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Terre des Éléments

Une rencontre improbable


Suyvel
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Le soir approchait à grands pas.

C'était une des ces douces journées de printemps, encore partagées entre nuit et jour dans leur durée, mais particulièrement agréables, et annonciatrices d'une belle saison estivale. Par la fenêtre de sa chambre d'auberge, Suyvel voyait entrer des flots de lumière dorée. Autrefois, elle avait craint la lumière du soleil, en avait redouté la dure morsure sur ses yeux et sa peau, la race drow vivant dans les ténèbres des profondeurs du monde, et n'en sortant guère qu'à la faveur de la nuit. Aujourd'hui habituée, elle savait l'apprécier, elle qui dévoilait les vraies couleurs de ce monde.

Elle venait de rentrer d'une brève expédition. Une partie de chasse à l'ours, doublée d'une séance de ramassage d'herbes diverses. Elle avait étalé le produit de sa récolte sur son lit et s'affairait à trier les plantes, les emballer soigneusement ou les mettre à sécher, lorsqu'elle réalisa à quel point l'heure s'avançait.

Elle avait rendez-vous dans moins d'une heure.

Suyvel remit à plus tard la gestion de son stock et le ramassa rapidement. Puis elle fit le point sur ce qu'il lui restait à faire. Le plus urgent était de se décrasser de la poussière des chemins. Elle commanda donc un bain chaud à l'aubergiste. Lorsque, quelques minutes plus tard, la baignoire fut remplie d'eau fumante, elle y ajouta quelques essences aromatiques de sa récolte, et s'y immergea avec délice. Tout en se lavant, elle laissa son esprit vagabonder, jouer avec ses préoccupations du moment, mais il avait tendance à revenir régulièrement à une question. Une seule et même question qui la titillait depuis un moment, et qui accaparait sa curiosité à l'approche du rendez-vous maintenant imminent.

Qu'est-ce qu'un Korrigan ?

Question induite par la personne qu'elle devait rencontrer, un certain Ceatharlach Koc'h. Elle ne l'avait pas encore vu "“ enfin, pas vraiment, car ils s'étaient bien croisés une fois... elle chassa ce souvenir de son esprit "“ mais ils avaient correspondu. Et messire Koc'h avait mentionné son appartenance à cette race fort méconnue sur ces terres. Elle avait bien posé des questions sur le sujet à ses relations, puis aux gardes et aux commerçants de la ville, et presque tous l'avaient regardée avec des yeux comme des billes de verre. Ce nom semblait quasi inconnu. D'après le peu qu'elle en avait appris, il s'agissait d'une race de lutins, mais ça, elle le savait déjà puisque qu'elle l'avait remarqué dans la grotte... Le même souvenir menaçait de refaire surface et Suyvel le balaya énergiquement.

Cette interruption du fil de ses pensées la ramena à des considérations plus pragmatiques et, le temps filant vite, elle sortit de son bain pour s'enrouler dans une serviette parfumée par ses soins. Elle se dirigea alors vers son armoire qu'elle ouvrit en grand pour examiner sa garde-robe. Qu'allait-elle pouvoir mettre pour ce rendez-vous ? Ignorant presque tout de son invité, difficile en choisir en fonction de ses goûts à lui... Suyvel se sentait peu inspirée. Se connaissant bien, elle savait qu'elle risquait de se lancer dans une longue suite d'essayages qui ne l'avanceraient pas davantage, mais qui la retiendraient facilement une heure. Et elle n'avait plus que quelques minutes devant elle. Pour une première rencontre, elle ne souhaitait pas faire attendre Ceatharlach, et encore moins lui laisser croire qu'elle l'avait oublié. L'idée qu'il pourrait repartir avant qu'elle se décide à paraître la poussa à choisir rapidement, et elle revêtit une de ses robes qu'elle utilisait au quotidien, lorsqu'elle restait à se reposer. Une robe toute simple, longue, unie, d'un blanc cassé. Une robe qui n'avait rien de remarquable mais qui présentait l'avantage du confort. En outre, Suyvel avait tendance à se sentir nerveuse lorsqu'elle rencontrait une personne pour la première fois, et le contact de ce vêtement familier avait tendance à la tranquilliser. C'était toujours appréciable. Elle drapa négligemment sur ses épaules un châle aux couleurs d'Aéris, boucla sa ceinture et laça ses sandales.

La taverne était à moitié pleine et encore calme. Un rapide coup d'œil circulaire : pas de signe de la présence de son invité. Elle prit place dans un coin de la salle, là où elle était sûre de voir tout ce qui se passait, les personnes qui entraient et sortaient, afin de guetter celle qui ne devait plus tarder...

En attendant, elle commanda une infusion à Gésouaf. Lorsque celui-ci lui eut apporté la théière pleine d'eau frémissante et un sachet de plantes, Suyvel écarta ce dernier et sortit de sa bourse son propre mélange à infuser, qu'elle plongea dans l'eau selon un mode opératoire précis. Le bouquet si caractéristique commença bientôt à s'en exhaler. Lorsque la couleur de l'infusion lui parut suffisamment prononcée, Suyvel enleva le sachet sans l'essorer. Elle se versa une tasse et laissa ses papilles s'enquérir de la qualité gustative de son mélange. Fort, amer, riche en subtilités... Elle œuvrait depuis un bon moment sur l'élaboration d'une infusion qui lui plairait.

Née elfe noire, Suyvel avait dû composer avec les us et coutumes alimentaires des humains depuis qu'elle fréquentait leur monde. Et elle avait du mal à se satisfaire des saveurs qu'elle y rencontrait. Herboriste maintenant confirmée, elle s'était décidée, à ses heures perdues, à créer un mélange à infuser qui puisse combler son palais si particulier. Elle avait bien tenté d'intéresser des humains à ses travaux mais les mâles ne portaient que peu d'intérêt à toute boisson non alcoolisée, et les femelles qui avaient tenté l'expérience n'en avaient pas eu l'air ravi. Toute commercialisation future semblait vouée à un échec retentissant. Peu lui importait, d'ailleurs, mais elle aurait bien tenté de faire découvrir des recettes typiquement drows à son entourage. Enfin... elle songea qu'elle pourrait demander l'avis de Helevorn, un de ses rares congénères sur ces terres. Mais elle doutait qu'il soit très intéressé. Humains ou drows, les mâles avaient tendance à se retrouver dans leurs goûts en matière de boisson...

Suyvel leva la tête de sa tasse, cherchant son invité du regard...

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Il était enfin venu, le grand jour. Ceatharlach Koc'h, korrigan, nécromant, écorcheur, et vagabond de son état allait enfin rencontrer celle qui habitait son esprit depuis plusieurs semaines déjà : Suyvel Ayflesh.

Il faut bien le dire, la rencontre s'était faite de manière singulière. Alors qu'il séjournait dans l'antre des araignées, invisible au milieu des toiles épaisses que tissaient jour après jour ces braves ouvrières, il avait fait un rêve fort agréable. De merveilleux paysages défilaient en son cœur, au rythme d'une flûte et d'une percussion, lorsque, soudain, une douleur terrible lui avait traversé le corps tout entier. Les images s'étaient comme enflammées, devinrent terrifiantes. Il s'était entendu pousser un cri souffrant, puis tout avait disparu.

Il n'avait bien entendu pas eu le temps de voir le visage de son agresseur, mais la présence glacée de la recycleuse d'âmes à ses côtés ne laissait guère de doute. Un tueur avait trouvé sa cachette.

