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Terre des Éléments

Sous le ciel de Ciella


Alekto
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Période Ciella, le 2 [+ 105 AC], Melrath Zorac

Reinha se réveilla d'un bond. Cette fois elle l'aurait juré, c'était bien un cri qu'elle venait d'entendre. Elle sauta hors de son lit. Sans même prendre le temps d'enfiler ses chaussons, elle courut à la fenêtre. D'une main hésitante, elle attrapa le rideau. Doucement, elle releva le bord et jeta un œil dehors. La ville était plongée dans l'obscurité. Ne discernant rien d'anormal, elle souleva un peu plus le tissu. Tout semblait calme. La rue était déserte. Pas la moindre silhouette n'était visible. Pas un bruit ne venait troubler le silence de la cité endormie. Avait-elle rêvé ? Depuis quelques jours elle entendait des bruits bizarres. Et maintenant ça. La fatigue sans doute. Elle remit le rideau en place, puis retourna se coucher.

Au coin de la rue, une ombre ricanait.

A quelque pas de là, Balour farfouillait dans un de ses coffres

« - Où peut bien être ce poignard ? J'étais sûr de l'avoir rangé ici ! Le client va être furieux si je ne lui donne pas sa commande demain. »

A genoux devant la longue malle, il sortait pour la troisième fois épées, gantelets, haches et autres armes qui s'y trouvaient, sans plus de succès.

« - Encore un mauvais tour de ce maudit Magistus, je parie ! »

Alors qu'il maugréait contre la fourberie du tisserand, un courant d'air lui glaça le dos. Instinctivement il regarda vers la porte, fermée. Son regard passa alors d'une fenêtre à l'autre. Il les trouva toutes closes. L'une d'elle avait peut-être claqué. Pourtant, il aurait juré n'avoir rien entendu. Il se leva pour aller vérifier. Puis, il passa en revue les murs en quête d'une fissure, d'une faille, voire même d'un trou percé par un éventuel voleur. Il n'en trouva rien. Résigné, il conclut qu'il avait rêvé. Il n'était pas bon de veiller si tard. Ce n'était plus de son âge. Mais, alors qu'il revenait à son coffre, il y trouva le poignard, posé dans le fond. L'armurier blanchit à cette vision d'apparence anodine.

Par le toit, une ombre s'envolait.

Depuis plusieurs nuits, l'auberge « Au doux sommeil » ne méritait plus son nom. D'étranges hurlements s'élevaient dans la nuit sans aucune raison. Des clients ne cessaient de se plaindre d'affaires disparues, qui réapparaissaient le lendemain. L'un d'eux avait même prétendu voir un vase voler. Gertrude ne savait plus que penser. Elle avait d'abord cru à de viles plaisanteries des enfants du quartier. Elle avait veillé une nuit entière, guettant à la porte de l'auberge, sans mettre la main sur le fautif. Elle avait fait vérifier les volets, les verrous fonctionnaient. Elle avait fouillé l'auberge de la cave au grenier, sans résultat. Elle en avait conclu que le farceur ne pouvait être qu'un client. Il restait à déterminer lequel. Voilà deux nuits qu'elle veillait sans trouver la moindre trace du coupable.

Le nombre de suspects allait s'amenuisant avec sa clientèle. Beaucoup désertaient son auberge. Pour tout dire, ils n'étaient que deux cette nuit, en plus d'elle, à l'intérieur de l'établissement.

BouoOUuouH !

Elle courut vers la porte de la chambre la plus proche. Le bruit venait de là. Cette fois elle tenait son coupable. Elle allait lui faire passer un sale quart d'heure, pour sûr. Elle ouvrit la porte brusquement, certaine de surprendre le malotru.

« - Que...que... ! »

Elle s'effondra sur le sol, inconsciente.

Dans l'ombre se dessina un sourire.

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Période Ciella, le 3 [+ 105 AC], auberge Au doux sommeil

« - Madame ? Madame, vous allez bien ? »

Gertrude ouvrit doucement un œil. Devant elle se dessinait l'ombre d'un visage. Elle sursauta à cette vision. Maintenant bien réveillée, elle bredouilla :

« - Que... qui...

