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Terre des Éléments

Amère, la nuit ...


Eliyane
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Douce chaleur baignant la pénombre de la pièce, à peine repoussée par la lampe à alcool qui fait frémir le contenu du ballon. Encore une nuit sans dormir, une nuit de plus passée à repousser la fatigue et les rêves. Les rêves qui reviennent, tourment incessant de sentiments qui n'aurait dû être. Les attaches qui rompent, s'estompent et nous blessent, nous mettent en pièces. Je passe ma main engourdie devant mes yeux fatigués et souffle la flamme, laissant refroidir le liquide violacé du récipient. J'attrape une pincée de poudre d'Arnica et la verse précautionneusement en agitant doucement le ballon. Bleue, elle doit devenir bleue ... rouge ... exaspération. Je repose le ballon sur mon plan de travail et m'adosse en soupirant au dos de ma chaise. Calme. D'un revers rageur de la main, le voilà qui s'envole et percute violemment le chambranle de la porte dans un bruit de verre brisé. Encore une nuit perdue, au moins n'aurais-je pas eu à affronter mes rêves. Sans plus porter attention à la préparation ratée qui semble prendre un malin plaisir à ronger mon plancher, je part m'affaler sur mon divan, laissant mes pensées divaguer en lisant un livre.

Au bout de trois pages, je m'agite et repose l'ouvrage, blasée, écoeurée par les idioties décrites à l'intérieur. Nul secours à attendre d'un livre. Tirant ma dague de son fourreau, j'admire le fil, hypnotisée par la danse des reflets chatoyant que projettent les bougies. J'appose la lame sur mon poignet et laisse l'acier froid caresser ma peau nue. Si facile que c'en est tentant. Juste un grand noir sans fin, clore mes paupières une dernière fois, sans plus jamais les rouvrir, rien que l'oubli libérateur, comme une promesse de paix enfin. Elle se déplace et remonte lentement le long du bras, tranchant à travers le tissu en dénudant une épaule avant de s'immobiliser sur la gorge tentatrice. Elle en titille la base, joueuse, avant de se remettre en chemin, coupant les lanières du corsage en suivant la courbure d'un sein avant de se presser contre mon cœur. Mon cœur, qui a été éparpillé, mis en pièce par deux fois. Un mince filet de sang coule alors que la lame se retire, sans avoir frappée. Pourquoi ? Manquerais-je donc tellement de courage ? Je pose ma main à plat sur la table basse. Maître Aïran m'a oubliée. J'arme mon bras. Et Torak m'a abandonnée. La dague s'abat violement, se plantant dans le bois, entre l'index et le majeur. Je n'arrive plus à ressentir quoique ce soit. Nouveau coup de dague. Je suis devenue esclave de ses souvenirs. Et la dague qui s'abat encore et encore, sans relâche, exorcisant mon esprit de ses démons. Guix, ma seule et unique attache encore en ce monde ... petite attache brisée, battue par les vents raguers qui tourbillonnent autour de moi. Comme tu dois souffrir, oh oui, souffrir de cette douce folie qui me mène et m'entraîne par le bout du nez ... Peut être toi aussi devrais-je t'oublier, me laisser glissée, bercée, puis dévorée par ce néant d'émotions sans suite ni logique, exempte du moindre sentiment ... que devrais-je faire ? Mais Maître Aïran n'est plus là pour me guider, me réconforter ... Une étrangère en sa demeure, c'est tout ce que je suis ...

Soudainement, j'arrête, sentant un engourdissement et une chaude humidité envahir ma main gauche. Je divague sûrement, mais ma main se met à pulser sourdement au rythme de mon coeur, une douleur qui s'agite et palpite. Mes yeux glissent indifférent le long de mon bras et se posent alors sur la dague, plantée dans la table en traversant ma main de part en part. je m'arrache à ma contemplation morbide en même temps que j'arrache la lame de sa prison de chair, laissant s'étaler peu à peu une flaque de sang. Finalement je suis encore capable de ressentir quelque chose, même si ce n'est que la douleur. Perplexe, je sens les voix de ces consciences qui s'affolent et m'ordonne de me lever de stopper cette hémorragie. Je me lève pour aller panser ma blessure à contre coeur, je n'aime pas ce ton d'urgence insolite et de panique, comme si je paniquais, moi, de voir mon sang dégouliner le long de mes doigts pour venir s'écraser par terre. C'est beau. Un si joli ruisseau. Une nouvelle goute de ce précieux fluide au reflet rubis qui s'écrase. Je sens le sol venir à ma rencontre à mesure que ma vue se trouble et se voile ...

Merde ...

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