Sortant de la cuisine les bras chargés d'un immense plateau, elle faillit renverser la princesse et, la saluant aussitôt, se retrouva face au Fou du Roi. Elle crut l'avoir froissé quand il lui demanda, acerbe, qui elle était et ce qu'elle faisait là. - Je suis ici pour aérer les placards et épousseter les vieux squelettes ; je fais du bruit dans les couloirs en allant parfois jardiner, composant de charmants bouquets de soucis bien enfouis ; je jette de l'huile sur les feux afin qu'ils ne s'éteignent et attise les braises ; je porte le linge des royales alcôves et en colporte les secrets ; je fais les chambres et en ménage les hôtes ; je sers, à table, les intérêts de quelques uns et dessers aussitôt les autres. Là où l'on ne m'attend pas et jamais là quand on a besoin de moi, je suis la deuxième femme de chambre. Vous savez où est passée la première d'ailleurs, on la cherche partout ? Se satisfaisant de cette réponse - finalement il n'était pas froissé, juste plié - le Pas-si-fou du Roi considéra attentivement le plateau qu'elle tenait juste au niveau de ses yeux, et voulut s'en saisir. - Voilà exactement ce qu'il me faut pour le laveur de vitraux, du pain sec et de l'eau ! - Sûrement pas, bas les pattes, c'est le Royal Petit Déjeuner ! - Le Royal Petit... ça ? - Comme vous le savez la Poisseuse Princière Progéniture a eu un petit creux cette nuit, alors nous avons là, hum... des tartines de miel et marmelade sans miel ni marmelade, une absence de croissant à tremper dans une grande tasse à chocolat chaud, un souvenir d'oeufs à la coque sans beurre pour les mouillettes et une réminiscence de brioches. Foin de pain sec et d'eau, il s'agit là de mets de choix, euh... de Roi... Bon j'y vais, là.