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Terre des Éléments

L'Héritage Dilth


Akaresh
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Melrath Zorac, il y a deux lunes

 

Toute perception de son environnement a disparu. Lui pour qui chaque pas était une note composant sa glorieuse symphonie, lui pour qui chaque bouffée d'air était la promesse de voir ses plans les plus audacieux réussir, lui pour qui chaque incendie était le bûcher purifiant la terre de son engeance, il avait été défait. Par l'Alliance de l'Homme, tout d'abord. Jamais il n'aurait pu prévoir que tous s'uniraient, faisant fi de toutes ces mesquineries qui les rongent, cherchant dans des débats puérils la raison de ces disputes immémoriales... raison qui échappe à tous, désormais, plus de cause, seule la conséquence de s'entredéchirer à cause d'un passé qui s'évapore peu à peu, faute de mémoires et de témoins capables d'affronter les tempêtes du temps sans jamais faire naufrage.

 

Mais aussi par celui que le bras infirme n'aura pourtant pas fait faillir au moment de porter l'ultime coup, alors que sang et tripes jaillissaient des entrailles des morts s'effondrant aux côtés des combattants , tandis que les râles d'agonies devenaient l'ode de l'Homme à ses Dieux Éternels.  Là, dans l'enfer du combat, au milieu des chevaliers les plus puissants dont les armures autrefois étincelantes rougissaient à présent de l'hémoglobine tachant le métal, s'était tenu un nécromant à la chemise tannée dans la peau des légendaires dragonneaux noirs. Les mauvaises langues diront qu'il a attendu, patiemment, montrant là toute la stratégie dont ce maître tacticien avait été capable au cours de sa longue et remplie existence. Mais la Vérité, elle, se sublime face aux rumeurs, et ses apôtres savent que le manchot a, comme tous, prit pleine part à la violence de l'affrontement contre l'Architecte.

 

Puis, il y eu ce néant, ce sentiment de vide, en lui comme en-dehors. Cet instant où le temps et la vie cessèrent d'exister. Arasgÿl, son fidèle bras droit, remplirait-il la mission qui lui avait été confiée ? Saurait-il dresser devant l'avancée de leurs poursuivants les pièges et les énigmes du Temple, afin que l'Architecte puisse se relever d'entre les morts, domptant les créations élémentaires et confiant à Arasgÿl la tête des Légions Maudites, dans le but de conquérir les Terres des Éléments ? Tant de questions qui, subitement et simplement, tombèrent dans l'oubli.

 

[...]

 

Cité des Nuages (Capitale Dilth), des millénaires avant le Cataclysme

 

Les astres illuminant et réchauffant les Terres des Éléments, en ces heures incertaines, ne parvenaient à traverser le rideau de brume qui ceignait la Cité des Nuages. La ville avait été bâtie en grand secret par ceux qui étaient alors les plus grands scientifiques, les plus inventifs et les plus sages des Primaires : les Dilths. Nés de l'union de l'air et de l'eau, ils s'étaient rapidement élevés au-dessus des autres Primaires, recherchant à travers chaque étincelle de vie la perfection. Technologie, Sciences, Religion, Enchantements : à cette époque, la Cité des Nuages regorgeait trésors toujours plus fabuleux, qu'ils soient matériels ou spirituels, protégeant sa richesse  par son secret : ne pouvaient y accéder que les Dilths, après avoir vaincus les énigmes temporelles liées aux mouvements de marées, qui gardaient les accès de la Cité des Nuages.

 

Ainsi, entre eux, ils essayèrent durant des temps infinis le moyen d'atteindre la perfection, le stade de Dieux Vivants, cherchant à atteindre un rang que nul être vivant n'aurait jamais pu seulement imaginer effleurer. Et au cours de leurs expériences et de leurs manipulations, les Dilths, dont la sagesse était pourtant vantée aux quatre coins du monde, sombrèrent dans l'arrogance. Pour eux, ils devinrent la Race Suprême, celle dont le rôle était de diriger les autres, Primaires et Hybrides. D'étranges gravures retrouvées dans des ruines perdues témoignent aujourd'hui de cette époque : plutôt que d'utiliser la lumière dont ils bénéficiaient pour le confort de leurs frères, ils l'utilisèrent pour se sublimer, et, en chemin, ils se pervertirent, devenant peu à peu ce contre quoi ils s'étaient jurés de lutter : l'arrogance et la suffisance s'emparèrent de leurs âmes.

