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Terre des Éléments

D'un monde à l'autre


Sayanel
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Je couche ces mots sur le vélin car je ne sais si j'existerai encore demain. Les éléments se déchaînent et tout autour, mes compagnons disparaissent, emportés par le flot immuable, je l'entends qui vient, bientôt, ce sera mon tour.

1er février de l'an 2011:

Alors que j'étais tranquillement assis à mon bureau, pianotant sur mon ordinateur pour classifier, avec le plus de rigueur possible, les différentes pièces de notre dernière fouille du désert d'Atacama, voilà que mon téléphone sonne.

A l'autre bout du fil, la voix d'une jeune stagiaire qui travaillait au laboratoire de datation au carbone 14 et qui, ce soir là, semblait en prise avec des champignons hallucinogènes.

- Je vous assure professeur Sayanel, le bracelet aux quatre joyaux ne peut être daté, me serina-t-elle inlassablement.

- Voyons mademoiselle, cela ne se peut ou alors c'est que nous sommes en face d'un faux, de la pure verroterie, argumentais-je, certain de mes dires.

- Non, non, professeur, il n'appartient tout simplement pas aux éléments de notre Terre, me rétorqua-t-elle avec aplomb.

J'eus alors l'idée de faire adopter à la prochaine réunion départementale, un test de dépistage toxicologique avant toute nouvelle embauche. Ce qu'elle me disait n'avait aucun sens.

- Voyons mademoiselle, vous avez certainement fait une erreur dans le calibrage de l'appareil et ...

- Non, non, me coupa-t-elle emportée par son excitation, je travaille sur ces machines depuis plusieurs années, nous sommes vraiment en face d'un... Oh... professeur !

- Qu'est-ce qui se passe, qu'avez-vous ?

Un grand silence me répondit.

Quelques instants plus tard, elle reprit le combiné et poursuivit d'une voix distante.

- Il brille, c'est magnifique, si vous pouviez voir cela, chaque joyau étincelle, c'est, c'est...

Puis à nouveau un grand silence.

- Mademoiselle, mademoiselle... mademoiselle ? J'eus beau l'appeler, rien n'y fit.

Fichtre, me dis-je, encore une soirée de fichue. J'attrapais mon manteau, pris mes clefs et, avec une certaine anxiété, me rendis en pleine nuit au centre de recherche.

Nestor, le doyen... des gardiens, avec sa bonhommie habituelle, me laissa passer sans problème.

Le laboratoire de datation au carbone 14 se situait au rez-de-chaussée et, d'un pas toujours plus alerte, j'en pris la direction.

Tout était plongé dans le noir, pas un seul néon d'opérationnel, voilà qui était flatteur, pensais-je, pour un centre high-tech flambant neuf, payé par la région !

To be continued...

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J'approchais à présent lentement, gagné par une crainte irrationnelle.

Passant le chambranle, je ne vis rien d'autre que des ombres, l'obscurité me cachant la réalité des lieux. A tâtons, je cherchais l'interrupteur, le trouvais rapidement, l'enclenchais mais rien, décidément, le système électrique avait dû griller.

Paradoxalement, cela me rassura, voilà explication au silence de la stagiaire.

J'allais rebrousser chemin vers Nestor et lui signaler la panne quand une faible lueur attira mon regard. Dans le laboratoire, à quelques mètres de moi, à même le sol, un objet irradiait d'une teinte diaphane. Je déglutis péniblement mais, poussé par la curiosité qui m'avait fait choisir ce métier, prudemment, je me rapprochais.

Oui, celle que je prenais pour une écervelée avait sans doute raison, maintenant que je me trouvais tout proche de l'objet, je devais bien reconnaitre que c'était le bracelet qui se mettait à luire tel un feu follet malicieux.

Ce n'était toutefois pas le contour mordoré du bracelet qui brillait mais les quatre saphirs dont il était serti, recouverts de motifs élémentaires.

Smaragdin le premier, de lichens protégé;

Safrané le second, en des ailes porté;

Carminé le troisième, d'une salamandre orné;

Céruléen le dernier, d'une ondine enlacé.

