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Terre des Éléments

Les contes de la crypte


Guest Onirie
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Dehors, alors que la nuit tombe gentiment sur la ville et que les poivrots poivrottent, combattants combattent et les commerçants comptent leurs pièces d'or, le fossoyeur, lui, creuse. Il creuse chaque nuit, même si il n'a personne à enterrer. Il creuse aussi pour déplacer les corps de ses pensionnaires, histoire qu'ils ne s'enracinent pas trop. Ce fossoyeur a un nom, ça oui. Sauf qu'il ne s'en rappelle plus. Et pour cause, ça fait un bail qu'il est devenu sourd, et ses seuls amis sont fait d'os polis. Par habitude, tout le monde l'appelle Marcel, mais personne ne sait vraiment d'où ça vient, si il s'agit de son vrai nom.

Marcel, lui, se moque bien de savoir comment les autres le nomme. Avec sa pelle, il est le plus heureux des hommes. Et parfois, quand la nuit se charge d'une certaine magie, il se fait bavard. Le fossoyeur est peut-être fou, mais les morts sont tolérants.

Le fossoyeur inspire un grand coup, alors que dans ses yeux se reflètent les étoiles. Son sourire se fait lointain.

"- ça sent bizarre, oui. Les tombes frémissent d'impatience, ça je l'sais, tiens. Bientôt, la nuit des morts, tiens. ça m'rappelle une histoire ça." Le fossoyeur s'assied au bord de la tombe qu'il vient d'ouvrir, fixant le crâne de l'homme qui, d'un sourire, l'invite à poursuivre.

" - C'était y a, genre 15 ans, ouais. Deux bons gars, copains comme torto' qui trainaient dans les pattes de tous les bons travailleurs quand ils étaient mômes. Ah je m'en souviens bien, ils venaient jouer ici et se faire peur. Ils ont grandi les zozos, deux bons ptis qui courraient les tavernes, et qui se chamaillaient pour rien. Ils pouvaient compter l'un sur l'autre, ça, oui! Comme ils voulaient jamais s'quitter, ils ont postulé ensemble pour devenir garde et protéger la ville. Malheureusement, seul l'un d'eux, Bratney fut pris. Le second, Karnel avait été refusé, parce qu'il s'était présenté complètement saoul et avait vomi sur le supérieur. Pas d'bol gamin, il avait toujours moins tenu la bibine que son pote.

Bratney forcément voulu refuser, et proposa que l'année suivante, ils retentent ensemble. Mais Karnel lui dit que non, qu'il devait tenter sa chance. Alors, il le fit. C'est là que la graine de la discorde se mit à germer. La jalousie. Bien sûr c'est humain, hein. Mais pour certain.... C'est mortel."

Le fossoyeur s'étira, et but un peu de Melrathienne pour se désaltérer. Il en proposa à son auditoire, mais celui-ci ne sembla pas avoir soif. Qu'importe!

"- L'gamin, Bratney, commença donc l'entraînement. Nouveaux vêtements, nouvelle coupe de cheveux, nouvelle éducation. Rééducation. Plus d'alcool, plus de découchage... Ce fut dur mais il était tellement occupé. Ce fut dur pour Karnel, qui se retrouvait de plus en plus seul. Alors, pour passer le temps, il jouait. Et comme il buvait pas mal, il perdait beaucoup. Et d'vinez à qui il en voulait, hein?

Ils se voyaient quand même, mais c'tait plus comme avant, ils étaient un peu plus distant. Bratney ne pouvait pas cacher son enthousiasme à faire ce dont ils avaient toujours tout deux souhaité. Et Karnel, lui. Baaa, il ne voulait rien. Mais il eut très vite pas mal de dettes. Et comme il se sentait seul, sur un coup de tête, il partit. Ce furent des brigands qui le trouvèrent. J'sais pas trop comment tout ça se joua, mais il dû leur plaire, parce qu'il fut revu avec eux, après.