- Ça va ? »

L'aubergiste déglutit en reconnaissant l'un de ses deux clients. Le vieux prêtre, arrivé la veille, était certes étrange, mais un homme de foi ne pouvait pas être bien dangereux. Pour l'heure, il se tenait accroupi à côté d'elle. Une main posée sur son épaule, il la regardait d'un air inquiet. Elle se demanda comment il avait pu entrer dans ses appartements privés avant de s'apercevoir qu'elle était allongée au milieu du couloir. La lumière se faufilait par la porte entrebâillée de la chambre la plus proche. Ce devait être le petit matin.

« - Tenez. Buvez, cela vous fera du bien. »

Le vieil homme lui tendait un verre d'eau. Sans réfléchir, elle s'en saisit et le porta à ses lèvres. Le liquide rafraichissant l'aida à retrouver ses esprits. Petit à petit, les événements de la veille lui revinrent. Elle se souvint avoir entendu un hurlement. Ensuite, elle était allée voir de quoi il retournait. Elle s'était approchée de la porte, puis elle avait tourné la poignée. Mais, à ce moment-là, quelque chose l'avait surprise. Ses souvenirs s'arrêtaient là. Elle gardait en mémoire le sentiment d'une vision étrange qui l'avait faite reculer dans le couloir.

Elle reporta son attention sur le prêtre. Il était toujours là, à ses côtés. Son regard bienveillant ne la quittait pas.

« - Je... hum, merci. Mais, euh, que s'est-il passé ?

- Je vous ai trouvé là au petit matin. Vous étiez toute pâle. Cela fait plusieurs minutes que j'essaie de vous réveiller. J'avais peur qu'ils ne vous aient fait du mal.

- Ils ? Mais de quoi parlez-vous ?

- M'est avis que vous le savez mieux que moi, madame. N'en avez-vous pas vu un ? »

Elle avait ouvert la porte. Elle l'avait vu. Elle fit un nouvel effort de mémoire, tâchant de se souvenir qui était dans cette chambre cette nuit. Ou plutôt ce qui était dans cette chambre. La vision reprit forme peu à peu dans son esprit. Elle lança alors au vieillard un regard horrifié.

« - Oui, c'est bien ce à quoi vous pensez.

- Mais, enfin, ce n'est pas possible. Pas ici... Pourquoi ?

- Ah ça. J'aimerais bien le savoir. »

Le jour s'estompe. Vient la nuit. Melrath Zorac rêve. Et les ombres veillent.

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Période Ciella, le 6 [+ 105 AC], Melrath Zorac

Depuis plusieurs jours, les Melrathiens ne trouvaient plus de repos. Les choses étaient allées de mal en pis. Tout avait commencé par de petites farces, attribuées à tort aux enfants de la cité. Des objets disparaissaient, ou étaient déplacés. Des cris s'élevaient au beau milieu de la nuit sans qu'on ne trouve leur source. Puis, le mystère avait pris de l'ampleur. Certains juraient avoir senti un courant d'air, alors qu'ils se tenaient en une pièce close. D'autres affirmaient avoir vu des objets voler. Quand on leur demandait ce qu'ils entendaient par là, ils répondaient, tout pâles : « Il s'est soulevé tout seul, a plané une bonne minute dans les airs, puis est retourné à sa place ». Enfin, Gertrude, la tenancière de l'auberge du centre, certifiait avoir vu un fantôme. A la façon dont elle l'affirmait, le regard vide, la mine sombre, nul n'osait en douter. C'était absurde, non ?

Pourtant, de nombreux témoignages étaient venus amplifier la rumeur. L'aubergiste ne fut bientôt plus la seule à crier au fantôme. Les apparitions se multipliaient d'heures en heures. Tous les habitants eurent bientôt leur propre histoire à conter. Au coin de chaque rue on entendait des « Il est sorti du mur, comme ça. » ou encore « Quand j'ai soulevé le couvercle de la marmite, il y avait une tête à l'intérieur. ». Chacun y allant de sa touche personnelle, on apprit bien vite que les revenants adoraient les caisses à outils, les placards à balais et les plats cuisinés. Ils aimaient aussi surprendre les gens dans les lieux les plus farfelus. S'infiltrer dans les rêves des grands-mères était de leurs passe-temps préférés. Mais, ils raffolaient aussi d'enfants pas sages pour diner. Quoique les dits enfants avaient des doutes sur cette dernière affirmation.

