9 ans: Origines
- Mysticia, je vais au village d'à côté, acheter quelques affaires. Comme d'habitude, tu ne sors pas de la maison d'accord???
Mysticia et sa mère vivaient seules au fond d'une forêt depuis qu'elle était toute petite.
Elles se nourrissaient des légumes que leur jardin leur fournissait, de baies trouvées dans la forêt, et de petits gibiers capturés par des pièges qu'elles fabriquaient.
La forêt leur fournissait presque tout ce qui était nécessaire à un confort relatif.
Mais de temps en temps, une à deux fois par an, Altea devait aller au village acheter quelques vêtements, ou quelques outils qu'elle ne pouvait fabriquer elle-même. Elle était herboriste et emportaient alors ses récoltes et les onguents qu'elle fabriquait pour les vendre et gagner l'argent nécessaire à ses achats.
Aussi loin que Mysticia se souvienne, sa mère Altea ne l'avait jamais emmenée au village. Bien sur, elle savait que celle-ci l'y avait emmenée lorsqu'elle était petite, mais elle ne s'en souvenait pas ou très peu. Dès qu'elle avait eu 5 ans, sa mère ne l'avait plus emmenée. A chaque fois, elle devait rester cloitrée dans la maison, et ne pas en sortir, en attendant son retour.
Lorsqu'elle avait demandé pourquoi à sa mère, celle-ci avait répondu:
- Le monde est plein de danger Mysticia... Je ne veux pas t'y exposer.
- Quels dangers?
- Des personnes qui te veulent du mal. Tu es différente des autres, ma chérie. Et tout le monde n'accepte pas cette différence.
Elle souleva les cheveux de Mysticia et toucha ses oreilles, légèrement pointues, manifestement pas tout à fait humaines.
- Tu comprendras quand tu seras plus grande ma chérie. Je t'expliquerais. En attendant, je veux que tu me promettes de ne plus me poser de questions là dessus...
- D'accord, je te le promets.
Ce jour là était un de ses jours où Altea allait au village le plus proche, nommé Tristea. Et ce jour là, Mysticia n'avait pas envie de rester à la maison.
- S'il te plait maman, laisse moi venir avec toi!
- Non Mysticia, c'est trop dangereux pour toi.
- Allez, s'il te plait! Je veux voir à quoi ressemble Tristea! J'ai lu plein de choses sur le monde extérieur, mais je veux les voir par moi même... Tu dis que le monde est plein de dangers, mais comment veux tu que je les reconnaisse si je ne connais même pas le monde extérieur!
Sa mère hésita, puis devant l'insistance de sa fille, abdiqua.
- Très bien, tu as gagné. Mais tu devrais faire tout ce que je te dirais! Et tu porteras cette cape.
- D'accord maman! Merci merci merci!
Mysticia enfila la cape, puis elle et sa mère se mirent en route vers Tristea.
Près du village, Altea demanda à sa fille de mettre sa capuche, ce qu'elle fit. Puis elles entrèrent dans le village.
Mysticia observait tout avec de grands yeux, toute excitée. Il y avait tellement de gens, tous différents, certains habillés misérablement, d'autres richement. Certaines maisons lui paraissaient tellement grandes comparées à la leur. Et beaucoup de choses lui étaient inconnues. Elles les montraient alors à sa mère, qui les lui nommaient.
- Et ça c'est quoi?
- Une fontaine.
- Et ça c'est un cheval? je n'en ai vu que dans les livres. Et ça?
- Une statue. Tu veux bien être un peu plus discrète s'il te plait? On commence un peu trop à nous regarder.
Il y avait tellement de choses à voir qu'elle ne savait plus où regarder
- Alors c'est ça une ville...
- Non ça c'est juste un village... Une ville c'est beaucoup plus grand.
Altea se rendit alors chez un herboriste, pour lui vendre ses herbes et ses onguents. Eles se rendirent ensuite dans une boutique pour acheter quelques vêtements. Pour la première fois, Mysticia pouvait choisir ce qu'elle porterait. Il y avait tellement de choix, Mysticia n'en revenait pas. Elle finit par faire son choix et elles ressortirent de la boutique.
