s'était reporté sur leur petite fille.

Il faisait son possible pour la protéger de celle qui l'avait mise au monde, mais il devait travailler pour les faire vivre, aussi ne pouvait-il pas toujours être là.

Sa femme ne lui avait pas pardonné de l'emmener loin de la ville et de tout ce qu'elle aimait : les ragots, l'hypocrisie, le faste, les faux-semblant... Ici, dans ce coin retiré, elle ne souhaitait qu'une chose, repartir.

Avec leur fille. Alors même qu'elle ne l'aimait pas.

La petite, dans ses bras, gigotait, lui racontant sa journée, rigolant, et le regardant avec ses yeux étranges. Ses yeux qui étaient la cause du désamours de sa mère.

Cette dernière en était jalouse.

Comment pouvait-on être jaloux de son enfant ?

Si le Dieu Unique ne l'avait pas choisi, sa femme n'y pouvait rien, et aurait du se résigner. Mais non, elle n'y arrivait pas, ne pouvait même pas l'envisager. Il yavait forcément une erreur. Comment une femme aussi merveilleusequ'elle pouvait ne pas être choisie !

Et le pire dans tout ça, se disait-elle, c'était que l'Unique avait fait une erreur. Il ne pouvait en être autrement. Sinon pourquoi aurait-il marqué sa fille à sa place ?

La petite avait des yeux dorés, qui insupportaient au plus au point sa mère.

Huit ans déjà. Six ans passés sans une vraie mère.

L'homme souriait à la petite, fière d'elle, répétant inlassablement le prénom qu'il avait choisit pour elle. Il lui correspondait tout à fait.

Son visage changea soudain d'expression. Le sourire fut remplacé par une grimace. Il posa un genou et sa fille à terre, mit sa main sur son cœur, s'enfonçant ses ongles dans la chair. Ce n'était pas la première fois qu'il ressentait cette sensation, mais jusque là, jamais aussi fort.

Il regarda sa fille, qui se tenait à son genoux, un air inquiet au visage. Il se força à lui sourire, avant de s'effondrer.

Après l'enterrement, sa mère, plus heureuse que jamais, pu enfin retourner en ville, trainant avec elle sa fille. Maintenant que son mari était mort, elle allait enfin pouvoir profiter de sa vie, et elle comptait bien profiter des horribles yeux de sa fille pour entrer dans les hautes sphères.

Elle ne cessait de lui répéter combien ses yeux allaient les mener loin, et la petite, naïve, prenait ses paroles comme des paroles d'amour maternel.

Mais l'Unique n'avait pas choisi la mère, et les Anciens du Temple allaient le lui faire savoir.

Des yeux pareils, ça ne restait pas longtemps inaperçu. Elle était peut-être un peu trop âgée, mais les Anciens la convoquèrent. La venue de la mère avec la petite ne plu pas. Elle parlait trop, se comportait de manière irrespectueuse, qui eut tôt fait d'énerver. Mais la petite, elle, avait un don, c'était incontestable.

Quelques jours plus tard, elle entra au Temple, afin de commencer sa formation de Prêtresse de l'Unique.

Un Ancien s'approcha d'elle et se mit à lui parler.

-En entrant ici, tu dois oublier qui tu étais, afin de ne te consacrer qu'au Dieu Unique. Tu dois te couper de ta vie d'avant.

Entrer ici est une sorte de renouveau.

Oublie tes parents, oublie jusqu'à ton nom. Ici, tu ne sera plus que Neala et rien d'autre ne devrai plus compter pour toi que l'Unique.

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Il me regarde fixement. Son visage n'exprime rien. Ce regard me dérange, je n'y suis toujours pas habituée. Il semble le sentir. Il sent toujours certaines choses que je garde en moi. Un sourire monte à son visage, amusé. Mes poings se serrent. Ses yeux de félin me détaillent avec désinvolture.

Je n'aime pas quand il me regarde comme ça. Comme si j'étais sa proie. Comme si j'étais déjà prise au piège.

J'avais beau me débattre, le fuir ou bien l'affronter, je finissais invariablement vaincue.

Son sourire se fait carnassier. Le jeu allait commencer. Les Anciens sentent ce léger changement dans l'atmosphère. Cette légère excitation qui nous prend à l'idée de la chasse à venir et, surtout, à l'idée de la récompense. Ils ont beau être âgés, ils savent encore reconnaître ce sentiment.

Je regarde mon adversaire, les yeux pleins de défis. Cette nuit encore sera une nuit blanche pour nous, n'en déplaise aux Anciens.

Après l'extinction des feux, je me faufile hors du dortoirs. Je sais que certaines de mes compagnes ne dorment pas encore. Certaines voudraient me suivre, mais la peur d'une punition les en empêche. D'autres ne manqueront pas de me faire la morale le lendemain, peut être même me dénonceront-elles si je ne me fais pas prendre.

Sous mes pieds nus, le sol est froid. Il faut que je le trouve la première. Je me cache dans un recoin du mur, pour me concentrer. Mes yeux se ferment. Ma respiration se fait plus lente. Je le repère rapidement. Le connaissant depuis longtemps, il ne m'est pas difficile de le sentir.

