Comme tous les matins depuis bientôt une dizaine de jours, je m'éveille sur Aéris avec la lumière de l'aube qui filtre aux travers des fenêtres de la cabane ou j'ai élu domicile. L'auberge est bien trop cher et ici outre les bestioles qui fourmillent un peu partout sur les plaines d'Eolia, je n'ai rencontré aucun ennemi susceptible de me faire dormir par sagesse dans la chambre d'une Gertrude.
Tant que cela est possible, alors, je m'y tiendrai.
Depuis que je suis ici, j'en ai presque oublié le pourquoi de mon départ de mes landes natales. La vision d'Hyrakiem est toujours présente dans mon esprit, mais je pense que le fait d'avoir eu à batailler contre quelques obscures créatures m'a fait négliger son souvenir. Je me demande d'ailleurs si elle est toujours en vie, et quel mystère entoure ma nourrice. L'autre nuit, j'ai fait un cauchemar, elle était présente dans mon songe, mais une aura de noirceur s'évadait de son corps. Dès lors, j'ai de la peine à m'endormir lorsque la nuit tombe. Je pense de ce fait sérieusement à aller consulter un guérisseur, je suis certaine que cela doit se trouver ici même.
Maintenant ?
Oui, c'est le moment.
Je me mets aussitôt en quête d'un soigneur, et commence mes recherches au centre du village. Peut-être pourrait-il me prescrire quelques herbes relaxantes me permettant ainsi de dormir du sommeil du juste ... Je marche nonchalamment, et traverse plusieurs ilots de verdure. L'air toujours est présent ici, j'ai continuellement l'impression qu'une bourrasque va m'emporter loin de cet endroit et va me déposer au fin fonds d'une forêt inconnue. Pourquoi une forêt ?
J'ai dit en quête d'un soigneur ...
Et non se perdre dans ses rêvasseries.
Je me recentre, puis continue ma marche, soudainement une bride de conversation s'échoue à mes oreilles, je tourne la tête en direction de l'écho, m'avance vers l'échange et remarque une jeune fille qui porte sur son dos une épée magistrale ou sont gravée dans la poignée de celle-ci deux initiale : K. et B.
La Donzelle est en proie à une discussion des plus explicites à deux marchands ambulants. Elle pose des questions sur l'homme-loup et dit s'appeler Rayna... Qui n'a pourtant aucun rapport avec les deux lettres frappée sur le pommeau de la lame qu'elle transporte...
Tout à coup, j'ai une illumination, L'homme-Loup ... Cela me fait tilt maintenant, parce qu'il y a peu j'ai dû me frotter à celui que l'on nomme Croloup.
N'était-il donc pas mort ??
Cela m'intrigue et titille ma curiosité, aussi, je décide de me rapprocher furtivement davantage de la demoiselle. Les villageois qu'elle questionne à présent semblent soudainement effrayés par ce qu'ils entendent. Moi, je n'y prête pas complètement attention, je n'ai eu aucune peine à m'approcher de la bête sauvage, et m'en suis sortie sans trop d'égratignures. J'en déduis, qu'il n'est pas aussi dangereux que ce qu'elle prétend. Je ne serais d'ailleurs pas étonnée qu'il réside au même endroit ou je l'ai trouvé la première fois...
Je n'ai pas encore décidé si j'allais lui venir en aide en lui indiquant le lieu où je l'ai aperçu l'autrefois. Après tout, je ne connais rien d'elle. J'ai appris à devenir méfiante avec le temps. Et puis beaucoup de choses ne concordent pas avec ce qu'elle raconte ... Cela en devient réellement étrange comme situation...
Je n'ai pas le temps de tergiverser, la fille passe devant moi comme une flèche. Ne me jette pas le moindre regard. Ce qui me pousse à prendre La décision, une décision qui va bouleverser le court de mon existence.
Son indifférence à fait d'elle ma cible.
