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Terre des Éléments

Un Valentin pas très sain(t)


Keril Cahendirr
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Sa maison était belle, comme recouverte d'un film qui la protégeait du temps. Il appréciait chaque jour qu'il y passait, la façon dont l'air y vibrait, dont les cris des animaux qu'il tuait résonnaient encore, échos alors qu'il n'y avait que souvenirs.

Il adorait par dessus tout chaque journée, pour toutes les nouveautés qu'elle apportait. Sauf une. Et celle-ci était revenue, comme les mauvaises herbes dans un jardin bien entretenu, ou la putréfaction sur un corps laissé à l'abandon. Il se demandait ce que les gens pouvaient bien lui trouver, à ce jour. Il n'aurait pourtant rien dû avoir de particulier, sinon les promotions des sœurs logeuses sur les chambres doubles.

Ça aurait pu être le plus beau des jours en fait. Le jour de sa fête. La saint Valentin. Et pourtant, personne ne pensait jamais à le lui souhaiter. Cette absence de discernement de la part de la populace, bien qu'elle ne soit en rien surprenante, l'exaspérait tout de même. C'était lui, et pas n'importe qui d'autre!

Le Sapza Valentin tournait en rond dans sa cellule, alors que les dernières heures du jour disparaissaient sur la promesse d'une mauvaise journée future. Cette fois-ci , plus que les précédentes, il fulminait. Penser à tout ce bonheur, cette timidité et ces cœurs en pâmoison lui retournait les tripes. Il ne comprenait pas cet engouement, et avait pitié de ces êtres qui avaient besoin qu'on leur donne un jour précis pour montrer leur affection à une autre personne. Pensaient-ils que cela les amenderaient pour le reste de l'année?

Et en plus, c'était son jour, lui, qui, depuis toujours était seul.

C'était épidermiquement inadmissible. La nuit était maintenant là, à lui. Il ouvrit un grimoire, puis un second. Il en ouvrit tant que l'air fut saturé de poussière.

Mais il ne trouva rien. Et pour cause il ne savait pas quoi faire.

Supprimer tout sentiment d'amour, promouvoir la haine? Non, la populace serait capable de s'en prendre à lui. Ils pourraient bien sûr tous les anéantir et ne garder que leurs esprits à son service. Mais ils seraient trop empotés pour extraire du sol de quoi l'alimenter, et lui-même ne se voyait pas cueillir sa propre nourriture. Ou élever des bêtes.... Il frissonna.

La nuit avançait lorsqu'il eu une idée. Valentin se demanda comment il avait fait pour ne pas y penser plus tôt. Pour que ce jour redevienne son jour à lui, et rien qu'à lui, il lui suffisait de briser tous les couples.

Et pour ça rien de plus facile!

Beaucoup de sang, de la douleur pour lier le sort. Et le sortilège, bien sûr, lui-même à écrire. Quel meilleur moyen que de détruire, en apportant la connaissance! Dans un esprit stupide, elle aura des effets dévastateur. Il suffisait d'ouvrir chaque être à la compréhension de l'autre, qu'il connaisse ses pensées les plus viles, ses attentes les plus innommables. La laideur qui est autour de son cœur, et qu'il cache le plus souvent sous un masque d'affabilité, derrière son visage. L'humain était laid. Chacun à sa manière, repoussant d'égoïsme et de mépris de l'autre.

Comment réagirait celui qui apprendrait qu'elle n'est là que parce qu'il est pratique pour la défendre, et qu'elle attend de trouver mieux?

Comment réagirait elle, si il n'était là que pour son or, et la légitimité qu'elle lui conférait pour pouvoir détruire plus facilement des ennemis à lui?

Et tant d'autres choses qu'il n'imaginait même pas.

Grisé, il griffonnait. Satisfait de son labeur, il traça avec la cire d'une bougie un grand coeur sur le sol, inversé. A la pointe, il y dessina le symbole de la fin, et au sommet celui de la duplicité. Il parcella l'intérieur du dessin avec de nombreux signes, jusqu'à ce qu'il n'y ai presque plus de cire.

Sur le sol, il tua un oiseau blanc et pur, pour récolter son sang tachant les plumes. Puis il en induisit une rose à la profonde noirceur et aux épines mortelles. Il continua encore de nombreuses minutes, laborieusement. Puis lorsque tout fut prêt, il murmura, s'ouvrant la paume.

En ce jour où rien n'est sain, que personne ne soit serein.

La connaissance est un fléau qui mènera ces êtres aux chaos.

Qu'ils se consument en découvrant ce que l'autre cache à tout moment.

Qu'ils se dévoilent et se mêlent....

Il ponctua ses termes par des mots de puissances inintelligibles, tremblant furieusement.

Lorsque la tension se relâcha, son corps s'affaissa. Il avait passé l'âge de jouer à cela.

Satisfait, il banda sa plaie et sorti de chez lui pour observer l'aube sur les besogneux, et l'effet de son méfait.

Approchant des premières maisons, il entendit avec joie un cri d'homme. Quelle pensée sournoise sa femme venait donc t-elle d'avoir?

Il fut étonné quand il vit l'homme courir sur la place, habillé en femme.

Il eut un mauvais pressentiment quand un autre arriva, attifé de la même manière incongrue.