Puis elles retournèrent sur la place du village.
- On va aller acheter une bêche et une pelle. Les nôtres sont trop usées.
- Je peux t'attendre ici, maman? Je voudrais observer les gens.
Altea hésita puis accepta
- Très bien, mais tu ne bouges pas d'ici, c'est compris? Et tu ne parles pas aux étrangers!
- ok c'est compris!
Pendant qu'Altea se rendait à la boutique, Mysticia s'installa sur la fontaine, et observa les gens aux alentours. Un groupe d'enfants jouaient non loin de là, ils avaient l'air de bien s'amuser et Mysticia les regarda avec envie, ce demandant ce que ça faisait d'avoir des amis.
L'un d'entre eux se rendit compte de sa présence et le groupe d'approcha d'elle avec curiosité.
- Salut! Tu t'appelles comment?
- Tu viens d'où?
- Pourquoi tu portes une capuche, t'as pas chaud?
- Elle est jolie vous trouvez pas?
- Tu viens jouer avec nous?
Devant cette avalanche de questions, Mysticia ne savait quoi répondre, intimidée. L'un des enfants la prit par la main, et l'emmena à l'endroit où ils jouaient.
- On joue aux billes, tu veux jouer? Tu connais?
Mysticia hocha la tête négativement, l'enfant lui expliqua alors les règles, et ils se mirent à jouer. Mysticia oublia les recommandations de sa mère, et se plongea dans le jeu, appréciant la compagnie des autres enfants. Puis ayant un peu chaud, les enfants se dirigèrent vers la fontaine et commencèrent à s'arroser. Mysticia finit par enlever sa cape, et à se joindre à eux, riant aux éclats. Un coup de vent fit alors voler ses cheveux.
- hey regardez ses oreilles! Elle a les oreilles pointues!
- Comment ça se fait?
- Elle n'est pas comme nous!
- Mes parents m'ont parlé de gens avec des oreilles pointues! C'est une elfe! Et les elfes ils sont méchants!
Mysticia ne comprenait pas le changement d'attitude des enfants, cette hostilité qu'elle ressentait tout d'un coup de leur part, et se couvrit les oreilles avec ses cheveux, comme si cela pouvait changer les choses. Il n'y avait pas que les enfants, les grandes personnes qui avaient tout entendu commençaient à la regarder avec suspicion, et à dire aux enfants de s'éloigner d'elle.
- Non je ne suis pas méchante, c'est pas vrai! pourquoi vous dites ça? et c'est quoi un elfe?
Arrêtez de me regarder comme ça, j'ai rien fait de mal! en commençant à pleurer
Altea revint sur ses entrefaites, et accourut auprès de sa fille
- Que s'est-il passé?
- Je ne... sais pas... ils ont vu mes oreilles... et ils ont dit que j'étais une méchante... tout en reniflant.
Les gens les regardaient tous, chuchotant entre eux et la montrant du doigt. Certains avaient l'air effrayé, d'autres méfiants, d'autres carrément hostiles.
Altea prit sa fille par la main, et l'entraina derrière elle, pressant le pas.
- Ouais c'est ça, partez!
- On ne veut pas de vous ici!
- Allez vous en!
- Partez loin d'ici!
Les gens commençaient à les insulter, et une ou deux tomates vola en leur direction.
Altea, tenant toujours sa fille par la main, sortit rapidement du village. Elles se dirigèrent à grand pas vers la maison dans la forêt, faisant le début du trajet en silence. Mysticia pleurait doucement, jetant de temps en temps des regards discrets vers sa mère.
Altea finit par s'arrêter brusquement, puis prit sa fille dans ses bras, qui se mit à pleurer de plus belle.
- Pardon, maman, je suis désolée. Je ne t'ai pas écouté, pardon, pardon, c'est ma faute!
