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Terre des Éléments

Retrouvailles


Guest Nadhir
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J'ai quitté Ignis. La nécromancienne, versée dans les arts de la divination macabre, m'a donné à voir un peu de la sentence réservée à Eyleen, pendant son retour en Enfer.

L'étoile sombre y a vu de la magie, ou une malédiction, quelque chose qui perturbait la scène que nous percevions. Eyleen n'en serait pas capable, à ce que je sais, elle n'a aucun rudiment de magie, à part celle, naturelle, de sa race. Aioros, lui... serait capable de beaucoup, mais de quoi exactement, je ne sais pas.

Moi, ce que j'y ai vu, dans cette vision, c'est autre chose. La magie - et en particulier la divination - est fantasque, elle n'inspire pas la même interprétation pour une seule vision, à des observateurs différents. Qu'importait la magie pour moi, c'est Eyleen qui obsède mes pensées, et mon inquiétude.

Je sais qu'elle est ressortie des Enfers.

Je sais qu'elle est seule, pour l'instant.

Je sais que c'est le moment de la voir. Le moment de lui parler. Le moment de remettre les pièces du puzzle pour comprendre. Ne plus laisser l'incertitude nous miner, ne plus laisser l'épée de Damoclès qui reflète le regard d'Aioros, ne plus laisser les doutes s'insinuer.

Parce que ça doit arriver, ça.

Il suffit de pas grand chose, pour laisser des idées insidieuses faire leur place dans l'esprit.

Ne pas penser.

Pas encore.

Elle, la voir, lui parler.

Retrouver le petit bois qui a été la scène de nos multiples retrouvailles.

J'ai pris ma cape, sombre, celle qui me fait repenser à mes débuts, il y a si longtemps. Débuts solitaires.

Et j'ai pris un tambour. Un de ceux que j'affectionne. Un de ceux qui me connaissent autant que je les connais. Celui qui sait traduire certaines choses que je ne peux moi-même extérioriser.

Un tambour, cylindrique, telle une roue.

Je lui donne une pichenette, et il ouvre le chemin devant mes pas, roulant.

D'une voix grave, accordée au timbre du tambour, j'opère cette magie qui est instinctive. Je lui parle, le maintient droit, l'allure constante. Et en réponse, la peaux tendue sur son cercle vibre pour donner musique à ma mélopée, accompagner une chanson sans paroles.

Il n'y a plus qu'un rythme.

La peau du tambour, son roulement sur le sol inégal, ma voix, mes pas, mon coeur.

C'est ainsi que je marche. Oubliant la distance, oubliant le temps, oubliant de penser.

Les yeux dans le vague. Le point roulant à la lisière de ma vision, je le suis, docilement. Et lui suit le chemin.

La forêt viendra à moi, bientôt.

Si je ne me suis pas trompé, Eyleen y sera proche.

Le chant deviendra alors un appel. Murmuré, mélancolique, l'espérance qui n'ose s'affirmer...

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Un temps infini de reptation dans l'ombre, j'ai débouché au vent de la nuit, comme une seconde naissance. Je me suis extirpée de la roche, j'ai posé le pied sur la terre et j'ai couru. Droit devant moi, sans un regard de côté, une flèche sombre qui plonge à couvert des buissons, puis qui file dans un bruissement ténu, à peine plus qu'une brise.

Chaque foulée rythmait une pensée lancinante, toujours la même, comme un couteau qu'on se plante entre les côtes, et qu'on replante, à chaque fois plus profond. Et s'il ne venait pas ?... Et s'il ne venait pas ?... Et s'il ne venait pas ?... L'angoisse et le trouble au creux des os, au fond du coeur et de la tête, partout.

J'ai plusieurs fois quitté le territoire de l'Empire pour aller à lui. Mais jamais je n'ai eu l'impression de fuir.