Enfin, dans l'absolu, peu importait. Il n'était jamais resté aussi longtemps au même endroit, et, en fouillant sa besace, il se rendit compte qu'il n'avait rien perdu de ce qu'il possédait.

Ce fût donc l'esprit tranquille, sans une once de rancœur, qu'il revint dans le monde des vivants. Mais une lettre l'attendait, joliment écrite, et de la part d'une personne qui se disait responsable de sa mort dans l'antre des araignées ! Visiblement, il s'agissait d'une magicienne, Suyvel, qui l'avait cru piégé par les belles demoiselles, à moitié dévoré déjà. Elle pensait sauver son honneur en brûlant son corps tout net, alors même qu'il ne faisait que dormir paisiblement...

Enfin. Toujours était-il qu'à partir de ce moment, l'aventurière et le korrigan avaient entretenu une correspondance régulière, jusqu'à décider d'une rencontre. Celle-ci devait avoir lieu en fin de journée, dans une taverne raisonnablement éloigné de celle du centre de Melrath Zorac, Ceatharlach y ayant contracté une dette suffisamment importante pour donner à la patronne des envies de meurtre sur sa personne. Et de la part de celle-ci, il n'y avait pas à espérer d'explications par missive après-coup !

Ce fût donc après une bonne journée passée à refaire ses réserves d'éclats de rochus verts, et à écorcher de jeunes veaux dont il parvenait à tirer de belles peaux que le brave korrigan vint frapper aux portes de l'établissement. Il s'était mis en retard, en prenant le temps d'aller se laver au lac situé à l'est. Le sang des bêtes avec lesquelles il avait travaillé avait tendance à lui conférer une odeur de charogne assez déplaisante... surtout dans le cadre d'une première rencontre avec une jeune drow, de surcroit !

A ce sujet, il était vrai que la race de la magicienne était relativement étrangère au nécromant. Il avait certes connu des elfes, mais tous étaient blancs de peau, et clairs de cheveux... A quoi pouvait bien ressembler une elfe noire ?

Ce fut donc chargé de son enthousiasme et de sa patience coutumiers que Ceatharlach s'était dirigée vers la taverne, la poitrine fière, malgré ses trois coudées de taille... Face à la magicienne, il était vrai qu'il n'en mènerait probablement pas large, avec sa stature pourtant assez impressionnante à l'échelle d'un korrigan. Mais qu'importait ! Ce n'était pas les bizarreries qui manquaient, sur Melrath Zorac. Ne lui avait-il pas semblé croiser, quelques mois auparavant, au hasard de sa route, un étrange animal résultant d'un croisement entre un lapin et une limace ?

La patronne l'accueillit avec le sourire. Elle faisait partie des rares personnes que le vagabond s'efforçait de payer en temps et en heure, histoire de conserver des points de chute stratégiques en cas de problème. Besace à l'épaule, couteau de tanneur à la ceinture et livre de sorts en bandoulière, Ceatharlach se découvrit, laissant apparaître de longues oreilles pointues, surmontées d'une chevelure hirsute, épaisse et grisonnante. Il fallait dire que, malgré leur longue vie, les korrigans avaient tendance à paraître vieux plus tôt qu'un homme. Avec ses quarante-quatre ans, Ceatharlach en paraissait vingt de plus. Pourtant, ses bras forts et vigoureux, malgré leur petitesse, son œil vif et espiègle, son pas rapide et léger, presque dansant, ne pouvaient tromper le voyageur avisé.

-Bonjour, belle hôtesse. Avez-vous par hasard aperçu une jeune magicienne au physique singulier, seule à une table ? Il se trouve que le veinard que je suis a rendez-vous.

Amusée par le langage ironique de son client, la patronne éclata d'un rire joyeux, et entraîna le korrigan dans son sillage, jusqu'à une table un peu isolée, à laquelle elle l'abandonna. Elle ne prit pas sa commande, sachant de toute manière à quoi s'en tenir : une bière épaisse de Terra, suivie d'une deuxième.

De toute manière, le nécromant était suffisamment étonné par l'aspect de la magicienne pour en oublier de rendre visite à Gésouaf lui-même. La peau noire, légèrement bleutée, les cheveux blancs comme le lys, habillée d'une robe aussi simple qu'élégante et drapée d'un foulard couleur de jonquille, et buvant une infusion qui rependait un parfum pour le moins inhabituel. Un mélange de sa propre composition ?

-Suyvel ? Est-ce bien vous ?

La réponse ne laissait guère de doute, mais la décence imposait ce genre d'entrée en matière. Et en dépit de son caractère farceur, le korrigan n'en manquait nullement. Du haut de son mètre de taille, il fixait la magicienne dans les yeux, de son étonnant regard de lutin espiègle.

Modifié (le) par Ceatharlach
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Lorsque la patronne de l'auberge vint vers elle, Suyvel faillit ne pas remarquer qu'elle était accompagnée. í€ sa décharge, le nouvel arrivant ne dépassait guère de la table. Pourtant, il était plus grand "“ ou moins petit, c'était selon ! "“ que dans son souvenir. Il était vrai que, dans la grotte aux araignées, elle l'avait découvert couché, roulé en boule. Pas commode pour se faire une idée très exacte de la taille d'une personne. Et l'ayant cru mort, elle n'avait guère prêté attention à ce genre de détail. De toute façon, elle ne s'arrêtait en général que rarement sur ces critères superficiels, peu révélateurs des individus et de leurs personnalités... Mais là, la différence était trop flagrante pour être ignorée. Trop petit pour un humain, et même pour un nain, trop grand pour un lutin... qu'était-il donc ?

Un hobbit ?

La pensée lui traversa l'esprit. Elle saurait l'identifier le cas échéant. Mais cela impliquait d'observer les pieds de l'arrivant, ce qui serait très incorrect, et très voyant puisqu'elle aurait dû se pencher sous la table pour les besoins de cette vérification. La bienséance l'en dissuada sans effort.

« Suyvel ? Est-ce bien vous ? »

La question l'arracha à ses pensées. Un regard vif et pétillant, plein d'aplomb, manifestement étrange, vint croiser le sien, tout aussi inhumain. Elle avait souvent constaté l'effet de ses yeux de drow sur ceux qui la dévisageaient pour la première fois... Sombres, d'un violet profond constellé d'argent, ils créaient le malaise chez ses interlocuteurs humains et mettaient généralement fin à la discussion avant même qu'elle n'eut commencée. Celui qui se tenait devant elle appartenait à la petite minorité capable de les regarder en face. Elle eut même la fugitive impression qu'il y prenait quelque plaisir. Quoi qu'il en fut réellement, il n'éprouvait visiblement aucune gêne, et c'était agréable pour Suyvel. Important, même.

« C'est moi, en effet... Messire Ceatharlach. Mais pouviez-vous en douter ? (un rire léger) Enchantée de faire enfin votre connaissance. Je suis très heureuse que vous ayez donné suite à mon invitation. Prenez place, je vous en prie. »

Suyvel vit son invité sauter agilement sur la chaise en face d'elle et songea brusquement qu'elle n'était guère adaptée à sa taille. Elle chercha la patronne du regard, prête à lui demander un siège qui conviendrait à Ceatharlach, lorsqu'elle vit celle-ci revenir vers elle avec une chope de bière à la main et une pile de coussins sous le bras. Manifestement, il avait ses habitudes ici... et était même honorablement connu. Lorsque l'aubergiste eut fini d'installer confortablement son client et servi l'épaisse bière brune de Terra, Suyvel lui fit :

« Apportez-moi un hydromel, je vous prie. Vous mettrez l'ensemble des consommations de cette table sur ma note. »

í€ Ceatharlach :

« Je vous avais promis un verre. (coupant court à toute éventuelle protestation) C'est bien le moins que je puisse faire après ce pénible incident à la grotte. »

Lorsqu'elle fut servie, elle leva son verre.

