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Terre des Éléments

Visite en terres étrangères


Salaha Luvia
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Dix-septième jour de la période Ciella.

Dix jours s'étaient écoulés depuis sa rencontre avec Sayanel. Elle avait longuement réfléchi à son idée d'exploration de Terra. Elle s'était finalement convaincue que les réponses à ses questions se trouvaient là-bas. Un nouvel espoir était né en son être, elle ne pouvait y renoncer. Aussi avait-elle travaillé à l'accomplissement de son projet. Elle avait tout d'abord cherché un passage secret dans les rues de Melrath Zorac. Elle avait en ce but guetté les allées et venues des citoyens, sans le moindre résultat. Elle avait écouté les conversations de comptoir dans les deux tavernes de la ville, sans plus de succès. Elle n'était guère avancée. Pourtant ce matin-là devait être le bon.

Fortuna aidant, la jeune magicienne se trouva au bon endroit au bon moment. Minuit venait de sonner alors qu'elle approchait de la porte Ouest de la grande cité. Une étrange agitation y régnait. Deux grands chariots bâchés étaient postés devant la muraille. Autour plusieurs jeunes gens vêtus d'une simple toge discutaient entre eux, l'air impatient. Un vieil homme encapuchonné semblait diriger l'opération, aidé de quatre gardes du temple. Que pouvaient-ils bien préparés à une heure si matinale ? Elle s'avança à la faveur de l'ombre. Elle retourna le bas de sa cape et s'enveloppa au mieux du reste. Profitant ainsi de la couleur sable de ses vêtements, elle se camoufla au mieux au regard de l'assemblée. A cette distance, elle put entendre quelques brides de conversation.

- Je serai un guerrier aqueux, lançait fièrement un jeune garçon brandissant un bâton.

- Et moi une mage renommée, l'ancien sera reconnaitre mon pouvoir incontestable.

Un éclat de rire accueillit la vantardise. Malgré l'obscurité, Salaha reconnut quelques visages. Ces jeunes gens, tout juste sortis de l'adolescence, n'était autre que des habitants des environs. De futur aventuriers peut-être ? Elle avait cru jusque là que seuls les habitants des quatre terres élémentaires recevaient ce privilège. Serait-ce possible que d'autres aient cette opportunité ?

Le vieil homme donna un ordre et tous prirent place dans les chariots. Une petite voix en l'esprit de la magicienne lui souffla de les suivre. Elle aperçut un grand coffre sur le bord du deuxième chariot. Alors que nul ne regardait, elle se faufila à l'intérieur. Il était juste assez grand pour elle. Elle s'installa du mieux qu'elle put, et abaissa le couvercle maintenant juste un fin espace pour respirer. Elle frissonna quand un garde passa devant sa cachette, mais ne fut point découverte. Les conducteurs claquèrent les rênes et les chevaux s'ébranlèrent.

En son coffre, Salaha priait, tout d'abord de ne pas être prise à fureter ainsi où elle n'aurait pas du, ensuite que cet étrange convoi la conduirait bien vers Terra, enfin, et surtout, qu'elle ne s'attirerait pas la colère des Dieux.

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Ils roulèrent longtemps. Secouée dans son transport de fortune, la magicienne aurait bien évalué à une journée entière la durée de ce pénible voyage. Pourtant, le soleil touchait à peine son Zenith quand le chariot s'arrêta enfin. Jetant un rapide coup d'œil par l'entrebâillement du coffre, elle ne vit que du sable. Le désert s'étendait à l'infini, sous une chaleur torride. Où pouvaient-ils être ? S'il se trouvait une zone désertique autour de Melrath Zorac, elle en connaissait les limites. Par où étaient-ils passés ? Le mystère demeurait entier alors qu'elle refermait le couvercle en toute hâte. Deux nouvelles voix se firent entendre. Les jeunes aspirants se rassemblaient maintenant, assez proches pour qu'elle discerne chaque murmure. Dès qu'ils se furent éloignés, elle sortit de sa cachette, en cherchant une autre des yeux.