Les bois familiers se dessinent devant moi, j'entends presque le friselis de l'eau courante, ce petit ruisseau aux eaux froides. Les parfums riches de l'humus et des arbres me saoulent, la lumière de la lune me poursuit. Je l'évite, brusquement. J'ai conscience de courir comme une bête affolée, mais je n'arrive pas à ralentir, à maîtriser mon sang. Parce qu'au fond c'est ce que je suis. Un animal qui fuit devant l'incendie. Ce qui brûle à mes talons, c'est une flamme de colère dans des yeux gris, le grondement de l'incendie est un râle d'agonisant abandonné derrière la porte d'une chambre baignée de lumière rouge.

Je serre les dents, comme si ça pouvait chasser les images.

J'ai cru que tout se dénouerait enfin, même par mon châtiment, ça valait mieux que cette attente insupportable, mais non, même pas. Je ne comprends plus rien. Je ne sais plus quoi espérer.

La futaie devant moi déploie ses troncs élevés comme des colonnes de temple. Le bosquet est sur la droite, le ruisseau juste après, la minuscule clairière baignée de lune, et puis derrière ces rochers gris, c'est là, là qu'il sera, il le faut.

Je contourne les rochers.

Personne.

Je gémirais qu'il me restait du souffle.

Mais dans le silence où seul mon halètement résonne, j'entends un rythme qui s'approche, et je sais que c'est lui. Je reprends ma course, je me jette en avant, comme une folle. Quand je vois sa silhouette proche c'est comme si je voyais un dieu me sourire, moi qui sais que les dieux n'existent pas.

Je n'ai même pas ralenti, c'est parce que j'étais à bout de souffle que mon élan ne l'a pas précipité à terre. Je me suis jetée dans ses bras comme on se fout à l'eau, comme on se balance du haut d'une falaise. J'ai serré mes bras autour de lui, ma sauvegarde, le tronc flottant qui sauve de la noyade ou de la furie du vent.

Je n'ai même pas levé la tête, j'ai enfoui mon visage contre sa poitrine, et j'ai pleuré. A gros sanglots de gamine épuisée. Toute la tension de ces longues semaines partant en longs spasmes qui me secouaient de la tête aux pieds. Cramponnée à lui j'ai pleuré comme je n'ai jamais pleuré dans les bras de ma mère...

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Le rythme qui m'emplit les oreilles. Qui fait vibrer mes membres et mes boyaux. C'était le mien, celui de ma voix, de mon tambour, de mes pas.

La forêt alentour s'y est mise, elle aussi. Les feuilles tanguant en mesure. Les branches bruissant périodiquement. Les arbres semblant respirer autour de moi, amplifiant le souffle qui entre et qui sort de ma bouche.

Rythme sourd, tellurique. Timbre bas, comme la profondeur de la terre.

J'étais dedans, presque l'esprit trop ailleurs.

Ce n'est que quand elle est toute proche que je me rends compte que ses pas se sont ajoutés à mon rythme. Comme des croches, plus rapides, plus pressées, mais se fondant dans la mélodie.

Le tambour perd son équilibre, retombe dans un bruit mat. Les vibrations finissent par disparaitre.

C'est un autre chant qui commence, alors qu'elle s'écroule dans mes bras, exténuée.

Un chant de tristesse, un chant d'abandon, un chant nerveux mais un exutoire, j'espère.

Presque pris au dépourvu, mes bras prennent leur temps pour se refermer sur elle. Dans son dos, autour de ses épaules, une main qui vient, apaisante, sur sa nuque. Et puis à mesure, mes bras se resserrent sur elle, comme pour lui faire sentir de plus en plus ma présence, sans brusquer, après ces moments de séparation, des plus durs que l'on ait eu.

Elle pleure, et j'en sens les tremblements plus encore se répercuter contre ma poitrine que je ne les entends.

Un murmure.

Là, là...

et... quoi? Lui dire que maintenant qu'elle est là, rien ne peut lui arriver? Qu'elle est en sécurité, et qu'elle peut oublier tout le reste?