- Non ce n'est pas ta faute. Je n'aurais pas du t'emmener, j'aurais du t'expliquer plus clairement les choses, j'aurais du... pardon, tu as du avoir peur.
- Pourquoi maman? pourquoi ils ont fait ça? j'ai fait quelque chose de mal? Ils ont dit que j'était une elfe, et que j'étais méchante. C'est vrai? c'est quoi une elfe?
Altea s'installa sur une souche et prit sa fille sur ses genoux.
- Un elfe c'est un peuple qui vit souvent dans les forêts. Ils ne sont pas humains, c'est une autre race. Ils ont les oreilles pointues, un peu plus que les tiennes.
- Et alors? les animaux aussi ne sont pas des humains, et beaucoup sont mes amis! Et moi je suis une elfe?
- Ton père est un elfe, tu es donc à moitié elfe. Je pense que tu tiens d'eux ton don avec les animaux. Oui on peut être ami avec les elfes, bien sur! La preuve, tu es là. Mais c'est un peu plus compliqué que ça.
- Pourquoi? Ils ont dit que j'étais méchante! C'est pas vrai hein maman dis?
- Non bien sur, tu n'es pas méchante! Avant, des elfes vivaient dans cette forêt. Les humains et les elfes vivaient à peu près en paix. Mais peu à peu, les humains ont commencé à envahir la forêt, à couper un peu trop d' arbres, pour leurs besoins et pour le commerce. Ils chassaient les animaux pour le plaisir, et non pour survivre. Il y a quelques années, un peu avant que tu naisses, les elfes n'ont plus supporté cette situation. Pour eux, la forêt est sacrée, et ils se sentent supérieurs aux humains. Ils ont commencé d'abord à capturer et agresser les humains qu'ils croisaient sur leurs terres, puis voyant que cela ne changeait rien, à les tuer. Une guerre a éclaté entre les elfes de la cette forêt, et les humains des villages alentours, notamment Tristea. Il y a eu beaucoup de morts. C'est pour ça que les humains d'ici n'aiment pas les elfes. Certaines rancunes sont tenaces.
- Et qui a gagné?
- Personne. Il y eut finalement un traité de paix signé entre les deux peuples. Les humains se sont engagés à ne chasser que pour leurs besoins, et non pour le plaisir, et les elfes se sont enfoncés plus profondément dans la forêt.
- Et mon père, c'était qui? Pourquoi il n'est pas avec nous?
- C'était le fils du chef des elfes. Je l'ai rencontré alors que je me promenais en forêt. Les elfes m'avaient capturée. Et nous sommes tombés amoureux. C'est grâce à lui que la guerre a finalement pris fin. Il a convaincu son père que tous les humains n'étaient pas mauvais, et que les elfes avaient également des torts. Quand je suis tombée enceinte de toi, certains elfes qui ne faisaient que tolérer ma présence se sont insurgés. Ils ont déclarés qu'un enfant mi-humain, mi-elfe était contre nature. Ton père a tenté de les faire changer d'avis, mais ils étaient trop nombreux. Un jour, un peu après ta naissance, alors que l'on se promenait tous les deux, un groupe d'elfes a tenté de nous tuer, toi et moi. Ton père m'a crié de fuir loin, qu'ils allaient les retenir. J'ai couru, couru, avec toi dans mes bras, j'ai atterri dans un village. Mais là en voyant tes oreilles, on m'a chassé. Et j'ai fini par me retrouver dans la forêt, où j'ai découvert notre maison et je m'y suis installée. Je n'ai jamais revu ton père. Voilà tu sais tout.
- D'accord... merci de m'avoir dit tout ça maman... Comment il s'appelle mon père? Tu crois qu'il est encore en vie?
- Oui j'en suis sûre... C'est un homme fort. Il s'appelle Rowyn. Viens, maintenant on rentre.
- Je suis désolée... Tu ne vas plus pouvoir aller à Tristael...
- Ce n'est pas grave, j'irais ailleurs.
Altea et sa fille se remirent en route, main dans la main, et rentrèrent chez elles