Lorsqu'une femme se montra du doigt en hurlant qu'elle était un homme, il se cacha dans l'ombre d'une maison, avant de regagner à toute vitesse sa demeure.

Là, il observa le cercle, sa formule, et pâlit. Il avait compris son erreur. Si peu de chose. Au lieu de rendre limpide l'esprit de l'autre, il l'avait transféré dans l'autre sexe.

« Oups », murmura t-il, sans un soupçon de regret dans la voix.

Valentin eut un léger sourire en imaginant les troubles que cela allait causer à ces simples d'esprit. Vaguement, il se demanda jusqu'où son sort avait eu de l'effet, et combien de jours cela prendrait pour s'atténuer.

Depuis sa fenêtre, il contempla son œuvre, étonnamment satisfait.

« Joyeuse saint Valentin », souhaita t-il, sans que l'on puisse savoir si c'était à lui-même, ou à tous les malheureux qui avaient été transformés.

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Avec une pointe d'amertume, il regarda sa demeure rongée par les flammes.

La matinée avait pourtant été bonne, Valentin avait observé la souffrance des uns, la surprise des autres, et parfois, la curiosité par rapport à leur nouveau corps. Étrangement, d'aucun ne paraissaient heureux. Pourtant ils auraient pu y trouver nombre d'avantages....

Qu'importe, cela les concernaient eux. Mais, à l'approche du soleil au zénith, tout avait basculer. Un gamin, maudit soit-il l'avait montré du doigt, en disant de sa voix fluette qu'il était étrange que le monsieur bizarre soit toujours un monsieur.

Bizarre, lui. Franchement.

Néanmoins, cela avait éveillé la curiosité de la bovine populace. Il avait presque vu les connexions se faire entre leurs neurones, teintant leur regard habituellement vide d'une étrange lueur de compréhension.

A ce moment là, il y eut un concert de cris douloureux à ses oreilles, des doigts pointés en nombre dans sa direction, et, comble du ridicule, des batons et épées dressées contre lui.

Valentin dressa un sourcil circonspect, se demandant si la foule comptait vraiment s'en prendre à lui avec de tels objets. Comme si sa mort supprimerait le sortilège.... Enfin peut être tenaient ils à rester ainsi jusqu'à la fin de leurs jours....

Le nécromancien, persuadé qu'il ne parviendrait pas à raisonner cette populace, s'en retourna chez lui, poussant l'air de rien son cheval à se dépêcher. A l'abri, il pensait l'être.

A tort. Les protections qu'il avait installé tinrent toute l'après-midi. Mais la populace transcendée par une sorte de fureur non contenu parvint à détruire la porte, puis tout ce qu'elle trouva, mobiliers comme serviteurs.

Pauvres êtres.

A l'abri sous la terre, le nécromancien était contrarié. Il avait amassé là de nombreuses pièces inestimables, grimoires anciens uniques qu'il ne pourrait pas tous emporter avec lui. L'hypothèse de les anéantir tous n'était pas envisageable. Sa performance nocturne l'avait vidé d'une bonne partie de son énergie, et il ne saurait pas invoquer une quelconque horreur pour les dévorer sans prendre le risque de se mettre lui-même à la merci de la créature.

Valentin soupira. Il n'avait pas le choix, il devait, une fois encore, changer de région, s'exiler. Où arriverait-il cette fois? Il l'ignorait. Les ossements le lui indiqueraient sûrement, lorsqu'il prendrait le temps de les consulter.

Alors qu'il se constituait un sac d'indispensables, une idée lui vint. Il apposa un sceau imbibé de magie sur la porte de sa cellule. Le sort contamina tous les murs de la demeure. Satisfait, il quitta sa cellule par une ouverture dissimulée. Au bout du long tunnel qui l'avait éloigné du village, une autre trappe dont il déverrouilla la malédiction qui la maintenait close.

Le Sapza inspira l'air chargé de souffre. Au loin, il voyait les flammes danser dans ce début de nuit. Cela avait quelque chose de magnifique. Il souriait, en entendant les cris des idiots qui avaient cru pouvoir détruire son cabinet sans risque.

Il imaginait sans peine le sceau s'activant, libérant de chaque mur une marée de flammes gourmandes, calcinant la chair des êtres piégés à l'intérieur de sa demeure. Aucun de ceux présents là dedans ne s'en sortiraient. Valentin n'avait jamais apprécié qu'on le contrarie à ce point.

Posant son sac, il s'installa pour écouter le chant des flammes et des hommes mêlés. Ils étaient trop occupés pour le poursuivre encore....

Sa déception pour ses pertes matérielles se mua bien vite en entrain face aux nouveaux territoires à découvrir.

La populace, ici, finirait par oublier son visage, croyant à sa mort à l'intérieur des flammes... Le monde était à lui.

Mais Valentin avait omis une chose: la population locale était persuadée que son sort cesserait au moins quand le lanceur périrait. Or, malgré les flammes hautes, la magie était toujours à l'oeuvre, et lorsque, le lendemain, elle se dissipa, ils n'étaient pas plus rassurés.

Des oiseaux furent envoyés aux contrées les plus proches, qui transmirent un message à leurs voisines et ainsi de suite.

Jusqu'à Melrath Zorac. L'un des gardes fut chargé d'afficher un message, visible à tous.

"Si vous voyez ce nécromancien prévenez la garde. Surtout ne l'approchez pas seul."

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