« Au plaisir de cette rencontre, puisse-t-elle marquer le début d'une belle amitié. »

Lorsqu'ils eurent descendu quelques gorgées, Suyvel sentit la curiosité déborder sa politesse.

« Puis-je vous demander de me parler un peu de votre peuple ? J'ai tenté de m'informer à ce sujet, sans grand succès. Si vos semblables vivent sur ces terres, ils doivent être d'une remarquable discrétion. »

« Tout au plus me suis-je remémorée un chant, que je tiens d'un ménestrel croisé il y a de cela des années, loin d'ici... Voyons si je saurais m'en souvenir plus précisément. Et pardonnez-moi d'avance si je le dénature quelque peu... »

Suyvel entonna à mi-voix les premiers accords d'une entraînante ballade.

C'est l'heure de se lever,

de courir dans la vallée

et d'effrayer les passants

La nuit nous appartient,

évitez notre chemin,

car nous sommes les Korrigans

Se sentant la gorge sèche, Suyvel reprit une gorgée d'hydromel, sans trop savoir si elle avait fait honneur ou horreur à son invité...

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Dès les premiers mots, Ceatharlach eut tendance à se sentir sous le charme de l'étrange jeune femme qui lui faisait face, en souriant. Sous le charme... Un comble pour un korrigan, étant habituellement sensé faire perdre la tête à quiconque se trouvant sur son chemin, la nuit tombée !

Silencieux, mais rayonnant, il prit place en face de Suyvel. L'hôtesse, son bon rire aux lèvres, revenait justement avec sa pile de coussins, ainsi que sa première choppe de la soirée... D'un œil critique, le korrigan apprécia la vue de la mousse, si abondante qu'elle dégoulinait le long du verre, lui-même témoignant de la fraicheur de la boisson : il était glacé. Décidément, c'était là une bonne maison... Il avait bel et bien intérêt à demeurer en bons termes avec la patronne !

Alors qu'il s'installait confortablement, sa compagne commanda un hydromel, qui lui fut rapidement servi, et avec panache.

Toujours muet, Ceatharlach trinqua avec la fermeté qui est de mise, lorsque l'on parle d'amitié... Il ne posa son verre qu'après deux longues gorgées, comme l'exige la coutume. Il fut ravi de constater que la drow faisait de même, n'ignorant sans doute pas l'usage.

Cependant, au fond des yeux de celle-ci brillait une curiosité qui s'expliquait fort bien. Les korrigans étant originaire de Terra, et la plupart se montrant très discrets, ils étaient fort peu nombreux sur les terres de Melrath Zorac... Et la magicienne n'en n'avait jamais vu, et ne savait pratiquement rien à leur propos. Ce qui ne l'empêcha pas d'entonner un bref refrain, que le nécromant connaissait bien pour l'avoir lui-même souvent fredonné. Ce n'était pourtant pas un véritable chant de korrigan, ces derniers se montrant bien plus facétieux dans leurs paroles... Sans doute l'invention d'un homme particulièrement inspiré, à la suite d'une rencontre plus ou moins fâcheuse avec le petit peuple...

-Ah, mais l'intérêt que vous nous portez, à nous autres les korrigans, nous fait honneur, Suyvel ! Bien que l'origine de votre chanson soit quelque peu douteuse...

Prenant une longue gorgée de bière, Ceatharlach s'éclaircit la voix, une belle voix de barriton, surprenante, venant d'un être de si petite taille. L'air rieur, il se mit à chanter ce qu'il semblait désigner comme un authentique air korrigan.

-Lundi et mardi,

Si vous achevez votre travail,

Regrets et regrets,

Vous aurez !

Mercredi, jeudi, vendredi, et samedi,

Si vous achevez votre travail,

Maudits et maudits,

Vous serez !

Mais le dimanche, ô dame, le dimanche,

Gardez vous bien de tout travail,

Sans quoi d'une bosse des deux côtés,

Vous le paierez !

Amusé par son propre chant, qu'il se récitait depuis pourtant bien longtemps, sans jamais se lasser de le modifier, le nécromant sourit très largement, l'œil plus étincelant que jamais.

-Ceci est une authentique chanson korrigane. Mais ça ne vous apprend pas grand chose, hein ? Eh ! Pourtant, nos chansons nous résument bien mieux que tout discours... Car croyez-moi, savoir ce qu'est un korrigan est périlleux. Même lorsque l'on en est un.

Finissant sa choppe d'un trait, Ceatharlach fit signe à l'hôtesse, qui se hâta d'en poser une seconde sur la table, tout aussi remplie que la première.

-Eh bien, tout d'abord, le korrigan est un petit bonhomme que certains trouvent fort laid (la peste soit des médisants !) mesurant d'une à trois coudées... Je suis un géant parmi les miens, vous l'aurez compris. Il nait sous terre, sous l'eau, dans les arbres, ou dans le feu des maisonnées, c'est selon. En fait, selon son lieu de naissance, le korrigan peut être d'une race plus ou moins différente... D'une espèce, plutôt. On appelle « korrigans » à proprement parler ceux qui naissent sous terre, le petit peuple des collines et des vallées. Les autres sont supposés avoir d'autres noms, moins connus... Ce sont des cousins, en quelque sorte. Il faut le dire, ils se font bien plus discrets que nous...

Prit d'un petit rire joyeux, crépitant comme un feu de bois, le nécromant poursuivit:

-Nous avons pour réputation de jouer des tours à quiconque s'aventure à battre la campagne de nuit. Nous faisons le bonheur des égarés de bonne foi, et le malheur des autres... Nous sondons les âmes de ceux qui croisent notre route. Nous avons sauvé des destinées, et écrasé bien des prétentions... Du moins, c'est ce que l'on raconte. Et c'est partiellement vrai.

Autrement, ce qui est moins connu, c'est que nous avons appris l'art de vivre ensemble bien avant les hommes. Nous avons des lois inébranlables, simples, et plus justes qu'il n'y paraît. Et ce qui nous cimente le plus, vous ne devinerez pas de quoi il s'agit... Eh !

Parce qu'il s'agit de l'amour que nous entretenons tous pour la fête, les chansons et les histoires. Pas un korrigan n'est capable de résister au son d'un biniou, pas un seul !

Caressant sa courte barbe, Ceatharlach marque un bref temps d'arrêt, visiblement pris d'une légère hésitation.

-J'en ai dit beaucoup, mais dans le fond, vous ais-je vraiment dit ce que sont les korrigans ? Honnêtement, je n'en sais rien. Et j'ai la fâcheuse tendance à me perdre dès lors que je cherche à exprimer quelque chose d'un peu trop vague...

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La réaction de Ceatharlach au chant de Suyvel ne laissait pas de doute : il appréciait cet art. L'éclat de son oeil ne pouvait mentir. Il enchaîna d'ailleurs promptement, faisant résonner une voix étonnamment puissante au regard de son gabarit. Une voix qui contrastait fortement avec la sienne, située dans le registre des sopranos. Suyvel eut ainsi un premier aperçu du folklore korrigan. Lorsqu'il eut terminé, elle frappa la table de sa corne d'hydromel, de façon répétée "“ geste culturellement répandu pour ovationner un artiste et l'inviter à récidiver.