Je n'y crois pas moi-même, et je sais que ce ne serait qu'un havre trop temporaire.

Là n'est d'ailleurs pas le plus important.

Tu as été très forte, avec lui, ici.

Je me doute que ça n'a pas dû être évident de lui tenir tête... Je suis très fier de toi.

J'espère que tu ne me tiendras pas rigueur d'avoir laissé mes oreilles trainer. Je n'aurai pas pu partir et te laisser sans savoir ce qu'il ferait...

Oui, j'ai entendu, ce qui pouvait l'être. Mais il reste beaucoup de non-dit. Et même ce que j'ai entendu, tout ne m'est pas compréhensible.

... même si c'est toi qui m'a demandé de partir. Partir, et ne pas me rejoindre après. Ca m'a fait mal, ça, et je ne suis toujours pas persuadé que c'était la meilleure alternative.

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Enfin... enfin... enfin...

Enfouie dans ses bras, cachée au monde, ma bulle à moi, pour l'emplir de larmes, me noyer dedans et dormir, enfin, dormir... Ses murmures me bercent et la douceur de ses mains m'apaise, je me détends, je le sens, et les sanglots redoublent, libérateurs mais douloureux. J'ai les genoux qui flageolent, et je me cramponne de plus belle pour ne pas m'affaler.

Il parle et le son n'est d'abord qu'une chanson douce, une sorte de berceuse, dont je ne cherche même pas à connaître le sens. Mais il ne parle jamais pour rien, aucun de ses mot n'est inutile, alors je fais l'effort, j'essaie, vraiment, de comprendre. Des louanges et des excuses. Et des reproches.

Des reproches ?

Je n'arrive pas à répondre tout de suite, mon souffle est encore trop haché, mais je m'efforce de le calmer, en respirant profondément, parce que ça c'est pas juste, ça, je ne peux pas le laisser croire ça. Quelques longues secondes avant de pouvoir lever un tout petit peu le menton, la joue toujours plaquée sur son torse. Mais même comme ça j'ai la voix voilée et hoquetante.

Vous ne de... deviez pas mourir... aucun de vous.

Si tu... tu étais resté vous v... vous seriez battus et... il fallait que ... que tu partes sinon... j'aurais pas supporté de... pas supporté...

Les sanglots reprennent. Je n'arrive plus à parler. Mais est-ce bien nécessaire ? Pas supporté de vous voir vous affronter, pas supporté qu'il te tue sous mes yeux, pas supporté que tu le tues non plus. Je devais vous défendre tous les deux, lui parce que je leur suis loyale, et toi parce que je t'aime. Et vous voir dressés l'un contre l'autre, ça me déchirait en deux.

Et la déchirure ne s'est jamais ressoudée...

De longues secondes avant que j'arrive à parler de nouveau...

Ce serait arrivé... tôt ou tard...

Mais je n'étais pas prête...

Un profond soupir, un autre, pour me calmer, me détendre.

C'était ma faute, pas la tienne.

Ce devait être mon châtiment.

Ce châtiment qui n'est jamais venu. Où alors cette attente mortelle était-elle le châtiment ? Subtil et terriblement sournois, comme un bruit qui rend fou, permanent, horrible. Mais non, non, je ne sais pas, mais quelque chose n'est pas normal. Pas logique. Incompréhensible.

Tu comprends... c'était moins difficile pour moi de te savoir sain et sauf. Sinon...

Avec cette angoisse-là en plus, je serais devenue folle.

Peut-être que je le suis déjà ?

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Moi tout contre elle, elle tout contre moi.

Ce n'est pas avec elle à pleurer à chaudes larmes que j'imaginais, que je fantasmais, habituellement nos retrouvailles. Reprendre ce contact avec sa peau, frôler à nouveau ses lèvres des miennes, s'électriser l'un l'autre par des touches, des soupirs, des regards, jusqu'à ne plus pouvoir empêcher la passion de nous emporter.

Rien de cela ici, et pourtant...