Pas d'bol les gamins, vous voilà bien mal partit. Parce que tout deux, ils avaient maintenant des objectifs totalement différents. Et vl'a qu'un soir, un peu comme ce soir, y a les brigands qui tentèrent une percée dans Melrath pour y piller l'armurerie. Karnel, faisait parti de la vague. Bratney, lui, était de garde. Et tu devines comment ça a tourné, hein?

Pi, ça a pas loupé. Ils se sont retrouvés nez à nez, les deux gamins. Pendant pfffiou 13 ans, ils avaient fait les 400 coups ensemble. Et là, ils étaient face à face, et armés. Et Bratney, naïf, qui essaie de le raisonner, lui demander ce qu'il pouvait bien fichtre là alors, que tous les deux, ils avaient voulu protéger la ville; et que par les Dieux comment il pouvait maintenant l'attaquer! Pour le pti Karnel, qu'eke part ce fut trop. Lui qui avait été laissé sur le côté, n'avait pas réussi à s'en sortir, qui était écrasé par les dettes... Alors que des gens l'avait accepté sans le juger... La graine de la jalousie avait poussé. Ses lianes enserrèrent alors son pauvre pti coeur affolé, l'étouffant dans un éclair de brutalité. Et il abattit son couteau.

Lorsqu'il reprit ses esprits alors que le poison des lianes s'amenuisait, il vit le couteau et le sang, il vit son bras éclaboussé, et le tapage contre sa tête. Et il vit celui qu'il avait frappé. Il vit le chagrin dans ses yeux, et son corps s'affaisser. Alors, il mourut le pti Bratney, et treize ans de la vie de son assassin mourut avec lui.

Alors, il lâcha son arme, et pi il se mit à crier. Ouais crier. Ça a alerté les autres gardes et les pillards se firent repousser.

Karnel s'enfuit. Et puis bon, ba, il marcha sur la queue d'un torto, qui de rage, l'englouti. Sacré appétit s'te bête-là, pas vrai?

Et c'est quoi le rapport avec la nuit des morts déjà?

Ah ouais, j'me souviens. Bratney, son âme, elle est rev'nue. On m'a raconté qu'on l'a vu attendre près des ruines, que quelqu'un vienne pourfendre ces saloperies, et que le corps de son vieil ami soit découvert, et enterré comme il faut. Etre garde, ça doit ramollir sévère, parce qu'il lui en voulait même pas de l'avoir tué. En fait il s'en voulait à lui, l'pauvre corniaud.

Pi un jour on l'a effectivement récupéré, le cadavre digéré. Il était pas beau à voir. Alors pour leur faire plaisir, ba je les aient enterré côte à côte, les gamins. C'tait triste tout ça."

Il s'étire, et se prépare à rentrer chez lui.

"- Les morts qui reviennent, sp'a rare, ça. Surtout... Cette nuit-là. Pourquoi celle-là? Baaa, s't-une autre histoire ça, hein. "

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L'après-midi s'annonçait lumineuse, et bien que personne n'eut besoin de ses services, le fossoyeur était à la tâche. Avec application, il aérait la terre, l'en épurait de ses habitants histoire de limiter la détérioration de ceux qui vivaient sous terre. Ces derniers temps, il n'arrivait plus à dormir, ni à passer du temps hors de son cimetière. Il se sentait envahi d'une étrange énergie qui ne lui appartenait pas. Pt-être bien qu'un d'en dessous aller essayer de le posséder? Cette idée le rempli d'un certain amusement. Un oiseau vint se poser à proximité, jetant un regard intéressé vers la faune qui se tortillait en contrebas. C'était l'auditoire que le fossoyeur attendait.

"- Alors pti gars, on cherche de quoi grignoter? Mes vers sont de première qualité, fraîchement nourris par la meilleure viande qui soit, ah ah! Enfin tu sais ce qu'on dit, hein. Et peut-être que ceux du dessous te seront reconnaissant pour la chasse, et qu'il te remercieront bientôt... Bientôt, tiens."

Il huma l'air comme si il y cherchait des réponses derrière l'odeur de l'humus.

"- Y'en a qui parle de Halloween. Savent plus quoi inventer. Le jour des morts, c'est le jour des morts pardi! Moi je vais te raconter d'où que ça vient, cette histoire d'Halloween. "

Il renifla bruyamment.