Puis Ceatharlach entra dans le vif du sujet qui intéressait Suyvel, à savoir le peuple korrigan. Lorsqu'il mentionna le petit peuple, un souvenir fit surface.

« Le petit peuple... je n'y avais pas songé. C'était sans doute évident, mais jamais je n'avais trouvé le nom de Korrigan associé à cette dénomination. Je ne suis pas totalement ignorante du petit peuple, même si je dois avouer que mes connaissances restent purement théoriques. Il faut dire que nous autres drows vivons habituellement dans le monde souterrain, et mes congénères ne sont guère hospitaliers... Je n'ai pas ouï dire que certains des vôtres se soient aventurés dans une cité drow, et grand bien les en a pris. Car si vos semblables sont passés maîtres dans l'art de la facétie, les miens seraient plutôt experts en trolleries. (1) »

« Nos.. ahem... cousins elfes sylvains (elle sembla prononcer le mot du bout des lèvres) sont nettement plus familiers du petit peuple, pour ce que j'en sais, car nous ne les fréquentons pas. »

Ce qui était un doux euphémisme. Les drows, animés par une haine ancestrale, ne manquaient pas une occasion de pourchasser et tuer les elfes de la surface. Suyvel n'avait guère participé qu'à un raid contre des elfes sylvains, et pas de façon active, mais elle avait subi l'endoctrinement de ses différents précepteurs. Aujourd'hui, loin de l'influence de ses semblables, sa haine s'était endormie. Quelques rencontres avec des elfes et demi-elfes avaient fini par la convaincre de la fausseté "“ au moins partielle "“ de ce qu'on lui avait enseigné. Mais même maintenant, elle ne parvenait pas à évoquer les elfes sans sentir une sourde colère poindre en elle, comme une mauvaise habitude dont elle n'arrivait pas à se défaire. Le temps d'une phrase et un changement s'était opéré en Suyvel : son regard s'était assombri, son sourire avait disparu et ses traits s'étaient durcis.

« Bref... d'après ce que j'en sais, et arrêtez-moi si je me trompe, le petit peuple recouvre une large variété de créatures magiques, notamment fées, lutins et gnomes. D'où également la variété de tailles rencontrées, n'est-ce pas ? Et pour en venir à vos semblables, d'après ce que vous me dites, ils sont liés aux éléments... ce qui explique sans doute qu'on puisse les rencontrer sur les terres élémentaires. Cependant, je ne crois pas en avoir aperçu sur Aéris. Et vous-même venez de Terra. Au fait, les Korrigans exercent-ils des métiers comme les humains ? Ou bien sont-ils tous nécromants, à votre image ? »

« Moi-même, étant donné mon sang, j'ai de fortes affinités naturelles avec la Terre, appartenant à une race souterraine. Lorsque l'heure du choix a sonné pour moi, j'ai hésité, même si j'ai fini par rejoindre Aéris. Et si j'avais été fidèle aux enseignements que j'ai reçus, j'aurais dû devenir nécromante, la magie noire étant naturelle aux drows... »

Alors que Suyvel évoquait son passé, son regard se perdit dans le vague. Elle ne regardait plus son interlocuteur, plus vraiment du moins.

« ... mais il semble que je doive ne jamais rien faire de ce que l'on attend de moi... »

Sa voix s'était faite rêveuse, ses mots plus lents. Puis sa léthargie passagère disparut.

« Selon mes maîtres, les drows ne peuvent maîtriser que la magie noire. J'avais déjà, à l'époque, découvert que nombre de leurs enseignements étaient erronés. J'ai voulu voir si celui-là en faisait partie. Et puis je crois que je voulais me prouver que moi j'étais capable d'autre chose. J'avais vite compris que la magie noire ne sert que la souffrance, la destruction et la mort. Oh, la magie blanche en est également capable, à un degré moindre, mais elle est surtout riche de davantage de possibilités. Devenir guérisseuse a été pour moi une expérience... (cherchant ses mots) nouvelle... intéressante. »

Vint le moment où Ceatharlach évoqua le cœur de la culture korrigan.

« Et ce qui nous cimente le plus, vous ne devinerez pas de quoi il s'agit... Eh ! Parce qu'il s'agit de l'amour que nous entretenons tous pour la fête, les chansons et les histoires. »

Suyvel voulut retenir un rire, pouffa, manqua de s'étrangler et finalement rit de bon cœur. Non, elle n'aurait jamais deviné les centres d'intérêts du petit homme... sauf qu'il avait bondi sur la première occasion de chanter qui s'était présentée à lui... et qu'il vidait sa bière à une vitesse alarmante. Suyvel avait formulé l'hypothèse, à forces d'observations répétées, que plus l'individu était de petite taille, plus son coude se levait haut. Et que la contenance "“ notamment en boissons alcoolisées "“ était inversement proportionnelle à la taille. Nains et Hobbits en étaient de fiers exemples, et le Korrigan semblait conforter le postulat de Suyvel.

« Je vous remercie, Maître Korrigan, vous avez déjà bien éclairé ma lanterne. Je suis naturellement intéressée par toutes les précisions que vous pourrez m'apporter sur les points que j'ai soulevés : les différentes races du petit peuple, les métiers qu'il exerce, leur présence sur les terres élémentaires... et la raison de la vôtre sur Melrath Zorack, si ce n'est pas indiscret... »

« Et j'imagine que vous pourrez nous régaler de mille histoires amusantes, étant donné que les vôtres passent leur temps à se jouer des voyageurs. Les lutins ont d'ailleurs une solide réputation de chapardeurs... »

Machinalement, la main gauche de Suyvel descendit vers sa ceinture, afin de s'assurer que sa bourse n'avait pas déserté sa compagnie...

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(1) Selon Kroc le bô (BD dont je conseille vivement la lecture à tous ceux qui ne connaîtraient pas encore),

définition d'une trollerie (n. f.) :

1) fam. Historiette courte et violente que l'on narre aux enfants trolls ;

2) pop. Tour pendable joué à quelqu'un. La trollerie que je lui ai faite était loin d'être naine.

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Ainsi, Suyvel connaissait le petit peuple, sans avoir vraiment entendu parler de korrigans, avant de le connaître lui, Ceatharlach. Il était vrai que ceux-ci se faisaient plutôt discrets, leurs actes étant généralement rapportés à ceux de quelque démon des landes, esprit frappeur, ou au contraire, à quelque saint pèlerin, tué des années auparavant par des bandits, et dont l'âme rôdait encore dans les landes. Il arrivait même, ô doux sacrilège, que l'on confonde un korrigan avec un elfe, un lutin quelconque, ou même avec une fée. Cette dernière confusion était moins fréquente, tant les korrigans étaient communément jugés laids, par opposition aux fées...

Mais l'expression de la magicienne s'était assombrie subitement, à la mention des relations que son propre peuple entretenait avec les elfes... Elle ne s'étendit d'ailleurs pas sur la question, ce qui en disait long. Pas inquiet pour un sou, le vagabond la fixa avec curiosité, frisant l'impolitesse. Il avait entendu parler d'elfes noirs, sous forme d'histoires que lui-même colportait volontiers. Bien évidemment, on les y opposait volontiers aux elfes sylvains et autres, pour des raisons d'incompréhension liées à leurs habitudes respectives. On y disait que les drows haïssaient la lumière, avaient la peau sombre, et nourrissaient des intentions gagnant en perfidie, au fil des générations...