Elle pleure, son corps secoué de tremblements, c'est moi qui la tiens, j'ai l'impression qu'elle s'effondrerait sans moi. Et pourtant, je n'échangerai ma place pour rien au monde. Ces sanglots, provoqués par notre relation, je veux aussi les voir, être assez fort pour les faire oublier, les transformer en une caresse sur ses joues, une caresse jusqu'à son sourire. Pleure, Eyleen, j'espère que ça te fait du bien, et j'espère encore plus que ça arrosera les fleurs qui poussent entre nous.

Quelques bribes, hachées. Évidemment qu'elle devait nous séparer. Évidemment qu'elle était déchirée ce jour-là, moi d'un côté, Aioros de l'autre. Que je rencontre l'ancien empereur des Enfers, ça s'est déjà produit, ça se reproduira encore. Toi au milieu, tu n'aurais jamais eu le beau rôle, même si moi je gagnais, tu n'aurais pas pu partager ma victoire, et si lui gagnais, j'espère que tu aurais été encore plus triste. Ton châtiment de toute façon Eyleen... oui.

Je sais, Eyleen. Ca me fait énormément plaisir que tu penses à moi comme ça. Une preuve d'amour, de se préoccuper de mon bien-être avant le sien...

Et moi... moi je ne pouvais pas m'assurer que tout ailles bien avec toi. C'est pour ça que je n'ai pas pu partir, complètement. Ne pas te laisser toute seule alors, quand ce n'était pas ta faute. Pourquoi est-ce une faute, Eyleen? Pourquoi est-ce obligatoirement un châtiment? Répondre à cette question-là, pour moi, c'est mettre à mal ce que j'essaye de me persuader pour ton bien à toi, ta présence aux Enfers...

Tu es retournée aux Enfers, et j'aurai tout donné pour que tu n'y sois pas toute seule. C'était si difficile de ne pas te savoir saine et sauve... Ces paroles à elle, que je fais miennes.

... Et je ne le sais toujours pas. Oh, dans mes bras, tu es si bien, tu me donnes toi-même toute la force pour te défendre, si quiconque venait à notre encontre. Mais je sais que tu me quitteras, de toi-même. Et que là-bas, là où le scintillement des étoiles n'arrive pas, je n'aurai aucune force pour te défendre... Ou alors rien que ma parole. Mais est-ce que les démons sont sensibles à celle-ci? Se permettent-ils la raison, quand la force est si facile? Je ne sais pas...

Dis moi alors. Dois-je craindre, chaque fois que tu y retournes?

Je te pensais parmi les tiens. Bizarre, cette description, quand on l'applique à Eyleen, si vivante avec moi, et aux démons, si définis comme les rouages de la mécanique d'Hadès. Les tiens néanmoins, là où tu te sentais chez toi, avec ceux que tu protègerais comme ils te protègeraient. Avec Aioros, j'ai pensé entendre que c'était fini, et que tu étais condamnée d'avance.

Puis que tu étais en sursis, avec sa confiance à lui.

Et puis... je ne sais plus. Dis moi...

Presque une plainte. Un voeu que tu puisses me dire, toi, quelle est la situation, sans presque y croire.

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  • 2 weeks later...

Je ne réponds pas tout de suite.

Je reste immobile, plaquée contre lui au plus près, comme si je voulais me cacher sous sa peau. Y disparaître.

Je l'écoute m'expliquer son anxiété, ses craintes, toutes les idées sombres qui lui ont traversé l'esprit tandis que je macérais dans ma terreur, là au fond.

La terreur qui aurait pu se dénouer, aboutir sur un acte, n'importe lequel, qui m'aurait libérée. J'étais prête pour un châtiment. Mais pas celui-là. Celui-là je ne peux pas l'accepter. Attendre et me dévorer d'angoisse. Non, tout mais pas ça...

Sa dernière question flotte dans l'air autour de nous.

Elle nous enveloppe, légère, douce, presque timide.

Elle ne me fait plus peur à présent, cette question.

