Chère amie guide mes pas

[La Noireaude]

La solitude... elle vous pèse d'abord, puis ne vous lâche plus. Avant que vous n'ayez pu réagir déjà la folie vous guette. Les jours passent, puis les mois, les années... Cette folie est devenue votre amie, votre complice. Elle vous a dans un premier temps fait de l'œil, son sourire malicieux vous a fait penser, à tort, qu'elle pourrait être une compagne agréable. De loin elle paraissait si jolie, si pure. Vous lui faites des signes pour qu'elle s'approche. Elle ne se fait pas prier pensez-vous ! Cependant elle prend le temps qu'on l'aime, qu'on la cajole. Elle fait sa timide, à peine vous emportez vous contre sa craintivité qu'elle recule avec effarouchement sans vous quitter du regard. Chacun de ses pas en arrière vous déchire le cœur, il vous faut l'arrêter avant qu'elle ne soit plus qu'un point à l'horizon et que la solitude revienne... Alors à nouveau vous l'implorez de ne pas vous laisser, vous lui balbutiez quelques mots doux. C'est seulement à ce moment là elle revient. Déjà elle sait que vous lui appartenez. Votre esprit va peu à peu se fondre au sien, bientôt vous ne serez plus qu'un...

Avant que cela n'arrive elle continuera son rôle de jeune fille boudeuse, toujours taquine et rieuse. Ce n'est qu'en s'approchant toujours plus que vous comprenez qui elle est. Son visage est déformé par la haine, ses yeux cris au complot en permanence, elle ne rit pas, elle montre ses dents en signe de rage, sa voix, si mélodieuse auparavant, vous agresse, fini les intonations douces et suaves, la voilà qui vous poursuit de ses quolibets avec son timbre perçant. Elle vilipende « tu es une abomination », « personne ne veut de toi », « crois-tu que les asticots voudront de ta carcasse ? », « qu'as-tu fait au ciel pour qu'il te fasse ainsi ? »,... Jamais elle ne reprend son souffle, de sa bouche sort un flot de parole qui bientôt envahi l'air et tue toute chose.

Ne reste plus que le néant assistant au duel se jouant entre la folie et vous-même. Dans cette obscurité elle est la seule lumière, une lueur qui vous aveugle, qui vous fait fermer les yeux. A peine tentez-vous de lui faire face que de vos yeux coulent des larmes de sang. Bientôt vous n'êtes qu'une ombre. La folie vous caresse de ses mains rêches, toute cette attention vous dégoute, vous voudriez être ailleurs mais elle ne vous lâche pas. Elle ne vous lâchera d'ailleurs jamais. Ses baisers vous brulent la peau, son contact seul déforme votre personne, vous qui naguère étiez si charmante n'êtes plus rien, qu'un spectre. Elle se nourrit de votre personne, c'est pour cela qu'elle ne vous laissera pas mourir. Vous subsisterez. Racines, insectes, excréments,... tout sera matière à vous alimentez. Vous êtes perdu pour toujours... Elle n'est plus que volonté, elle guide vos pas, contrôle vos paroles, régente vos pensées. Ses bras si menus enserrent votre esprit et l'étouffe peu à peu... Tentez de mourir mes amis, elle sera toujours là. Elle ne vous quittera pas comme elle ne me quittera jamais...