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Terre des Éléments

A la recherche du soi ou du second soi


Anauelle
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Deux jours plus tard, Anauelle me recontactait, pour proposer d'aller boire quelque chose.

J'avais franchement hésité à refuser, devinant la raison de cette invitation, et me doutant que la discussion serait peu agréable, mais... Ce serait une occasion idéale de lui ouvrir les yeux sur Celui qu'il fallait suivre, la détourner de Quen.

Alors, je répondis favorablement.

Dans la taverne, je la laissai commencer. Autant la laisser elle-même exposer sa gêne, pour être sûr de savoir exactement ce qui provoquait son malaise...

Je la laissai parler sans l'interrompre, finissant calmement ma boisson.

"Qui étais-je"? Excellente question. Y avais-je la réponse?

Celui qu'elle avait vu, ce jour là, était le bouffon que j'avais été forcé de devenir. Si ce tyran avait compris que je n'étais pas simple d'esprit, j'aurais perdu ma tête... Alors, j'avais créé ce masque.

Mais, à bien y réfléchir... La difficulté de la vie d'esclave ne m'avait-elle pas, elle aussi, forgé l'esprit à coups de lourd marteau? Je m'étais renfermé sur moi-même, avait été forcé à ne jamais montrer de sentiments excessifs sous peine d'être calmé au fouet, n'avait survécu qu'en devenant calculateur et réfléchis. Alors, n'était-ce pas qu'un masque aussi?

Et puis... C'était idiot, mais j'avais un pincement au cœur à l'idée d'affirmer que celui qui avait été membre de Thuatha Dé Chilandari n'était qu'une façade. A leur manière, ils essayaient aussi de rendre le monde meilleur... Même si c'était un apport éphémère, qui n'aurait jamais d'impact à long terme.

Mais Anauelle attendait une réponse, je n'avais pas le temps de réfléchir plus longtemps.

- "M'as tu jamais vraiment connu? On ne voit jamais au mieux qu'une facette d'autrui...", avais-je dit, il y a deux jours. Y as tu réfléchis?

Je suis, quelque part, le joyeux luron que tu décris. Parce que les événements m'ont modelé ainsi.

Mais, cela ne fait aucun doute, je suis aussi -et surtout- celui que tu as vu dans la grotte. Je ne nierai pas, car je n'en ai pas honte.

Lui sortir l'habituel discours des Sentinelles n'aurait pas grand effet, je le parierais. Il me fallait un nouvel outil pour la convaincre...

- Mais toi... Ne caches-tu pas des facettes de toi dont tu as honte? Dis-moi...

Qu'as-tu vécu, dans cet endroit maudit? J'ai vu des coups d'épées sur l'homme... Tu as du combattre quelque chose. Je me trompe?

Modifié (le) par Noeleroi
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Oui, bien sur, elle aurait dû s'en douter. Il répondait qu'il était les deux. Elle avait sans doute mal posé sa question, car en fait, ce qu'elle voulait savoir, c'est qui il était le plus. Le personnage joyeux et attachant du début ou celui plus sombre de maintenant. La guerrière secoua la tête, peu satisfaite de la figure de style du rôdeur qui évitait de trop se mouiller, elle trouvait, en répondant par des généralités.

D'ailleurs, il détourna les futures questions qu'elle aurait pu avoir en lui en posant une à son tour. Elle sourit pourtant légèrement, d'un sourire pâle et peu assuré. Ce qu'elle cachait? Elle ne savait pas trop. Quand à d'éventuelles facettes sombres... Sans doute elle en avait, comme tout le monde, mais pour l'instant, elle n'en avait pas spécialement découvert.

"Ce que j'ai vécu dans la caverne? C'était... personnel.

Je ne t'ai pas demandé ce que toi tu y avais vu. Ce qui t'avais poussé à utiliser une de tes bombe...

Mais pour te répondre, bien que je ne sache pas réellement ce que j'y ai vécu là bas...

Tu sais que je cherchais la raison de mon amnésie. Et je pense que ce qui m'a été montré est la réponse. Je ne suis pas certaine de l'interprétation que je dois y donner, d'ailleurs, mais j'ai plusieurs théories.