Elle se retourna vers la direction dans laquelle le groupe venait de partir. Elle s'aperçut alors que le coin n'était pas si dénué de verdure. Un campement était dressé au milieu d'une oasis à quelques mètres de là. Elle s'avança, trouvant refuge en un taillis. De là elle pourrait observer sans être vue. Au centre de ce qui avait du être un village se tenait un point d'eau. Des anciennes bâtisses en pierre, une seule était encore debout. Nombreux indices indiquaient même une récente rénovation. Des tentes avaient été assemblées tout autour. Ses compagnons de voyages s'avérèrent plus jeunes qu'elle ne l'avait d'abord cru. Au nombre de huit, ils étaient maintenant aux mains de quatre personnes. Le vieillard avait mystérieusement disparu. Était-elle vraiment au bon endroit ?

Trop occupée à dévisager ceux qu'elle identifia comme instructeurs, elle ne vit pas les cochets remonter en leurs chariots. Seul le bruit des fouets et des sabots lui indiquèrent le départ du convoi. Elle ne pouvait plus reculer. Elle était piégée, là, aux abords d'une oasis inconnue, en présence d'une poignée d'adolescents et de leurs formateurs. Les futurs aventuriers furent soumis à un sermon dans les règles avant d'être conduits dans le bâtiment principal. Elle ne distingua que quelques brides du long discours. De ce qu'elle comprit, le camp de fortune avait pour mission d'enseigner aux jeunes aspirants les bases des différents arts de combat. Que ce soit le maniement de l'épée ou de l'arc, la magie pure ou sombre, ici semblait commencer l'apprentissage des soldats des quatre éléments.

- Le rôdeur avait parlé d'un désert, pensa-t-elle à voix haute, doutant du but de ce voyage. Toutefois, il n'a rien dit au sujet d'un campement.

Maintenant seule à l'extérieur, elle se faufila entre les tentes. Tout d'abord, il lui fallait trouver de quoi boire et manger. Sotte qu'elle était, elle n'avait pas pensé aux provisions. Ensuite, il lui faudrait découvrir le passage pour Terra. Si les aventuriers débutaient ici leur formation, il existait forcément un moyen de joindre les terres élémentaires à partir de là. Enfin, elle devait y parvenir sans se faire remarquer. Ce dernier point ne serait pas le plus aisé, elle ne le savait que trop.

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Le campement s'avéra totalement entouré par la végétation. Deux ouvertures subsistaient seulement. Au Sud, par là où ils étaient venus, un large espace permettait à deux personnes de s'avancer de front. Au Nord, un passage étroit se dessinait entre deux rochers. Elle conta six tentes en tout. Dans la première où elle osa pénétrait, elle ne découvrit qu'un dortoir. Des lits de camps étaient alignés des deux côtés. Sur des étagères dans le fond étaient empilés pantalons et tuniques, tous blanc, couleur visiblement attribuée aux élèves. La seconde comportait plusieurs tables alignées sur trois rangs. Des bancs étaient posés, d'un côté de chacune. Une grande toile avait été tirée en un bout de la pièce. Dessus étaient inscrites des formules magiques de bases.

- Ce doit être la salle de classe des mages et nécromanciens, pensa-t-elle en sortant, se demandant aussitôt d'où lui venait cette expression.

Une heure s'était écoulée, quand, soulevant la toile de la cinquième tente, elle tomba sur la réserve... de vêtements. Elle aurait sans nul doute préféré celle de nourriture. Toutefois, cette découverte lui donna une idée. Dans des coffres bien rangés, se trouvaient les tenues classiques des aventuriers : des robes de mages, de nécromants, des armures légères de guerriers, et des tuniques de rôdeurs, toutes présentes dans des tons légèrement différents. En y regardant de plus près, Salaha s'aperçut qu'aucune n'était marquée à la couleur d'un élément. Elle chercha alors un vêtement de magicienne à sa taille, plus discret que le sien aux liserés bleutés. Sa bonne étoile l'ayant soudainement oubliée, elle dut se rabattre sur une robe noire de nécromancienne. Elle s'en vêtit, puis camoufla ses propres vêtements sous une pile de linges. Rabaissant son capuchon sur sa tête de façon à dissimuler son visage, elle sortit.