"- C'était comme dans toutes les histoires, il y a bien longtemps. Y avait toute une bande de gamins, une huitaine d'année. Y'avait Al, Octrave, Waren et Ingrid. Tu vois le genre, tiens! De vrais ptis monstres moi je te dis. Ils couraient partout, et criaient pas mal aussi. Ils aimaient par dessus tout faire des farces. De grands comiques. Mettre des insectes dans la farine ou dans les lits, renverser les vieilles dames, mettre du poil à gratter dans les armures des gardes... Leur plus gros coup, c'était pour le jour des morts justement. A l'époque, tout le monde y croyait dur comme fer, tiens. Pas comme maintenant... On mettait de la nourriture pour éviter la colère de ceux qui pourraient revenir, et on prenait le moindre signe non pas pour message du divin, mais des trépassés. Le bon temps, tiens! Les gosses, eux, décidèrent de profiter au maximum de la situation. Ils se recouvrirent le corps de terre, de boue et de vieux chiffons, se griffèrent légèrement le visage et mirent leurs cheveux en bataille. Ils voulaient se faire passer pour des morts! Lorsque la nuit tomba, ils se mirent à errer en faisant des bruits bizarres, griffant les portes avec des fourchettes et faisant cliqueter des chaines. Ils en effrayèrent quelques-uns, mais la plupart ne se prirent pas au jeu, les gourmandant pour leur mépris de leurs ancêtres. On les menaça aussi d'une malédiction, de damnation éternelle et surtout d'être privé de dessert.

Ça, ça leur a pas plu du tout aux ptis loustics. Alors ils ont volé la nourriture des morts, et s'en sont goinfrés à ne plus pouvoir bouger. Quitte à être privé de dessert, autant en avoir profité à fond, hein? Pi, dans leurs habits de mort, ils se sont racontés des histoires effrayantes, en écoutant le bruit du monde autour d'eux. Peu à peu ils n'entendirent plus rien. Dans le silence qu'ils trouvaient sécurisant, ils se sont endormis....

Quand ils sont rev'nus au village, ils furent punis, bien sûr, mais ça ne sembla pas les perturber. En fait, la nuit qu'ils avaient passé avait certainement dû sacrément les traumatiser parce qu'ils étaient devenus très calme. Ils ne parlaient plus que par gestes, se retrouvaient tous les quatre pour aller se balader. Les familles se félicitaient, tiens! Elles pensaient qu'ils étaient rentrés dans le droit chemin, les ptios. Qu'ils arrêteraient de rentrer le soir escortés par deux gardes furieux. Si ils se doutaient! Ce qu'on peut dire d'eux c'est qu'ils étaient devenus froid, très froid. Et très distant aussi. Si bien que, au bout de quelque temps, on se mit à murmurer comme quoi ils auraient pu effectivement être maudit. Une année passa, la méfiance faisant son office. Lorsque le jour des morts revint à nouveau tous les fuyaient comme une maladie purulente. Cela ne semblait pas les atteindre; ils partageaient un secret qui les maintenaient ensemble. Le soir, ils sortirent, sans un mot. Ils retournèrent se coucher au même endroit, et, très vite, s'endormirent....

Pour ne jamais se réveiller. "

L'oiseau déploya ses ailes en lançant un petit cri.

"- Si mon gars, je t'assure! Le matin, les bucherons les ont découvert aux pieds des arbres, dormant tous les quatre blottis les uns contre les autres. Ils étaient pâles comme la mort, et c'est sûrement la mort qui les avaient pris. En fait, elle les avaient pris depuis un an. Alors qu'ils s'étaient endormis là, les morts outragés ont arraché les âmes de ces gamins de leur corps, comme ça, d'un coup! Et ils ont pris leur place, tiens! Dans les réceptacles de corps de ces gamins, les morts ont marché parmi les vivants! ça fait froid dans le dos, hein! S'pour ça qu'ils étaient plus du tout causant, et qu'il y avait comme un malaise. Les gens, ils ont senti que ça n'allait pas...