Mais c'étaient là des histoires korriganes, donc exagérées et caricaturales par définition, sans cesse transformées par le talent des conteurs. Et puis, Suyvel s'était remise à poser des questions, le poussant par là-même à reporter sa réflexion sur le sujet.

-Eh bien, Suyvel, je risque d'être bien approximatif dans mes réponses... Pour commencer par le plus simple, en effet, le petit peuple est une dénomination bien commode donnée par les humains pour recouvrir la plupart des créatures magiques ayant coutume de vivre dans la discrétion. « Petit » désigne moins leur taille générale que leurs habitudes. « Petit », car capable de dissimuler sa présence au regard de l'inattentif.

Quand à leur attachement aux éléments... Il y a des prédilections. Nous autres korrigans naissons sous terre, et devons y retourner pour y mourir. Il est donc tout naturel de trouver quelques représentants de notre espèce sur Terra. Même s'ils sont peu nombreux.

Quand aux lutins, aux elfes et à tous les autres, j'ignore à peu près tout de leurs mœurs, pour les avoir peu côtoyé. La plupart sont des habitants des forêts, et les korrigans vivent sur les landes et les plaines, si l'on exclue leurs cousins, les poulpikans et les autres... Évidemment, certains décident de voyager, et j'en fais partie. Généralement, ce sont les conteurs qui font ce choix. C'était le cas de mon arrière arrière grand père, Koc'h, dont j'ai gardé le nom par pure vanité. Hé hé !

Riant de toutes ses dents en recevant une nouvelle bière de la part de l'aubergiste, qui s'inquiétait de voir son verre vide, le korrigan poursuivit, une fois le gosier irrigué.

-Je m'écarte quelque peu de votre question, veuillez m'en excuser. Les korrigans ont des dons pour la magie, l'ensorcellement, pour être plus précis. Mais beaucoup n'usent de leurs talents qu'en groupe, en jouant des tours aux voyageurs malchanceux. Ceux qui embrassent une réelle profession sont nombreux, mais restent en place. On trouve des bâtisseurs, des tisserands, des bardes, des conteurs, à peu près tout ce que vous voulez. Pas tellement de magistrats, la loi korrigane ne manquant pas de rigueur, et étant appliquée à la lettre... Les quelques déviants sont jugés sévèrement par une assemblée menée par des anciens, et constituée par l'ensemble du peuple, une fois toutes les trois-cent lunes. Cela concerne essentiellement ceux qui sont allés jouer des tours par pure vengeance, et de manière injuste et disproportionnée.

Je me souviens qu'un jour, un camarade des forêts avait mis enceinte de façon magique une jeune fille dont il s'était épris, et par laquelle il avait été rejeté et insulté... En lui faisant manger une noix, pour tout vous dire. Un amour impossible, dont elle dû payer le prix fort, en dissimulant une grossesse honteuse, continuant à travailler malgré les douleurs que lui causaient l'enfant... Enfant qu'elle porta d'ailleurs pendant plus de deux ans, imaginez ! Mais l'histoire se termina bien pour la malheureuse. Une fois né, le nourrisson se mit à parler, et à marcher. Il partit trouver son père en forêt, père qu'il réprimanda sévèrement, avant de disparaître dans les fourrés.

A son retour chez elle, sa mère trouva à la place de son berceau des monceaux d'or et d'argent. Et le responsable de tout cela fut condamné à veiller sur elle et sur sa descendance pendant dix générations... Les korrigans vivent vieux, vous l'aurez deviné. Même si ce n'est rien, comparé aux elfes.

La conversation allant bon train, Suyvel commençait à parler d'elle-même, ce que le nécromant appréciait. Les korrigans ont coutume en effet de venir en aide à ceux qui sont braves, et contre lesquels le mauvais sort s'acharne... Et pour ce faire, il faut bien qu'ils soient à l'écoute de ce que sont ces gens, au fond d'eux-même. L'on dit le le regard d'un korrigan fouille jusqu'à l'âme, et c'est en partie vrai. Même si l'erreur est toujours possible, et régulière de surcroit.

La drow racontait donc l'histoire de son choix de carrière et d'élément, tous deux en opposition avec les aspirations de sa race. Elle paraissait songeuse, ce dont Ceatharlach ne se formalisa absolument pas, buvant simplement quelques nouvelles gorgées de bière. Lorsqu'elle eut fini, ce fut avec un nouveau sourire espiègle qu'il lui répondit.

-J'aurais pourtant eu bien du plaisir à vous rencontrer sur Terra. D'autant plus que les araignées n'y atteignent pas de tailles démesurées... Et que camper à l'extérieur ne pose aucun problème. Sur Melrath, c'est un véritable sacerdoce que de devoir y renoncer de temps à autres !

Enfin, sachez que la magie noire n'engendre malheur et destruction, que dans la mesure où ses utilisateurs en font usage en vue de ces tristes fins...

Mais ce n'est pas pour critiquer votre choix, bien au contraire ! Le tout est que cela vous aide à être heureuse, autant que cela puisse être. Après, il est vrai, j'ignore tout de ce que pensent les vôtres en la matière... et ne vous inquiétez pas pour votre bourse, je ne vole jamais ceux qui promettent de payer leur tournée !

Ayant remarqué le léger mouvement d'épaule de Suyvel, Ceatharlach la fixa un moment, avant de ricaner de nouveau.

-Allez, ce n'est rien ! M'éclairerez-vous à votre tour sur le sujet de votre race ? Car tout ce que je sais des elfes noirs provient d'histoires korriganes. Nous vous opposons simplement aux elfes sylvains, en tout, sauf en matière de beauté... Car nul korrigan n'oserait juger qui que ce soit sur ce sujet, nous qui sommes réputés si laids ! Ah, ah !

Vidant sa choppe jusqu'à la moitié, le nécromant passa une langue courte et pointue sur ses lèvres, sans quitter la magicienne du regard. Un regard qui ne se répartissait pas de sa ruse, malgré l'étincelle de bienveillance qui brillait au fond de la pupille.

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« Ne vous inquiétez pas pour votre bourse, je ne vole jamais ceux qui promettent de payer leur tournée ! »

Suyvel eut un léger sursaut, baissa les yeux et sembla découvrir avec surprise l'initiative de sa main gauche "“ geste indélicat envers son invité "“ et la gêne la gagna. Le rouge lui vint même aux joues, mais il fallait être doté d'une bonne vue des couleurs et des nuances pour le remarquer sur une elfe noire. Disons que ses pommettes passèrent du noir bleuté au violet sombre.

Si le petit homme avait perçu le geste de Suyvel, il ne sembla pas s'en formaliser pour autant.

« Allez, ce n'est rien ! M'éclairerez-vous à votre tour sur le sujet de votre race ? »

Si Suyvel ne fut guère surprise par la question, celle-ci ne fit qu'accroître sa gêne. Elle réalisait qu'elle n'avait pas vraiment envie de parler de ses semblables. Bien entendu, céder à ce désir serait impoli, voire ingrat envers Ceatharlach, qui avait si aimablement répondu à ses propres questions. Elle hésita un instant, puis haussa les épaules.