Elle n'avait pas fait deux pas qu'une main s'abattit sur son épaule.

- Hé Cora, que fais-tu encore là ? Les autres sont partis depuis longtemps.

Elle déglutit. Se retournant, elle se contenta de hausser les épaules. Qu'importe qui était Cora, pourvu qu'on ne la reconnaisse pas, elle. L'homme, qui lui faisait face maintenant, était plutôt grand de taille. Large d'épaule, il était habillé comme un guerrier. Il en avait aussi la carrure.

- Tu vas vraiment nous causer des problèmes jusqu'au bout, toi. J'avais bien dit qu'il fallait te réformer. Enfin, je suppose qu'il est trop tard. Allez, suis-moi. Les nouveaux ne doivent pas te voir.

Elle lui emboita le pas. Ils empruntèrent l'étroit passage au Nord du campement. Derrière les rochers, se trouvaient d'autres rochers, entourant une petite zone de désert. Il y avait là tout juste la place pour une tente et un enclos. Un homme se tenait près des barrières encerclant un troupeau de serpents. Le guerrier lui indiqua cette direction avant de disparaître en grommelant. Elle le regarda s'éloigner, à demi soulagée. Tournant sur elle-même, elle observa les alentours. Il ne semblait pas y avoir d'issue. Résignée, elle s'avança vers le parc aux serpents. Désignant les bêtes d'un large geste, le gardien s'exclama.

- Il me semblait pourtant que vous étiez tous passés. Peu importe. Te voilà devant la dernière évaluation de ton apprentissage. La dernière avant l'épreuve finale. Tue moi toutes ces vilaines bestioles et je t'indiquerai la route à suivre pour trouver l'Ancien.

Une fois encore, elle se contenta de hocher la tête et pénétra dans l'enceinte. Exterminer les petits monstres ne serait pas bien compliqué. Elle s'apprêtait à user de sa frappe sacrée quand une pensée l'arrêta. Elle était censée être une nécromancienne. Que dirait-on à la voir user d'un sort de magicienne ?

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Elle regarda l'emplacement où se trouvait l'homme quelques secondes auparavant. Peut-être n'avait-il pas remarqué son hésitation ? Elle soupira en le voyant s'éloigner vers une femme qui avait échappé à son attention jusque là. Bien, qu'il aille discuter plus loin, sa magie passerait ainsi inaperçue. Elle se dépêcha de mettre fin à l'examen, désintégrant littéralement ses cibles. Quand elle posa à nouveau son regard sur le couple, ils étaient toujours en pleine discussion. Voilà qui lui laissait un peu de temps pour réfléchir. Le rôdeur n'avait rien mentionné au sujet de serpents à détruire. Il n'était surement pas passé par ici. Pourtant, ce lieu lui semblait étrangement familier. Maintenant qu'elle y pensait, elle se souvenait vaguement d'un enclos infesté de reptiles, et d'une dame gardant le passage vers...

- Bien, tu as été rapide, s'exclama son examinateur en revenant vers elle. Et bien, il est temps de passer à l'épreuve finale. Va donc voir ma femme, elle t'indiquera la direction à suivre pour rejoindre l'Ancien.

Elle inclina légèrement la tête en signe d'au-revoir. Il resta perplexe devant cette attitude peu familière, mais ne dit rien. Certains aventuriers pouvaient être assez originaux, il avait eu le temps de le constater ces dernières années. Il se souvenait encore de cet énergumène courant nu en plein désert. Comment pourrait-il l'oublier ? Il n'avait pas eu le temps de le rattraper pour le questionner. Aujourd'hui encore il regrettait de ne pas avoir trouvé le fin mot de cette histoire. Cette nécromancienne était juste mystérieuse. Oui. Cela faisait aussi partie du charme de sa caste. Elle était maintenant arrivée à hauteur de son épouse. Se disant que ce ne serait bientôt plus son problème, il alla nourrir les autres monstres.