Aujourd'hui encore, je ne sais sous quelle impulsion je fus soumis mais mon bras se tendit, mes doigts se posèrent sur ce que je serais tenter d'appeler une relique et la lumière se fit, éclatante, éblouissante, terrible et enivrante.

Je sentis un vif étourdissement monter en moi suivi d'une langueur profonde, tel un soir d'ivresse, mes perceptions se brouillèrent, d'évanescentes s'érigèrent en reines, me précipitant dans les limbes de l'oubli.

Nuit.

To be continued...

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Je volais dans l'espace infini, très proche, trop proche de l'astre rougeoyant et sa chaleur me consumait petit à petit... Il faisait chaud, si chaud... si chaud que, me réveillant en hurlant, je bondis sur mes pieds tel un ours élastique, perdis l'équilibre, tombai en arrière, atterris sur mes fesses et, d'un cri de douleur foudroyante, fis un bond vers le ciel à en toucher les sympathiques vautours, lesquels, qui n'avaient rien demandé si ce n'est quelque petite chose à grignoter, s'enfuirent devant ce repas, par tous les becs trop étrange.

Sautillant d'un pied sur l'autre, je pris enfin conscience du milieu désertique et suffoquant qui s'offrait à ma vue blessée et... j'étais tout nu!

Je n'osais toucher la face arrière de ma physionomie, exposée depuis je ne sais combien de temps à cet implacable soleil. Voilà le bouquet!

Un instant, nous sommes la nuit, je suis tout seul dans un laboratoire, je touche une espèce de bracelet de conte de fées et l'instant d'après, je me réveille ici, dans un désert aride, la moitié du corps rougi à en faire pâlir d'envie une écrevisse suicidaire !

Fichtre, sacrebleu, crénon d'une baleine sur un cactus !

J'en étais à jurer pour conjurer ma colère quand un chuintement léger détourna mon attention... Je tendis l'oreille.

" A boire, par pitié, à boire, de l'eau..."

Je mis ma main en visière et scrutai mon horizon proche, ah oui, à quelques mètres de moi, légèrement cachée par une dune, se tenait allongée, une forme humanoïde qui levait un bras en ma direction.

Art. 223-6:

Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Vous pensez bien que n'écoutant que mon courage et mon altruisme légendaire, je me précipitais vers cette forme malheureuse.

C'était un homme, la quarantaine environ, les habits en piteux état - mais au moins lui en avait... toujours des privilégiés... même quand on ne sait pas où on est... pfff.... -

" A boire, par pitié, à boire, de l'eau..."

En tous cas, lui, il savait ce qu'il voulait.

J'eus beau regarder autour de nous puis essayer de percer l'horizon, je ne voyais nulle source d'eau.

Il me fit alors signe de me rapprocher. En tenue d'Adam, je tentais de préserver ce qui me restait de décence et, lentement, approchai mon oreille de ses lèvres.

" Des cactus, trouvez des cactus, à boire, par pitié..."

Et sa tête retomba sur le sable brulant, le pauvre homme était totalement épuisé et déshydraté, aveuli en ses souffrances.

Art. 223-6:

Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

N'écoutant que mon sens aigu de commisération, l'extrême sainteté de mon être désintéressé, je partis à la chasse aux cactus.

Mon grand coeur fut rapidement récompensé car, n'avais-je pas marché en sautillant et jurant toutes les trente secondes que, déjà, non pas un mais bien une demi-douzaine de beaux cactus s'offrirent à ma vue réjouie.

Je pensais alors tout haut " comment vais-je bien pouvoir boire de leur eau ? "

" Comment allons-nous bien pouvoir boire de ton sang ? " me répondirent les cactus qui avaient des bouches, des longues dents pointues et un sourire de convoitise qui n'encourageait guère à la conversation entre gens civilisés.

Deux solutions s'offrirent alors à moi et traversèrent inconsciemment mon esprit en une fraction de seconde.

Soit m'évanouir telle une belle au bois dormant et me réveiller non pas par un doux baiser mais par des crocs déchirant... gloups ... soit agir en homme, en mâle, viril à la forte pilosité !

C'est donc ce que je fis.... m'enfuyant à grands cris....

" Maman ! "

ps: La suite des passionnantes aventures de Sayanel quand j'aurais mis la main sur un tube de Biafine...

pps: si je tenais cette stagiaire qui m'a entraîné dans cette galère.... grrrr....