Pour faire bref, j'ai été attaqué, ensuite et j'ai du me défendre. Voilà l'explication pour le coup d'épée."

Ca, c'était pour la seconde question, quant à la première...

"Des facettes sombres? Sans doute, enfin, je suppose. Je n'en sais trop rien, qu'en penses tu, toi?"

Et c'est vrai que ce qui nous définie aussi, c'est le regard que porte sur vous les autres, et surtout vos amis. Comment ils vous perçoivent. Parce que, entre ce qu'on croit être et ce qu'on est réellement, ou comment on est perçu, en tout cas, il y a parfois de grandes différences.

Anauelle poursuivit.

"Je n'ai pas la réponse à ma question, en fait. A savoir si nous sommes toujours ami. Je ne cautionne pas le meurtre de sang froid de cet homme, bien que sa mort est été nécessaire.

....

Dis moi, me ferais tu encore un câlin?"

Excellent moyen de savoir jusqu'où Noeleroi s'était assombri.

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  • 3 weeks later...

Manifestement, elle avait décidé que je serais le seul à me dévoiler. J'avais deviné depuis longtemps que ce qu'elle avait vu avait rapport à cette amnésie, et qu'elle avait du combattre... Je n'avais pas le monopole des généralités inutiles.

- Et ta question à toi, n'est-elle pas personnelle? Pour recevoir, il faut donner...

Mais je ne comptais pas perdre mon temps à jouer à qui parleras en premier. Mettant mon propre conseil en pratique, j'expliquai:

- Pour ma part, je me suis débarrassé d'un parasite...

Je lui expliquai le "songe", mais restai vague sur mon passé: je dis juste que j'avais été esclave un temps dans une carrière, point. Je ne tenais pas forcément à tenir ce passé caché, mais je ne voyais pas d'intérêt à le narrer.

- Quant aux facettes sombres, encore faudrait-il être d'accord sur la signification de "sombre"... Une facette qui nous dégoûte nous-mêmes, ou qui ne correspond pas aux valeurs reconnues par la majorité?

Dans les deux cas, nul ne doit jamais avoir honte de ces facettes: seulement de ce qu'on en fait. De nos actes, en d'autres mots.

Je parlais rarement sans but. J'enchaînai:

- Et j'aurais honte de ne pas faire ce que je fais, de laisser le monde courir à sa perte sans agir. Peu importe ce qu'en pense autrui, ce qu'en pensent ceux que j'aime: je sais que ce que je fais est bon. S'ils ne sont pas d'accord... Alors, je respecterai leur volonté, leur détermination à faire ce qu'ils pensent juste. Je ne leur en voudrai pas d'essayer de me stopper: qu'ils ne m'en veuillent pas de les ôter de ma route.

Je soupirai, et, prenant un air moins dur, j'ajoutai:

- Mais je préfère essayer de les faire marcher avec moi sur cette route. Nous traverserons plus facilement les obstacles, à plusieurs... Et arriverons, tôt ou tard, à l'Eden que nous cherchons.

Les mots, parfois, ne suffisaient pas. Elle venait de me donner le moyen de lui prouver que je n'étais pas ou un machiavélique froid, ou un philanthrope luron, mais bien la fusion des deux...

Je me levai, et m'approchai d'elle. Puis je la pris doucement dans mes bras, et chuchotai à son oreille

- M'aideras-tu à arpenter ce chemin? Marcheras-tu avec nous vers un monde idéal? Combattras-tu le mal pour permettre à d'autres de partager de pareilles étreintes? Lutteras-tu à nos côtés contre la corruption qui a envahi ce monde, avant que tous ne perdent la chaleur que nous partageons?

Je la relâchai, et reculai:

- Ou laisseras-tu les Quatre imposer leurs volontés, et pousser les humains à s'entre-tuer pour régler leurs stériles querelles? Laisseras-tu le chaos répandre la mort et la douleur? Laisseras-tu tragédies et massacres se perpétrer au nom d'illusoires valeurs, destinées à justifier l'injustifiable?

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Au reproche du rôdeur, et comme lui commençait une explication, Anauelle protesta légèrement.