- Bonjour jeune aventurière, prête à affronter le désert ? questionna la dame alors que Salaha s'approchait.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, au grand soulagement de la magicienne déguisée. Elle lui indiqua vaguement une direction à suivre pour rejoindre l'Ancien. Elle lui expliqua brièvement que ce dernier jugerait si elle était prête à fouler le sol des terres élémentaires. Si tel était le cas, le choix de son existence s'offrirait à elle. Enfin, elle s'écarta du chemin pour lui permettre de passer.

Salaha s'éloigna d'un pas rapide. Le désert s'étendait maintenant devant elle, à perte de vue, tel que l'avait décrit le rôdeur. Seul un amont rocheux venait casser la ligne d'horizon. C'est là qu'elle devait se rendre, là que se trouvait la porte vers Terra. Assurée d'être au bon endroit, elle accéléra encore l'allure. Oubliant le vide de son estomac, sa marche devint course. Elle courut à en perdre haleine. Elle s'essoufflait plus vite qu'elle ne l'aurait cru. La chaleur était plus étouffante qu'elle ne l'avait prévu. Sa course ralentit d'elle-même. La roche grandissait au loin, ne semblait pas se rapprocher pour autant. Elle devait être à mi distance quand le sable lui rappela qu'il s'agissait d'une épreuve d'endurance, non de rapidité. Trébuchant sur un tas d'ossements, elle s'affala de tout son long.

Reprenant son souffle à grande peine, elle releva la tête. A quelques mètres de là se dressaient deux cactus. Des cactus ? Un vain souvenir de fraicheur illumina son esprit. Oui. On pouvait boire l'eau de ces plantes là. Toutefois, ils étaient aussi des monstres féroces. Deux références s'affrontaient maintenant en sa mémoire. Deux visions pour deux mondes différents ? Non, Sayanel était fou. Elle avait tout simplement du mal à rassembler ses connaissances datant d'avant et après son amnésie. Oui, c'était juste une question de temps. Bientôt elle verrait Terra, et alors elle se souviendrait.

Se relevant, elle partit à la chasse au cactus, pour abreuver sa gorge déshydratée. De bons steaks de serpent grillés feraient office de déjeuner. Se rappelant qu'elle n'avait rien pour faire du feu, elle grimaça. Elle n'avait jamais apprécié la viande crue.

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Elle se régala du jus lacté des petits monstres. La viande crue, toutefois, lui resta sur l'estomac. Pelotonnée dans sa sombre cape, allongée à même le sol, elle ferma les yeux avec le soleil couchant. Le désert s'avéra aussi glacial la nuit qu'il était brûlant le jour. Elle dut bientôt sortir son autre cape de sa besace. Même sous la double épaisseur, elle grelotait encore. Seul l'épuisement d'une journée lourde en émotions lui permit de dormir un peu. Son sommeil ne fut pas des plus reposants, pourtant il suffit à la remettre sur pieds.

Elle se leva avec les premiers rayons, bien décidée à atteindre l'éperon rocheux avant les plus fortes chaleurs du jour. Elle rangea sa cape de mage dans sa besace, mangea les restes de la veille, et se remit en route. Il devait être dix heures, à en juger par la course de l'astre céleste, quand elle arriva au pied du roc. Elle plissa les yeux, à la recherche d'une ouverture dans la paroi. Réfléchissant un instant, elle se souvint que nul n'avait mentionné une grotte. Pourtant... Pourtant, elle savait qu'il y en avait une.

Oui. Une profonde caverne à l'entrée ridiculement petite. Un vieillard se tenait assis à côté. Il la dévisageait, comme pour lire au plus profond d'elle-même. Il lui avait demandé quelque chose. Qu'était-ce déjà ?

Elle secoua la tête. L'endroit était désert, nul homme à l'horizon. Fut-il jeune ou vieux. Elle s'avança un peu plus. Longeant la paroi, elle finit par en atteindre l'ouverture. Un passage étroit dans la pierre happa bientôt la main qu'elle y promenait. L'ombre lui avait caché jusque là l'orifice. Il était... comme dans ses souvenirs. Elle était déjà venue ici. Elle ne pouvait pas le nier. Mais où était l'Ancien ? Elle parcourut une fois encore les alentours du regard. Personne. Elle se décida à entrer. La grotte n'avait guère changé. Le chaudron se tenait toujours à sa place dans un coin. Personne n'y remuait d'étrange potion toutefois. L'image d'une vieille sorcière lui revint. Suivie de celle d'un gardien. Oui, il y avait eu un gardien.