« En guise de préambule, je me dois de vous avertir, Maître Korrigan, que je ne suis sans doute pas la mieux placée pour parler de mon peuple. Pas de manière objective en tout cas. Je crois que chacun, lorsqu'il parle de sa race, a tendance à le faire en bien, enjolivant même la réalité... moi, je crains de me comporter de façon exactement inverse au sujet de mes semblables. Si je ne suis pas auprès d'eux aujourd'hui, c'est que j'ai des raisons. La première d'entre elles étant le peu d'estime que je leur porte. »

Une pause, puis :

« Par où commencer ? Un bref aperçu de l'histoire drow, peut-être... Autrefois les elfes noirs vivaient à la surface, ils étaient connus sous le nom d'Ilythiiri. Secrètement soutenus par la déesse Lloth "“ qui s'appelait autrefois Araushnee avant son bannissement par les autres dieux de la Seldarine, le panthéon elfique "“ ainsi que par d'autres dieux maléfiques, les Ilythiiri complotèrent contre leurs cousins elfes. Les Guerres de la Couronne furent le résultat de ces luttes de pouvoir. La tentative de domination des elfes noirs échoua et les Ilythiiri furent bannis en Outreterre par Corellon Larethian, le dieu protecteur des elfes en personne, après la quatrième Guerre de la Couronne. Ils se réfugièrent dans les profondeurs du monde et donnèrent naissance à une civilisation nouvelle, dans un univers souterrain. »

« Sur le plan physique, pour une fois, je pense être une bonne représentante de ma race. Les drows sont des elfes à peau sombre et l'on rencontre diverses teintes mais toujours de couleurs foncées : ils ont la peau soit anthracite (gris très foncé, presque noir), soit ardoise, soit bleu de minuit ou, rarement, bleu ardoise. Ils portent le plus souvent des cheveux longs et blanc lunaire. Leurs yeux sont souvent rouges ou jaunes. Mais le nom d'elfe noir doit moins à leur teint qu'à la couleur de leur âme... »

« Les Elfes sont de bonne moralité, en règle générale. Les Elfes noirs suivent la tendance inverse : ils sont mauvais, félons et machiavéliques. Heureusement, certains, dont je suis, aspirent à plus de neutralité. La société drow reste marquée par sa dureté, sa cruauté. Les drows recherchent la puissance et la domination, et se montrent parfaitement impitoyables dans la réalisation de leurs desseins. »

Le ton de Suyvel était sans appel.

« Si les Elfes et les Ilythiiri ont une ascendance commune, elle est aujourd'hui très lointaine, au moins sur le plan culturel. En dehors de leur capacité à la magie, de leur dextérité, et de leurs oreilles pointues, ces deux peuples ne présentent pas beaucoup de points communs. Je n'en parlerai pas avec trop d'assurance car, je vous l'ai dit, je ne me suis jamais mêlée à mes cousins. »

í€ nouveau, la voix de Suyvel se fit plus dure, son ton plus tranchant. Elle disait ne pas tenir les siens en estime, il en allait manifestement de même pour les Elfes.

« Enfin, pour ce que j'en sais, ces péquenauds vivent en harmonie avec la nature, en symbiose avec les arbres, dans les forêts les plus vieilles et orgueilleuses de ce monde. Mes congénères sont des citadins. Ils vivent dans des villes souterraines, fuyant la lumière, et ils haïssent la végétation. Les Elfes maîtrisent les principaux arts, apprécient la poésie, et font de la musique (admirablement , paraît-il), les miens se distinguent dans l'art de la guerre, par des batailles sanglantes, des raids meurtriers et des pillages... et sont coutumiers des sacrifices d'elfes. »

Le dégoût de Suyvel perçait dans ses paroles.

« Pour la religion, la situation est fort simple : Lloth, autoproclamée quar'valsharess (reine-déesse), demeure la principale déité honorée par mon peuple et se révèle une protectrice exigeante, exclusive et jalouse. Les autres dieux "“ même ceux de la Seldarine Noire "“ n'ont pas droit de cité partout ou règne la Reine-Araignée. Le clergé de Lloth n'est constitué que de drows femelles. Ses prêtresses "“ les yathrin comme nous les appelons "“ veillent à ce que les citoyens de la cité restent dévots et monothéistes. Pour illustrer mon propos, dans la cité où j'ai connu la nuit (1), tout inconscient, quel qu'il soit, quel que soit son rang, qui vient à prononcer le nom d'un autre dieu que Lloth, peut se voir accusé de blasphème et être mis à mort par les prêtresses. »

Suyvel, loin des siens, se sentait libre de parler de Lloth comme elle l'entendait... et pourtant, inconsciemment, elle respecta les interdits du clergé, en ne citant aucun autre dieu.

« La société drow est une sorte de théocratie féodale... et matriarcale, puisque dirigée par le clergé de Lloth. Le pouvoir de ce dernier est en partie contrebalancé par de puissantes maisons nobles, elles-mêmes en proie à de violentes rivalités. Les villes sont dirigées par ces maisons nobles. Celles-ci, à chaque génération, doivent offrir l'une des leurs, une Jalil (fille), à Llolth afin que celle-ci devienne une de ses yathrin. Il s'agit d'une société violente pour ne pas dire sanglante et la déesse laisse le chaos gouverner à loisir dans les murs de ses cités. »

« Ai-je dit chaos ? Ce n'est pas tout à fait vrai, car Lloth n'admet aucune guerre de longue durée qui pourrait entraîner un conflit généralisé entre maisons nobles. Les rivalités doivent être réglées en un assaut rapide et dévastateur. En cas d'affrontement qui se prolonge, Lloth sollicite une nouvelle maison pour détruire celle qui a déclenché la guerre. De surcroît, son clergé, en dépit de sa cruauté, a un rôle de ciment de la société dans son ensemble. »

Petite tentative pour être un peu plus objective. Ou moins partiale, à tout le moins.

« La noblesse et le clergé sont étroitement liés. Les maisons nobles ont souvent à leur tête une prêtresse de Lloth. Ce qui n'empêche nullement ces maisons de se livrer à des vendettas fratricides. Quand une maison sombre, tous ses ressortissants sont pourchassés et exterminés afin de ne pas laisser de témoins. La "justice" de Lloth ne s'enclenche que si une plainte est émise. Or, pas de survivant, pas de plainte. »

Amer constat de ce qu'était la notion de justice pour son peuple.

« D'après ce que j'ai pu apprendre, quelques enclaves drows s'éloignent de ce modèle. L'influence de Lloth sur celles-ci est faible et ce sont alors les sorciers mâles qui dominent, souvent avec la bénédiction du dieu Vhaeraun, le fils de Lloth. Cela reste cependant exceptionnel et la plupart des cités drows sont à l'image de la plus connue d'entre elles, Menzoberranzan, la Cité des Araignées, où Lloth et ses prêtresses règnent sans partage. »

Elle avait finalement nommé un autre dieu que Lloth. Belle victoire sur elle-même.

« Au fait, connaissez-vous l'origine du mot "˜drow' ? Non ? Figurez-vous que ce sont les humains qui l'ont inventé, en quelque sorte. En réalité, "˜drow' vient de Dhaeraow, terme par lequel les Elfes désignèrent mes semblables après leur bannissement. Durant sa transmission aux sociétés humaines, au fil des siècles, le mot fut déformé en "˜drow'. Il est amusant de voir que même certains de mes congénères l'utilisent couramment pour se désigner. Il est vrai qu'il est plus facile à accepter que le nom donné par ces maudits Elfes... »

La voix de Suyvel s'emplit de fiel.