J'ai enfin la réponse.

...Je n'y retournerai pas...

Puis je ferme les yeux et j'attends ma propre réaction.

Elle vient très vite.

Les tremblements nerveux recommencent à me secouer, de la tête aux pieds. Je ne cherche même pas à les contenir. Je compte sur lui pour m'empêcher de m'écrouler, c'est tout.

Tout ce que je peux faire pour le moment.

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Surprise.

Ce sont ces tremblements, ce surplus de sensibilité à tous les derniers évènements, qui me réveillent, et me font instinctivement tenir les bras autour d'elle.

Ne plus y retourner.

Ma main passe dans son dos, apaisante, une caresse contre la nervosité.

Ne plus retourner en Enfer.

Ma main jusqu'à sa nuque, le contact avec sa peau nue, une légère pression en remontant, un massage qui met habituellement un terme aux maux de tête, et qui relaxe.

Ne plus retourner chez ceux dont je m'étais convaincu être ses meilleurs compagnons d'arme.

Est-ce que ça pourrait être vrai?

Je n'ose encore y croire.

Ne plus avoir à la laisser partir, loin de moi, près de mes ennemis, à chaque fois que je la vois.

Ne plus craindre ce qui se passerait, sans que je puisse l'aider, sans que je puisse la protéger.

Ne plus rentrer dans notre campement le regard sombre, parce que ces moments avec elle sont trop courts...

Ou est-ce bien cela?

Eyleen... J'ai toujours voulu entendre ces paroles.

Je m'étais fait à l'idée de te savoir aux Enfers, quoi que ça puisse m'en coûter, parce que je savais alors que tu y étais en sécurité, au moins. Et que tu y trouvais une raison de vivre. Une raison de survivre, dans les moments où nous ne pouvions être ensemble. De quoi faire vivre cette flamme qu'il y a toujours eu en elle. Je brûle d'envie de lui offrir un autre foyer. Il y a une réponse évidente, mais...

Un arbre à mon côté.

La gardant dans mes bras, je vais m'y adosser. Lentement, je descends jusqu'à m'y asseoir, la guidant elle-même. Elle se retrouve, en boule, toujours contre ma poitrine, dans l'espace exigüe que je lui réserve, délimité par mes bras et mes jambes autour d'elle.

Mais imaginer pouvoir vivre avec toi, sans toujours avoir cette distance, cette sentence, ça me gonfle le coeur d'espérance.

Il suffit que je l'invite sous la protection des étoiles. Un campement prêt et solide, pour accueillir celle qui serait vue comme une reine. Plus rien ne lui arriverait, elle resterait avec moi, et... Et je n'ai aucune certitude qu'elle accepterait. Les Constellations n'ont pas toujours été tendre avec elle, et sans doute ne lui serait-il pas évident d'oublier tout ça.

L'avoir proche de moi, ce serait alors l'avoir proche de ceux qu'elle a toujours vus comme des ennemis.

Mais si elle ne vient pas chez moi... Ou trouvera-t-elle refuge? Un endroit à l'abri de ses anciens compagnons d'arme, qui ne manqueront pas de lui rappeler qu'on ne les bafoue pas comme ça.

Je ne sais pas encore...

Je ne ...

Je ne veux pas encore savoir d'ailleurs.

L'important est qu'elle soit ici, pour le moment, dans le seul refuge que je veuille lui offrir vraiment. Quant à l'avenir, il sera toujours temps d'y penser.

Je serai toujours là pour toi, Eyleen. Je veux que tu trouves ton bonheur, où qu'il soit. Et en faire partie, parce que je sais qu'en le partageant, il ne pourra que grandir, ce bonheur.

Ou qu'il soit.

La question viendra plus tard, mais je la refoule pour le moment. Plus loin, là où elle ne peut mettre de tristesse dans nos yeux.

Prendre la vie comme elle vient, finalement, c'est ce que l'on a toujours fait, nous deux...