Elle se dirigea vers le fond de la grotte. Elle atteint une large salle voutée. Un Cristal occupait chaque coin. Elle reconnut la marque de l'Eau, gravée sur le sol devant le cristal bleu. Le jaune était celui de l'Air. Le rouge pour le Feu, et le vert...

- Le passage vers Terra.

Elle murmura ces mots sans s'en rendre compte. Priant que la magie du cristal se limite au transport, elle s'avança. S'il était capable de lire en elle, il ne la laisserait pas passer. S'il était lié aux Dieux, elle aurait de gros ennuis. Elle avait reconnu le désert. Ne pouvait-elle s'arrêter là ? Tout indiquait qu'elle était venue par ce chemin. Mais où se trouvait-elle avant ? Le rôdeur le lui avait dit. Pourquoi ne pas le croire simplement ?

Elle posa la main sur le Cristal, et disparut en l'instant.

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Elle sentit la magie l'entourer, la happer en un tunnel invisible. Autour d'elle le monde disparut. Ne restait que le néant. Un vide glacial la pénétra au plus profond de son être. Tous ses sens s'étaient tus. Elle ne percevait même plus son propre corps. Seul son cœur battait encore. Oui, elle pouvait l'entendre. Elle se focalisa sur cette vibration rassurante. Un battement, deux, trois...

La réalité la rattrapa. Un sol de pierre se trouva sous ses pieds aussi soudainement que le sable avait disparu. Elle reprit son souffle, se forçant à respirer calmement. Elle ouvrit les yeux, doucement. Le soleil brillait d'une douce chaleur. Elle discernait à nouveau son corps dans son ensemble. Elle bougea les doigts, les bras, cligna des yeux, remua les lèvres, crispa jusqu'au plus petit orteil.

- Entière, soupira-t-elle de soulagement.

Elle avait survécu à cet étrange voyage. Elle devait être sur Terra maintenant. Cette pensée la rappela à son objectif. Elle parcourut du regard la place où elle se trouvait. Des rochers fermaient le lieu au Nord et au Sud. Des graviers gris recouvraient l'intégralité du sol. A l'Ouest, une forêt d'arbres morts bloquait le passage. Seul l'Est était dégagé. L'endroit lui parut tant sinistre qu'inconnu. Refusant de se décourager si facilement, elle poursuivit vers l'Est, évitant les monstres qui se dressaient sur son chemin. Le même paysage s'offrait à elle.

- Roche grise, arbres morts, herbes sèches, est-ce tout ce que Terra a à offrir ?

La déception la gagnait peu à peu. Pourtant, cette grisaille éveillait en elle quelques souvenirs. La route bifurqua vers le Sud, contournant un bois toujours vide de vie. Elle arriva finalement au village. évitant le regard des habitants, elle détailla la place. Trois bâtiments massifs s'élevaient là. Portes et fenêtres étaient réduites au strict minimum.

- Du gris sur le sol, du gris sur les murs... de la pierre partout.

A quoi s'attendre d'autre au village des Terrans ? Elle secoua la tête se trouvant soudainement bien stupide. Un peu plus loin un pilier sculpté se dressait en hommage à un quelconque héros. Quelques plantes empotées étaient disposées en points stratégiques comme pour apporter un peu de verdure en un monde qui en avait été privé. Elle s'assit sur un rocher de bonne taille et réfléchit. Il y avait bien ici quelques repères familiers. De hauts bâtiments gris...