 

D'aucuns, fins analystes contemporains de cette race déchue, attribuèrent cette décadence à l'utilisation trop massive de l'une de leurs inventions : le Cristal Dilth. Situé au centre de la Cité des Nuages, dont les légendes prétendaient qu'elle était elle-même au centre des Cieux, le Cristal Dilth a toujours été une source de discussions plus fantastiques les unes que les autres. Si bien que la véritable utilité du Cristal s'est perdue, effacée par les rumeurs, marquant la victoire du Mensonge sur la Vérité, la première d'une longue série infinie.

 

Ainsi les Dilths passèrent les décennies, les siècles puis les millénaires, se drapant dans leur orgueil, se nourrissant de leur insolence, sûrs de leur supériorité. Tant de morgue attira alors l'Entité Sombre et Chaotique née de l'Unique, cet être aux pouvoirs de persuasion insoupçonnés qui est à l'origine de tous les Maux du monde : Niue. Oh, bien sûr, ce dernier se proclamait porteur de la vérité de l'Unique, croyant amener la lumière en débarrassant le monde de ce qu'il qualifiait d'hérésie de quatre. Mais quel crédit d'avenir peut-on donner à l'apôtre de la violence et de la destruction ? Son discours même n'était qu'incohérences, prétextant amener la vie et la liberté au moyen de la mort et de l'inquisition.

 

Mais les Dilths, malgré leur sagesse millénaire et tout le savoir qu'ils avaient amassé, ne virent pas le danger, aveuglés qu'ils étaient dans leur orgueil. Ils devinrent ainsi, par deux fois, de fidèles serviteurs de Niue, parmi les plus puissants. La première fois, ils se laissèrent convaincre pour former, avec les autres Primaires, les Gardiens de l'Épouvante qui marchèrent sur tout le monde connu. Lors de la seconde, ceux d'entre eux qui avaient survécu prirent part au siège de Sildi Han. Après ces deux périodes noires, ils n'étaient plus qu'une poignée, et décidèrent de se terrer dans la Cité des Nuages, redoutant maintenant le contact avec des races extérieures, atteignant l'ombre de leur prestigieuse civilisation.

 

Les malheurs continuèrent alors de s'abattre sur les Dilths, comme un marteau vengeur venu les punir de cette existence arrogante, venus leur rappeler qu'ils ne valaient pas mieux que les autres races, n'œuvrant finalement que pour leur seul intérêt, balayant ce que le monde avait de plus beau à offrir : la vie. Sans que quiconque ne puisse aujourd'hui encore expliquer ce phénomène, le Cristal Dilth éclata, se brisant en une multitude de fragments qui, par le vent et la pluie, pourtant père et mère des Dilths, se déposèrent partout sur la Terre des Éléments. La disparition soudaine du Cristal Dilth ajouta à son utilité une part de mystère, expliquant l'existence de nombre de légendes à ce sujet.

 

Toujours est-il qu'après ce cataclysme trop vite oublié ou remplacé dans l'esprit commun par un autre, la Cité des Nuages devint une ville fantôme, toujours protégée des yeux extérieurs par les secrets des marées, mais la vie à l'intérieur s'éteignait progressivement, et les rares Dilths qui avaient survécu aux multiples fléaux qui avaient frappé leur civilisation se préparaient à mourir. Mais ils avaient en eux l'envie de laisser à ce monde une trace bien vivante de leur passage. Alors ils réunirent leur conseil, et après de longues palabres qui durèrent des semaines, décidèrent  de créer un Dilth artificiel à l'aide de leur immense savoir, un Dilth qui serait pur de toute l'arrogance qui avait causé leur perte, qui ferait les bons choix et perdurerait l'héritage de sa race. Une dernière fois, les Fourneaux des Nuages crachèrent des volutes de fumée dans les cieux, tandis que les Cascades Enchantées déversaient une pluie argentée sur les Terres des Éléments.