Cela ne l'empêche pas de me surprendre encore.

Je me remets en mouvement, me dirigeant vers lui. Je me retrouve dehors, sous la lune pleine. Je le sens tout près. Il sait que je suis là. Peut-être m'attendait-il ici depuis le départ ?

Je tourne sur moi-même, le cherchant dans l'obscurité. Le sifflement d'un bâton dans l'air se fait entendre dans mon dos. Je me baisse précipitamment. Son rire résonne tandis qu'il me lance un autre bâton. Il sait pourtant que je ne sais pas me battre.

Mais, comme à son habitude, il ne me laisse pas choisir. Il me sourit, de ce sourire à la fois plein de chaleur, de sympathie. Et terriblement inquiétant. Aussitôt après ce sourire, c'est une lutte soudaine, sans cri et parfaitement inégale.

Je vois bien cependant que ses gestes sont plus lents, contrôlés.

J'essaie d'éviter ses assauts, de le parer avec mon bâton. Ses coups m'atteignent plusieurs fois. Aux jambes. Aux bras. Dans le dos.

Je sais comment stopper tout ça, mais ce serait le laisser gagner encore une fois. Peut-être est-ce de la fierté mal placée. Je tombe. Serre les dents pour ne pas crier dedouleur. Je veux me relever, arrive juste à me tourner sur le dos.

Mes yeux observent le ciel étoilé.

Un bruit à mes côté me fait comprendre qu'il s'est allongé, lui aussi. Il passe alors sa main sur mon bras, mon épaule, puis mon visage. Il le fait avec une précaution, une douceur inattendue. Il me regarde longuement, le visage impassible, avant de me dire ce qu'il me dit à chaque fois :« Il faut que tu apprennes à te battre. Au moins pour te défendre. ».

-Je ne partirais pas avec toi Iain.

Il se détourne. La déception et la reddition émanent de lui. Il me prend alors dans ses bras, m'embrasse avec douceur. Je sais que, demain, il aura disparu. Je sais aussi que ma vie pourrait me plaire si je m'enfuyais à ses côtés.

Et, pourtant, je me contente de répondre aux dernières caresses que je recevrais de lui.

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  • 2 weeks later...

La nuit est tombée depuis plusieurs heures déjà. Haut dans le ciel trône la lune, pleine ce soir. Elle illumine d'une lumière plus douce que celle du Soleil les alentours, donnant aux lieux qui m'entourent une étrange atmosphère, presque lourde.

Je me suis installée à l'endroit même où j'ai vu Guix pour la première fois. Il n'y avait certes pas grand monde dans la ville, mais ici, c'était encore mieux. Mis à part les animaux, il n'y avait pas âme qui vive. Ici, je ne risquais pas d'être dérangée. Le calme des lieux m'apaisaient, et me permettait de réfléchir tranquillement.

J'étais assise en tailleur, le dos posé contre le tronc d'arbre au sol. Mes bras étaient tous deux sur mes jambes et, dans ma main gauche fermée se trouvait un caillou. Même à travers mes doigts, une faible lueur s'échappait.

Unique souvenir de ma vie passée. Cadeau de mon père, qui me suivait où que j'aille.

Sauf lorsque j'étais repartie de chez lez Constellations. Je n'aurais pas du le laisser tomber. Le mieux aurait été de lui expliquer, à l'elfe aux yeux émeraudes, plutôt que de laisser tomber le caillou. Enfin, pas forcément. Il y a des choses que les gens ne veulent pas savoir. S'il l'avait réellement voulu, il me l'aurait demandé.

Comme pour tant d'autres choses...

Ce qu'il y avait de stupide aussi dans le fait de laisser tomber le caillou sans faire attention, c'est que, ensuite, il n'y avait rien de plus difficile que de le retrouver.

Certains devraient sans aucun doute trouver cette envie de retrouver mon caillou étrange, voir bête. Mais qu'importe, il avait, pour moi, une grande valeur sentimentale. Un souvenir heureux, d'un début d'enfance où la liberté avait une grand place. Où j'avais une famille, même si elle n'était composée que de mon père et moi. C'était déjà beaucoup.

J'ouvre la main, la lève, pour regarder le caillou noir qui luit dans la nuit.

Il n'y avait rien d'autre dans l'enveloppe que ce caillou, pourtant, je sais très bien qui me la rendu. Ce n'est pas bien dur. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi il ne me l'a pas rendu en face. Ou alors, au moins, laisser un petit mot.

Mais rien.

Je lève mon autre main, l'index contre le caillou. Ma magie se développe, un petit faisceau de lumière, à l'extrémité de mon doigt, rencontre la roche. Petit à petit, elle mange, dévore, crée un trou. Petit, mais juste assez grand pour y passer une corde en cuir. Je l'attache ensuite autours de mon cou.

Le caillou repose juste au dessus du creux de mes seins, répandant une douce chaleur. La chaleur de ceux qui y sont enfermés, et qui ont traversé ma vie.

Ensuite, je prends une feuille, y écrit un simple mot, et l'envoie à celui qui m'a rendu mon caillou.

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