Elle revit un instant les immenses buildings, bien alignés les uns au côté des autres. Où était-ce ? L'image floue d'une porte vitrée tournant sur elle-même vint s'ajouter au souvenir. Elle l'avait franchie tellement de fois. Oui, elle entrait dans cet édifice tous les jours... ou presque. Il avait des points communs avec ceux de Terra, toutefois, il était bien plus grand. Le sol dans la rue était aussi gris, mais pas comme celui qu'elle foulait aujourd'hui. Il y avait aussi ces trucs en métal qui... qui roulaient. Comment s'appelaient-ils déjà ?

Une main se posant sur son épaule la fit sursauter.

- Tout va bien mademoiselle ?

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Une damoiselle, fort bien vêtue, la regardait étrangement.

- Vous sentez-vous bien ? Cela fait un moment que vous êtes assise là, et vous blanchissez à vue d'œil. Voulez-vous que j'appelle le médecin ?

A ce mot, la jeune magicienne tressaillit. Rien de mieux qu'un médecin pour découvrir sa supercherie. L'urgence la saisit. Elle secoua la tête, se releva vivement, mit de l'ordre à sa robe et finit par murmurer.

- Tout va bien... juste un étourdissement, mais cela va aller. Merci.

Elle s'éloigna d'un pas vif, sans rien ajouter. Voilà qu'elle en venait à oublier où elle se trouvait. Si elle était découverte ici, elle, une Aqueuse, en la contrée des Terrans... Elle préférait ne pas imaginer ce qui lui arriverait. Certes la guerre était finie, toutefois guère depuis longtemps. En outre, les terres élémentaires demeuraient farouchement gardées et réservées aux adeptes de chaque Dieu consacré. Les Dieux... Comment avait-elle pu les oublier ? Son petit manège n'avait point du les duper, eux. Posicillon prendrait-il ses actes pour une trahison ? Fimine lui pardonnerait-elle cet affront ? Elle en tremblait rien que d'y penser.

- Un peu tard pour y songer... grommela-t-elle en se dirigeant vers la forêt.

Ces bois-là n'étaient point morts, pourtant ils n'en paraissaient pas moins lugubres. Qu'elle regrettait la douce Aqua ! Ses plages de sable fin, son horizon bleuté, la dance des vagues venant bercer en une lente mélodie les corps languissants sous la chaleur d'un soleil torride... Tout cela était bien loin derrière elle maintenant. Il était trop tard pour changer ce qu'elle avait fait. Les regrets ne réglaient jamais les soucis. Loin de là. Il lui fallait quitter ce lieu au plus vite. Oui. Elle devait retourner à Melrath Zorac avant qu'un mortel ne s'aperçoive de son exploration incongrue. Pour les divins, et elle déglutit à cette pensée, il lui faudrait endurer leur colère.

Son séjour sur Terra ne ressembla à rien de ce qu'elle avait vécu jusque là. Elle y perfectionna toutes ses techniques de camouflage, ses astuces d'espionnage, et bien d'autres compétences de dissimulation, imitation, déguisement... En bref, elle connut la dure existence de hors-la-loi. Pour rentrer dans le droit chemin, elle s'en éloigna plus encore. Toutefois, si vile que fut sa conduite, elle porta ses fruits. A force d'écoute indiscrète, elle finit par découvrir une porte de sortie. Un problème demeurait malgré tout, cette dernière s'avéra plutôt bien gardée.

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  • 2 weeks later...

Une porte d'apparence solide avait été placée dans la cavité, plus ou moins naturelle. Un garde se tenait juste devant, cachant parfaitement le passage. Quelques jours d'observation avaient permis à la mage de noter les temps de relève. Toutes les huit heures, le vigile changeait. Elle en compta quatre différents, tous faisant couramment rapport au maître de l'élément. Elle avait bien pensé jouer la carte de l'honnêteté, se présenter simplement devant Zwon et tout lui expliquer, sans détour. Du peu qu'elle avait entendu sur cet homme, il semblait compréhensif. Peut-être comprendrait-il ? Elle avait ri d'elle-même réalisant que nul ne croirait à ses excuses. N'avait-elle pas douté de l'explication du rôdeur ? L'existence de plusieurs mondes était déjà bien difficile à admettre. Pouvoir voyager de l'un à l'autre relevait tout juste du domaine de l'onirique. Ajouter à cela son amnésie, on la prendrait pour folle, c'était certain. A moins qu'on ne l'imagine alors assez fourbe et stupide pour avoir inventé toute cette histoire... à dormir debout.