"Je ne t'ai rien demandé, justement. Tu n'étais pas obligé de me raconter."

Mais il était lancé, et la guerrière préféra l'écouter jusqu'au bout sans l'interrompre à partir ce ce moment là. Ainsi, il avait été esclave. Un sombre passé, en effet, sans doute douloureux à revivre. Elle aurait aimer compatir, le prendre dans ses bras, lui dire que tout cela était derrière lui, qu'il fallait passer à autre chose. Mais la terrane sentait bien que tous les mots auraient été vains, vides de sens. Qu'est ce qu'elle pouvait faire contre ce genre de passé? Elle avait l'impression qu'elle était impuissante et elle détestait ça.

Cela rejoignait un peu ce qu'il lui disait ensuite. Elle avait parfois un peu honte de ne pas pouvoir faire plus, de n'être que si peu capable d'aider les gens à résoudre leur problème. Mais était ce là une facette sombre? Elle n'en avait pas l'impression. Elle aurait aimé demander à Noeleroi, mais le reste de son discours avait l'air assez exalté,et elle préféra ne pas en rajouter. Surtout si elle voulait lui rendre la pareil en lui contant sa propre expérience. La guerrière ne savait pas si c'était une bonne idée, mais c'était de bonne guerre, et elle n'allait pas le laisser tout seul avec son récit. Après tout, ils étaient amis ou tout du moins l'avaient été...

Pour le reste, elle ne savait pas trop encore s'ils le seraient toujours. Elle l'aimait bien, mais si elle se trouvait trop en désaccord avec les choix de l'aéride, elle n'aurait peut être plus à décider de la continuité de leur amitié. Il avait fini, de son coté. Elle avait beaucoup à dire elle même, mais sans doute serait il mieux de commencer par ce qu'elle avait vécu dans la caverne.

«Tu sais, je crois avoir compris pourquoi j'étais amnésique. C'est qu'en fait, je ne ne le suis pas. Il n'y a aucune chose dont je peux me souvenir avant d'arriver ici, et pour cause.»

Alors, elle lui narra ce qu'elle pensait avoir deviner de sa vision, sa création, en quelque sorte, une pure fabrication de Firmine, enfin presque.

Son doute, elle le garda pour elle, ainsi que les motivations de la déesse qu'elle avait cru comprendre. A cause de la fin du discours exalté du rôdeur. Elle n'était même pas sure que le rôdeur la croit. Elle même se trouvait trop impuissante, trop insignifiante pour une tel honneur, ou une telle mission, en tout cas. Envoyée... pourquoi, surtout? Et par qui, en définitive? Car Anauelle n'était pas totalement persuadée que la déesse de la terre soit seule responsable, en fait.

En tout cas, il l'avait pris dans ses bras et ce maigre réconfort de reconnaître là enfin l'ami ancien qu'il était.... Mais pour le reste... elle n'était pas d'accord.

"Les humains n'ont pas besoin des quatre pour s’entre-tuer. Et je pense que tu le sais aussi bien que moi. Et aucunement une justification à précipiter les gens vers les ténèbres, soit disant vers une purge nécessaire...

Tu es en train de me parler de dictature, et je ne peux que m'opposer cette vision des choses."

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La pitié que je lisais dans son regard, après le récit de mon passé, me laissa indifférent. Après tout, c'était mon passé: juste une base pour avancer vers l'avenir. Le narrer ne me touchait pas plus que de conter n'importe quelle histoire.

Si j'avais fait cela, c'était surtout pour la pousser à, elle, raconter son vécu. Tout ce qui pourrait me servir à la convaincre était bienvenue...

Ma tentative fut couronnée de succès: elle dévoila sa supposée origine.

Ainsi, elle aurait été crée de toutes pièces par Firmine...

J'étais sceptique. Elle ne me semblait pas être le plus farouche serviteur de la Déesse, ni sa réincarnation; leur caractère différait trop. Alors pourquoi aurait-Elle fait cela? Enfin... Chercher les motivations d'une des Quatre était sans doute vain. Un caprice, sans doute. Je doutais qu'ils aient scrupules à jouer avec l'esprit des gens...