« ... car en elfique, Dhaeraow signifie traître. »

Une sourde colère s'était emparée d'elle.

« Oh, je ne nie pas les erreurs de mes ancêtres. Mais en être encore tenu responsable, après tant de générations, c'est de la stigmatisation. De la bêtise pure et simple. S'entendre appeler traître, alors qu'on n'est pour rien dans le choix fait par ses aïeux... c'est... c'est... »

Un maelstrí¶m d'émotions s'empara de Suyvel. Sentiment d'injustice. Solitude. Abandon. Déréliction. Tristesse, chagrin. Fatigue, épuisement. Jusqu'au désespoir.

« ... lourd à porter... »

Elle s'affaissa dans son siège, tout en penchant la tête en avant. Son coude prenant appui sur la table, sa main gauche vint soutenir son front. Ou peut-être tenter de dissimuler une larme qui courait le long de sa joue.

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(1) Expression drow équivalente à celle de "˜voir le jour' chez les humains.

Modifié (le) par Suyvel
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  • 3 weeks later...

Le regard vif et alerte, le brave korrigan écoutait l'histoire que sa compagne acceptait de lui raconter, non sans une certaine surprise. Surprise ? Un sentiment bien étrange, dans le cœur de l'un de ceux que l'on disait être la source de toute rebondissement, de tout inattendu !

Mais il fallait bien le dire : les propos que tenaient Suyvel n'avaient rien de banal. Elle n'hésitait pas à dénigrer sa propre race, tout en conservant de drôles de réticences, lorsqu'elle parlait des elfes sylvains... Ah, dame ! Le poids d'une longue éducation, d'un difficile conditionnement ! Que cela pouvait être lourd à porter ! Bien évidemment, cette pesanteur concernait tout un chacun, de l'humain à l'orc en passant par le korrigan. Mais il y avait deux types d'éducation : d'abord, celle qui observe son propre reflet dans un miroir, et y devine l'image d'un ami aux intentions troubles; elle enseigne avec clairvoyance, et donne les moyens à son élève de prendre ses distances par-rapport à sa poigne d'acier... Mais une autre éducation existait, et celle-ci, au contraire, tourne le dos à son reflet, refuse d'affronter son propre regard. Ce qui donne naissance ou bien à des soumis, ou bien à des révoltés, mais en aucun cas à des libertés.

L'histoire du peuple drow n'était pas seulement âpre, elle était tout simplement atroce. Une histoire de rancune plus ou moins religieuse, ce qui faisait vaguement sourire le modeste animiste qu'était Ceatharlach, d'exil dans les profondeurs de la terre, et de ressentiment. Un ressentiment suffisamment pour s'emparer du cœur de toute une race, abstraction faite de quelques rares cas individuels, et pour la plonger dans un univers sans paix constante, sans amitié tranquille, et dont l'amour lui-même devait se trouver marqué du sceau de la mort.

Mais aux yeux du korrigan, le pire restait encore l'organisation théocratique de la société drow... Un curieux monothéisme, incarné dans une personne. Une religion qui ne reliait rien du tout, qui montait les gens les uns contre les autres en instaurant un climat de défiance et de délation...

Ceatharlach aimait l'idée d'une possible incarnation du divin en toute chose. L'on disait du reste chez les humains que les korrigans étaient des « esprits », et, il fallait bien le dire, certains lieux, certains êtres, certaines pierres même, possédaient comme un parfum de transcendance.

Mais entre ce type d'incarnation, et celle, violente et dogmatique du peuple drow, il y avait un gouffre, toujours le même... La première pouvait enseigner la liberté du sentiment, la seconde l'écrasait, en plaçant chaque sujet dans un carcan de marbre.

Mais alors que le nécromant mâchait de paisibles pensées sur la religion, sa compagne changea brusquement de ton, en lui révélant le sens du nom de « drow ». Sur son visage, pourtant serein et impassible, quelque chose s'était figé. Soudain alarmé, le korrigan, qui avait comme tous ses cousins, l'étrange don de sentir chez une personne la proximité des larmes, ou la violence d'un sentiment, reposa doucement sa choppe, vidée de moitié seulement.

Comment agir ? Suyvel s'était tue. Sur sa lande natale et entouré des siens, une telle situation aurait marqué le début d'une danse endiablée, véritable catharsis, menée par une horde de korrigans chantants, dansants, sautillants et trébuchants.

Mais Ceatharlach était loin de chez lui, et comme dit le proverbe, « korrigan seul fait pas son beurre ».

Il se risqua malgré tout, tout en sachant par avance qu'il allait devoir improviser. Il eut la délicatesse de faire signe à la patronne, qui resservit la magicienne, très généreusement, et avec discrétion.

-Prenez une gorgée ou deux, ça vous fera toujours du bien.

Je me doute que ce que je vais vous raconter ne vous aidera pas. Mais, belle Suyvel, vous disiez tout à l'heure que les drows étaient bien peu nombreux, sur Melrath Zorac... ici, peu connaissent les choses dont vous parlez. Et puis, comme vous l'avez dit, vous ne portez pas les erreurs de vos ancêtres dans le sang. Et quand bien même vous le porteriez...

Un fin sourire s'étira sur le visage buriné du nécromant.

-... libre à vous de faire de votre existence une délivrance, et de votre voyage en ces terres un pèlerinage. Vous avez choisi la voie de la magie blanche ? N'y pensez plus comme un acte de rébellion, mais plutôt comme ce que la vie a voulu de vous. Vous savez, nous autres avons un mot plaisant, pour tous ceux qui se sentent poursuivis par un passé plus ou moins glorieux, ou qui se montrent incapables de se détourner de l'histoire familiale...

« Veuillez bien pardonner, bonnes gens, mais n'oubliez pas ! » Ça serait votre perte de jeter dans l'ombre une partie de ce qui vous a constituée telle que vous êtes. Mais, par ma barbe ! Ce serait une erreur aussi terrible au moins que de ne jamais bien vouloir vous réconcilier avec ce qui vous a fait.

Ne prenez pas mes paroles comme des dogmes. Je n'entends pas même comprendre ce que vous ressentez. Je n'aimerai simplement pas que vous gardiez un mauvais souvenir de cette rencontre.

Légèrement sceptique, Ceatharlach marqua un temps d'arrêt. Tout ceci n'était guère korrigan dans la façon. Mais, seul, que pouvait-il bien y faire ? Une sarabande cathartique nécessitait un groupe soudé et complice. C'était là bien tout le problème du petit peuple des landes : un korrigan seul, opérant à visage découvert, demeurait sans pouvoir.

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Tout s'était passé comme elle l'avait instinctivement redouté. Suyvel n'aimait pas parler de ses semblables, car elle ne les estimait guère ; mais surtout elle savait qu'elle risquait à tout moment d'aller trop loin, de mêler le personnel au général, de laisser la bride sur le cou de ses sentiments, et finalement de se donner en spectacle à un quasi-inconnu. Qui n'avait rien demandé de tel.

Malgré le grondement furieux des sentiments qui retentissait dans sa tête, Suyvel entendit la voix de Ceatharlach et les mots qu'il prononçait, le ton qu'il employait, firent naître quelque chose en elle. Une chose nouvelle, qu'elle n'avait jamais ressentie. Une sorte de chaleur calme et diffuse. Une lueur. C'était difficile à décrire pour elle. Mais Suyvel comprit que la source en résidait dans l'âme du Korrigan, qui semblait sincèrement peiné de la voir ainsi.