Elle s'était convaincue, à la longue, de devoir forcer le passage. C'était, à ses yeux, le seul moyen de se sortir de là. Deux versions demeuraient toutefois à son plan caduc. La première, simple et brutale, consistait à aveugler le garde, puis le pousser hors du chemin et s'engouffrer dans le tunnel, en espérant avoir traversé avant qu'il ne revienne à lui. L'inconvénient était le manque de discrétion de cette méthode qui révèlerait à tous la présence d'une intruse sur Terra. Avec le temps, on finirait peut-être par remonter jusqu'à elle. La seconde option était moins voyante, mais plus difficile à mettre en place. En outre, elle reposait sur un empoisonnement et demanderait donc de rassembler quelques connaissances en la matière avant de passer à l'acte. De plus, même si elle parvenait à concocter une potion de sommeil efficace, il lui faudrait encore trouver le moyen de la verser dans la gourde d'un des quatre gardes. Elle pourrait alors se faufiler dans le passage pendant le tour de ronde de sa victime.

Peu violente de nature, elle s'attela au second plan. Plusieurs journées passées à décrypter les grimoires poussiéreux de la bibliothèque lui apprirent comment confectionner un somnifère. Deux jours suffirent à la récolte des ingrédients, dont une bonne partie se trouvait à Kiar Mar. Au soir de la quinzième journée de la période Campana, la potion était prête.

- Près d'un mois déjà, je n'en reviens pas d'être restée si longtemps.

Assise à une table de l'auberge, Salaha soupirait. Elle ne supportait plus la grisaille de Terra, pas plus que la noirceur de la forêt des Ents. Elle souhaitait revoir le village Souffleux, les cimes enneigées, les ruines centenaires, et la grande cité. Ses amis lui manquaient, elle se sentait plus seule que jamais. Elle sortit une petite fiole de sa besace, l'observant discrètement sous la table.

- Pourvu que cela fonctionne.

Elle rangea la clef de sa prison, régla la note et sortit. Elle regagna Terra d'un pas décidé. A la faveur de l'ombre, elle se glissa dans les quartiers des gardes, découverts au prix de nombreuses nuits blanches. Seul un ronflement lointain venait perturber le silence. Elle s'approcha des affaires, négligemment pendues à des crochets au mur. Soulevant quelques vêtements, elle trouva la première gourde. Comment être sûre que ce soit la bonne ? Sous la pile voisine, elle en découvrit une autre. Elle ne pouvait pas prendre de risques. Elle ignorait la durée d'efficacité du somnifère. Elle sortit la fiole, évaluant la quantité à sa disposition. Un grognement venant des lits la poussa à se dépêcher. Priant intérieurement que cela suffise, elle partagea le liquide entre les deux récipients. Elle ne s'attarda pas plus. Quittant la bâtisse sans oublier les précautions indispensables, elle alla prendre place à son poste d'observation. Parfaitement dissimulée entre plantes et rochers, elle y avait vue imprenable sur l'entrée du tunnel. Il ne restait qu'à attendre le bon moment.

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Elle attendit ce qui lui parut une éternité. Elle ne possédait nul moyen d'évaluer l'écoulement du temps, si capricieux de nature. Il lui sembla qu'une journée entière s'était écoulée. Pourtant aucun soleil n'était encore visible. Il n'avait pas du se passer plus de quelques heures, peut-être même une seule. Difficile de le dire ainsi cachée dans un buisson. Les astres célestes lui étaient à demi-dissimulés par les branchages. En outre, elle n'était pas astrologue, leur position ne l'aurait guère avancée. Elle soupira, changea discrètement de position et prit son mal en patience. La lueur des soleils sur son visage la tira de sa somnolence. S'était-elle endormie ? Le garde, lui, paraissait parfaitement réveillé. Elle observa un instant la silhouette en armure. Un doute la prit. De nuit, les détails avaient du lui échapper, pourtant, elle était sûre d'avoir entendu le cliquetis si particulier des côtes de mailles. Or, l'actuel garde portait une armure de cuir.