Des fantômes, il y en avait partout. Les Melrathiens durent vite se résoudre à cette idée : leur ville était hantée. Comment ? Pourquoi ? Par qui ? Ces questions-là demeuraient sans réponse. Toutefois, une pensée plus inquiétante retenait l'attention de chacun : ces esprits farceurs pouvaient-ils devenir dangereux ? L'histoire de Madame Michka avait répandu un vent de terreur parmi les plus âgés. La doyenne de la ville descendait à sa cave quand un garnement invisible lui avait subtilisé sa canne. Elle avait dévalé la quinzaine de marches restantes sans parvenir à se rattraper. Elle était alitée depuis. On ignorait si elle marcherait à nouveau. Ce drame plus que les autres tours des étranges visiteurs était à l'origine de la vague de colère qui se répandait en ville.

Les habitants demandaient des réponses, et ils savaient à qui s'adresser. Gertrude avait fini par parler de ce prêtre étrange qui séjournait en son auberge. Son dernier client l'appelait-elle. Le vieil homme ne semblait pas étonné de la présence des fantômes. Certains disaient même qu'il était venu pour eux. De là à croire qu'il les avait amenés dans ses bagages, il n'y avait qu'un pas. Un pas qu'une foule furieuse était prête à franchir. Seul son habit de prêtre protégeait encore le vieil étranger d'un lynchage en règles. Bien conscient de la fureur qui grandissait tout autour de lui, le sage avait pris les devants. Il s'était confié à Gertrude ce matin-là, comptant sur elle pour répandre la rumeur à travers toute la ville. S'il ne s'était pas trompé sur les talents de la tenancière, il avait méjugé de la discrétion des habitants. A travers toute la ville on entendait crier :

« - Le prêtre sait comment arrêter les fantômes. Il va nous aider à combattre ces indésirables et libérer la ville. Il tiendra conseil demain soir sur la place des statues. »

La nouvelle parvint jusqu'au coin les plus sombres de la cité. Les Melrathiens voulaient endiguer la menace mais étaient-ils seulement conscients de son ampleur ?

Les ombres jubilaient. Tant de gens rassemblés, tant d'âmes à terroriser, pour la première fois depuis longtemps elles sentirent le poids du temps et de l'impatience.

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Période Ciella, le 7 [+ 105 AC], Place des statues de Melrath Zorac

La foule se rassemblait peu à peu. Des quatre coins de la place venaient des villageois en colère, bien décidés à mettre un terme à leurs tourments. Les fantômes semaient la pagaille dans la ville depuis plus de cinq jours, il était temps que cela cesse. Ils étaient prêts à en découdre. Si ce maudit prêtre ne les y aidait pas, ils le mettraient à la porte lui aussi. Le vieil homme en question se tenait déjà au milieu de la place. Il se nommait Pit Eurvain Ekmane, mais tous l'appelaient Père Ekmane. Il n'avait pas du prêtre que l'allure, il en portait le titre aussi. Fidèle serviteur de l'Unique, il avait longtemps exercé en l'église du Seuil Sacré, avant de suivre une autre voie. Celle-là même qui l'avait conduit ici ce soir.

La foule énervée faisait cercle autour de lui, grossissant comme l'heure avançait. Quand il jugea qu'ils étaient tous là, ou presque, il leva les mains pour demander silence. Il l'obtenu rapidement. D'une voix claire et convaincante, il s'exclama alors :

« - Bonsoir à tous. Il n'est guère besoin de rappeler la situation, je pense. Tous, ici, sont maintenant conscients du mal qui ronge cette ville. Ce mal a de nombreux noms. Il se nomme fantôme, esprit, revenant, apparition, spectre, ou encore ghost. Mais il prend aussi de nombreuses formes. Celle que vous avez vue jusque-là n'est que la première d'entre elles, la moins dangereuse. »

La foule frémit à ses paroles. Il ménagea un temps de silence pour laisser son auditoire digérer la sinistre nouvelle.

« - Oui. Ceci n'est que le premier stade. Les défunts ont été dérangés. Ce n'est pas la première fois que j'observe ce phénomène. J'y ai déjà assisté par le passé. Des profanes avaient osé s'attaquer à un cimetière. Les représailles ne se firent pas attendre. Réveillés en leur éternel sommeil, les morts sortirent de leurs tombes. Cela commença comme ici, par des farces innocentes. Puis les tours se firent plus vils. Certains eurent des conséquences dramatiques. »

Tous eurent une pensée pour Madame Michka en cet instant. Le Père Ekmane marqua une pause pour laisser un temps au recueillement. Un citoyen en profita pour l'interpeller.