Quoi qu'il en fut, je me demandai s'il n'était pas, alors, dangereux de l'intégrer aux Sentinelles. Un cheval de Troie était bien la dernière chose dont nous avions besoin...

Puis je songeai à l'opposé: elle pourrait faire une arme incroyable, si elle se retournait contre sa créatrice. Son étrange lien avec l'un de nos ennemis pourrait être intéressant...

J'eus soudain envie d'oublier à l'instant cette idée.

Je m'en étonnai: depuis quand avais-je scrupules à utiliser même mes amis?

Il ne fallait pas que j'oublie la raison de ma lutte... La fin justifie les moyens, après tout.

Mais il était prématuré de penser à cela. Elle ne semblait pas convaincue par mon discours... Comment lui en vouloir? On ne changeait pas de voie aussi soudainement. Je saurai la pousser, lentement, mais sûrement, sur Notre route...

- Considères-tu donc que la guerre fait parti de l'humain? Qu'il ne saurait vivre sans tuer les siens? De plus... Le meurtre ne serait plus un mal? Chacun est destiné à mourir: ôter la vie serait forcément acceptable, alors? Non. Les Quatre sont aussi coupables des morts de cette guerre que s'ils avaient fait combattre les plus pacifiques des êtres.

Ho, certes, l'humain a facilement recours à la guerre. L'humain moyen est stupide, incapable de comprendre ce qui est bon pour lui, courant sans cesse vers sa perte, et la perte des siens. Il lui faut un guide! Un être pour veiller sur lui, et l'empêcher de faire ce qui est mauvais. Oui, je parle de dictature. La dictature de Niue, qui connait mieux l'humanité que n'importe quel humain, qui saura prendre soin d'eux, et qui, tel un maître bienveillant, les empêchera de se faire du mal...

Préfère-tu cette dictature bienveillante, ou celle des Quatre, qui se servent de leurs "sujets" comme d'outils à leurs caprices?

Tant qu'il y aura des dieux, il y aura une dictature, Anauelle. Et tant qu'il y aura des humains, il y aura des dieux... Car ils en ont besoin.

La liberté... Pourquoi accorder tant de valeur à ce concept? Mieux valait une prison luxueuse et où chacun est heureux qu'une liberté où tous mourraient de faim et de tristesse...

- Quant à la "purge"... Ce qui est mauvais doit être détruit. Il en a toujours été ainsi, non? Même nos ennemis pensent la même chose: il suffit de voir le zèle avec lequel ils nous combattent...

Il fait faire un choix, Anauelle. Aime-tu suffisamment l'humanité que pour te battre pour un avenir meilleur? Ou as-tu trop peur de te salir les mains, et de t'attirer sa haine?

L'aime-tu pour elle, ou pour toi?

On ne fait pas d'omelettes sans casser d'œufs... Qu'est-ce qu'est une génération partie plus tôt, si elle peut assurer le bonheur de centaines, de milliers de générations futures?

Modifié (le) par Noeleroi
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  • 3 weeks later...

Non, décidément. Le discours de Noeleroi plaisait de moins en moins à la guerrière. Pourtant, elle l'écouta jusqu'au bout sans rien dire, comme la première fois, mais elle était atterrée. Ce qu'il proposait comme solution aux conflits perpétuels... Et bien, aux oreilles de la guerrière, cela sonnait comme réduire la majorité de la population à l'esclavage.

Lui qui avait vécu une telle situation! Elle aurait bien pu jurer, une fois qu'elle l'avait su, qu'il serait le dernier à user de telles extrémités pour résoudre les problèmes entre les peuples. Elle secoua la tête, faisant des signes de négation.

«Je n'aurai jamais cru entendre de tels mots dans ta bouche, après ce que tu m'as dit de ton passé. Car la solution que tu prône en ce moment, ce n'est ni plus ni moins que ça, de l'esclavage.

Tu te doute bien que je ne peux pas cautionner. Et je pense aussi que tu te trompe de voie. Ce n'est pas en réduisant à la servitude les gens que tu vas les aider, bien au contraire.»