Du coup, quand ils ont ramenés les corps, les villageois ont compris. Ils les ont brûlés, tiens, ainsi que toutes leurs affaires. Et pour que ça ne soit jamais oublié, ils ont donné un nom à la malédiction de ces gosses, en se basant sur leurs noms. Al, Octova, Waren et Ingrid... AL-O-W-IN. Avec le temps, l'écriture a bougé, mais pas son sens... C'est de ces quatre gamins que ça vient, moi j'te le dit... "

L'oiseau sembla en avoir assez entendu. Il fondit sur un bon gros vers, puis s'envola sans un au revoir. Le fossoyeur ne s'en offusqua pas, le regardant partir en direction du soleil jusqu'à être trop ébloui.

"- Hummm. Cette année, j'crois que les morts vont s'rappeler à nous plus tôt que d'habitude, oui."

Et il plongea sa vieille pelle dans la terre, à la recherche d'un trésor que lui seul, sûrement saurait voir.

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Le fossoyeur, ce soir, ne respirait que difficilement. Il trouvait que l'air avait épaissi. Pour sûr, il se passait du louche. Ce n'était pourtant pas le jour des morts... Pourtant y avait un mort qui nous faisait son ramdam. Ce soir il n'avait pas envie de raconter d'histoire. Même si il y aurait sûrement pas mal de gens qui pourraient l'écouter. Il avait plutôt envie qu'on lui en raconte une, pour une fois. Oui, il en était sûr, quelqu'un avait quelque chose à dire, et c'est pour ça que tout vibrait bizarrement ce soir. Il s'assit sur le sol, buvant un peu de Melrathienne. Il était mécontent car il savait où aller pour entendre son histoire, mais il avait encore trop de travail pour y aller maintenant. C'était beaucoup trop tôt, peut être plus tard? Il se demanda qui comprendrait les signes comme lui, et où trouver des information sur la mort?

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  • 2 weeks later...

Le jour des morts avait fini par arriver. Ce soir là, il avait quitté ses tombes pour aller observer les grands autels disparaitre à la faveur de la lune. Il avait aussi aperçu des tombes, flottantes quelques instants. Comme un flash, elles lui en avaient appris plus qu'il n'aurait cru. Alors il a pris sa pelle, et est parti voir ce qui se passait, là où les autres vivants évoluaient. Et ce qu'il avait appris, pour sûr que c'était une sacrée histoire! Une recycleuse à l'abandon, un nécromant mécontent et vengeur, un homme brisé d'âme et de corps... Ainsi donc, ils avaient récupéré des parcelles d'âme pour les déposer dans un autel... Avant que celui-ci disparaisse, il perçu un chatoiement. Il se plu à imaginer que les aventuriers de ces terres avaient réussi à rassembler suffisamment de parties d'âme pour que la personne qui en existait puisse se reconstituer et partir.

C'est alors qu'il se rappela les tombes. Dès qu'il pu, il alerta la population locale. Six morceaux de corps, hein... Il avait vu une quarantaine de tombes... Oui, il devait y avoir une cohérence. 6 tombes pour chaque partie de corps. Il devait y avoir un ordre aussi, sinon ce n'était pas nécessaire d'en mettre autant... Il prévint la populace, et les laissa s'activer. Ses vieux os n'étaient plus apte à le porter partout, tiens.

Il s'appuya sur sa pelle, pendant que le temps tournait, et les gens s'échinaient alentour. Des drôles de personnes, ça tiens. Après une interminable soirée, il fit le compte. Ils avaient finalement été efficace, les ptis, dis-donc! Il récupéra tous les morceaux, et les entassa dans un sac de toile. Il eut du mal, mais il le traina jusqu'à son cimetière.

Là, il ouvrit une nouvelle tombe, toute fraiche, et y déposa les morceaux de corps à l'emplacement qu'ils auraient dû avoir depuis le début. Ceci fait, il contempla le mort, lui souhaitant bonne continuation dans l'au-delà.

Il reboucha le trou, puis, pour une fois rentra chez lui. Dans sa tête, il voyait les retrouvailles émues des deux âmes en peine, et leur gratitude.

Dès ce soir, il aura une nouvelle histoire à raconter...

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