La crise de la centaine

[Tapate]

Chapitre premier: le passage à l'âge adulte

Quand on s'entraîne beaucoup, on devient plus fort. Palier après palier, on grandit. Même les pas doués. Et à un moment donné, on atteint le niveau 100. Ca dure longtemps, mais ça arrive. Ce n'est pas une fin en soi, on peut toujours s'améliorer, mais c'est une étape importante : le moment où on passe à trois chiffres.

Dans la vie d'un lapin-limace, c'est une étape primordiale, qui marque le passage à l'âge adulte. En effet, la vie des lapins-limaces ne se mesure pas en années, ce ne serait pas assez amusant. De plus, aucun lapin-limace n'est capable de se rappeller du jour de sa naissance (et encore moins de compter le nombre d'années qui l'en sépare), calculer leur âge en années serait donc plus qu'aléatoire et manquerait absolument de précision. Les lapins-limaces préfèrent mesurer la longueur des oreilles, comparer la couleur des antennes ou admirer la qualité de la bave. Malheureusement, tous ces critères ne permettent pas de connaître l'âge d'un lapin-limace.

Les lapins-limaces, dans leur grande sagesse, décidèrent donc de mesurer leur évolution de la façon la plus objective qui soit : en se basant sur ce que disent les autres. Le chiffre 100 fut ainsi choisi comme symbole de maturité, il est en effet logique que chaque étape de la vie soit représentée par l'ajout d'un chiffre. Lorsqu'on arrive à 10, on n'est plus un bébé, et quand on atteint 100, on est adulte. Que ce soit le niveau 100, le kilomètre 100, le pacte de 100 ou le centième étage, peu importe, chaque lapin-limace est libre de se fixer ses propres objectifs. Mais il faut arriver à 100 pour être adulte.

Pour Tapate, ce moment à la fois redouté et attendu était arrivé : un dernier coup de patte, et elle avait terminé la série d'exercices qui lui avaient permis d'augmenter la force de son esprit. Elle était au niveau 100 de son entraînement.

Muuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuup! Ze suis une graaaaaaaaaaaaaaaaaaaaande!

Encore sous le coup de l'émotion, elle décida d'aller annoncer la nouvelle partout pour faire partager sa joie. Ca aime partager, les lapins-limaces. Même ce que les autres préféreraient que les lapins-limaces gardent pour eux. Elle franchit les portes de Melrath Zorac, fonça vers la fontaine et commença, tout en trempant ses pattes dans l'eau pour faire des vagues, à expliquer qu'elle était grande aux statues, qui restèrent malheureusement de marbre en apprenant la nouvelle. Faisant le tour de la ville, elle cria la nouvelle partout, sans entendre la moindre réaction en retour. Même les gardes, qui d'habitude trouvaient toujours le temps de lui faire des grimaces dégoûtées quand elle leur bavait dessus en jouant à "Coucou, qui c'est?", ne réagirent pas. Apparemment, tout le monde était trop occupé à chercher les oeufs de la famille Ackermann pour s'intéresser à un lapin-limace qui sautille dans tous les sens. C'est vrai qu'ils étaient jolis, les oeufs, et les récompenses offertes à ceux qui les trouvaient n'étaient pas négligeables, mais au point d'en ignorer un lapin-limace...

Dépitée, les antennes tristement penchées vers l'avant, Tapate décida de rentrer à l'auberge manger quelque chose pour se remonter le moral. En entrant, elle annonça malgré tout la nouvelle à Germaine, qui lui répondit avec un air mystérieux qu'il y avait quelqu'un dans la taverne qui serait certainement très heureux d'apprendre la nouvelle.

La tête emplie d'une multitude de questions (enfin, une petite multitude, la place étant limitée), elle entra dans la taverne... et vit son idole! Bartimeus, celui qui était toujours là pour l'aider quand elle avait besoin de conseils!

Muuuuup mon idoooole! Regarde, ze suis une grande, ze suis niveau 100!

Très fier de son élève, le magicien lui offrit un plateau dégustation pour fêter dignement l'événement : une boisson de chaque sorte, et une fleur de chaque sorte pour accompagner. Après avoir remercié son idole, Tapate s'assit par terre, goûta de chaque boisson et mangea un pétale de chaque fleur. Après avoir tout goûté, elle but et mangea de ce qui lui plaisait le moins en premier, pour garder ce qui lui plaisait le plus pour la fin : des pétales d'orchidée trempés dans de la bière givrée.