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  • 3 months later...

Après moult essais, retraites stratégiques (fuites éperdues) et autres déconvenues, les cactus omnivores avaient dû s'incliner devant plus piquant qu'eux ! (pas moyen de se trouver un fichu rasoir en ces terres inhospitalières...)

Apportant l'eau précieuse (aucun rapport avec celle que vous connaissez... Les enfants, si vous lisez cette histoire, surtout n'essayez pas d'en boire... les grands non plus d'ailleurs...) au mourant assoiffé, quasi-desséché, juste bon pour un herbier, il eut simplement la force de se retourner et, lentement, goutte après goutte, il regagna un semblant de vie.

Il m'instruisit alors d'une bien longue histoire (d'ailleurs, je me suis endormi vers la moitié du récit) et je compris alors mieux dans quel monde abracadabrantesque (répétez-le dix fois d'affilé... si vous réussissez sans l'écorcher une fois... ben... vous aurez réussi... sans l'écorcher une fois... Allez, un acte désintéressé une fois dans votre vie...Non... ?) j'avais été emporté.

Je connais une stagiaire qui, dès lors que je serai rentré, va pouvoir dire adieu à une belle lettre de recommandation...! D'ailleurs, faut que je pense à prévoir les plumes avec le goudron...

Je finis par laisser l'homme dans le désert (je n'appris que plus tard que c'était son hobby, il reste des jours ainsi attendant qu'un égaré vienne lui porter secours... Je vous le dis, la retraite c'est impitoyable, on sait plus quoi inventer pour tuer le temps...) et me mis en quête de résoudre le problème qui me touchait de près, de très près même, trouver des vêtements !

Le vieil homme m'avait parlé d'une marchande ambulante qui se trouvait ici ou bien là, ou encore plus assurément là bas, dans le désert (bon d'accord, j'avoue, je m'étais endormi quand il avait dit où). Peut-être aurait-elle de quoi me rendre ma dignité ?

Toutefois, même si je trouvais cette marchande, comment diantre l'aborder en pareille absence d'appareil (oui, je me mets aux rimes... Comment, elles ne vous plaisent pas ? J'aimerais vous y voir à ma place dans ce désert à l'heure où je devrais normalement promené Woopie, mon féroce Yorkshire !) ?

A situation désespérée, remède désespéré... Et oui, vous avez raison... C'est ainsi que j'avançais péniblement, des cactus en guise de pagne... D'ailleurs l'un d'eux n'était que sonné et je dus à un réflexe désespéré de pouvoir encore aujourd'hui vous parler d'une voix qui ne monte pas trop haut dans les aigus.

Clopin-clopant, je finis par découvrir la roulotte de la damoiselle aux mille et une fournitures. Puisant alors dans mes dernières forces, j'atteignis la devanture et pris la peine d'entrer dans le magasin, mon souffle s'arrêta.

On a souvent tendance à utiliser des qualificatifs exagérés lorsque l'on est sous le coup d'une vive émotion mais celle qui me faisait alors face et qui, d'un sourire, aurait pu amadouer le plus féroce des cactus, n'était que grâce et charme tendrement enlacés.

La finesse de ses traits n'avait d'égale que celle de sa taille soulignée d'une ceinture de lin éphémère, sa peau tendrement caressée par les traits d'un soleil amoureux se découvrait en l'échancrure de sa robe légère, dos nu sur lequel cascadait une chevelure soyeuse, d'un bleu aussi profond que l'azur d'une mer en coeur de lagune, se miroitant au plaisir des cieux.

Étrangement, mes premières paroles furent un « ouille, aïe, ouille » qui la firent rire et me sortirent du trouble où je m'étais perdu ...Fichus cactus !

Décidément, il était plus que temps que je retrouve effets plus confortables !

(Comment, ce qui s'est passé ensuite ? Mais vous voilà bien curieux tout d'un coup... Vous ne l'étiez pas autant quand je me faisais pourchasser par ces maudits cactus... Alala...)

... La suite au prochain épisode ... (Et non, je ne vous donnerai pas les détails, y'a le CSA qui veille, non mais...)

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