« - Il n'y a pas de cimetière dans le coin vieux fou. Qui nous dit que ce n'est pas toi qui nous joues tous ces tours, hein !? Ça a commencé quand t'es arrivé, moi je dis ! C'est de la sorcellerie, c'tout ! Va vendre tes sornettes ailleurs et emmène tes sales sorts avec toi !

- Ecoutez, je comprends vos doutes. Il est normal de ne pas croire les paroles d'un étranger. Mais si vous me laissez poursuivre...

- Il n'y a rien à écouter, vieillard ! Si tu pars pas tout seul, on va te montrer le chemin de la sortie ! »

Trois hommes se dégagèrent de l'assistance et s'approchèrent du prêtre, l'air menaçant. Peu de doute pesait sur leurs intentions. Au diable la religion et le religieux d'abord !

Mouahahahahaha !

Le cri s'éleva du sol même, glaçant l'assistance.

Bouhouhouhou !!

D'autres hurlements firent échos. Il en venait de toutes les directions. Le soir était tombé sur la cité. Seules les torches éclairaient la place. Dans la pénombre, les ombres se firent lumière. Des points luminescents apparurent. Devant les Melrathiens médusés, les Ghosts prirent forme. La foule, un temps tétanisée, retrouva l'usage de ses jambes. Les habitants s'élancèrent dans tous les sens, hurlant, pleurant. La terreur était sur la ville.

Heureusement, des aventuriers avaient aussi été attirés par les récentes rumeurs. Seraient-ils assez nombreux pour vaincre l'armée d'outre-tombe ?

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Période Ciella, le 8 [+ 105 AC], aux abords de la prison

La soirée avait été longue, la nuit peu reposante. Les fantômes avaient été chassés, au prix d'un lourd tribut. Si certains se réjouissaient, le Père Ekmane savait qu'ils n'en avaient pas fini. Tout en marchant, il ne put s'empêcher de murmurer :

« - On ne peut tuer un mort.

- Je vous demande pardon ? »

A ses côtés se tenait le sergent Vorel, gardien en chef de la prison. Il était venu quérir le prêtre au petit matin pour lui faire part d'une étrange découverte. Trois soldats de la garde les suivaient.

« - Rien, rien. Je pensais à voix haute. La nuit a été rude.

- En effet. Voilà la prison. La trappe pour accéder aux égouts est à l'intérieur.

- Et vous avez vu des fantômes sortir par là hier ?

- Oui. Mais ce n'est pas tout. Les égouts étaient jusque là envahis de rats. Aujourd'hui, ils semblent déserts. Alors ce matin je suis descendu voir ce qui avait pu effrayer ces bêtes tenaces. C'est là que je les ai découverts.

- Et vous ne voulez pas m'en dire plus ?

- Il vaut mieux que vous voyiez par vous-même. »

Le Père Ekmane hocha la tête pour signifier son accord. Le sergent le précéda alors dans la prison, puis vers les tunnels humides qui occupaient son sous-sol.

Plusieurs minutes plus tard, quelque part dans les égouts

Le sergent se tenait près du mur, une torche à la main. La faible lueur du feu suffisait tout juste à éclairer la faille qu'il montrait au prêtre. Un trou de la hauteur d'un homme avait été creusé là récemment. Les bords inégaux trahissaient un travail bâclé. Les gravats sur le sol dévoilaient un arrêt brutal du chantier. Le Père Ekmane fixa Vorel de son regard perçant.

« - Est-ce là ce que vous vouliez me montrer ?

- Oui et non. L'essentiel se trouve derrière.

- Pardon ?

- Nous descendons rarement dans les égouts, mais je peux vous assurer que ce trou n'était pas là à la dernière période. Et aucune excavation n'a été ordonnée par les Régentes. Celui qui a fait ça, l'a fait sans autorisation. Il devait chercher quelque chose. Me disant cela, je suis allé voir où conduisait le passage. J'étais loin de me douter qu'il n'y aurait qu'à tendre le bras pour ça. »

Joignant le geste à la parole, le sergent avança sa torche dans le trou. Le mur n'était finalement pas bien épais, moins d'un mètre en tout cas. Comme la lumière faisait son chemin à travers la pierre, on distingua bientôt l'autre côté. Là où aurait du se trouver un pan de roche ou de la terre, se tenait un grand espace vide. Curieux, le prêtre suivit le militaire à travers le passage.