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Le sol, oui, c'est bien, c'est plus sûr.

L'abri bien chaud d'un cercle de bras, l'appui d'un torse qui respire.

La caresse d'une voix qu'on aime.

Pas besoin de plus.

C'est parfait.

J'entends tous ses mots.

Même ceux qu'il ne prononce pas, je les sens derrière ceux qu'il dit.

Et il a raison de ne pas les dire, je devrais refuser, et il le sait, il est sage et réfléchi, il se tait... Quand bien même il n'y aurait pas de morts entre nous, celles de mes soeurs, et plus tard, celles de ses compagnons, tombés sous ma lame... quand bien même tout cela serait pardonné, il reste que je ne connais pas les étoiles, et qu'elles ne me connaissent pas... J'ai servi longtemps la foi des autres. Un dieu qui n'existait que pour eux. Je ne veux plus avoir à éluder les questions, à détourner les yeux devant des certitudes que je ne peux partager.

Il se tait, moi aussi, c'est très bien comme ça...

Je laisse les tremblements s'espacer, s'éteindre. J'ai bien chaud. Je suis bien... Je pourrais m'endormir comme ça, roulée en boule tout contre lui. J'en ai tellement envie...

Mais il reste un soupçon de vigilance. L'ombre d'une appréhension.

Personne ne m'a suivie, je le sais.

Mais dans un moment ils me chercheront peut-être.

Peut-être pas.

Oh pourvu, pourvu qu'ils s'en foutent, une guerrière de plus ou de moins, même pas très performante, allez, ce n'est rien, ils n'ont aucun besoin de moi, c'est mieux, qu'ils me laissent partir, qu'ils m'oublient...

Pourvu...

Je lève le nez pour regarder son visage. Il a l'air troublé, inquiet, presque triste. Je voudrais lui sourire mais je n'y arrive pas.

On ne peut pas rester ici...

Ils me chercheront peut-être.

Emmène-moi à l'abri...

J'ai la voix basse et éraillée. Incertaine.

Tu sais de quel abri je parle, n'est-ce pas... De quel abri je ne parle pas.

Là-bas, je ne pourrai te suivre, tu as parlé à demi-mots, comprends mes demi-silences... Un abri, où nous pourrons nous réfugier à deux, dormir sans peur, enfin. Je ne crois pas avoir jamais vu une chambre d'auberge comme un bout de paradis... Mais c'est ça que je vois en ce moment. Une chambre petite et simple, une fenêtre ouverte sur la nuit et un rideau qui flotte, et nous deux endormis, au chaud l'un à l'autre, des heures entières rien qu'à nous, sans l'ombre d'une crainte, sans que rien nous oblige à nous séparer.

Le sourire vient, un tout petit sourire fragile et hésitant.

Qui sait, on trouvera peut-être un petit bout de bonheur accroché à une clé...

Du temps, rien de plus.

J'ai besoin de temps...

Modifié (le) par Eyleen
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Les sanglots diminuent, laissant la place aux battements de son coeur. Toujours présents, mais plus masqués à présent.

Je les ressens, ces battements, si profondément, que pour un peu j'en ferai résonner le tambour laissé à l'abandon, à quelques pas de là.

Un peu de cette magie musicale qui m'est instinctive.

Mais pas de ça ici pour le moment. Pas de magie autre que celle qui nous lie. Celle qui n'a besoin que de notre amour pour puiser son énergie.

Ma main dans ses cheveux. Mes doigts comme un peigne. Laisser glisser ces fils de soie entre mes phalanges. Apaisant.

On ne peut pas rester ici.

Evidemment, c'est le dernier endroit où on nous a vus, où IL nous a vu. Notre point de rencontre, et le plus dangereux depuis la dernière fois.

J'ai hoché la tête, sans même y penser.