Anauelle, tout en parlant, se demandait comment son ami avait pu en arriver à de telles conclusions. Par quel détour tortueux son esprit avait il pu bien passer? Ou alors, s'était il laissé séduire par un discours bien rodé qui l'avait convaincu en lui voilant toutes les contradictions que la méthode avait? Elle poursuivit pourtant, tout en doutant que ses arguments puissent le convaincre.

«Alors, comment distingue tu le bon du mauvais, dans ta vision des choses? Est ce que le mauvais, c'est juste tout ceux qui n'adhère pas à ton lavage de cerveau? Parce que ça y ressemble fort. Et aussi, que dans ce cas, je suis mauvaise car je ne pourrais jamais cautionner de tels actes.»

la guerrière regarda alors le rôdeur dans les yeux.

«Allez, répond moi! Suis je mauvaise dans ta vision des choses?

Personnellement, je trouve que tu vas au plus simple. Evidemment, aider les gens à être heureux pour qu'ils oublient leurs différents, c'est plus long, plus compliqué. Mais au moins, ils conservent leur libre arbitre.»

Il avait raison sur un seul point, en fait, il fallait effectivement se battre pour rendre les gens meilleurs. Mais pas par un raccourcis noir et peu recommandable. Qui aurait amené à quoi, finalement? A une révolte, une révolution? En tout cas quelque chose de sanglant, la terrane en était sure.

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  • 2 weeks later...

J'aimais débattre avec Anauelle. Elle semblait révoltée par ce que je disais, mais cela ne l'empêchait pas de me laisser parler sans m'interrompre.

Ho, je pouvais comprendre ce dégoût. A vrai dire, quand j'avais épousé la cause de Niue, je ne croyais encore en rien. J'était à peine sorti de mon esclavagisme, et venais de devenir réellement un humain -et surtout, réellement moi-même. En d'autres mots, j'étais en terrain vague prêt à accueillir les valeurs qui seraient miennes.

Anauelle, par contre... Elle avait déjà d'immenses structures, dures comme le fer. Il ne serait pas aisé de les détruire, pour bâtir un édifice à Niue...

Un peu comme ce monde, d'ailleurs. Détruire le faux, bâtir le vrai.

Et puis... Je devais avouer que mon seul objectif n'était plus de la convaincre de nous rejoindre. Je prenais, tout simplement, plaisir à parler avec elle.

Apparemment, elle m'avait mal compris sur certains points. Je la corrigeai:

- Je ne parler pas d'asservir et de faire travailler de force. Je parle de poser un cadre strict, un pouvoir fort qui évitera les débordements. Qui veillera à faire comprendre que "la liberté s'arrête là où commence celle des autres". Maigre prix que la liberté pour la sécurité et la justice. Et est-ce vraiment un prix? Nous avons déjà tant de chaînes. Nous devons respirer, nous nourrir, boire, nous reproduire... Nous ne pouvons pas voler, courir aussi vite que l'on veut, ne pas vieillir... Nos instincts et notre faiblesse nous entravent aussi sûrement que n'importe quelle tyrannie.

J'haussai les épaules, et ajoutai

- Mon passé n'est qu'une expérience, un exemple parmi des milliards d'autres. Et puis, au contraire, si nous atteignons notre objectif, ce genre d'esclavage n'aura plus lieu.

La suite de ses paroles me fit réfléchir. "Lavage de cerveau"...

Je connaissais nombre de partisans des Quatre, pour qui j'avais beaucoup de respect. Je ne doutais pas qu'ils fussent aveugler par leur croyance, et que leur cerveau soit "lavé": ils disaient se battre au nom de leur dieu, et donc du bien. Or, c'était deux choses totalement opposées... Les Quatre étaient sources de conflits, de crimes odieux, et surtout de la guerre qui déchirait ces terres. Et, contrairement à Niue et à son idéal, ils n'avaient aucune vraie justification. Juste l'orgueil et la soif de pouvoir.

S'ils voulaient aussi créer un Eden, cela revenait à dire que ce monde était corrompu. Or, ils affirmaient le contraire. Donc, ce n'était pas pour cela.

Mais, si ces êtres si sages, si intelligents, si respectueux n'avaient, malgré tout, pas su résister à un lavage de cerveau... Il pourrait en être de même pour moi.