Les ombres s'égayèrent. Elles avaient de la visite.

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Période Ciella, le 8 [+ 105 AC], aux abords de la prison

Le vieux prêtre avait raison. Il se trouvait bien un cimetière à proximité de Melrath Zorac. Sous la ville du désert, se tenaient d'anciennes catacombes. Datant sans doute des jours de gloire de la proche Til'Ra, elles avaient été découvertes puis murées lors de la construction des égouts, deux siècles plus tôt. Un livre poussiéreux juché sur une des nombreuses étagères de la bibliothèque de la ville, aurait pu apprendre tout cela au premier venu. Mais qui lit encore ces vieux ouvrages ?

Les gardes de la ville étaient descendus dans les égouts avec le Père Ekmane en fin de matinée. Le soir approchait maintenant, et ils n'étaient toujours pas ressortis. De nombreux badauds se massaient devant la prison sans oser en approcher. Qu'avait-il pu arriver là-dessous ? Les gardes étaient-ils retenus en otage ? Ou pire, étaient-ils morts ? Qui oseraient aller voir ?

Comme le temps passait, la foule reculait. Chacun regardait ses voisins en quête d'un volontaire. Tous faisaient un pas en arrière quand ils croisaient un regard un peu trop insistant. De toute évidence, nul ne voulait descendre là-dessous.

Le cercle s'était grandement élargi, lorsque les courageux gardes émergèrent enfin de la prison. Le Père Ekmane sortit à leur suite. Profitant de l'attroupement, il annonça :

« - Les esprits ont été dérangés. Nous avons subi leur courroux hier. Grâce au courage de nos aventuriers, le pire a pu être évité. Mais cela ne suffit pas. Les morts sont en colère. Tant qu'ils n'auront pas trouvé le repos, une menace pèsera sur la ville. Qui ? Qui osera descendre dans les Catacombes pour aider ces âmes en peine ? »

Oui. Qui ?

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Période Ciella, le 12 [+ 105 AC], quelque part dans les égouts

Voilà quatre jours que de courageux aventuriers arpentaient les anciennes catacombes. Les fantômes n'étaient plus apparus à la surface depuis. On prétendait même que certains avaient regagné leur tombeau. En apparence, Melrath Zorac avait réglé le problème. Le Père Ekmane avait d'ailleurs quitté la ville pour partir en quête d'un lieu plus approprié à ses recherches. Comme le mystère planait encore sur la venue inattendue de cet homme de foi, les habitants n'étaient pas mécontents de le voir plier bagages. La vie reprenait son cours à la surface. Les esprits s'apaisaient peu à peu dans les souterrains. Pourtant, il demeurait un insatisfait en ces lieux. Le sergent Vorel n'était pas prêt à classer l'affaire.

En ce début de soirée, il était occupé à faire les cent pas dans les égouts. Il existait sans doute de meilleurs endroits pour s'adonner à la réflexion, mais le gardien de la prison était un homme de terrain. Et puis, il souhaitait garder un œil sur ces étranges marchandises. Les caisses empilées dans un coin des souterrains n'avaient pas été sa priorité jusque là. Toutefois, les problèmes urgents étant maintenant réglés, il pouvait reporter son attention sur celui-ci. Il avait inspecté la zone avec soin. Tout d'abord, le sol avait été nettoyé dernièrement, fait plus qu'étrange dans un égout. Ensuite, l'absence de poussière sur les sacs et caisses en bois indiquait un récent déplacement.

« - Une demi-période tout au plus... »

Enfin, il y avait le tunnel. Lui aussi était nouveau. Les gravats n'avaient pas fini d'être déblayés. Les outils boueux jonchaient encore le sol de l'excavation. Les soupçons du sergent avaient grandi à chaque nouvelle découverte. Tout cela ne pouvait être que l'œuvre de contrebandiers. Des marchandises emballées avec précautions, un passage souterrain pour les acheminer discrètement, tout collait. Mais les bandits étaient tombés sur un os, ou plutôt un tas d'os. Ils devaient ignorer que les catacombes se trouvaient là. Ou alors ils s'étaient montrés trop gourmands. Cela n'avait pas d'importance aux yeux de Vorel. Il ne souhaitait qu'une chose : mettre la main sur les mécréants qui avaient mis en danger sa ville et leur apprendre sa façon de penser.