J'attends qu'elle prenne un peu d'avance, juste une petite longueur avant de me lancer à sa suite. La nuit commence à tomber, j'ai eu pour habitude de me déplacer lorsque l'obscurité fait sa loi, et je n'ai donc aucune peine à ne pas me faire distancer, et je pense qu'elle n'a rien remarqué. La faune nocturne s'éveille, divers cliquetis et légers grondements se font entendre à quelques lieues, La chasseresse n'est pas effrayée à entendre ses pas assurés au milieu de la végétation. Je me repère également aisément à force d'avoir parcouru de long en large le village et ses alentours. C'est toujours sans la moindre peine que j'arrive à percevoir ses mouvements. Parfois au clair de lune, et au grès de ses mouvements, la lame de l'épée accrochée à son dos parait me faire un clin d'œil cinglant, me reflétant ainsi la lumière de l'astre nocturne.
Au bout d'une bonne heure, la dénommée Rayna bifurque sur la gauche. Si je tends l'oreille elle maugrée mirant ses pieds qui la lancinent. Ses chaussures sont sans le moindre doute la cause de son bougonnement. J'ai déjà eu le même genre de soucis avec des bottes achetée trop bon marché pour que ce soit de la qualité. Il disait de la vraie peau de Branleil, tu parles, encore faut-il savoir ce qu'est un Branleil ... Une belle arnaque ...
Elle s'arrête net.... J'en fais de même pour éviter de me faire localiser.
Croloup est dans les parages son odeur le trahi, je reconnais aussi le chemin qui mène à sa tanière.
Juste à temps, je décide de prendre la direction du Nord, dans les plaines nuageuses se trouve un bosquet qui surplombe la cache de l'animal sauvage. C'est de là que je vais observer...
A peine ais-je le temps de prendre position que l'éclat scintillant de la lame traverse ma vision. Un hurlement de terreur, mêlé à un grognement de douleur résonne dans le silence de l'étendue Aéride. Je frissonne sous le joug de ce tapage étourdissant. Ce n'est pas normal !
Evidemment que non, ce n'est pas normal ! La traqueuse est certainement bien plus expérimentée que je ne le suis, et pourtant rien ne se déroule dans le bon sens ! Quelle sombre magie peut-elle opérer de la sorte ? Un être presque mort qui reprend du poil de la bête en un rien de temps !!??Même les Démons peuvent mourir !
L'espace d'un instant, je reste tétanisée sous la violence des coups qui fusent. Il fait sombre, cependant, je peux discerner le sang qui gicle. Je crois que le plus abominable, c'est de voir l'être mi-homme mi- démon la déposséder de ce qui fait d'elle quelqu'un. Son Epée ... La chose ressent de la fierté à gigoter l'arme qu'il a dérobé dans une violence inconcevable, ce sera probablement son trophée.
Rayna s'écroule dans un râle de souffrance. Demain, l'herbe sera teintée de rouge. Le vent n'y pourra rien... Dans un dernier son d'agonie, je l'entends. Elle fière chasseresse, prie-t-elle dans un murmure plaintif pour sa délivrance ?
Sa puissance aura été vaine, de son vivant elle aurait pu devenir une légende, là, elle n'est plus ....
Rien ....
C'est alors que je m'aperçois qu'en fait, ce sera et ce fut et c'est toujours la loi du plus fort qui l'emporte. Qu'importe ce qui nous anime si cela mène à la mort. Dans cette atmosphère funèbre, je suis aux prises avec les doutes... Et si cela ne finit pas ? Et si encore demain on me traque ? Et si alors, il n'y plus aucun espoir.
Je suis triste, parce que malgré moi, j'ai voulu que Rayna paie pour sa désinvolture ... Je ne la connaissais pas .... Et en aucune manière je ne voulais que ça se termine ainsi ... Triste que ce soit sur une terre qui exprime la liberté qu'elle se soit en aller.
Libre, oui aujourd'hui, elle est libre laissant derrière elle juste un souvenir qui hantera les vivants qui l'ont entouré pour l'éternité.
Les choses auraient-elles été autre si je l'avais aidé ?