Je ne considérais pas que douter de quelqu'un était une trahison. Au contraire, refuser d'essayer de tirer les choses au clair revenait à dire qu'il se pourrait qu'il soit coupable, et que l'on ne voulait pas le découvrir.

C'est pourquoi je n'avais aucune honte à me poser ces questions, à douter de Niue. Je n'avais aucune gêne à me sonder, à remettre en question les motivations des Sentinelles, encore et encore, pour être certain à tout moment qu'elles sont bonnes.

Mais, en général, je n'avais que mon point de vue. La plupart de ceux qui ne le partageaient pas, au lieu de m'expliquer pourquoi ils n'étaient pas d'accord, me traitaient de monstres sans âme, et essayaient de m'occire...

Cette discussion était une bonne opportunité d'avoir une opinion extérieure, et je comptais la saisir.

- Le bon est ce qui apporte le bonheur. Le mauvais est l'absence de bon. Comme le bonheur n'est jamais complet, il y aura toujours du mauvais... Nous ne pouvons que le limiter.

Je lui souris

- Tu apportes bien plus de bonheur que de malheur. Tu es loin d'être mauvaise.

Même si, à long terme, tu deviendrais sans doute un obstacle, songeais-je

- Et nous n'agissons pas au plus simple, mais au plus efficace. Il ne peut y avoir de demi-mesures: le monde est déjà au bord du gouffre. Quand un homme est gangrené, on l'ampute, point.

J'avais assez parlé. A son tour de s'exprimer...

- Et toi? Que proposes-tu, alors? Es-tu d'accord sur le fait que ce monde est cruel, injuste, et que les Quatre ne font rien pour l'améliorer, au contraire? Ou penses-tu qu'ils se battent réellement pour le bien de l'humanité?

Modifié (le) par Noeleroi
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La guerrière secoua la tête, poser un cadre strict alors qu'il disait lui même que les humains étaient en colère à cause de leur limitation. Elle trouvait que c'était totalement contradictoire, ce qu'elle ne manqua pas de lui signaler.

«N'as tu pas l'impression de te contredire, à ce propos. Tu dis que les hommes sont déjà tellement enchaînés par leur condition de mortel, et toi, tu voudrais encore ajouter des limitations? J'ai bien peur que tes théories, si elles étaient appliquées, ne fassent plus de mal que de bien.»

Anauelle, écoutait le rôdeur contrer ses arguments, ou alors y réfléchir. A vrai dire, elle ne s'était jamais posée autant de question. Elle était arrivée sur les terres sans aucun souvenirs, et si elle devait en croire ce qu'elle avait vu dans la grotte, tout était ''normal'', pour peu qu'on puisse considérer qu'une pure création soit normale. A moins qu'elle n'ai été totalement leurrer par l’ermite, c'était possible aussi. Elle n'avait aucune preuve de sa vision, à part son absence de mémoire, qui pouvait se justifier par n'importe quelles autres raisons.

C'est alors qu'il lui livra sa version personnelle de la vision du bien et du mal. Absence ou présence de bonheur, mais tout était relatif!

«Tu sais, le dicton qui dit que le bonheur des uns fait le malheur des autres n'est souvent que trop vrai. Tu ne peux pas rendre tout le monde heureux. En prenant quelque part pour donner à quelqu'un, tu retire forcément à une autre personne... ou à plusieurs.»

C'est un peu un problème sans fin qui paraissait insoluble pour la terrane. Hélas, non, elle n'avait guère de solution à proposer. Elle secoua la tête négativement, un peu triste et découragée.

«Non, je n'ai pas de méthode pour y arriver. Essayer de calquer une résolution de problème et l'appliquer à tout le monde ne conduira que à l'injustice. Il faut juste tenter de pousser les gens vers le bon. Comment, je ne sais pas trop. En commençant par les aider, peut être.

J'essaye. Parfois, ça marche un peu. Mais je me sens tellement impuissante. Je me dis parfois que c'est un vain combat.»