L'endroit qui nous a vu nous retrouver, le havre de paix et d'amour que nous nous étions construits l'un pour l'autre, cette parcelle empruntée à la nature, il est temps de la laisser. De n'en garder que des souvenirs... Oh, des jolis souvenirs, ceux là seront toujours avec moi, avec nous. Ceux là nous donneront leur force, leur tendresse. Et les autres... les autres souvenirs, ils resteront là, gardés par la forêt, la voix étouffé par le bruissement des arbres. Le danger pour nous de retrouver les Enfers, il sera toujours présent en moi, évidemment. Mais le souvenir de cette dernière nuit, je ne veux pas qu'il reste pour assombrir mes pensées. Pas besoin de lui.

Un abri... Elle relève la tête et esquisse un sourire. La tension et la nervosité qui partent, c'est elle qui revient à nouveau à moi.

Un abri. Ca pourrait être celui de son sourire, celui de ses yeux qui scintillent. Je n'aurai pas besoin de plus...

Je ris un instant à son évocation. Une clef, qui nous sépare du reste du monde, calfeutrés dans une chambre douillette. Une clef, pour empêcher le monde d'interférer avec le nôtre...

Une auberge, ce serait bien pratique. Pas si loin de chez moi, pas interdit de visite... Parce que jusqu'alors, impossible de ramener la demoiselle devant la porte de chez elle à la fin de notre rendez-vous. Sa 'famille' n'aurait probablement pas apprécié le galant...

Je pensais que tu préfèrerais l'intimité d'une grotte, mais peut-être est-ce trop évident, et qu'ils t'y trouveraient trop facilement. Pourtant sa grotte, il y a longtemps, là où pour la seule fois je suis entré dans son domaine à elle, je l'aurai vu comme le plus beau palais du monde, si elle nous abritait à nouveau. Mais ce temps passé en Enfer lui a peut-être fait oublier ses penchants troglophiles.

Mais probablement le meilleur endroit pour ne pas être découvert, c'est la foule d'une auberge. Surtout que là-bas, les villageois ne seront pas enclins à donner un coup de pouce aux Enfers...

Un moment de doute. Oh oui, ils n'aideraient pas ceux qui font leur terrain de jeu de leur récoltes, et les chassent comme des animaux, de ce côté-là, nous sommes tranquilles. Mais... Elle était l'un d'eux. La reconnaitront-ils? Sentiront-il le rougeoiement de cette marque gravée dans sa chair? Et... Si elle n'en porte plus le blason, qui ne donnait qu'un prétexte à sa nature, continuera-t-elle malgré sa liberté?

J'y ai pensé trop tard, aux implications de ces quelques mots lancés au départ comme un argument en notre faveur...

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  • 4 weeks later...

La grotte...

Oui j'y avais pensé, à la grotte de la falaise, là où les roses s'abritaient. Il y a longtemps déjà... Pourtant la blessure saigne toujours en moi... J'imagine les tentes abattues, les débris, les objets abandonnés derrière... comme moi. Non, pas encore. J'y retournerai un jour, et la blessure guérira. Mais pas encore. Je ne suis pas assez forte à présent...

Les aubergistes ne regardent pas les visages, ils ne regardent que l'or...

Ils ne refuseront pas plus le mien qu'ils ne le faisaient avant, quand j'étais l'une d'entre eux...

L'une d'entre eux...

Oui, les démons dorment parfois dans un lit, comme le citadin le plus paisible...

Et dans les auberges ils croisent parfois leurs victimes du lendemain... Mais la trêve des auberges ne peut être rompue. Ils me trouveront, cela ne fait pas de doute.

Mais ils ne pourront nous faire aucun mal.

Alors qu'un refuge isolé serait bien plus dangereux...

Tu as une préférence ?

Je lui souris.

Celle de la ville, avec sa foule de fêtards et d'ivrognes ?

Celle du campement, plus rustique et plus calme ?

Celle des mines, où ne résonne la nuit que les ronflements des travailleurs harassés ?

Où veux-tu m'emmener, Nadhir ?

Depuis quelle fenêtre obscure ferons-nous résonner la nuit d'une toute autre musique ?...

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