Quand l'inquiétude devient terreur...

[Eryas]

Assis sur les rochers de cette plage je ne peux m'empêcher de contempler la mer, si belle, si attirante et pourtant si traîtresse... Je n'ai jamais pu apprécier le moindre séjour au large, le moindre trajet dépassant quelques minutes sur une eau calme et paisible. Aujourd'hui plus que jamais je la redoute... Elle est porteuse de malheurs pour moi et ces terres, du moins pour ceux qui ne pourront se défendre. Messagère de mauvais augure, si agressive envers moi, pourquoi le portes-tu si nonchalamment en ma direction? Je le sens qui approche, je sens ses envies néfastes, le retour de ses vices cachés qu'il arborera au grand jour sur ce sol où il n'est qu'un inconnu et ne craint donc aucune représaille de la taille de celles qu'il aurait pu avoir à affronter là-bas.

L'air frais propre aux terres côtières refroidit mon corps mais n'est point la raison de mes tremblements, la fièvre s'est emparée de moi, nul remède ne parvient à en venir à bout. Le sommeil me fuit depuis trois jours, depuis que j'ai reçu son message muet. Cette alerte douloureuse et terrifiante... De ma main gauche je parcours le bandage sur mon bras droit. La chaleur qui s'en dégage me donne envie de m'arracher ce membre souillé, perverti par sa marque... Je n'ose retirer ces quelques bandelettes qui l'entourent de peur qu'il puisse me voir à travers ce tatouage maudit. J'ignore les pouvoirs qu'il a placé en ce symbole et je ne souhaite point les connaître en de telles conditions.

Son mécontentement ne semble pourtant pas si violent mais comme toujours, il pousse la douleur bien plus loin que la réalité de ses pensées. Depuis mon arrivée sur les terres d' Aqua je n'ai donné aucune nouvelle de mes recherches, qui bien sur n'ont que peu avancé, trop occupé que j'étais à trouver un moyen de lui échapper. Jamais je n'ai répondu à ses appels, pas même au dernier qui me déchire actuellement le bras. Jamais son pardon ne me sera accordé mais qu'importe, j'ai enfin pu vivre loin de lui et jamais je ne laisserais cette liberté couler de mes mains comme de l'eau que je ne pourrais retenir. Plutôt mourir que de revivre cet enfer...

Chose étrange pourtant, je le sens qui se rapproche mais il ne semble pas se diriger par ici, comme s'il comptait se rendre en un autre lieu, m'accordant de ce fait un surplus de temps qui semblerait à d'autres bien appréciable mais qui ne fait qu'emplir mon esprit d'un terreur plus grande. Le doute n'a point de place en mon esprit, je sais qu'un jour il me tombera dessus et je ne m'en relèverais pas, c'en sera fini de moi, de ma pauvre enveloppe charnelle ainsi que de mon âme. Je ferais en sorte que ce jour soit repoussé le plus loin possible, en priant constamment que les Dieux abattront leur courroux sur lui avant que le sien ne m'atteigne. L'espoir est maigre mais il est ma seule lumière désormais.

La douleur se fait de plus en plus intense en cette soirée, la sueur sort par toutes les pores de ma peau, je suis plus trempé à cause de cela que des vagues. Mes tremblements sont de plus en plus violent, je sens que je perds pied avec la réalité. Je suis entre deux mondes, celui du réel et celui du cauchemar. Je revois sans cesse les images horribles de mon passé, la mer porte les bruits et les odeurs de ses victimes innocentes à mes oreilles. Il est tout proche désormais, jamais je ne reverrais mon île natale, il est trop tard pour moi...

Le comte Aïran de Varsec se rapproche...