 

Ils nommèrent leur création Ajessi Rushaëk, ce qui signifie en langue Dilth «L'Héritage ». Ils lui transmirent sous forme latente tout le savoir  dont ils disposaient, lui enseignant à travers l'alchimie l'art de déjouer la mort pour son propre compte. Ils le formèrent de manière à ce qu'il porte à tout jamais en lui, à travers ses mots et ses gestes, l'écho de sa race disparue. Puis, Ajessi Rushaëk fut descendu de la Cité des Nuages sur la Terre, et commença à évoluer au milieu des autres Races, tandis que les Dilths originaux, l'un après l'autre, s'abandonnèrent à la mort, rejoignant leurs frères et parents dans l'au-delà.

 

Ajessi Rushaëk se mêla à toutes les races, et, purifié  qu'il était de toute arrogance, ne fit qu'aider la vie à perdurer, partout où il passait. Il traversa bien des guerres où il s'évertua à cesser la folie de ce monde et fréquenta bien des hospices où il aida à soigner le fruit de cette folie. Tandis qu'il acquérait de l'expérience en ce monde, la connaissance et l'histoire des Dilths lui revenait. Ce qui n'était au départ qu'un songe devint une idée persistante. Il vit les Cascades Enchantées rugir l'écume argentée, il vit les Fourneaux des Nuages cracher le savoir Dilth aux étoiles, il vit s'ouvrir les portes du Palais d'Opale sur des montagnes de richesses. Mais il connut aussi la déchéance et la décadence de siens, il vit les étendards sombres déployés sur Sildi Han, et les machinations du Temple de Niue. Au cours de son existence sans fin, le dernier des Dilths commença à nourrir un sentiment de revanche.

 

Ainsi, un certain fanatisme s'installa en lui. Son constat était simple : la vie n'était là que pour amener la mort, partout où elle passait. C'était un virus, un poison qui finissait toujours par atteindre sa cible, que ce soit par la guerre ou la vieillesse. Tous les conflits qui jalonnaient l'existence de la vie en ce monde débutaient par une discorde qui n'avait lieu d'être. Il fallait que quelqu'un stoppe toute cette folie, et si l'aide et les mots s'étaient trouvés être un échec total, alors Ajessi Rushaëk serait celui qui mènerait la vie à son crépuscule par les manigances et la violence. Celui qui était l'Héritage sombra alors peu à peu dans la démence, devenant l'instigateur d'un plan complexe et minutieux visant à atteindre son but.

 

C'est ainsi qu'Ajessi Rushaëk, l'Héritage des Dilths, se trouva être l'échec contre lequel il avait essayé de lutter, cette erreur que ses concepteurs avaient tenté d'éviter en le purifiant de toute l'arrogance dont ils avaient fait preuve. Mais les Dilths, dans leur nature, sont différents des autres races, et malgré toute leur sagesse, ne s'étaient pas rendu compte qu'ils avaient transmis les clés de leur savoir et le destin du monde à celui qui mènerait toute existence à sa perte. Et lorsqu'il fut prêt, Ajessi Rushaí«k prit la route de la Caserne des Hommes, non loin de Melrath Zorac, les poches chargées d'or destiné à corrompre cette race stupide et futile. Il prévoyait d'ailleurs que les Hommes seraient les premiers à succomber...

 

 

Melrath Zorac, aujourd'hui

[...]

 

Soudain, la vie et le temps reviennent. Les questions se relèvent. Mais avec, en plus, ce nom, celui du Dilth appelé à devenir l'élu de sa race, celui qui amènerait le renouveau, avant de sombrer dans l'arrogance, le mépris et la haine. Ces lettres qui s'inscrivent dans les cieux, tels des astres longtemps oubliés mais qui aujourd'hui scintillent de mille feux, annonçant les temps prochains du Chaos le plus total.

 

Ajessi Rushaëk.

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