La compassion.

La sollicitude.

Des mots. Des sentiments humains, dont Suyvel avait depuis longtemps assimilé le concept, mais dont elle n'avait encore jamais éprouvé le sens. Dont elle n'avait jamais été la destinatrice. La surprise de cette découverte grandissait en elle, éloignant l'orage de ses sentiments. Elle eut un regard étonné pour son invité.

Docilement, elle prit lentement sa corne d'hydromel pour la porter à ses lèvres et en boire une gorgée. Elle n'était pas certaine de s'en trouver mieux... mais dans le doute, elle la leva une seconde fois et la vida sans autre forme de procès. Les paroles de Ceatharlach avaient réchauffé son âme, la boisson dorée se chargerait de son corps. Elle prit encore quelques instants pour en apprécier les effets et s'assurer que sa voix ne lui ferait pas défaut.

« Merci, Ceatharlach... Merci de vos

sentiments bienveillants (elle enfouit cette pensée au fond de son cœur)

paroles prévenantes. Je m'excuse pour cette... situation gênante, que je ne voulais en aucun cas vous infliger. »

« Au sujet de ce que vous disiez, il est vrai que peu connaissent ces choses. Mais devoir les porter est ardu. Et être seule de sa race n'allège pas le fardeau... au contraire. »

« Quant à la délivrance... je me suis affranchie de l'autorité des miens. Mais il m'arrive de croiser des Elfes. Et leur regard me rappellera toujours qui je suis. Leur regard... leur réprobation... leur condamnation. On n'échappe pas à ce que l'on est... ou du moins à ce que les autres croient que vous êtes. »

« Vous parliez de réconciliation. Je vous dirai que je ne suis pas fâchée avec moi-même. Avec mon peuple, oui. Et même si j'avais un jour envie de me rapprocher des miens... ce serait utopique. Vous avez probablement quitté les vôtres librement, moi pas. Si je me présentais à nouveau devant eux, même longtemps après mon départ, je serais conduite à l'échafaud séance tenante. Le pardon et l'oubli n'existent pas dans la culture drow. »

« Le chemin que j'ai choisi est sans retour... je le savais depuis le début. »

Suyvel fit une pause, songeuse. Elle dévisagea Ceatharlach, se demandant si elle n'en avait pas dit un peu trop pour le pauvre Korrigan. Il avait certes voulu savoir pour les Elfes noirs... mais cela faisait peut-être beaucoup pour lui. Ce fut alors qu'elle s'aperçut que le regard de son invité ne se posait pas sur elle, mais semblait se porter sur son côté droit. Ce n'était pas la première fois qu'elle lui voyait ce regard en biais. Que pouvait-il donc fixer ? Il n'y avait rien derrière elle, hormis le mur. Mais peut-être ne regardait-il rien en particulier ?

La réponse lui vint soudainement, sans raison particulière. Elle avait complètement oublié sa théière depuis le début de cette conversation, et c'était cela que Ceatharlach semblait épier. Etant donné le bouquet très particulier qu'elle continuait d'exhaler, l'attention de son invité "“ pour ne pas dire son nez "“ avait dû être sollicitée. Elle aurait bien aimé lui faire découvrir quelques recettes drows, mais elle savait par expérience que les humains les toléraient mal. Les quelques essais gastronomiques auxquels elle avait convié des hommes avaient tourné au fiasco. Ou au désastre. C'est pourquoi elle n'avait pas un instant songé à lui proposer de partager son infusion.

Ce qui n'avait pas de sens, réalisa-t-elle soudainement. Ceatharlach n'était pas humain. Dès lors, comment préjuger de la façon dont il supporterait les recettes drows ? Elle n'avait aucune idée de ses goûts, encore moins de son métabolisme. La curiosité la prit. Après tout, s'il était intéressé...

« Serait-ce ma théière qui vous captive de la sorte ? (un rire léger) J'essaie de recréer, à partir des plantes de la région, des infusions de ma cité. Ce qui n'est pas simple, tant les différences de la flore sont grandes, mais ce mélange-ci est plutôt réussi. Vous plairait-il d'y goûter ? »

C'était de fait son sixième mélange. Les cinq premiers, plus ou moins aboutis, avaient surtout brillé par leurs effets secondaires indésirables sur la population locale. Cela, elle ne crut pas nécessaire de l'indiquer à son invité. Suyvel avait noté avec soin sur un parchemin toutes ses observations à ce sujet et, bien qu'elle ne le portât pas sur elle, elle s'en souvenait au mot près.

Banc d'essai des mélanges à infuser

Mélange 1

Testeur : Tigrrr

Observations : est devenu si pâle qu'il en a perdu ses rayures. Ne s'est pas éloigné de sa litière pendant deux jours.

Conclusions : comme tisane, peut mieux faire. Comme laxatif, à utiliser à faible dose.

Mélange 2

Victime consentante : Ombre

Observations : est devenu tout noir. Problème de pigmentation spontanée et excessive de la peau, apparemment. Résorbé en cinq heures.

Conclusions : le sujet est entré dans une colère noire, j'ai bien fait de lui demander de poser ses armes avant le test. Mélange testé : utilisation à envisager comme fond de teint pour drow.

Mélange 3

Inconsciente de service : Citron

Observations : a été victime de jaunisse. Problème de foie, apparemment.

Conclusions : mauvais choix du sujet d'expérience. Ne supporte que le lait-fraise. Mélange testé : suspect, à éviter ou à verser en douce dans le verre de Gregeon.

Mélange 4

Roi des naïfs : Sayanel

Observations : a été atteint de faiblesse chronique. Pendant plusieurs semaines, tout ce qu'il arrivait à couper avec quatre puissants coups de sa hache de bûcheron, c'était une brindille.

Conclusions : il semblerait que, bien que je n'aie pas encore le niveau requis en hermésisme, j'aie réinventé la recette de la potion dégénératrice de force. í€ conserver pour plus tard.

Mélange 5

Candidat au suicide : Mythras

Observations : a été frappé de collectionnite aiguí«. Grave désordre psychologique conduisant le sujet à acheter toutes sortes de cochonneries à tous ceux qu'il croise. Problème permanent, apparemment.

Conclusions : effets psychotropes avérés. ître plus avisée dans le choix des sujets d'expérimentation. Ecarter les obsessionnels. Mélange testé : bon pour la poubelle.

Note : espacer les expérimentations pour laisser le temps au Souffle de me fournir de nouveaux cobayes recruter de nouveaux membres. C'est fou ce qu'on use comme matériel dans ces tests.

Suyvel leva la théière et remplit une nouvelle tasse.

« Vous sentez-vous d'humeur aventureuse, Maître Korrigan ? Aimez-vous les nouvelles expériences ? »

Du bout des doigts, elle poussa légèrement la soucoupe de la tasse vers Ceatharlach.

« Un sage a dit :

"˜Vivez mille fois mille ans,

Et vous connaîtrez encore bien des émerveillements.'

J'ignore ce qui vous attend au bout de cette route, mais le voyage devrait être intéressant... »

Un sourire malicieux. Peut-être était-elle en train de lui jouer un vilain tour. Un tour à lui, le Korrigan, maître en facéties... l'ironie était plaisante.

Suyvel se demandait s'il allait céder à la curiosité, quitte à se brûler. Elle était aux aguets, prête à retranscrire mentalement tout ce qui se passerait si Ceatharlach acceptait la proposition...

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