- Pas le moindre métal des pieds à la tête...

Elle avait indubitablement manqué la relève. Il ne restait qu'à espérer que la potion de sommeil n'ait pas encore fait effet. Plusieurs minutes s'écoulèrent à nouveau, sur un rythme semblant ralentir à chaque seconde. Le soleil montant vers son Zenith se faisait de plus en plus chaud. La jeune magicienne ressentait de plus en plus la soif. Pourtant, le garde demeurait impassible. Allait-il se décider à boire avant qu'elle soit, elle-même, totalement déshydratée ? La chaleur n'arrangeant en rien son manque de sommeil, elle finit par s'assoupir à nouveau. La température monta encore d'un cran. Midi était passé, quand elle rouvrit les yeux. Elle se morigéna de son absence, puis se reprit. La silhouette du garde semblait s'être affaissée sur sa lance. Persuadée que le moment était venu, elle se glissa hors de sa cachette. D'un pas vif mais sans précipitation, pour ne point éveiller les soupçons, elle s'avança vers son but. Elle n'était plus qu'à deux mètres quand le soldat se redressa.

- Halte là. Veuillez présenter votre laissez-passer.

Elle sursauta. Comment pouvait-il être encore debout ? La potion n'était-elle pas assez forte ? N'en avait-il pas bu assez ? Que faire maintenant ? Elle pouvait feindre l'innocence, mais après ? Il ne se laisserait pas prendre deux fois...

- Votre laissez-passer je vous prie, répéta-t-il d'un ton moins patient.

Elle déglutit. Il fallait se décider et vite. Elle entendit quelques murmures derrière elle. Les passants finiraient par s'étonner. Elle devait agir. Elle glissa la main en sa besace, comme pour prendre le fameux pendentif, tout en faisant les quelques pas qui la séparaient du garde. Ses doigts se posèrent sur son orbe. Elle s'en saisit et psalmodia. L'aveuglement fut immédiat. Désorientée, sa cible chancela, s'écartant de la porte. Elle se précipita dans l'espace ainsi libéré, attrapa la poignée, la tourna avec acharnement, poussa de toutes ses forces, frappa avec frénésie, sans succès. Le passage était verrouillé. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé ? A ses côtés, le garde se redressait, jurant, criant, appelant ses confrères à l'aide. Le temps était compté. Elle devait s'enfuir avant qu'ils n'arrivent. Elle aperçut les clefs pendant à la ceinture de sa victime. Sans réfléchir, elle tendit la main. Elle se saisit du trousseau comme lui de son bras. Elle se débattit pour échapper à sa poigne. Sans succès. Il avait la force du guerrier, elle n'était qu'une mage. Sa peau lui cuisait prise dans l'étau de cuir. Elle psalmodia à nouveau, produisant un souffle de magie en sa main captive. La violence du sort repoussa son adversaire qui lâcha sous le choc, fort heureusement pour elle. Elle se retourna vers la porte.

Quatre clefs, une serrure. Et les voix de la patrouille qui se rapprochaient. Elle tremblait sous la tension de l'instant. Si peu de temps. Et s'ils arrivaient avant ? Que ferait-elle ? La porte céda comme une main se tendait vers elle. Elle se jeta littéralement dans le tunnel. Dévalant l'escalier de roche, elle se releva d'un bond en touchant le sol. Elle s'élança dans l'obscurité, courant aussi vite qu'elle le pouvait. Son dos la faisait souffrir, son bras lui cuisait, ses jambes criaient pitié. Pourtant, elle ne s'arrêta pas. Elle ne se retourna pas. Même arrivée de l'autre côté, elle poursuivit sa fuite effrénée. Ce n'est qu'en vue de l'auberge de la mine qu'elle ralentit le pas. Un bref regard en arrière lui apprit qu'elle était seule. Ils ne l'avaient pas suivi. Mais, pour ce qui est de la discrétion, on avait connu mieux !

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