La guerrière soupira de frustration. En effet, elle n'était qu'une goutte d'eau dans l'océan. Pourtant, si sa vision dans la grotte était vrai, et que l'interprétation qu'elle en avait fait était correct, certains dieux ne recherchaient plus la guerre... Firmine, par exemple... Mais expliquer ça à Noeleroi, elle pensait que c'était impossible. D'abord, parce qu'elle pensait qu'il ne la croirait pas, et qu'ensuite, elle même n'était pas persuadée de la véracité de son expérience. Alors, en convaincre quelqu'un d'autre...

Tout ce qu'elle savait, c'était que si le rôdeur poursuivait son idée d'imposer des règles aux gens par la force, elle serait obligée de s'opposer à lui, et ça, elle ne voulait pas. Elle n'avait pas envie d'être son adversaire. Finalement, elle lui avoua.

«Je ne suis plus sure de rien et je suis lasse. Est ce que ton dieu peut faire quelque chose contre ça?»

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Je commençais à avoir l'impression que nous tournions en rond. Elle ne comprenait pas ce que je disais, ou l'inverse. Dans les deux cas, nous perdions notre temps.

- Je n'ai jamais dit que les limitations étaient mauvaises, justement. Après tout, un jeu n'est gérable et agréable qu'avec de bonnes règles. Il en va de même pour la vie.

Je soupirai. Qu'espérait-elle? Une théorie, par définition, pouvait se révéler fausse. Mais si personne ne se décidait à prendre de risques, à faire des essais, jamais l'humanité n'avancerait.

- Oui, le résultat pourrait être désastreux. Oui, peut-être guiderons-nous l'humanité vers sa perte. Mais si l'on ne la guide pas, elle y plongera d'elle-même. Et cette théorie surpasse toutes les autres en probabilité.

Les Quatre n'arrêterons de se déchirer que quand trois d'entre eux seront vaincus. Et le dernier, ayant ainsi perdu toute raison d'être, emportera les humains dans sa disparition.

Si ses craintes sur les véritables conséquences de mes actes m'avaient agacés, ses propos suivant me mirent presque en colère -ce qui, chez moi, se traduisait par un froncement de sourcils et une voix plus grave. Je détestais le fatalisme, et j'étais fort déçu qu'elle y soit sujette. Je pensais qu'elle était de ceux qui se battaient jusqu'au bout, quel que soit l'ennemi, quelle que soit l'ampleur de la tâche.

- Une équivalence de bonheur et de malheur? Quelle théorie stupide. Non pas parce qu'elle est forcément fausse, mais parce qu'elle ne mène à rien. Que devrions-nous faire, alors? Tout laisser tomber? Se battre pour avoir le plaisir, ou se forcer à être malheureux pour qu'un autre l'aie? Et, au final, être convaincu que rien ne changera, que tous les efforts du monde ne pourront apporter ne fut-ce qu'un peu de bonheur en plus?

Je fis un mouvement de main, comme pour balayer cette idée

- Bien sûr, il y aura toujours des malheureux. Si la diversité des êtres humains est le piment de ce monde, il est aussi l'obstacle au bonheur universel. Mais ce n'est pas une raison pour tout laisser tomber. Un voyage vers un lieu impossible à atteindre put sembler absurde, mais c'est toujours mieux que pas de voyage du tout...

Mais, alors que je pensais que le débat était voué à l'impasse, l'espoir d'enfin la convaincre ressurgit. Elle avouait sa faiblesse. Son impuissance. Et, surtout... Ses doutes.

- La loi doit être la même pour tous, sous peine de n'être qu'un chaos déguisé, et une série d'injustices. Cela fait des siècles que des hommes haranguent les peuples à suivre le droit chemin, sans résultat. Car sans la base solide de la loi, et le ciment de l'autorité, jamais l'humanité ne peut être bâtisse unie. Il y aura toujours des êtres qui suivront leur égoïsme, et feront s'écrouler ce qui fut si difficile à construire en refusant de n'être qu'une brique, ou de rester là où est leur place.

Pousser les gens ne suffit pas. Il faut délimiter la route, et les empêcher d'aller autre part. Pour leur bien. Pour le bien commun.

