Maigres souvenirs d'une vieille dépassée

[La Noireaude]

Mon nom est La Noireaude. Ou plutôt c'est ainsi que les gueux du village m'appelle. Je me souviens vaguement de ma jeunesse. Jeune et naïve, j'ai trop souvent cru les belles paroles de ces vagabonds, maintes fois mon cœur fut brisé. Ai-je été mariée ? Non... non je ne crois pas. Ai-je eu des enfants ? Je ne sais plus... tout ça se bouscule dans ma tête, et cette voix enroué qui ne cesse de me susurrer du mal sur les villageois... Te tairas-tu un jour ? Me laisseras-tu en paix ?

A cause de toi les voyous du village me jettent des pierres. Leurs bon à rien de parents leurs ont dit que j'étais folle et que j'avais pactisé avec le mal. Bien sûr mon apparence ne joue pas en ma faveur, je suis laide, ridé, bossu, une pierre m'a jadis atteinte à la jambe, depuis je m'aide d'un bâton pour marcher. Et puis je parle seule... Du moins non pas seule, je te réponds à toi vilaine petite voix, tu n'es que haine, si je t'écoutais j'aurais déjà collé une bonne fessée à ces garnements.

Mais je ne suis pas ainsi. Je vis ma vie sans l'aide de personne, cultivant mon potager et caressant infatigablement ce chat miteux qui me suit depuis de nombreuses années.

Je l'ai appelé Ferdinand. Je ne sais pas pourquoi. Peut être était-ce un de mes amants ?

En fouillant dans un vieux tiroir de ma chaumière j'ai trouvé des lettres, elles ne mettaient surement pas destiné car le nom inscrit n'est pas le mien. Le soir, au coin du feu, lorsqu'il fait froid dehors, je relis ces lettres, m'imaginant qu'elles m'ont été destinées. Dans celle-ci plusieurs personnes me demandent de rester à leurs côtés malgré la lassitude qui m'envahit. On parle de moi comme d'une combattante aguerri.

A ce moment là le rêve s'achève, je sais que ce n'est point moi. La seule chose que je manie est une bêche. Les rares victimes tombées sous mes coups sont des radis.

Alors je m'endors en rêvant d'ailleurs...