« - Ce tunnel doit bien mener quelque part. Si seulement je disposais d'un effectif plus conséquent... »

Il jeta un regard désespéré vers Borg, seul soldat affecté à la prison. A deux, ils n'avaient aucune chance de mener cette enquête à terme. Son second n'était pas assez malin pour cela. Il fallait le reconnaître. L'homme s'y connaissait pour maintenir le calme parmi les prisonniers. Mais les Dieux ne l'avaient pas gâté en matière d'intelligence. Aussi, Vorel lui avait-il simplement confié la surveillance du tunnel. Ajouté à cela, l'affaire des catacombes n'était pas totalement close. Le sergent devait garder un œil sur le passage, en attendant qu'une décision soit prise à ce sujet. Deux gardiens, deux entrées à surveiller, voilà qui ne laissait personne pour chercher les contrebandiers. D'autant que nul ne connaissait la longueur du tunnel, et le temps que cela prendrait pour l'explorer.

D'ailleurs, où pouvait-il bien conduire ce tunnel ?

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Période Ciella, le 15 [+ 105 AC], de l'autre côté du tunnel

Un vieil homme chemine à travers les ruines. A qui sait écouter, il a une histoire à conter.

« En des temps immémoriaux étaient deux cités. Elles étaient connues et renommées à travers la terre des hommes. D'aucuns les appelaient même joyaux. Pour cause, jamais villes n'avaient été plus belles. La première, Til'Lunis, était dédiée aux astres lunaires. Située au nord-ouest de l'actuelle région de Melrath Zorac, elle resplendissait à la lueur des quatre lunes. La seconde Til'Ra, était vouée aux quatre soleils. Au sud-est de sa sœur, elle était surtout réputée pour ses magnifiques bassins. On prétend qu'au milieu du jour, la lumière s'y dispersait en faisant apparaitre les quatre couleurs élémentaires. Des ondes bleues, jaunes, rouges et vertes parcouraient alors la surface de l'eau en un merveilleux ballet.

Ces deux cités vivaient en paix. Aux jours glorieux de l'espèce humaine, la guerre avait disparue de cette région du monde. En cette situation favorable, sciences et arts purent se développer. Pendant des siècles, Til'Rathiens et Til'Lunides rivalisèrent d'ingéniosité. Ils développèrent des outils plus légers et fiables que ceux des Nains même. Leurs découvertes en matière d'astronomie, de magie, d'alchimie mais aussi de médecine furent renommées jusqu'aux royaumes nordiques des Elfes. Ces derniers montrèrent aussi un intérêt certain pour les Arts des deux cités. Les musiciens de Til'Lunis étaient réputés pour leur douces mélodies. A Til'Ra, on ne voyait que par la peinture. De nouvelles couleurs étaient inventées chaque jour pour satisfaire les artistes les plus exigeants. Cette époque fut sans nul doute l'Apogée de l'espèce humaine.

Cela ne devait pas durer. Cette harmonie éveilla la jalousie des Orcs. Les peuples de l'est n'avaient d'attrait que pour la guerre et la désolation. Ils voyaient dans les deux cités un nouveau territoire à conquérir, et en leurs habitants de nouveaux ennemis à soumettre. Ils se mirent donc en marche vers l'ouest. Par miracle, ils n'arrivèrent jamais. Nul ne sait aujourd'hui comment nos ancêtres parvinrent à retenir les barbares aux frontières. Cela fut oublié bien avant notre ère. Toutefois, il semble que cet exploit est aussi précipité la chute de leurs cités. Les dernières archives encore lisibles de nos jours ne mentionnent qu'un fait : l'invasion Orc fut évitée mais le prix à payer fut immense. En examinant les ruines, les historiens sont arrivés à la conclusion que les deux cités avaient été englouties dans les sables du désert. Comment ? Pourquoi ? Sans doute n'aurons-nous jamais la réponse. »

Son récit terminé, le vieil homme s'éloigne, puis disparait sous les yeux médusés des présents. Les fantômes avaient peut-être un dernier message à transmettre aux vivants. Leur tâche accomplie, ils vont pouvoir retourner à leur éternel repos. En espérant que nul ne vienne à nouveau les déranger.

Dans les profondeurs humides des égouts, une voix s'écrit :

« - Til'Ra, c'était donc de là que venaient les contrebandiers ! »

Les portes de la cité millénaire sont à nouveau ouvertes.

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