J'avais la gorge sèche, à force de parler. J'avais bien choisi mon élément, au final... Ma principale arme était le son, si souvent associé à l'air. Pourtant... Quand je l'avais choisi, c'était parce que l'élément m'évoquait la liberté, que j'avais enfin reçue. J'ignorais alors que le vent n'était libre de rien. Qu'il ne faisait qu'aller d'un point de haute pression, à un de faible pression. Qu'il ne faisait qu'obéir aux règles établies par les puissances supérieures...

- Niue peut te donner un objectif. Une méthode concrète, pour des résultats concrets. Ainsi, la foi balayera les incertitudes. Mais la lassitude, c'est à toi de la combattre. Oui, il est lassant de se battre, encore et encore, pour un monde qui nous rejette. Et chaque Sentinelle passe par des moments de découragement, ou tout semble vain, ou l'envie de baisser les bras est plus grande que jamais. Mais, quand même nous rappeler la beauté de notre objectif ne suffit plus à nous relever, nos compagnons sont là pour nous soutenir.

Je plongeai mon regard dans le sien. Devais-je foncer maintenant, ou la laisser réfléchir? Quand il était question d'éliminer un virus -ici, sa foi corrompue-, il ne fallait pas stopper un traitement en cours. Le virus n'en ressortait que plus fort... Mais Anauelle était intelligente. Mieux valait la laisser méditer sur cela. Après tout, je ne pensais pas que la faire nous rejoindre sous la pression soit une bonne chose pour la suite. Mieux valait qu'elle soit entièrement, profondément, convaincue que notre cause était juste. Alors, j'attendis ses réponses.

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  • 2 months later...

Anauelle sourit légèrement, mais aussi un peu amèrement. Le rôdeur défendait tout simplement une utopie, et une utopie dangereuse, qui plus est. Elle ne comprenait toujours pas comment il en était arrivé là, mais du fait de sa position, régent, il n'en était que plus redoutable.

 

«Et tu comptes faire quoi, alors? Mettre tous les habitants sous ton joug en tant que régent? Et qui fera appliquer la loi à toi si tu la dépasse, vu que c'est toi qui la met en œuvre?

 

Tu te rends bien compte que je ne peux accepter cette solution et que je vais devoir surveiller ce que tu fais en

tant que régent.»

 

La guerrière soupira. Tout ceci en si peut de temps. Malgré tout, elle se rendit compte qu'elle ne pouvait pas laisser tomber Noeleroi. Elle devait l'empêcher de faire des bêtises, enfin, à son idée. Du coup, elle se rendit compte que, sans doute, elle le considérait encore comme son ami.

 

Et puis, elle avait aussi un argument qui, elle l'espérait, ferait réfléchir l'aéride.

 

«Tes amis tuent les gens. Moi même, je suis plusieurs fois passée à la nécropole de par leurs soins. Heureusement, la recycleuse est une amie. J'aime bien discuter avec elle le temps qu'elle reconstitue mon corps.»

 

En même temps, la guerrière se disait que cela devait changer cette étrange créature, quelqu'un d'amical. Elle avait été fort étonné, la première fois où Anauelle était morte et qu'elle lui avait proposé un câlin. Depuis, chaque fois qu'elle était obligée de se rendre dans ce lieu obscur, elle prenait toujours quelques minutes pour entretenir avec l'occupante des lieux, avant de songer à repartir.

 

La jeune femme soupira. Elle avait l'impression que c'était de plus en plus un dialogue de sourd. Elle même ne pouvait pas adhérer à la vision du rôdeur, tandis que lui restait camper sur ses positions, sur de ses convictions. Elle se doutait qu'elle ne le convaincrait pas. Elle n'était pas très bonne dans ce genre d'exercice et de plus, croyais au libre arbitre.

 

On pouvait changer quelqu'un, mais seulement si lui même voulait changer. Noeleroi avait voulu, elle ne le reconnaissait plus guère, mais s'il avait besoin d'elle, il pourrait compter sur son soutien. Elle n'avait plus vraiment d'arguments, de toute façon, il était temps de se quitter. Elle le prit brièvement dans ses bras pour le saluer et sortit de la taverne, pensive et un peu triste.

 

 

[Fin du RP]

Modifié (le) par Anauelle
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